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ment des formalités religieuses et à l'accomplisement des vœux faits à la Divinité 1.

Cicéron n'était qu'un païen, mais il se plaignait douloureusement de ce que quelques citoyens pervers avaient profané et renversé la Religion et élevé un autel à la licence. Et comme s'il eût voulu décrire littéralement ce qui tant de siècles plus tard se passerait parmi nous, il ajoute : « Nous les avons vus ces » hommes, consumés de passions, d'effroi, de remords, tantôt » tremblans et irrésolus, et tantôt foulant aux pieds la Religion... » Mais, parmi eux, les uns languissent dispersés et fugitifs; les >> autres, chefs et promoteurs de ces attentats, les plus impies de » tous envers tout ce qui est saint, après avoir passé leur vie dans les tourmens et l'opprobre, ont été privés de funérailles >> et de tombeau....' Ils avaient enfreint tous les jugemens; ils >> avaient corrompu ceux des hommes; mais ceux de Dieu.... je » m'arrête ; je ne les poursuivrai pas plus loin. Il me suffit d'é>tablir que la peine divine est double, puisqu'elle se compose » et des tourmens de l'âme des méchans pendant leur vie et du » sort qui leur est annoncé après la mort: Juste punition, faite » pour instruire et consoler ceux qui survivent 3.

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1 Ibid. 11, 9, 12, 16.

Voyez dans le plaidoyer du Cicéron pour Milon, numéros 31 et 32, ce qui arriva à Clodius, l'un de ces impies.

3 Omnia tunc perditorum civium scelere, religionum jura polluta sunt... exædificatum templum Licentiæ.... vidimus eos.... ardentes quum cupiditate, tum metu, tum conscientiâ; quid agerent, modo timentes, vicissim contemnentes religionem..... quorum scelere religiosæ res tum prostratæ afflictæque sunt, partim ex illis distracti ac dissipati jacent : qui verò ex iis et horum scelerum principes fuerunt, et præter cæteros in omni religione impii, non solùm vitâ cruciati atque dedecore, verùm etiam sepulturâ ac justis exsequiarum caruerunt........... Judicia perrupta ab iisdem corrupta hominum, non Dei. Reprimam jam et non insequar longiùs....

De Legib. 11, 17.

NOTICE SUR LA CHINE,

PAR MGR. FONTANA, ÉVÊQUE DE TINITE, EN CHINE.

Population.-Antiquités. — Mœurs. Rangs. — Gouvernement.

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L'Em

- Mandarins. Lettrés. — Langue. Lois, Religion.- Anpereur.. cêtres. — Arts. — Agriculture.

La Chine est un vaste empire d'Asie, presque aussi étendu et aussi peuplé que l'Europe entière. Les géographes lui donnent (à la Chine proprement dite) environ 500 lieues de longueur sur 400 de largeur, ce qui fait 200,000 lieues carrées de superficie. Les uns évaluent sa population à 150 millions d'habitans, les autres l'élèvent à plus de 300 millions. Il est généralement reconnu et avoué qu'il n'y a point de pays où la population soit aussi nombreuse dans une égale étendue de terrain qu'en Chine. Cet empire a 16 provinces, sans compter l'immense étendue de pays qu'il possède en Tartarie, mais où la population est beaucoup moins considérable. En ne donnant à la Chine que 150 millions d'habitans, ce ne serait pas dix millions pour chaque province, l'une portant l'autre. Ces provinces cependant sont aussi vastes que des royaumes. Plusieurs d'entr'elles sont plus grandes que la France.

Au commencement de ce siècle, les missionnaires du SuTchuen comptaient onze millions d'habitans dans la province de Kouei-Tcheou, qui est la plus petite et la moins peuplée de toutes; ils en comptaient 33 millions dans celle du Su-Tchuen, qui n'est portant pas aussi peuplée que les provinces du centre et de l'est de la Chine. En donnant à la Chine 320 millions d'habitans, cela ferait vingt millions pour chaque province, l'une portant l'autre, ce qui paraît très-croyable, vu l'étendue de ces provinces et leur grande population. Aussi Mgr. de Saint-Martin, évêque de Caradre, vicaire apostolique du Su-Tchuen, disait-il

qu'il ne regardait point comme exagéré le tableau de la population de l'empire, donné sur la fin du siècle dernier, qui la faisait monter à 333 millions. Ce prélat avait passé près de trente ans en Chine. Il fit deux fois le voyage de Canton au Su-Tchuen par deux routes différentes ; il parcourut la vaste province du Su-Tchuen dans tous les sens : il traversa toute la Chine de l'ouest à l'est, en allant du Su-Tchuen à Pékin, et du nord au sud, en allant de Pékin à Canton.

Si l'on pouvait aller en Chine par terre, le voyage ne serait que de 2,000 lieues; mais il faudrait traverser les immenses déserts de la Tartarie, dans lesquels il est dangereux de s'engager. Par mer le trajet est de 6000 lieues, à cause de la nécessité où l'on est de doubler le cap de Bonne-Espérance, et de faire presque le tour de l'Afrique.

Les Chinois ont la tête presque quadrangulaire, les yeux noirs, le nez court sans être écrasé, le teint jaune et la barbe peu fournie, leur esprit est peu délié, ils ne conçoivent que lentement les choses même les plus claires : ils ne sont pas capables, disait un missionnaire, le P. Chavagnac, d'écouter en un mois ce qu'un Français pourrait leur dire en deux heures. Cependant ils ont une haute opinion d'eux-mêmes et un profond mépris pour les étrangers, qu'ils appellent des barbares. Ils donnent à leur empire une antiquité fabuleuse et prétendent qu'il existe depuis 5000 ans : c'est une exagération évidente ; car on lit dans leurs annales mêmes que l'an 1400 avant J.-C. la Chine était encore presque déserte, et que ses habitans étaient nomades et avaient pour demeures des cabanes ou des trous de rochers.

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La vanité est donc un vice dominant des Chinois; mais leur caractère est très-doux et très-grave: la moindre vivacité les scandalise. Un missionnaire qui exhortait un prosélyte, se laissant entraîner par l'ardeur de son zèle, lui parlait avec feu. Pourquoi te fàches-tu ? lui dit le Chinois, si ta cause est » bonne, il n'est pas nécessaire de te mettre en colère. » Les maisons sont peu élevées, elles n'ont ordinairement qu'un rezde-chaussée. Il y a toujours une salle consacrée au culte des ancêtres, une autre est destinée à recevoir les visites. L'étiquette observée dans ces visites est extrêmement gênante. Il faut y

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être accoutumé dès l'enfance pour se résoudre à la pratiquer : les étrangers qui veulent l'apprendre doivent donner à cette étude beaucoup de soin et d'attention.

La hiérarchie des rangs est bien déterminée; chacun sait la place qu'il occupe dans la famille et dans l'État; il est plein de respect et de soumission pour ses supérieurs, de politesse envers ses égaux; mais il est dur et hautain pour ses inférieurs. Les jeunes gens ne doivent pas faire un pas qui ne soit une révérence, ni dire un mot qui ne soit un compliment. Les parens ont un pouvoir absolu sur leurs enfans; ils ont le plus grand soin de leur éducation; ils y sont intéressés; car ils sont responsables de leurs fautes. Si un homme pèche, disent les jurisconsultes chinois, c'est qu'il a été mal élevé; son père doit être puni comme lui. Ils ne pensent donc pas comme nos faiseurs de systèmes, qu'il faut laisser à la nature le soin de former le cœur de l'homme à la vertu. Cependant, nous sommes forcés de l'avouer, l'autorité paternelle n'est pas contenue dans de justes bornes. Lorsqu'un père de famille a un grand nombre d'enfans, il expose ceux qu'il ne peut nourrir au milieu des routes et sur le bord des rivières, où ces victimes innocentes périssent de froid et de misère. Jamais aucune voix ne s'élève pour condamner cette coutume barbare. Jamais le remords ne fait revenir sur ses pas le père cruel qui va le soir déposer dans un lieu solitaire l'enfant auquel il a donné le jour. Le gouvernement est patriarchal : l'empereur a sur ses sujets un pouvoir absolu, comme le père sur ses enfans; s'il ne se conduit pas selon la justice et la raison, un tribunal spécial lui fait de trèshumbles remontrances. Il est vrai que cette hardiesse est rare, parce qu'elle est ordinairement suivie de la dissolution du tribunal et de l'exil de ses membres.

L'empereur prend les titres superbes de fils du ciel, d'unique gouverneur de la terre, etc. Ses sujets ont pour lui et pour tout ce qui sert à son usage un respect qui va jusqu'à l'adoration. On ne lui parle qu'à genoux ; lorsqu'il sort de son palais le peuple se prosterne sur son passage. Les ambassadeurs hollandais étaient traités à ses frais pendant leur séjour à Pékin; on leur faisait faire mille révérences aux plats qu'on leur apportait. parce qu'ils étaient censés venir de la main de l'empereur. On:

leur servit un jour un grand et bel esturgon; ils avaient un appétit très-fort, mais avant d'y toucher, ils furent obligés de saluer pendant un quart d'heure cet auguste poisson.

Il y a neuf classes d'officiers que les Européens appellent mandarins. Toutes les fonctions administratives sont remplies par les mandarins lettrés. Il y a trois ordres de Lettrés, les Sioutsais, les Kiugins et les Tsinsées ou docteurs célestes. Pour être mandarin, il faut auparavant avoir été reçu kiugin; les tsinsées sont peu nombreux, l'empereur lui-même les examine et les admet. Au reste, la science de ces lettrés est bien bornée; toute leur éloquence consiste à écrire une amplification d'un style serré et précis, en répétant les mêmes mots le moins souvent possible; mais d'ailleurs sans mouvement, sans chaleur : leurs connaissances en mathématiques ne vont pas plus loin que les premiers élémens du calcul. Ils savent prédire une éclipse; mais leur physique est toute expérimentale; ils ignorent les lois qui gouvernent le monde, et leur géographie s'arrête aux frontières de la Chine.

La langue chinoise est toute composée de monosyllabes qui ont diverses significations, suivant la manière dont ils sont prononcés. Ainsi le mot po veut dire, selon la diversité des inflexions, verre, bouillir, vanner, prudent, libéral, préparer, vieille femme, casser ou fendre, incliné, fort peu arroser esclave. Cette langue singulière a 80,000 lettres ou caractères. Mais il suffit d'en savoir 10,000, même pour lire les livres ; le commun des lettres n'en sait pas davantage, et il y a peu de docteurs qui soient parvenus à en apprendre 40,000.

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Les lois pénales ne sont pas bien sévères en Chine: les simples délits sont ordinairement punits du fouet ou de la bastonnade, supplices qui ne sont point regardés comme infamans. Après avoir reçu 45 ou 50 coups de bâton, le patient doit se mettre à genoux et remercier le juge.

La Cangue est une peine flétrissante : c'est une espèce de carcan composé de deux pièces de bois échancrées au milieu, et pesant depuis 50 jusqu'à 200 livres; on rejoint ces deux planches sur les épaules du condamné, qui est obligé de porter cette machine incommode jour et nuit pendant deux mois entiers. Il est facile de rendre les peines plus douces en payant l'exécuteur

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