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Durant ces cent années d'occupation anglaise, Malte a revu dans une certaine mesure les jours de prospérité de l'époque des Chevaliers. Longtemps elle fut l'entrepôt du commerce des Etats barbaresques et de l'Italie du Sud. Ses négociants habiles et hardis fournissaient à peu près seuls la côte septentrionale d'Afrique et les deux Siciles des produits manufacturés qu'ils se procuraient en France et en Angleterre. Leur connaissance des langues parlées sur ces marchés et les relations qu'ils s'y étaient créées de longue date leur assuraient une sorte de monopole, qui dura un demi-siècle au moins. Dans le même temps l'armement maritime était prospère, et de nombreux voiliers battant pavillon maltais parcouraient la Méditerranée. Plus tard, l'expédition de Crimée, où les Maltais furent les principaux fournisseurs des troupes anglofrançaises, amena dans l'ile d'énormes sommes d'argent.

Vers la fin du XIXe siècle, la grande révolution qui a transformé le commerce du monde par la substitution de la navigation à vapeur à la navigation à voile se fit sentir à Malte, comme dans tous les centres maritimes. Tandis que la marine maltaise, entièrement composée de voiliers, disparaissait complètement, une raison nouvelle obligeait les navires qui passaient de l'un des bassins de la Méditerranée dans l'autre à entrer dans le port de La Valette: la nécessité de se ravitailler en charbon. Une escale, qui coupe en deux parties à peu près égales la navigation de cette mer, trop étendue pour être franchie d'une seule traite par un vapeur, était toute désignée pour devenir l'un des grands entrepôts de charbon du monde. En même temps l'ouverture du canal de Suez, en ramenant dans l'ancienne Mer Intérieure la route de l'Extrême-Orient, déplacée depuis trois cents ans par la découverte de Barthélemy Diaz et de Vasco de Gama, augmentait dans des proportions imprévues le nombre des navires qui fréquentaient ces parages.

C'est ainsi que, depuis les débuts de la civilisation, Malte a tiré de sa situation géographique des avantages qui lui ont permis de tenir dans le monde une place que ne justifieraient ni son étendue, ni le chiffre de sa population. Ces avantages lui sont-ils assurés au mème degré pour un avenir indéfini? Telle est la question que les Maltais intelligents se posent avec anxiété. Déjà de graves symptômes éveillent chez eux

des appréhensions justifiées. De même que la construction maritime et l'armement ont disparu de Malte devant le développement de la navigation à vapeur, le commerce de transit, qui a fait autrefois une partie de sa fortune, a été détruit par les révolutions politiques dont les pays riverains de la Méditerranée ont été le théâtre la conquête de l'Afrique du Nord par la France et l'unité italienne, en mettant ces régions en

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relations directes avec les pays manufacturiers, leur ont permis de se passer d'intermédiaires. Ramené aujourd'hui aux proportions les plus modiques, le transit maltais est réduit à se dissimuler presque complètement sous la forme du commerce clandestin, à descendre au rang avilissant de contrebande.

Cette décadence du commerce de transit est pour Malte un désastre irrémédiable. En effet elle ne possède rien qui puisse le remplacer. Aucune industrie ne lui fournit des produits à exporter et l'état de son agriculture, qu'explique l'aridité de son sol, est si misérable que le commerce ne peut rien en attendre. L'île n'est qu'un plateau rocheux sur lequel on a dû

apporter du dehors la terre végétale. C'est au prix d'un labeur surhumain, qui remplit d'admiration pour l'énergie de ce vaillant petit peuple, que les Maltais sont arrivés à créer artificiellement de maigres champs, dans lesquels ils cultivent, comme dans de grands pots à fleurs, un peu de céréales et de légumes, quelques plantes fourragères et des arbres fruitiers. Ces champs, de forme rectangulaire et entourés de murs de pierres sèches, font ressembler la campagne maltaise à un immense damier aux cases irrégulières; le ton généralement gris du paysage n'y est interrompu après les récoltes que par la blancheur des routes poudreuses et par la sombre verdure de rares bouquets de cyprès ou de caroubiers isolés. Malgré les prodiges de travail qu'ils accomplissent chaque année, ces vaillants cultivateurs n'arrivent pas à produire, d'après les calculs les plus exacts, de quoi nourrir la population pendant deux mois.

L'île, privée de produits à exporter, n'a pas d'autre ressource que le ravitaillement des navires qui passent dans son voisinage. Malheureusement pour elle, une des raisons de l'excellence de sa position est en train de s'affaiblir. Pendant des siècles, Malte était l'unique point où la marine pût trouver, sans se détourner de sa route, l'abri, les approvisionnements et les ateliers de réparations dont elle a besoin dans sa traversée de la Méditerranée. Il n'en est plus ainsi aujourd'hui. Dans la seconde moitié du xix° siècle, le génie colonisateur de la France a fait d'Alger un grand port qui s'est outillé progressivement, et a constitué sur ses quais un entrepôt de charbon; il fait aujourd'hui une concurrence sérieuse à Gibraltar, et à ce qu'assurent les Maltais, leur enlève une partie de leur clientèle maritime. Ce n'est pas tout; dans les parages même de Malte, la France est en train de créer un autre port, qui offre à la navigation tout ce que jusqu'à présent elle ne pouvait trouver qu'à La Valette. Bizerte occupe à l'ouest du chenal central de la Méditerranée une situation exactement semblable à celle que Malte occupe à l'Est. Placé tout près du cap Blanc, le point le plus septentrional de l'Afrique que doivent raser les navires qui ont à franchir la Méditerranée dans sa longueur, ce port se trouve sur leur passage même. Lorsqu'il sera complètement outillé et aménagé, il jouira de tous les avantages de Malte. Déjà il lui dispute sa clientèle de navires à ravitailler. Plus facilement que son rival, grâce au territoire fertile et cul

tivé qui l'entoure, il peut leur fournir des vivres frais viande de boucherie, légumes, fruits, volailles, œufs frais.

Ainsi le mouvement en avant de la civilisation, l'évolution du progrès général dans le monde menacent d'enlever à Malte les privilèges économiques dont elle a bénéficié depuis une longue suite de siècles sans rencontrer de concurrents.

II

Au milieu des transformations si rapides que subit le monde moderne, et qui semblent devoir être funestes à l'antique puissance commerciale de Malte, sa valeur stratégique, si haute

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ment appréciée depuis l'antiquité, restera-t-elle intacte? C'est là pour l'Angleterre une question de la plus grande importance, et la France est directement intéressée à savoir à quoi s'en tenir à cet égard, puisque c'est à elle que l'ile a été enlevée, et que c'est en grande partie contre elle que son occupation est dirigée. Décidés à entretenir en tout temps dans la Méditerranée une force maritime suffisante pour y faire la loi, les Anglais avaient besoin d'y posséder un port, où leurs navires auraient à leur portée les ravitaillements et les moyens de réparation qu'il eût été trop long d'aller chercher jusque dans le Royaume-Uni, chaque fois que le besoin s'en faisait sentir. Depuis l'année 1800 La Valette est devenue le port d'attache de la flotte britannique dans la Méditerranée. Il s'est développé à mesure que s'est

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