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renonce dès ce moment et toujours, tant pour elle que pour ses successeurs, à toutes prétentions de la France de dominer sur l'île d'Haïti, appelée par les uns Saint-Domingue, et par les autres Hispaniola.

Je dois vous prévenir que cette forme de déclaration est la seule qui puisse dissiper tous les nuages de la méfiance dans l'esprit d'un peuple qui a sans cesse présent à la pensée le souvenir amer de ce qu'il lui en a coûté pour s'être abandonné trop légèrement à sa crédulité.

Au reste, le caractère connu du Monarque français ne me permet pas de présumer la moindre hésitation de sa part à accorder l'acte dont il s'agit, et sans lequel le but proposé ne saurait être parfaitement atteint.

Art. 2. L'ordonnance royale une fois obtenue, vous serez auto risés à convenir qu'en témoignage de la satisfaction du peuple haïtien pour l'acte de philantropie et de bienveillance émané de Sa Majesté Très-Chrétienne, il sera accordé par le gouvernement d'Haïti au gouvernement français, en forme d'indemnité, une somme de ....., laquelle sera comptée en Haïti ou en France, en cinq termes et payements égaux, d'année en année, soit en espèces métalliques ayant cours de monnaie dans la République ou à l'étranger, soit en denrées du pays, aux agents préposés par le gouvernement français pour cette perception.

Je ne saurais trop vous répéter que le sacrifice que fait la République en faveur de la France n'a d'autre but, d'autre fin, que de manifester d'une manière éclatante la satisfaction des Haïtiens d'avoir obtenu de Sa Majesté Très-Chrétienne, par un acte formel et légal, l'approbation et la confirmation de l'état de choses dans lequel des événements extraordinaires les ont placés, et dont ils sont en possession depuis un laps de temps qui semble leur avoir acquis une prescription suffisante contre toute réclamation.

Art. 3. Le gouvernement d'Haïti, voulant en outre donner à celui de France une preuve de sa cordialité, vous autorise à déclarer et convenir (après que les deux premiers articles auront été fixés) que les bâtiments de commerce de Sa Majesté Très-Chrétienne seront admis dans les ports du commerce extérieur de la République avec les mêmes égards que ceux des autres nations en rapport avec Haïti, et que toutes les marchandises ou productions de la France, dont l'entrée sera permise par les lois locales, ne seront assujetties qu'aux

droits d'importation que payent ou que payeront les productions et marchandises des nations les plus favorisées dans la République.

Il faudrait ici faire remarquer de quelle importance sera cette concession pour le commerce français; car la seule diminution sur les droits d'entrée procurera à la France un bénéfice réel qui permettra à ses manufactures de présenter leurs produits sur les marchés d'Haïti sans craindre aucune concurrence, en même temps qu'elle sera un sacrifice de plus de la part de la République.

Art. 4. En réciprocité d'une concession si favorable, vous devez obtenir du gouvernement français que les denrées fabriquées en Haïti, telles que sucre, café, coton, indigo, cacao et autres objets de commerce du cru de la République, qui seront importées dans le royaume de France, soit par navires français, soit par navires haïtiens, ne payeront d'autres ni plus grands droits d'entrée que ceux auxquels sont ou seront assujettis les mêmes articles venant des possessions transatlantiques de Sa Majesté Très-Chrétienne, avec la faculté de l'entrepôt pour ceux des produits qui ne pourront ou ne devront pas être consommés dans le royaume de France, mais qui de là seront transportés dans les diverses parties de l'Europe.

Il n'échappera pas aux diplomates français que le résultat de cette concession accordée au peuple haïtien par Sa Majesté TrèsChrétienne tournera presque en entier au profit de la France, parce que d'abord son commerce maritime prendra en peu de temps une grande extension, et qu'ensuite, par l'égalité de droits, le prix de nos denrées qui devront être consommées en France sera réduit pour la facilité du consommateur.

Il est donc à présumer que vous n'éprouverez aucune difficulté pour parvenir à fixer l'arrangement des deux articles précédents, dont l'observation ponctuelle de part et d'autre sera un aliment à la bonne intelligence des deux peuples.

Art. 5. Vous devrez après stipuler que, dans tous les cas de guerre entre la France et d'autres États ou puissances maritimes, le gouvernement d'Haïti conservera la plus parfaite neutralité, et que, le cas échéant de ces guerres, il sera observé en Haïti ce qui se pratique ordinairement chez les nations neutres.

Le peuple haïtien ayant proclamé à la face du ciel et de la terre que, satisfait de son indépendance nationale, il ne se mêlerait jamais d'aucune querelle extérieure aux rives qui bordent son ile, ne peut,

dans aucun cas, manquer à son serment; et l'on demanderait en vain qu'il prit part, sous aucun prétexte, aux débats ou dissensions des autres peuples; car, bornant toute son ambition à s'occuper du perfectionnement de son agriculture et de sa police, toutes les stipulations qu'il consentira par la suite ne seront jamais que relatives à ce qui concerne directement les intérêts intérieurs de l'État.

Il conviendra aussi de spécifier que les bâtiments de guerre de Sa Majesté Très-Chrétienne seront admis partiellement dans les ports ouverts d'Haïti, pour se rafraîchir, s'approvisionner ou se réparer; mais que, dans aucun cas, les escadres et flottes de guerre ne pourront y entrer.

Art. 6. Le gouvernement de la République accueillera avec plaisir dans la capitale un chargé d'affaires ou consul général, et, dans ses différents ports ouverts, des agents commerciaux nommés par Sa Majesté Très-Chrétienne pour veiller aux droits de ses sujets commerçant en Haïti. En retour, le gouvernement de la République demandera qu'il soit admis à Paris un seul agent haïtien pour faire au gouvernement français, lorsque les circonstances se présenteront, les communications qui pourraient intéresser la prospérité des deux nations, la bonne intelligence qui doit désormais exister entre elles, et l'entier accomplissement ou la parfaite exécution de tout ce qui sera convenu et arrêté.

La conduite loyale qu'a constamment tenue le gouvernement depuis la fondation de la République; le respect inviolable qu'il a toujours porté au droit des gens, ne peuvent laisser aucun doute sur sa bonne foi; et il est fondé à attendre, de la part du gouvernement de S. M. Très-Chrétienne une égale réciprocité de loyauté et de franchise. C'est pourquoi vous demeurez autorisés à promettre qu'en toutes circonstances, après que les conventions seront arrêtées et signées, le gouvernement d'Haïti s'attachera, avec une scrupuleuse délicatesse, à exécuter ponctuellement tout ce qui résultera du traité basé sur les présentes instructions; et que, si (ce qu'à Dieu ne plaise) des difficultés survenaient dans l'exécution des clauses ou stipulations arrêtées, la bonne foi, la loyauté, et la plus grande bonne volonté seront employées de la part du gouvernement d'Haïti, pour faire disparaître les malentendus, conime il espère trouver dans le gouvernement français la même droiture et les mêmes sentiments.

Aussi il ne sera et ne devra point être demandé d'autres garan

ties de tout ce qui aura été convenu, que l'honneur des deux peuples et l'inébranlable constance de leurs gouvernements respectifs dans les principes de justice et d'équité.

Donné au Palais National du Port-au-Prince, le 28 avril 1824, an xxi de l'Indépendance.

Sigué: BOYER (*).

(*) Ces instructions étaient précédées de la lettre de créance ci-jointe : Jean-Pierre BOYER, Président d'Haïti, aux citoyens LAROSE, sénateur, et ROUANEZ, notaire du gouvernement.

<< Citoyens,

» Après avoir considéré la situation politique où la République se trouve » placée vis-à-vis du Gouvernement français, j'ai jugé à propos de faire » des ouvertures officielles au Roi Très-Chrétien, à l'effet d'obtenir de S. M. » la reconnaissance, en forme authentique, de l'indépendance du peuple » haïtien, et de parvenir ensuite à la conclusion d'un traité de commerce » entre la France et Haïti.

» Si cette démarche est suivie d'un heureux succès, j'aurai couronné le » grand œuvre de notre émancipation, j'aurai fermé les portes de la guerre, >> j'aurai agrandi la sphère de notre industrie et de notre prospérité. Si au » contraire l'événement trompait mon attente, le monde ne pourrait me >> reprocher d'avoir, par indifférence, frustré mon pays du bien qui pouvait » en résulter.

>> Connaissant vos vertus patriotiques, et plein de confiance en vos lu>>mières et en votre prudence, je vous ai choisis et désignés pour être les >> négociateurs de cette importante affaire.

» En conséquence, vous partirez de ce port, sous le plus bref délai, pour » vous rendre à Paris et vous y aboucher avec les agents de S. M. Très» Chrétienne, afin de fixer et arrêter, de concert avec eux, les bases sur » lesquelles doivent être fondés la reconnaissance de l'indépendance d'Haïti, » et le traité de commerce qui existera entre les deux nations, pour leur » avantage respectif.

>> Aux effets que dessus, je vous donne, par la présente lettre de créance, >> tous pouvoirs nécessaires, pourvu que vous vous conformiez en tout aux >> instructions qui l'accompagnent, et que vous n'outrepassiez point les >> limites dans lesquelles elles circonscrivent l'étendue de ces mêmes pou» voirs; vous promettant solennellement, ainsi qu'à tous ceux qu'il appar» tiendra, de ratifier et confirmer, d'exécuter et faire exécuter tout ce qu'en » vertu de la présente et des susdites instructions, vous aurez définitive»ment arrêté.

» Je prie Dieu qu'il vous ait en sa sainte garde.

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No 886. ACTE de la Chambre des Représentants des communes, donnant au Sécrétaire d'Etat décharge de sa comptabilité de l'année 1822.

Extrait des délibérations de la Chambre des Représentants des communes, dans sa séance du 5 mai 1824, an xxI.

La Chambre, après la vérification faite des comptes généraux des finances de la République pour l'exercice 1822, arrête que le Secrétaire d'État demeure déchargé de la comptabilité générale de la susdite année. L'extension donnée aux travaux administratifs de ce grand fonctionnaire, en raison de notre situation actuelle, fait apprécier tous ses efforts pour obtenir les plus heureux résultats dans l'intérêt de la patrie.

Port-au-Prince, le 5 mai 1824, an xxi de l'Indépendance.

Le Président de la Chambre, Signé : ARDOUIN.
Les Secrétaires, Signé : Jn. ELIE et R. ROQUE.

No 887. Avis de la Secrétairerie générale, pour la suspension de l'aliénation des domaines nationaux (1).

Port-au-Prince, le 6 mai 1824.

Le public est prévenu, en vertu d'ordre de S. Exc. le Président d'Haïti, que l'aliénation des domaines nationaux est suspendue jusqu'à nouvel ordre, excepté pour les départements du Nord et de l'Artibonite où la vente des biens de l'État, mentionnés dans l'arrêté de S. Exc. en date du 12 janvier 1821, continuera d'avoir son exécution.

En conséquence, il ne sera fait, par le gouvernement, aucune réponse aux demandes d'acquisition d'immeubles, contraires avec dispositions ci-dessus.

Signé B. INGINAC.

» Donné au Palais National du Port-au-Prince, le 28 avril 1824, an xxI » de l'Indépendance.

» Signé : BOYER. »

(4) Voy. n° 717. Arrêté du 12 janv. 1821, qui désigne les propriétés, elc. No 897. Circul. du 22 juillet 1824, du Présid. d'Haïti, aux command. des arrond., etc., pour la suspension, etc.

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