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Dans ce déplorable état de choses, des hommes à sentiments philantropiques, des âmes vraiment charitables et bienfaisantes, ont tourné leurs pensées vers Haïti, qu'ils ont avec raison considérée comme un lieu de refuge plus convenable pour ces malheureux que les sables inhospitaliers de l'Afrique. Dès lors beau

4 mars dernier, dont le contenu respire la philantropie la plus parfaite. Consacrer ses soins à améliorer le sort d'une portion du genre humain tristement accablée sous le poids de l'infortune, c'est prouver l'excellence de son cœur, et acquérir des droits éternels à la reconnaissance de tout être sensible. Aussi la démarche que vous venez de faire auprès de moi en faveur des descendants des Africains qui se trouvent aux Etats-Unis d'Amérique, et qui sont obligés d'en sortir, parce que, loin d'y jouir d'aucun droit de l'homme libre, ils n'y ont qu'une existence précaire et abreuvée d'humiliations, vous assure, n'en doutez pas, un titre à la gratitude des Haïtiens qui ne sauraient voir avec indifférence les calamités qui pêsent sur leurs semblables.

Dès que j'ai été informé de la détermination prise aux Etats-Unis de transporter en Afrique nos malheureux frères pour les rendre, disait-on, à leur ciel natal, j'ai compris la politique qui avait suggéré cette mesure, et en même temps j'ai conçu une haute opinion des hommes généreux qui se disposaient à faire des sacrifices dans l'espoir de préparer aux infortunés qui en étaient l'objet un asile où ils pussent parvenir à se procurer une existence supportable. Dès lors, par une sympathie bien naturelle, mon cœur et mes bras se sont ouverts pour accueillir dans cette terre de véritable liberté, des hommes sur lesquels la fatalité du destin s'appesantissait d'une manière si cruelle. Je considérais l'intention de faire habiter des régions barbares à des hommes accoutumés à vivre au milieu d'un peuple civilisé comme une chose impraticable, pour ne rien dire de plus. L'expérience faite à Sherbro et à Mesurado prouve que je ne me suis pas éloigné de la vérité. En effet, Monsieur, quoique l'Afrique soit le berceau de leurs pères, quelle affreuse perspective pour eux, que de se voir relégués dans ces contrées insalubres, après avoir respiré l'air bienfaisant des EtatsUnis d'Amérique, où la plupart ont pris naissance!

Je me suis souvent demandé pourquoi Haïti, dont le ciel est si doux, et le gouvernement analogue à celui des Etats-Unis, n'était pas préféré pour leur lieu de refuge. Craignant que mes sentiments fussent mal interprétés, si je faisais les premières démarches, je me suis contenté de bien faire expliquer à ceux d'entre eux qui étaient venus à Haïti, tout ce que la Constitution de la République a établi de garanties et de droits en leur faveur; j'ai aidé à s'acquitter ceux qui ne pouvaient se libérer du prix de leur passage; j'ai donné des terres à ceux qui voulaient se livrer à la culture; et par ma circulaire en date du 24 décembre 1823, aux comman

coup de communications me furent adressées, pour me demander si ceux qui nous touchent de si près par le sang, pourraient trouver dans notre République cette hospitalité que leur a refusée la terre paternelle. A ces questions privées, j'ai toujours répondu d'une manière favorable, en expliquant tous les avantages que notre constitution a pris soin d'assurer à ceux de nos frères qui viendraient des autres parties du globe s'établir dans nos contrées. Mes réponses, ne tardèrent pas à produire un résultat satisfaisant. En effet, nous avons vu bientôt arriver dans nos ports plusieurs de ces enfants de l'Afrique qui, sortant des Etats-Unis, venaient se

dants d'arrondissement (de laquelle je vous envoie un exemplaire), vous vous convaincrez que j'ai préparé aux fils de l'Afrique sortant des EtatsUnis tout ce qui pouvait leur assurer une existence honnête, en devenant citoyens de la République haïtienne; mais aujourd'hui que vous me faites des ouvertures qui semblent avoir été autorisées par la respectable Société dont vous êtes l'agent général, je vais répondre franchement aux huit questions que vous m'adressez.

4° Si un nombre de familles, etc. Le gouvernement de la République aidera à faire une partie des frais de voyage de ceux qui ne pourront y subvenir par eux-mêmes, pourvu que la Société de colonisation fasse le reste. Le gouvernement donnera des terres fertiles à ceux qui voudront les cultiver; leur fera des avances de nourriture, outils et autres choses d'indispensable nécessité, en attendant qu'ils soient assez bien établis pour se passer de cette assistance.

2o Jusqu'à quelle étendue en nombre, etc. N'importe le nombre des émigrants, tous ceux qui viendront avec l'intention de se soumettre aux lois du pays, seront bien accueillis. Les prix de passage et autres frais seront discutés par des agents, pour obtenir les conditions les plus avantageuses. La quantité de terre donnée sera celle que chaque famille pourra cultiver. Au reste, la plus grande bienveillance pour les nouveaux venus servira de base dans les arrangements.

3o Quel encouragement donnerait-on aux mécaniciens et commerçants, etc. Ils auront la libre faculté de travailler de leur industrie; le seul privilége qui pourra leur être accordé, sera d'être exemptés de droits de patentes pour la première année.

4o Offrirait-on l'occasion, etc. Tous ceux, je le répète, qui viendront seront accueillis, n'importe leur nombre, pourvu qu'ils se soumettent aux lois de l'Etat qui sont essentiellement libérales et protectrices, et aux règlements de police qui tendent à réprimer le vagabondage, à maintenir le bon ordre et à assurer la tranquillité de tous.

Il n'y a aucun prix à stipuler pour les terres, puisque le gouvernement les donnera gratis en pleine propriété à ceux qui les cultiveront. Les émi

fixer, les uns dans nos campagnes dont la culture paye déjà leurs travaux avec usure; les autres, dans nos villes, où ceux-ci font un négoce lucratif, où ceux-là exercent avec avantage leurs professions mécaniques; tous heureux d'être affranchis du joug avilissant des préjugés!

Leur affluence m'avait fait concevoir, dès le principe, un projet qui, en multipliant l'émigration, eût rempli les vues des philantropes des Etats-Unis, et amélioré le sort de ces infortunés. Mais dans la crainte que les injustes préventions que l'on intretient au dehors contre la République d'Haïti, ne fissent mal juger de mes

grants seront distribués le plus avantageusement possible, et ceux qui le désireront, seront placés les uns dans le voisinage des autres; on ne les contrariera pas dans leurs habitudes domestiques, dans leurs croyances religieuses, pourvu qu'ils ne cherchent pas à faire de prosélytes ou à troubler ceux qui professent une autre foi que la leur.

Ce qui précède est la réponse à votre cinquième question, relativement à la tolérance des divers cultes.

6o Quelles sont vos lois relatives au mariage, etc. Le mariage est encouragé, et les bons époux jouissent ici de la même considération que dans les autres pays civilisés.

7° Jusqu'à quel point les écoles, etc. Partout où il y a une assez nombreuse population, le gouvernement y entretient des écoles pour instruire la jeunesse et l'élever dans les principes de la morale et de la

vertu.

8° Votre gouvernement permettrait-il, etc. Cela ne peut pas être. Les lois de la République sont générales, et il ne saurait y exister des lois particulières; ceux qui viendront, étant des fils de l'Afrique, seront Haïtiens du moment qu'ils auront mis le pied sur le sol d'Haïti : ils jouiront du bonheur, de la sécurité, de la tranquillité dont nous jouissons nousmêmes, quelle que soit l'obstination de nos détracteurs à soutenir le contraire.

Enfin, Monsieur, pour vous donner des preuves de ce que je suis disposé à faire en faveur de nos frères qui gémissent aux Etats-Unis d'Amérique, sous le joug du préjugé, je vais envoyer à New-York des fonds et un agent de ma confiance pour s'entendre avec vous et avec la Société de colonisation, afin de favoriser l'émigration en Haïti des descendants des Africains qui désireraient de venir ici partager avec nous les biens précieux que nous tenons de la divine Providence.

Il ne faudrait pas s'imaginer que le besoin d'accroître la population en Haïti soit le motif qui me détermine à vous faire cette réponse avec les détails dans lesquels je suis entré. Animé du désir de servir la cause de l'humanité, j'ai pensé qu'une plus belle occasion ne pouvait se présenter,

intentions, je me suis abstenu de faire la démarche publique que je n'hésite pas d'entreprendre aujourd'hui, parce que j'ai reçu, dans le courant d'avril dernier, une communication officielle de M. LOWRING D. DEWEY, agent général de la Société de colonisation africaine, à New-York, qui m'adresse, au nom de cette Société, des questions sur les conditions auxquelles le gouvernement haïtien voudrait consentir l'émigration en Haïti de ces enfants de l'Afrique.

En conséquence, et d'après la connaissance que j'ai de votre civisme, de la libéralité de vos principes et de votre dévouement à

que d'offrir une hospitalité agréable, un asile sûr, à des infortunés qui sont dans l'alternative d'aller chercher sur les rives barbares de l'Afrique la misère ou une mort certaine. Je ne développerai pas les avantages qui doivent résulter pour les Etats-Unis en faisant refluer sur Haïti la population africaine dont on est décidé de se débarrasser. Il n'est personne qui ne sente parfaitement que c'est un moyen infaillible d'augmenter le commerce des Etats-Unis, en multipliant les relations des deux peuples que la similitude des principes de leurs législations et de leur gouvernement doit nécessairement rendre amis, quoiqu'un aveugle préjugé semble avoir, jusqu'à ce jour, mis des entraves à des rapports plus directs entre l'un et l'autre. Le temps et la philantropie feront, il n'en faut pas douter, triompher la justice et la raison.

Vous ne tarderez pas, Monsieur, à voir arriver à New-York, l'agent que je dois envoyer près de vous.

J'ai l'honneur de vous saluer, avec une considération distinguée,

Signé : BOYER.

Au Port-au-Prince, le 25 mai 1824, an xxI.

JEAN-PIERRE BOYER, Président d'Haïti, à M. Lowring D. Dewey, agent général de la Société pour la colonisation africaine, à New-York.

Monsieur,

Conformément à la lettre que je vous ai écrite, le 30 avril dernier, en réponse à celle que vous m'aviez adressée, le 4 mars précédent, au sujet de l'émigration en Haïti, d'une portion des enfants de l'Afrique qui se trouvent aux Etats-Unis, je vous annonce par la présente que j'expédie auprès de vous, comme auprès des sociétés philantropiques dont vous êtes l'agent, le cit. GRANVILLE, substitut du commissaire du gouvernement près le tribunal de cassation, qui vous remettra cette dépêche : il est porteur de mes

la grande cause que nous avons constamment défendue, et que nous soutiendrons toujours avec la même énergie, je vous ai choisi et appointé pour l'agent du gouvernement de la République, afin que vous vous rendiez à New-York ou en tous autres lieux des Etats-Unis, où il vous sera permis de voyager, et que là vous vous occupiez de traiter, soit avec M. LOWRING D. DEWEY, en sa qualité d'agent général de la Société pour la colonisation africaine, soit avec la Société elle-même, soit avec toute autre société ou per

instructions particulières qu'il vous communiquera, ce qui me dispense d'entrer avec vous dans les détails de sa mission. Je me bornerai donc, Monsieur, à vous exhorter de faire tous vos efforts, pour la réussite du grand objet que nous avons également en contemplation. Vous ne pouvez mieux servir la cause de l'humanité, puisque ceux de nos semblables qui traînent aux Etats-Unis une existence pénible et abreuvée d'humiliations, deviendront, en arrivant en Haïti, des citoyens de la République, et qu'ils pourront y travailler, avec sécurité et avantage, pour eux et pour leurs enfants. Dans les jours de félicité qui les attendent ici, ils conserveront la mémoire de votre dévouement à leur cause, ils béniront votre nom, et le bonheur dont ils jouiront, sera votre plus douce récompense.

Je recommande à votre sollicitude le cit. GRANVILLE, pendant le séjour qu'il fera aux Etats-Unis, vous priant de lui donner tous les avis dont il aura besoin, et de le mettre en rapport avec toutes les personnes qui pourraient aider à la parfaite réussite de la mission dont il est chargé. Je vous salue avec une considération bien distinguée.

Signé : BOYER.

Au Port-au-Prince, le 25 mai 1824, an xxt.

JEAN-PIERRE BOYER, Président d'Haïti, à M. Charles Collin, à NewYork.

Monsieur,

La connaissance que j'ai acquise de vos sentiments philantropiques, m'a porté à inviter le cit. IMBERT, Secrétaire d'Etat de la République, à faire charger à votre adresse une quantité de café, en vous priant de vendre cette denrée, d'en réaliser les produits et de les garder aux ordres du gouvernement haïtien; ces fonds et d'autres que je pourrai y faire joindre, sont destinés à faciliter l'émigration des individus issus de sang africain qui, gémissant aux Etats-Unis sous le poids du préjugé et de la misère, seraient

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