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1990-28

Harvard College Library

Sept. 3, 1913

Bequest of

Jeremiah Curtin

BOUND MAY 21 1914

IL A ÉTÉ TIRÉ A PART

Vingt-cinq exemplaires sur papier de Chine
Trente exemplaires sur vélin couche

NUMÉROTÉS

JEAN LOMBARD

On peut dire de l'œuvre de Jean Lombard qu'elle avait sombré corps et biens; à peine si quelques épaves flottaient de ci de là, un volume sali à une devanture de bouquiniste, un exemplaire pieusement conservé dans la bibliothèque d'un ami. Sur le plat ou le dos de la couverture ces mots : Byzance ou l'Agonie rappelaient les fresques demesurées, les cauchemars des foules grouillantes ressuscitées par un ouvrier de lettres qui eut du génie. Et c'était une grande tristesse de penser qu'après la cruauté du sort qui avait précipité dans la fosse l'écrivain en pleine jeunesse, l'absurde misère des choses, la faillite d'un éditeur, engouffraient dans l'oubli l'œuvre en pleine puissance.

Heureusement, cette œuvre reparaît, rajeunie, embellie; au linceul des pages blanches d'une édition nouvelle, la pensée de Lombard, cette jeune morte si touchante, va comme l'Alceste antique palpiter sous ses voiles; elle s'anime, elle se dresse, et la voilà qui s'avance constellée de joyaux, dans la raideur hiératique de sa robe incrustée d'émaux d'or, à travers ce livre étrange: Byzance.

1990-28

Harvard College Library

Sept. 3, 1913

Bequest of

Jeremiah Curtin

BOUND MAY 21 1914

IL A ÉTÉ TIRÉ A PART

Vingt-cinq exemplaires sur papier de Chine
Trente exemplaires sur vélin couche

NUMÉROTÉS

JEAN LOMBARD

On peut dire de l'œuvre de Jean Lombard qu'elle avait sombré corps et biens; à peine si quelques épaves flottaient de ci de là, un volume sali à une devanture de bouquiniste, un exemplaire pieusement conservé dans la bibliothèque d'un ami. Sur le plat ou le dos de la couverture ces mots : Byzance ou l'Agonie rappelaient les fresques demesurées, les cauchemars des foules. grouillantes ressuscitées par un ouvrier de lettres qui eut du génie. Et c'était une grande tristesse de penser qu'après la cruauté du sort qui avait précipité dans la fosse l'écrivain en pleine jeunesse, l'absurde misère des choses, la faillite d'un éditeur, engouffraient dans l'oubli l'œuvre en pleine puissance.

Heureusement, cette œuvre reparaît, rajeunie, embellie; au linceul des pages blanches d'une édition nouvelle, la pensée de Lombard, cette jeune morte si touchante, va comme l'Alceste antique palpiter sous ses voiles; elle s'anime, elle se dresse, et la voilà qui s'avance constellée de joyaux, dans la raideur hiératique de sa robe incrustée d'émaux d'or, à travers ce livre étrange Byzance.

Le souvenir de Jean Lombard, de ce petit homme au front bossué d'idées, comme éclairé d'âme, aux yeux noirs et brûlants, se lie indissolublement en mon souvenir à Marseille, la grande ville du soleil, du ciel bleu, dés rues bourdonnantes, des ports brasillants, des voitures qui roulent, des vaisseaux qu'on décharge, à cette rumeur confuse de ruche en travail et en fête, à ces gesticulations vives, à tous ces visages parlants, à l'odeur de goémon, d'épices de pays lointains qu'exhalent les bateaux à quai dans l'eau verte. C'est en contemplant du haut de son modeste logis, au flanc du mont de Notre-Dame de la Garde, Marseille avec ses toits, ses flèches, ses dômes, ses fumées, ses rues pareilles à des fourmilières, que Lombard certainement entrevit, de son ardent regard de visionnaire, les cités monstrueuses, les Babels du passé, mélanges tumultueux de civilisations et ruées voraces de peuples, Rome sous Héliogabale et Byzance sous Constantin V.

Marseille, ce jour-là, m'expliqua la prodigieuse vitalité créatrice de Jean Lombard; et Jean Lombard que je voyais pour la première fois, de sa voix nette et chaude, qui développait en hâte les idées et faisait fulgurer les images, m'expliqua Marseille, et en elle la vie puissante d'une société en marche, le heurt des passions et le conflit des idées, le drame des existences obscures qui luttent pour le pain, le Cosmos en raccourci qu'est une cité d'hommes. Ce don de généraliser, de voir et de comprendre se retrouve, au suprême degré, dans ses livres, y domine, y triomphe, et leur donne une ampleur et une intensité de vie qu'on ne rencontre guère ailleurs.

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