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droits de la nation et la durée de l'empire héréditaire vous sont aujourd'hui présentées dans les formes prescrites par les constitutions de la République.

› Le projet de sénatus-consulte qui les renferme est sous vos yeux. L'orateur du gouvernement vous en a développé les mo- ⚫ tifs. Vous avez pu en méditer la nature, en rechercher les résultats, en observer les liaisons.

› Vous avez surtout étudié ces rapports secrets qui lient les unes aux autres les différentes parties de ses nombreuses dispositions.

⚫ Ils peuvent échapper à des yeux vulgaires, ces rapports qui font concourir au même but tant de moyens divers, qui rapprochent tant d'objets éloignés, qui fortifient tant de ressorts, qui modèrent tant de mouvemens, et qui établissent dans le tout cette correspondance, cette harmonie et cet équilibre garans de la sta

bilité.

. Mais, qui sait mieux que vous, citoyens sénateurs, que les grandes institutions ne peuvent être bien jugées que d'en haut; qu'en cherchant à perfectionner un détail, on dénature souvent l'ensemble, et que tant de lois n'ont produit des effets opposés à ceux que l'on attendait que parce que, dans leur examen, on n'avait considéré qu'une face, on n'avait écouté qu'une crainte, on n'avait consulté qu'une espérance!

› Votre commission a donc cru superflu de vous retracer des dispositions que vous connaissez, des motifs que chacun de vous a pesés, des mesures dont vous avez vu l'enchaînement.

> Vous avez dû remarquer, citoyens sénateurs, avec quelle attention on a prévu tous les événemens qui auraient pu, en rendant le droit de succéder douteux et l'hérédité incertaine, exposer la patrie à ces guerres désastreuses dont elle a tant souffert, et ramener ces calamités effroyables sous lesquelles nos pères, braves, mais malheureux contemporains de l'infortuné Charles VI, ont vu la France presque expirante par les coups d'enfans dénaturés de la mère commune, et par ceux d'un ennemi audacieux et perfide.

› L'ordre prescrit pour la succession à l'empire présente le nom du sage que la patrie reconnaissante a vu à Lunéville et dans les murs d'Amiens faire briller du doux éclat de la paix l'olivier consolateur que lui avait remis la main triomphante de son auguste frère ; et celui de ce jeune Louis, qui, compagnon de l'Hercule français dès l'âge le plus tendre, et combattant près du héros de l'Europe, de l'Afrique et de l'Asie, dans les plaines de l'Italie, sur les rives du Nil, et non loin des ruines de l'antique Sidon, a pu de bonne heure accoutumer ses yeux à tout l'éclat de la gloire.

> En ordonnant que les pères de la patrie régleront avec le chef suprême de l'empire l'éducation des princes appelés à gouverner un jour la République, la loi fondamentale de l'état assure à nos neveux que les premières pensées de ceux qui devront perpétuer leur bonheur seront pour les devoirs que leur imposera la patrie, et leurs premières affections pour le peuple qui aura élevé leur race sur le pavois impérial.

>> Admis de bonne heure dans cette enceinte, et dans celle du conseil d'état, ils y trouveront, au milieu des nombreux résultats d'une longue expérience, cette suite imposante de maximes fondamentales et sacrées qui ne se développent et ne se conservent que dans les corps dont le renouvellement est insensible, et qui donnent aux institutions et tant de durée, et tant de force, et tant de majesté.

La régence, établie avec prévoyance, n'étant jamais ni usurpée, ni contestée, ni livrée à des mains trop faibles ou étrangères, ne confère le pouvoir de conserver qu'en enchaînant l'autorité qui tendrait à détruire.

De grandes dignités, ajoutant à la splendeur du trône, en fortifient la base sans pouvoir l'ébranler ; en détournent la foudre dans les temps orageux; donnent aux conseils plus de maturité; peuvent, en écartant toute barrière funeste, ne laisser aucune pensée utile perdue pour l'empereur, aucune action vertueuse perdue pour l'état, aucune affection de l'empereur perdue pour le peuple; offrent aux plus grands services la plus brillante

DU 16 THERM. AN X (4 AOUT 1802 ). palme; ne deviennent l'objet de toutes les ambitions que pour les éloigner de tout dessein pervers; n'inspirent les grands projets et les grandes actions qu'en forçant à maintenir la Constitution de l'état, et n'élèvent des citoyens dans un rang éclatant que pour faire voir de plus loin le triomphe de l'égalité.

> Toutes les fois qu'un nouveau prince prend les rênes du gouvernement, son serment solennel lui rappelle ses devoirs, les droits inviolables de la propriété, et tous les autres droits imprescriptibles du peuple.

» Le dépôt sacré de la liberté individuelle et de la liberté de la presse est remis au sénat plus spécialement que jamais.

» Et dans quelles mains pourrait-il être plus en sûreté !

Ne trouve-t-on pas dans le sénat le nombre, qui, par la diversité des opinions, des affections et des intérêts, écarte de la majorité tous les germes de séduction; l'âge, qui fait taire toutes les passions devant celle du devoir; la perpétuité, qui ôte à l'avenir toute influence dangereuse sur le présent; l'étendue de l'autorité et la prééminence du rang, qui délivrent des illusions funestes l'ambition satisfaite?

> La liberté sainte, devant laquelle sont tombés les remparts de la Bastille, déposera donc ses craintes ; l'homme d'état sera satisfait; et les ombres illustres du sage l'Hôpita!, du grand Montesquieu et du vertueux Malesherbes seront consolées de n'avoir pu que proposer l'heureuse institution que consacre le sénatusconsulte.

› Les difficultés relatives aux opérations des colléges électoraux ne pouvant être résolues qu'avec l'intervention du sénat, le vœu du peuple ne sera jamais méconnu.

» Les listes des candidats que ces colléges choisissent étant souvent renouvelées, l'une des plus belles portions de la souveraineté du peuple sera fréquemment exercée.

» Les membres du corps législatif, rééligibles sans intervalle, seront, s'il est possible, des organes plus fidèles de la volonté nationale; les discussions auxquelles ils se livreront, et leurs communications plus grandes avec le tribunat, éclaireront de plus en

plus les objets soumis à leur approbation; et une plus longue durée des fonctions des tribuns ajoutera à leur expérience dans les affaires.

› Une haute-cour, garante des prérogatives nationales confiées aux grandes autorités, de la sûreté de l'état et de celle des citoyens, formera un tribunal véritablement indépendant et auguste, consacré à la justice et à la patrie.

› Son siége tutélaire et redoutable sera dans cette enceinte.

Les conservateurs du pacte social, les dépositaires des lois civiles y rassureront l'innocence, en faisant trembler le crime, qu'aucun asile ne pourra dérober à la puissance de la nation.

>

› L'aréopage d'Athènes jugeait au milieu des 'ombres de la nuit; c'était un emblème de l'impartiale équité. La France aura la réalité de cette image.

La haute-cour, placée au sommet de l'état, n'apercevra ni les intérêts privés ni les affections particulières, que la distance fera disparaître.☀.

› Elle ne verra que la République et la loi.

› Elle assurera la responsabilité des grands fonctionnaires, de ceux particulièrement qu'un grand éloignement de la métropole pourrait soustraire à la crainte de la vengeance des lois.

› Elle assurera surtout la responsabilité des ministres, cette responsabilité sans laquelle la liberté n'est qu'un fantôme derrière lequel se cache le despotisme.

› Enfin le sénatus-consulte organique rend l'hommage le plus éclatant à la souveraineté nationale.

› Il détermine que le peuple prononcera lui-même sur la proposition d'établir l'hérédité impériale dans la famille de NAPO LÉON BONAPARTE.

. Il fait plus, et je prie qu'on soit attentif à cette observation, il consacre et fortifie, par de sages institutions, le gouvernement que la nation française a voulu dans les plus beaux jours de la révolution, et lorsqu'elle a manifesté sa volonté avec le plus d'éclat, de force et de grandeur.

› La commission a donc pensé à l'unanimité qu'elle devait pro

poser au sénat d'adopter le projet de sénatus-consulte qui lui a

été présenté.

⚫ Que Napoléon Bonaparte soit empereur des Français !

> Et puisse-t-il faire le bonheur de nos arrière-neveux, comme il fera à jamais l'admiration de la postérité!

› Ce sentiment nous amène à l'expression de la reconnaissance publique envers les deux consuls, qui, pendant tout le cours de leur haute magistrature, n'ont cessé de bien mériter de la patrie, et que l'estime du sénat suivra dans tous les rangs où le bien de l'état les portera.

» Mais, citoyens sénateurs, lorsque vous aurez adopté le projet de sénatus-consulte qui vous est présenté, il vous restera encore un grand devoir à remplir envers la patrie.

› Le peuple sera consulté sur la proposition de l'hérédité de la dignité impériale dans la famille de Napoléon Bonaparte.

› Nous attendrons avec respect sa décision souveraine sur cette importante proposition.

» Mais c'est par le sénatus-consulte organique qui vous est soumis que la dignité consulaire est changée en dignité impériale pour Napoléon, et pour le successeur que les constitutions actuelles de la République lui donnent le droit de présenter.

› A l'instant où vous aurez imprimé le sceau de votre autorité au sénatus-consulte, Napoléon est empereur des Français.

› Hâtez-vous de satisfaire la juste impatience des citoyens, des magistrats, de l'armée, de la flotte, de la France entière !

⚫ Donnez le signal qu'on vous demande de toutes parts, et qu'une démarche solennelle proclame l'empereur!

>> Votre commission a donc l'honneur de vous proposer à l'unanimité :

› Premièrement d'adopter le projet de sénatus-consulte organique présenté par les orateurs du gouvernement;

» Secondement de rendre le décret suivant :

› Le sénat en corps présentera, immédiatement après sa séance, » le sénatus-consulte organique de ce jour à Napoléon Bonaparte, › empereur des Français.

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