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mille, commandés par l'archiduc Ferdinand, mirent bas les armes et se livrèrent prisonniers à Trotchtelfingen. Ainsi, un mois après le départ de Napoléon, l'armée ennemie qui avait envahi la Bavière était détruite, et les Français envahissaient le territoire autrichien. Une proclamation leur annonça qu'une seconde campagne, dirigée contre l'armée austro-russe, allait commencer : en effet, l'empereur ordonna que le mois d'octobre compterait pour une campagne sur les états de service de tous les militaires de la grande armée.

Ces succès avaient été si rapides, si imprévus, qu'ils déroutèrent toutes les menées diplomatiques que l'on faisait pour accroître les forces de la coalition. Les cours du Nord croyaient que quatre-vingt-cinq mille hommes feraient assez de résistance pour donner le temps au moins aux renforts d'arriver. L'empereur de Russie, en se rendant à son armée, passa par Berlin et détermina le roi de Prusse à faire un traité d'alliance offensive et défensive, et à adhérer à la coalition. On aliait signer, lorsqu'on apprit les malheurs des troupes autrichiennes à Ulm et à Trotchtelfingen. Le roi pouvait difficilement refuser à son auguste visiteur de ratifier une promesse qu'il avait donnée. Il se borna à introduire dans l'acte des réserves qui lui permissent d'agir selon les circonstances, et il signa le 3 novembre. Alexandre courut à son armée, assuré que la première faveur de la fortune donnerait ce nouvel allié à la coalition. Il comptait sur la victoire.

De leur côté, les Autrichiens concentraient toutes leurs forces pour défendre le territoire: ils rappelaient à Vienne l'armée du Tyrol; le prince Charles recevait l'ordre d'envoyer trente-deux bataillons, et de venir lui-même avec tout ce qu'il pourrait amener. Mais cette dernière prescription n'était pas facile à exécuter. Masséna avait attaqué Vérone les 3 et 4 septembre, et s'était emparé de ce passage sur l'Adige. Instruit, le 28 octobre, de la situation de la grande armée, il fit des dispositions pour livrer une affaire générale. On se battit le 30 avec acharnement; les ennemis eurent trois mille hommes tués ou blessés, et trois mille cinq cents prisonniers. Le champ de bataille resta aux

Français; mais les Autrichiens, de leur côté, restèrent en bon ordre. Le lendemain Masséna recommença l'attaque, mais sans pouvoir chasser l'ennemi des positions qu'il avait prises. Ce fut alors sans doute que le prince Charles reçut l'invitation de se rapprocher du théâtre principal de la guerre. Il commença sa retraite suivi par Masséna qui lui enlevait chaque jour du monde. Le 1er novembre, une division tout entière fut enveloppée et mit bas les armes. Le 2, nous fimes six cents prisonniers ; le 3„neuf cents; le 4, nous arrivâmes sur les bords de la Brenta, dont les ponts avaient été détruits; cette circonstance permit à l'archiduc Charles de gagner une marche sur l'armée qui le poursuivait.Tout pressait la retraite de ce prince: Ney, avec un corps détaché de la grande armée, envahissait le Tyrol. Aussi, après avoir jeté dixhuit bataillons dans Venise, le prince se hâta de gagner la vallée de Raal, où il se joignit aux corps du Tyrol, pour de là tâcher d'aller se joindre aux réserves russes qui venaient se former en arrière de Vienne. Masséna continua de suivre la route de Laybach, et alla bloquer Trieste; tandis que Ney, faisant mettre bas les armes à deux divisions autrichiennes, et s'emparant du Tyrol, établis sait des communications avec lui.

La grande armée n'était pas restée immobile pendant ce temps. Déjà on en était aux mains avec l'avant-garde de l'armée russe, forte de quarante mille hommes, commandée par Kutusof, et on la forçait à reculer rapidement, perdant du monde et laissant des prisonniers. Une brigade de cavalerie, commandée par Sébastiani, entra à Vienne le 22 novembre. La cour impériale avait évacué cette ville depuis quelques jours, et s'était retirée à Olmütz. Napoléon traversa cette ville dans la nuit du 22 au 25, et alla établir son quartier général à Schoenbrunn. Il fit passer le Danube à toutes les troupes qui étaient à sa disposition, et se porta sur la route de Brunn pour marcher contre les Russes.

Le premier effet de ce mouvement, pouvait être de couper Kutusof. Mais ce général réussit à se retirer jusqu'à Olmütz. Là il fut rejoint par la grande armée russe et par les réserves autrichiennes. Aussitôt il se porta en avant et marcha sur Austerlitz.

L'empereur, de son côté, recula, combinant ses mouvemens de manière à donner à croire à l'ennemi qu'il craignait de s'engager. Ce fut en effet l'opinion des deux empereurs de Russie et d'Autriche, qui se trouvaient réunis, et de Kutusof, leur général en chef. Cette opinion les perdit: en effet, elle les conduisit sur le champ de bataille que Napoléon avait choisi; elle leur fit occu: per les positions qu'il semblait leur abandonner, et prendre, par suite, les dispositions les plus favorables à ses projets. Les AustroRusses manœuvrèrent comme s'ils eussent été instruits des désirs de Bonaparte, et qu'ils eussent voulu y obéir.

Nous allons tâcher de donner une idée du terrain choisi par Napoléon. Que l'on se figure une équerre formée de deux chaînes parallèles de hauteurs, séparées par une vallée que parcourt un gros ruisseau. L'angle rentrant de cette équerre regardait Vienne; l'armée française l'occupait. Sur la partie extérieure de cette équerre était massée l'armée austro-russe. L'une et l'autre armée n'occupaient cependant que l'une des branches de l'équerre, celle où l'on devait s'étendre pour défendre la route de Vienne ou pour s'en emparer. Elles étaient campées face à face, séparées seulement par le vallon. Quant au côté de l'équerre qui était dirigé vers Vienne, les Français l'avaient laissé vide de toute défense. En conséquence, l'ennemi, voulant tourner notre droite, fit descendre sa gauche, c'est-à-dire le tiers de ses forces, des bauteurs qu'elles occupaient, et les fit marcher dans le vallon qui était creusé dans cette dernière branche de l'équerre. On le laissa faire ce mouvement et s'engager sans lui présenter la moindre résistance. Puis, le moment venu, profitant du brouillard, un corps de notre armée, commandé par Soult, alla prendre possession des hauteurs que les Russes avaient quittées pour nous tourner. Elles se trouvèrent, par ce fait seul, avoir elles-mêmes tourné l'ennemi et le prendre en flanc. En même temps toute la ligne donna; le centre ennemi fut enfoncé, et la plus affreuse déroute le livra aux charges de notre cavalerie, Quant à sa droite qui s'était engagée dans la vallée dont nous avons parlé, une partie fut faite prisonnière; une partie, qui s'était réfugiée sur

la glace qui couvrait le lac de Ménitz, s'abìma dans l'eau. Cette bataille, l'une des plus belles et des moins chèrement achetées qu'aient remportées les armées impériales, fut donnée le 2 décembre 1805 (12 frimaire an xiv). Les soldats l'appelèrent la bataille des trois empereurs. Napoléon lui donna le nom d'Austerlitz.

Deux jours après, l'empereur d'Autriche rendit visite à Napoléon. Un armistice fut convenu entre les Autrichiens et les Français. Enfin, le 26, la paix fut signée à Presbourg entre les deux nations. L'empereur d'Autriche cédait à la France les états vénitiens, l'Istrie et la Dalmatie qu'il possédait depuis le traité de Campo-Formio; il cédait à la Bavière le margraviat de Burgaw, la principauté d'Eichstaed, le Tyrol, Brixen, Trente, le Voralberg, etc. Enfin, il s'obligeait par un traité secret à payer à la France 40 millions de francs.

Quant à l'empereur de Russie et à son armée, ils firent à la hâte leur retraite. Cette armée, réduite à vingt-six mille hommes, sans canons ni caissons, et en partie sans armes, se trouva coupée. Les Français la suivaient; les Français étaient devant elle, et allaient s'emparer d'un pont qu'il fallait absolument franchir. Il s'agissait de passer. L'empereur Alexandre usa de ruse. Il écrivit un billet de sa main, dans lequel il annonçait qu'un armistice était signé entre Napoléon et les alliés. Cela était faux; l'armistice ne regardait que les Autrichiens. Le général français crut à la parole impériale et laissa défiler l'armée russe. C'est ainsi que l'armée russe et son empereur échappèrent sans avoir fait de traité. La Prusse renouvela le sien.

La cour de Naples n'avait pas été aussi prudente que la Prusse. Elle avait également accédé à la coalition; mais, instruite trop tard sans doute de la situation des affaires en Allemagne, elle accueillit, le 19 novembre, un débarquement de vingt mille AngloRusses et y joignit ses troupes. En conséquence, le jour même du traité de Presbourg, Napoléon annonça à ses troupes que la dynastie de Naples avait cessé de régner, et ordonna à un détachement de la grande armée d'exécuter ce décret. Il le fut en ef

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fet. Joseph fut placé sur le trône de Naples. La famille condamnée, chassée du continent, ne régna plus que sur la Sicile.

Mais le bonheur qui suivait Napoléon sur terre l'abandonnait sur mer. Le désastre de Trafalgar troubla toutes les joies que lui avait fait éprouver la campagne d'Autriche. En partant pour cette campagne, il avait ordonné au ministre de la marine Decrès de remplacer l'amiral Villeneuve par l'amiral Rosily. Decrès n'obéit pas; il instruisit Villeneuve dont il était l'ami de la disgrace où il était tombé, et, sans doute pour lui donner quelque occasion favorable à sa fortune, lui envoya l'ordre de sortir de Cadix et de rentrer à Toulon. Celui-ci espéra se racheter par une victoire; il résolut de combattre la flotte anglaise commandée par Nelson qui surveillait le port de Cadix. Il sortit donc avec trentetrois vaisseaux, dont dix-huit français et quinze espagnols. Nelson n'en avait que vingt-sept; mais il avait l'avantage du vent, et il manœuvra de manière à couper en deux la flotte qui lui était opposée. Il se forma donc en deux colonnes et alla, vent arrière, attaquer les ennemis. L'amiral Collingwood, à la tête d'une des colonnes, se porta sur le vaisseau monté par un des amiraux espagnols et attaqua la queue de la ligne; Nelson lui-même, à la tête de l'autre colonne, s'engagea contre l'amiral Villeneuve, et coupa de son côté la ligne française. Les dispositions des Anglais étaient si bien prises que la mort de Nelson, tué au commencement de la bataille, ne nuisit point au succès. Il résulta de cette manœuvre que les vaisseaux français et espagnols ne reçurent plus d'ordres de leurs amiraux, que chacun de ces bâtiments eut à combattre en même temps plusieurs ennemis, en sorte qu'ils purent être détruits les uns après les autres. Une partie des vaisseaux français, commandée par Dumanoir, contrariés, dit-on, par le vent, ne purent arriver à temps là où était le danger; ils prirent le parti de se retirer; l'amiral Gravina seul ne s'abandonna pas dans le danger: il réussit à rallier onze vaisseaux espagnols et français et rentra à Cadix. Les Anglais ne prirent que dix-huit bâtimens, encore plusieurs réussirent à se sauver dans la nuit. Mais la flotte n'en était pas moins détruite, et, ce qui est plus fâcheux, le mo

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