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éditions : j'ai répondu en peu de mots dans celle - ci à ces objections, qu'il m'eût suffi peut-être d'énoncer, pour en faire sentir la petitesse et le ridicule.

Mais il en est une sur laquelle je me crois obligé d'entrer ici dans quelques développemens, parce qu'elle a séduit des personnes de bonne foi, et je reconnais qu'en effet, je n'avais pas donné sur cela, dans les premières éditions, des explications suffisantes. Il s'agit du sacrifice d'hommes qu'exige en apparence le nouveau mode de défense proposé. Ce sacrifice au contraire, comme on va le voir, n'est pas, à beaucoup près, aussi considérable que dans le mode actuel; et c'est ici même que se trouve le résultat le plus important de la nouvelle doctrine. Pour s'en convaincre, il suffira d'analyser succinctement, et de comparer les deux méthodes.

Wällen.

Dans le mode actuel, l'artillerie et les défenseurs sont rangés tout à découvert sur les remparts, occupés à faire perpétuellement un feu très-inutile; puisqu'ils ne font que tirer devant eux, sur un ennemi qu'ils ne voient pas, et qui leur est dérobé par des épaulemens, où vont s'enterrer les balles et les boulets qu'on lui

envoie.

Mais si le feu de la place est insignifiant pour le succès de la défense, celui de l'assiégeant ne l'est pas contre elle. Il enfile toutes les branches des ou

vrages par des ricochets, et si quelqu'obstacle s'oppose à l'établissement de ces ricochets, il écrase ces mêmes ouvrages par des pierres et des bombes, au point que deux ou trois jours lui suffisent pour démonter toute l'artillerie des remparts, tuer ou estropier la plus grande partie des défenseurs, briser les palissades, et balayer en un moment tout ce qui ose encore se montrer. Alors n'ayant plus rien à craindre, pas même ce vain bruit qu'avait pu faire l'assiégé d'abord; l'assiégeant vient planter ses batteries sur le haut du glacis, fait brèche en 36 heures au mur le plus épais, et la place est forcée de se rendre sur-le-champ; à moins que par une sorte de fanatisme de bravoure, la garnison ne prenne le parti extrême de soutenir un assaut, dont le mauvais succès peut entraîner le massacre de la population toute entière. Telle est l'histoire de tous les siéges, depuis la méthode des attaques imaginées par M. le maréchal de Vauban. Voyons maintenant quels sont les procédés de la nouvelle défense proposée.

D'abord dans ce nouveau mode, du moment que l'assiégeant à établi ses batteries au milieu de la campagne, il ne doit plus paraître sur les remparts, ni un seul homme, ni une seule pièce de canon. Tout est retiré dans des casemates ou sous des blindages, d'où l'assiégé se contente de tirer àricochet sur les tranchées

d

et le long des capitales, en attendant que l'ennemi s'approche assez pour se trouver sous la portée de ses pierriers casematés, c'est-à-dire, sur le glacis même de la place. Alors si cet ennemi se présente en force, l'assiégé met en jeu tous les pierriers et l'accable de projectiles, sans que les coups de l'assiégeant puissent tomber sur qui que ce soit de la place, sinon par un hasard qu'on ne saurait prévoir.

Si au contraire l'assiégeant se borne à pousser des têtes de sape, dans lesquelles il y ait seulement quelques travailleurs; on forme une multitude de petits détachemens, qui partant à l'improviste, pendant qu'on suspend l'action des pierriers, marchent rapidement sur les têtes de sape, tuent les travailleurs, culbutent leurs tranchées, et sont revenus avant que l'ennemi, dont le système supposé alors, est de se tenir hors de la portée des feux verticaux, ait pu venir au secours de ees travailleurs. Telle est la marche prescrite à l'assiégé, depuis le commencement du siége jusqu'à la fin.

Je demande maintenant, laquelle de ces deux méthodes est la plus sûre pour les défenseurs et la plus meurtrière pour l'assiégeant? Il ne faut pas être bien savant pour répondre à cette question.

Sans doute il faut de la valeur et de l'industrie tout ensemble, pour conduire une défense telle que je viens de la proposer; il faut de la valeur pour

les coups de main multipliés qui doivent avoir lieu à l'attaque continuelle des têtes de sape; il faut de l'industrie pour saisir le moment convenable, prendre l'ennemi sur le temps, mettre l'artillerie et les hommes àcouvert, lorsqu'ils ne sont pas employés à ces attaques: mais n'est-il pas évident que ces deux élémens ineontestables de toute bonne défense, la valeur et l'industrie, sont ici combinés de la manière la plus avantageuse? tandis que dans les procédés ordinaires ils le sont sans fruit; que le second y manque absolument, et que le mauvais emploi du premier ne fait qu'accélérér la perte totale de l'assiégé,

La méthode proposée est fondée sur les coups de main, elle consiste essentiellement à convertir le système général de la défense en une série d'attaques partielles: mais remarquons que ces coups de main se font toujours en opposant le fort au faible, un détachement de gens armés contre un groupe de travailleurs surpris et peu ou point soutenus; remarquons que ces attaques partielles n'ont jamais lieu au loin, que la scène se passe toujours sur le glacis et sous le feu immédiat de la place; que si l'ennemi y vient, il est accablé de feux verticaux, que s'il n'y vient pas, on n'a rien à en craindre, et qu'on reste alors maître du champ de bataille.

L'expérience prouve qu'on court bien moins de

risque en faisant par intervalle des incursions momentanées pour surprendre l'ennemi, qu'en demeurant toute une journée collé derrière un parapet, enfilé et plongé de toutes parts; et cependant la première manœuvre produit un tout autre effet que l'autre, au moral aussi bien qu'au physique. Elle entretient le courage, elle soutient la confiance qui est le gage de la victoire. Le caractère national du Français est d'attaquer toujours; il gagne de l'audace en allant à l'ennemi; il en perd s'il attend; un rôle passif ne lui convint jamais. Pourquoi ne ferait-on pas usage de ces données dans la défense des places, aussi bien que dans la guerre de campagne? C'est une grande erreur que de négliger dans un calcul, ces résultats d'une longue suite de faits.

Dans le système actuel des retirades méthodiques, la perte de la place est inévitable; dans le nouveau système, au contraire, on n'est jamais forcé de la rendre, aussi long-temps qu'on a des hommes, des subsistances et des munitions; parce qu'on ne perd pas un seul point du théâtre de la défense rapprochée, qu'on ne le reprenne aussitôt, et avec moins de perte d'hommes, que s'il avait fallu le défendre quelques heures seulement de pied ferme. La valeur est donc mieux employée dans le nouveau mode, mieux secondée par l'industrie.

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