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INTRODUCTION:

LORSQUE l'on jette un regard en arrière sur les trente-cinq années qui viennent de s'écouler, l'imagination a peine à saisir l'ensemble et la liaisou de tous les événemens qui se sont succédés; leur marche a été tellement rapide, que l'on trouverait difficilement dans l'histoire un siècle qui en présentât un aussi grand nombre et d'aussi extraordinaires. Les contemporains, eux-mêmes, restent stupéfaits en pensant qu'ils ont été témoins et acteurs de scènes aussi variées, aussi désastreuses, et qu'ils y ont survécu.

Il est difficile de classer et de fixer la durée de ces Gouvernemens qui ont, tour à tour, avili et illustré, enrichi et épuisé cette belle France, que ses immenses ressources, ses riches productions, l'active industrie et l'heureux caractère de ses habitans, ont fait résister et survivre à tous les chocs auxquels

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elle a été exposée. Il n'est donc pas étonnant que tant d'historiens, parmi lesquels on en compte un grand nombre de célèbres, se soient emparés de cette époque remarquable pour en tracer les événemens.

Les uns, dans des histoires très-étendues, ont recherché les causes de tant d'effets prodigieux ; ils ont aussi jugé les personnes et les choses. D'autres, dans des Chronologies, ont rapporté les faits dépouillés de toute espèce de réflexions; mais aucune de ces Chronologies n'avait encore présenté la réunion complète des événemens de la révolution, lorsque je pensai que ce serait faire un travail utile que de réunir dans un seul cadre cette immense série d'événemens, afin que l'on pût facilement en saisir l'enchaînement et l'ensemble.

La méthode chronologique me paraissait d'ailleurs convenir parfaitement à cette époque de notre histoire. En 1794, Rabaut Saint-Étienne disait : « le moment est venu « où l'on peut écrire l'Histoire de la Révo

»lution. » Il se trompait, non-seulement il n'était pas temps alors; mais cette tâche est encore difficile à remplir aujourd'hui. Ceux qui ont écrit, qui écrivent ou qui écriront d'ici à trente ans, sur ce vaste et important sujet, auront été les contemporains de la révolution; il est impossible qu'ils n'aient pas été froissés dans leurs intérêts ou dans leurs affections; peut-être aussi en auront-ils obtenu quelques avantages : leur opinion doit donc porter le cachet des sensations qu'ils ont éprouvées ou qu'ils éprouvent encore.

Sans doute il est des auteurs qui écrivent de bonne foi et avec impartialité; mais pourront-ils se garantir d'une influence quelconque: les excès de la terreur ne leur ferontils pas confondre dans la même proscription tous ceux qui disposaient du pouvoir à cette époque? L'immensité de gloire acquise par nos armes, ne leur en fera-t-elle pas juger légitimes toutes les causes? Les bienfaits de la restauration ne leur en feront-ils pas approuver tous les actes? Que de motifs d'influence

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pour un auteur! Il tient à la société par tant de liens; il est fils, il est père, il est ami, il peut être fonctionnaire public, il est homme enfin.

S'il est difficile de déterminer exactement les causes des événemens de la révolution et d'en suivre toutes les conséquences, il se présente encore plus de difficultés pour bien juger les hommes; cependant, les circonstances ont varié tant de fois, que, quelque adroits ou ingénieux qu'ils aient été, leur caractère et leur opinion ont dû se mettre à découvert. Mais un grand nombre de ceux qui ont pris part à la révolution, existent encore; quelques-uns sont revêtus de dignités et d'honneurs; comment sera-t-il donc possible que l'opinion d'un auteur ne soit pas influencée, quand il ne ferait qu'observer les convenances? Jamais le portrait moral d'un homme vivant ne ressemblera à celui que l'on en fera après sa mort.

L'histoire, écrite dans des temps plus reculés, pourra profiter des documens nom

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