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heureuse famille. Au milieu des soucis et des préoc

cupations dont elle était entourée, cette bienfaisante princesse eut l'attention de renvoyer francs de port les placets qui lui avaient été remis durant son voyage, et pour le succès desquels son intercession était désormais sans puissance (1).

L'ordre chronologique exige que nous reportions notre attention sur les événements de Paris. Quelques membres de la Commission municipale avaient songé à dresser une espèce de programme de principes dont l'adoption formerait

(1) Informée que des fonds, appartenant à la Dauphine, étaient déposés chez M. Charlet, secrétaire des commandements de cette princesse, la Commission municipale en ordonna la saisie dans la journée du 31 juillet. On trouva dans le coffre-fort de cet officier environ 140,000 fr. en diverses valeurs, et plusieurs autres effets précieux. Cette étrange expédition, dont le but réel était de forcer la famille royale à restituer les bijoux de la couronne, excita quelque tumulte dans la multitude, qui se méprit sur son objet. Les gens du peuple auxquels étaient confiées ces richesses, et qui eussent pu les détourner à la faveur de ce désordre, les déposèrent fidèlement à l'Hôtel-de-Ville. M. Mérilhou, qui fut chargé d'inspecter les registres de l'intendant, ne put, dit-on, s'empêcher d'être frappé du grand nombre de traits de bienfaisance qu'il y trouva consignés. Tous ces objets furent restitués plus tard à M. Charlet.

un contrat entre le peuple et le pouvoir héritier de sa victoire (1). Mais cette idée fit place à celle d'une simple conférence dans laquelle Lafayette, à qui les conditions de ce programme avaient été communiquées, serait chargé de pressentir le prince sur son système futur de gouvernement. Le général se ren

(1) Voici, d'après MM. Cabet (Révolution de 1830), Sarrans et d'autres écrivains républicains, les articles de ce Programme, devenu si célèbre, sous le nom de Programme de l'Hôtel-de-Ville :

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<<< La souveraineté nationale reconnue en tête de la Constitution comme le dogme fondamental du gouvernement. Point de pairie héréditaire, mais deux chambres homogènes. Renouvellement complet de la magistrature. — Lois municipale et communale sur le principe le plus large de l'élection. Point de cens d'éligibilité. - Cens électoral à 50 fr. L'élection appliquée à toutes les magistratures inférieures, notamment aux justices de paix. — Plus de priviléges ni de monopoles. Liberté entière des cultes et de l'enseignement. Une école primaire gratuite par commune. Liberté entière de la presse, sans timbre ni cautionnement, ni droit de transport pour les journaux. Jury pour les délits de la presse. Jury d'accusation. Garde nationale nommant directement tous ses officiers, sans exception. — Responsabilité des agents secondaires, sans autorisation du conseil-d'état.

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<< Toutes ces bases adoptées provisoirement, et devant être soumises à la sanction de la nation, seule capable de s'imposer le système de gouvernement qui lui conviendrait.>>

dit en conséquence, le 1er août, au Palais-Royal. « Vous savez, dit-il au duc d'Orléans, dans un entretien que l'histoire doit recueillir, vous savez que je suis républicain, et que je regarde la constitution des Etats-Unis comme la plus parfaite qui ait existé. Je pense comme vous, lui répondit le prince, il est impossible d'avoir passé deux ans en Amérique et de n'être pas de cet avis; mais, croyezvous, dans la situation de la France et d'après l'opinion générale, qu'il nous convienne d'adopter cette constitution ? Non, répliqua Lafayette, qui résumait ainsi le programme rédigé par ses collègues, ce qu'il faut aujourd'hui au peuple français, c'est un trône populaire, entouré d'institutions républicaines. C'est bien ainsi que je l'entends, répartit le duc d'Orléans.

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Tenez,

ajouta Lafayette, se livrant davantage, la constitution de 1791 était une constitution vraiment républicaine. Ce n'est pas la mienne, objecta le duc, l'expérience nous en a trop bien appris les inconvénients; il est impossible de marcher avec une seule Chambre. » A la suite de cette conférence, que Lafayette s'empressa de publier, il s'écria avec enthousiasme que le duc d'Orléans était aussi républicain que lui. Cette illusion se fondait-elle sur une proposition formellement faite et agréée du programme de l'Hôtel-de-Ville ? L'his

toire manque de lumières précises sur ce point important. Notre opinion personnelle est que cette communication compromettante fut prévenue par hasard ou à dessein par le caractère expansif de l'entretien que nous venons de rapporter, et qui, sans engager gravement le prince, livrait à la sécurité du général la plupart des garanties propres à endormir ses exigences.

La journée de la veille n'avait pas ôté toute espérance au parti démocratique. Une députation de la principale société populaire, qui se réunissait chez le restaurateur Lointier, vint trouver la Commission municipale pour demander qu'aucun souverain ne fût proclamé sans que le peuple eût été préalablement consulté. M. Barrot éluda cette demande avec adresse; cependant la soirée fit craindre un mouvement en faveur de la République. La Commission engagea le lieutenant-général à faire doubler les postes : « Mais pourquoi donc un mouvement? s'écria-t-il, je suis républicain, je l'ai toujours été. »

La Commission municipale résigna dans cette journée ses pouvoirs politiques entre les mains du lieutenant-général (1). Ce prince l'invita toutefois à

(1) Voyez, aux Documents justificatifs, pièce V, le Rapport présenté par la Commission municipale au roi, à l'expiration de ses fonctions.

continuer jusqu'à nouvel ordre celles de ses fonctions qui avaient trait à la sûreté et aux intérêts intérieurs de la ville de Paris.

Les premiers actes du duc d'Orléans furent d'ordonner la reprise des couleurs de 1789, de renouveller la convocation des Chambres pour le 3 août, et d'annuler les peines prononcées pour les délits politiques de la presse. Il composa ensuite son ministère provisoire de MM. Dupont de l'Eure, qui fut appelé à la justice; le général Gérard à la guerre, le baron Louis aux finances. M. Guizot reçut le département de l'intérieur; le maréchal Jourdan celui des affaires étrangères; M. Bignon fut chargé du ministère de l'instruction publique ; M. Tupinier, directeur des ports du royaume, eut l'administration de la marine. M. Pasquier fut nommé à la présidence de la Chambre des pairs, sur la démission de M. Pastoret, chancelier de France, qui n'avait rempli aucun rôle important dans ces circonstances critiques. M. Calmon fut rappelé à la direction générale des domaines, et M. Chardel, confirmé dans celle des postes. M. Girod de l'Ain eut la préfecture de police de Paris; M. Bernard de Rennes fut désigné pour les fonctions de procureur-général à la cour royale, et M. Barthe, pour celles de procureur du roi au tribunal de la Seine.

Le général Sébastiani avait eu une grande part

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