Page images
PDF
EPUB
[ocr errors]
[ocr errors]

étaient groupées les autorités, et déclara que si dans une demi-heure, la porte n'était pas ouverte à sa compagnie, ses amis s'empareraient de vive force de l'Hôtel. Le général Rouget (1) lui répondit avec beaucoup d'énergie et de fermeté. On réclamait sa présence au dehors, il refusa de paraître; les autorités l'exhortèrent à écrire, il écrivit à ses camarades de marcher; le billet fut déchiré. Sommé par M. de Verna de se retirer, M. Prévost prit enfin ce dernier parti. Une attaque semblait imminente. Le préfet remit au lieutenant-général une requisition écrite de repousser la force par force; des officiers d'état-major furent dépêchés pour porter aux troupes l'ordre de s'avancer sur la place des Terreaux : cet ordre fut immédiatement exécuté par l'infanterie. Les sommations légales allaient être faites au peuple; mais on attendait le régiment de chasseurs pour déblayer la place et les rues adjacentes. Ce régiment avait été retardé sur le quai de Retz par une immense barricade qui le tra

la

(1) Cet officier-général, qui défendit avec tant de zèle dans ces circonstances la cause royale, était frère de Rouget de l'Isle, auteur de la Marseillaise. On connaît sa réponse spirituelle au duc d'Orléans, qui témoignait de l'intérêt à son avancement militaire: «< Monseigneur, j'ai par le monde une nièce qui me fait grand tort, »

versait dans toute sa largeur. Le colonel Verdière, se disposait à la franchir à la tête de son corps, lorsqu'un des chefs du parti populaire le conjura de renoncer à cette démonstration qui pouvait devenir sanglante. Le colonel, ému, avait hésité, puis cédé; il s'était rendu seul à l'Hôtel-de-Ville, et son régiment, démoralisé par cette manifestation de son chef, avait fraternisé bientôt avec le peuple.

Cette défection rendait la lutte impossible à soutenir. Le général en fit l'aveu. Alors le préfet consentit à l'introduction des quarante hommes à l'Hôtel-de-Ville. Ils furent aussitôt admis. Leur conduite ne tarda pas à justifier la résistance des autorités. Ils soumirent à une rigoureuse inquisition tous les actes de l'administration, et s'attribuèrent presque exclusivement la police locale. Dans la nuit, arriva une dépêche télégraphique du général Gérard, qui enjoignait au commandant de la division de faire prendre la cocarde tricolore aux troupes, et de reconnaître le duc d'Orléans comme lieutenant-général du royaume.

Le 1er août, le préfet publia l'arrêté qui réorganisait la garde nationale de Lyon; mais la Commission provisoire ne voulut reconnaître aucun des officiers nommés par ce magistrat. Bientôt, enharles nouvelles reçues de Paris, et pénétrée de

die

par

l'utilité de seconder le mouvement de la capitale, elle résolut de s'emparer ouvertement de l'autorité. Une députation de ses membres, ayant à sa tête le docteur Prunelle, vint demander à M. de Verna un local à l'Hôtel-de-Ville pour y tenir leurs séances. «Les circonstances sont pressantes, dit M. Prunelle d'une voix altérée, les autorités de Charles X n'inspirent plus de confiance au peuple, il peut se porter à tous les excès; nous venons nous interposer entre vous et lui. Je ne sais, répondit avec calme M. de Verna, si j'ai perdu la confiance du peuple; ce que je sais, c'est que rien ne pourra me déterminer à abandonner ni même à partager l'autorité que je tiens du roi. Si la violence ou un changement dans le gouvernement me forçait à me retirer, je protesterais contre cet acte, et je renverrais à leur auteurs toute la responsabilité des événements. Si vous pouviez lire dans mon cœur, vous verriez que je suis prêt à donner ma vie pour sauver la ville des malheurs dont elle est menacée. Comme individus, je vous engage à user de toute votre influence pour prévenir des désordres dont nous serions tous les victimes; mais, ne vous reconnaissant point comme corps légalement constitué, je ne puis accéder à votre demande. » Noble et simple langage, qu'on ne peut se défendre d'admirer, lorsqu'on songe que personne n'ignorait alors la victoire de

l'insurrection parisienne, et l'évacuation de Paris par les troupes royales. Tant de fermeté imposa aux délégués de la Commission; l'autorité de M. de Verna fut respectée, et la garde nationale, déjà réunie au nombre de deux mille hommes, pour installer à l'Hôtel-de-Ville la Commission administrative, retourna paisiblement sur sa place d'armes.

[ocr errors]

Le lendemain, la Commission, dont tous les actes étaient encore dominés par l'incertitude des événements, fit de nouveau proposer à M. de Verna de lui donner un local à l'Hôtel-de-Ville, mais seulement en qualité de Commission provisoire de la garde nationale. M. de Verna crut devoir, en considération des désordres qui menaçaient la ville, consentir à cette demande, mais à la double condition que cet état-major ne s'occuperait que de l'organisation de la garde, et que le drapeau blanc ne cesserait pas de flotter sur la tour de l'Hôtel-deVille. Ces propositions ayant été acceptées, la Commision prit possession de son nouveau local. On apprit le même jour, que le duc d'Orléans avait été proclamé par les Chambres lieutenant-général du les trois couleurs. Cette nouvelle amena la destruction de tous les emblèmes de la royauté. M. de Verna, ne doutant pas qu'on n'essayât prochaine

royaume, et que le gouvernement avait arboré

ment d'abattre le drapeau blanc, serra avec soin les clés du beffroi sur lequel il était déployé. Dans une proclamation rédigée avec une âpreté toute révolutionnaire, quelques membres de la Commission avaient déclaré que le préfet, le général et leurs adhérents ne pouvaient plus exercer une autorité qu'ils ne tenaient que de la trahison. Mais cet acte fut désavoué par la majorité de leurs collègues.

Le général Paultre de la Mothe s'était retiré au quartier de la cavalerie pour ne pas se soumettre à la surveillance de la garde nationale. Il sentait l'impossibilité de conserver Lyon plus long-temps à l'autorité du roi. Déjà une dépêche menaçante du ministre de la guerre, tombée dans les mains des insurgés, lui avait reproché son silence et son inaction. Il tint conseil avec ses officiers. On agita si l'on quitterait la ville avec les troupes, en conservant le drapeau blanc, ou si l'on reconnaîtrait le nouveau gouvernement. La nécessité fit embrasser ce dernier parti.

Cette circonstance, jointe à l'impossibilité de conserver plus long-temps les couleurs royales à l'Hôtel-de-Ville, détermina M. de Verna à se retirer. Il rédigea une protestation énergique contre l'acte de violence par lequel on substituait le drapeau tricolore au drapeau blanc; et, après avoir déployé

« PreviousContinue »