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glise, les ministres visibles du souverain invisible de toutes choses.

Qu'on ne vienne pas aujourd'hui réclamer pour eux une succession que ne leur laissa par le Père commun? Celle qu'il leur a léguée en mourant pour eux comme pour nous; celle qu'il leur a ordonné de conserver, de défendre, d'augmenter, c'est la doctrine de la foi, c'est la pureté du dogme, c'est l'enseignement de la morale, ce sont la charité, le désintéressement.

Une bonne fois pour toutes, Messieurs, faisons cesser ces vaines clameurs, ces prétentions, qui portent atteinte au crédit public et font injure à la religieuse justice de notre auguste monarque.

Chaque fois qu'on provoque la foi du Roi trèschrétien, pour réclamer des biens qui n'appartiennent en aucune façon aux prêtres, aux ecclésiastiques salariés ou pensionnés par l'Etat, l'on ne s'écarte pas moins, à mon sens, de ses devoirs, comme chrétien et comme Français, que ceux qui, égarés par les déclamations d'un clergé ignorant ou factieux, croyaient servir Dieu, la religion et l'Etat, en désobéissant au souverain que Rome avait excommunié.

Messieurs, je confesse la religion catholique dans toute son étendue ; j'ai besoin de déclarer ici publiquement,que le symbole des apôtres est ma foi entière; aussi je professe sincèrement la doctrine que j'ai puisée à l'école de mes maîtres, les dépositaires de la science et de la sagesse, des vertueux magistrats qui, dans les parlements de France, avaient posé les véritables principes sur les droits des puissances séculières et ecclésiastiques.

Je me permettrai, Messieurs, peu de réflexions maintenant sur la première partie du projet de votre commission.

Il est impossible, comme on vous l'a dit, de grever, dans ce moment, le trésor public du fardeau de 19 millions de rentes annuelles.

A peine pouvez-vous supporter l'énorme poids des charges qu'ont accumulées sur notre patrie malheureuse les maux qui ont afflué sur elle depuis une année.

Comment se permettrait-on d'être généreux quand on n'a pas le nécessaire !

Il fallait se borner à l'adoption pure et simple de la proposition de M. Blangy, et supplier le Roi, qui déjà s'en est si utilement occupé, de prendre les moyens possibles pour l'amélioration du sort des prètres, et l'entretien de nos églises.

Pourquoi, Messieurs, suis-je encore obligé de vous parler de ces hommes qu'on appelle des apostats, comme si des injures étaient nécessaires à des hommes publics pour manifester leur blame de la conduite irrégulière de quelques-uns de leurs concitoyens.

J'avoue, Messieurs, que j'ose croire qu'il y a quelquefois certains scandales qu'il serait plus utile d'inapercevoir que de faire remarquer.

C'est surtout de ceux qui sont déjà anciens, qui ont été le produit d'une déflagration générale de toutes les idées sociales, morales et religieuses, qu'il me semble sage de vouloir couvrir du voile, d'une charité vraiment politique.

On veut punir dans les prètres mariés la violation d'un vou que leur imposait la discipline ecclésiastique, qu'on sait bien n'avoir pas été si sévère dans tous les temps.

Les pensions leur avaient été constituées en forme de dédommagement de la perte réelle ou éventuelle des revenus dont ils jouissaient ou qu'ils pouvaient obtenir, si le clergé, dont ils étaient membres, n'eût pas été supprimé.

Cette pension fut créée sans condition; on ne

leur imposa ni l'obligation d'exercer leur ministère, ni de garder ni de violer le célibat.

Cette dette devint une charge de l'Etat; elle fut une créance active de ces hommes; ils purent en disposer, en vendre ou donner la jouissance.

Ce fut donc une propriété comme une autre, d'autant qu'en remettant les religieux dans le monde, la loi civile rompit leurs vœux antérieurs de pauvreté, et les rendit habiles à succéder.

Les prêtres qui se sont mariés ont offensé la loi de l'Eglise dès qu'ils ont désobéi à la discipline ecclésiastique.

Mais ils n'ont violé ni la loi politique, ni la loi civile.

Comment la puissance civile permettrait-elle de vouloir venger une faute que la loi religieuse absout tous les jours (1)!

Le mariage des prêtres ne fut pas toujours interdit dans l'Eglise.

Nos premiers pasteurs furent mariés; longtemps le mariage ne fut défendu qu'aux seuls moines. Un concile de Tolède, dans le septième siècle, défend aux ecclésiastiques, comme aux laïcs, d'avoir plus d'une femme, épouse ou concubine.

Qu'on ne s'effraye pas de ce mot. On connut autrefois dans plusieurs contrées, comme on le fait encore dans quelques Etats de l'Allemagne, un double mariage, le solennel, et le semi-mariage, ou de la main gauche; et c'est de celui-là sans doute dont parlait le canon du concile de Tolède.

Ce ne fut qu'en 1107, au concile de Troyes, que le mariage des prêtres fut prohibé. En France, quarante et un ans après, au concile de Reims, la même interdiction fut prononcée. Enfin, c'est dans le concile de Trente que ce point de discipline fut invariablement reconnu et promulgué pour toute la chrétienté.

Mais lorsqu'en France on eut aboli tous les vœux religieux, lorsqu'on ne reconnut plus le mariage que comme un contrat civil, l'on ne put l'interdire aux prétres.

Ces mariages ont produit des effets civils; il importe à l'Etat de ne pas aller troubler des unions qui lui ont donné des sujets.

Et lorsque le besoin des ces familles, qui font partie de la société, commandent plus impérieusement l'acquit de la dette contractée envers leurs auteurs, on leur enlèverait une ressource qui peut les empêcher de devenir dangereuses au repos de toutes les autres !

Lorsqu'il importerait au bonheur de la société, au maintien du bon ordre et de la police, de pouvoir donner père et mère à ces malheureux fruits de la faiblesse ou de la débauche qui peuplent nos hôpitaux ou sont à la charge de la charité publique; lorsqu'il serait si utile de les attacher à des familles, pour commencer leur éducation sociale, et avoir la meilleure garantie de leur conduite, on s'exposerait à flétrir des unions contractées à l'ombre de la loi, par des recherches qui, réveillant la malignité locale, jetteraient une honte ineffaçable sur des malheureux enfants, victimes de la faute de leurs pères!

Ne craignez-vous pas, Messieurs, sous prétexte de venger la morale, d'exciter, au contraire, la

(1) On connait des mariages bénis par l'Eglise après que les prêtres qui les avaient contractés ont été sécularisés par bref du Pape.

Des prêtres mariés, devenus veufs, ont été rappelés au ministère.

L'Eglise, fille de la religion, comme sa mère, est plus indulgente que les hommes.

plus abominable des offenses qui puissent l'atteindre, le mépris et la haine des enfants contre es auteurs de leurs jours!

Ah! quelque coupable que soit un père envers la société, les législateurs se croiraient-ils à l'abri des reproches, s'ils avaient inspiré de semblables sentiments à de malheureux enfants?

Sans doute, Messieurs, les prêtres mariés ont enfreint le vœu de chasteté que, dans nos temps modernes, on exigeait d'eux.

Mais tous les chrétiens, tous les catholiques romains qui s'engagent dans le mariage, ne promettent-ils pas d'être chastes et fidèles?

Si le Sauveur du monde apparaissait au milieu de nous, que ferions-nous, s'il nous disait, comme aux accusateurs de la femme adultère :

« Que celui d'entre vous qui se sent sans reproches, lui jette la première pierre. »

Je vote pour l'adoption pure et simple de la première partie de la proposition de M. de Blangy et je demande la question préalable sur la seconde partie, de même que sur le projet de la commission et sur la motion de M Piet.

M. de Bonald (1). Messieurs, je ne reviendrai pas sur une matière épuisée par le rapporteur de votre commission, et je ne vous parlerai pas de l'état du clergé, dont il a si éloquemment exposé es besoins et les misères. Assez d'autres vous en en ont raconté les malheurs. Les âges précédents avaient vu la violence du zèle religieux et le fanatisme des croyances. Il était réservé aux nôtres de voir les fureurs du zèle philosophique, l'athéisme devenu une religion, et un peuple chrétien poussé, au nom de la tolérance et de la liberté religieuse, aux dernières violences contre les ministres de son culte, sans vouloir et sans croire renoncer à sa religion.

Habitants pour la plupart des campagnes, vous avez gémi plus d'une fois de l'état d'humiliation et de mépris auquel se trouve réduit un prêtre qui, vivant de salaires au milieu de propriétaires, n'a pas même les droits et l'indépendance du citoyen. Vous avez vu la religion, qui doit parler de si haut et avec tant d'empire, sans parole et sans voix devant l'ignorance insolente d'un municipal de village, demander du pain à la porte de ces mêmes chaumières, où elle ne devrait porter que des consolations et des bienfaits. Cet état va cesser sans doute.

Et certes, si nous avions besoin d'un grand exemple pour rendre à la religion les honneurs qui lui sont dus, nous le trouverions aujourd'hui dans cette déclaration solennelle de trois grandes puissances de l'Europe, insérée hier dans les journaux, déclaration qui, mieux que leurs armées, termine la Révolution et réalise le vœu que celui qui a l'honneur de parler devant vous, Messieurs, a consigné il y a dix ans dans un de ses écrits: «La Révolution a commencé par la Déclaration des droits de l'homme, elle ne finira que par la déclaration des droits de Dieu. »>

Véritable traité de paix entre la religion et la politique, expiation solennelle des erreurs ou des faiblesses de la diplomatie révolutionnaire, par laquelle la religion chrétienne, représentée par les trois puissances qui en professent les trois communions, ressaisit le sceptre de l'Europe que des insensés avaient voulu arracher de ses mains; et en réunissant ainsi dans les mêmes vues politiques, les aînés de ses enfants, semble, malgré des apparences et peut-être des desseins contraires, préparer de loin les voies à une réunion

(1) Cette opinion n'a pas été insérée au Moniteur.

générale et religieuse, seule raison peut-être de tout ce que nous avons vu, seul prix qui puisse payer tout ce que nous avons souffert. Cet acte, véritable renaissance du christianisme en Europe, et qui est daté à Pétersbourg, du 25 décembre, jour de la naissance de notre Sauveur, sera aussi une ère de la civilisation; elle datera du règne de ces princes magnanimes, comme elle datait des règnes de Constantin et de Charlemagne; et lorsqu'ils proclament hautement la souveraineté politique même de Celui à qui toute puissance à été donnée dans le ciel et sur la terre; lorsqu'ils relèvent sa croix abattue, qu'ils marchent avec courage à la conquête pacifique de la justice et de la vérité, ils songent que c'est aux princes chrétiens, et pour des guerres semblables, qu'il a été dit: In hoc signo vinces.

Hélas! la France eût donné autrefois cet exemple qu'elle est aujourd'hui forcée de recevoir; mais du moins elle répondra au noble appel qui lui est fait, en rendant aux ministres de son culte les droits et les prérogatives de citoyens, et en changeant, dans ses lois politiques, tout ce qui offense la religion et alarme les consciences.

On vous a proposé hier de rendre à la religion la partie des biens qui n'a pas été vendue. Je dis à la religion et non pas au clergé; car, si nous voulons faire vivre dans une honnête aisance les ministres des autels, c'est la religion seule que nous voulons doter et enrichir. Et il ne faut pas s'y tromper, les biens du clergé ont été l'effet de la piété des fidèles, mais les richesses de la religion qui fondaient et soutenaient tant d'utiles institutions, étaient, plus qu'on ne pense, la cause de cette piété.

La mesure proposée tend à ramener la France, sur un point important, au système territorial ou plutôt foncier, qu'elle avait si malheureusement abandonné pour le système fiscal, système brillant, il est vrai, mais sans solidité, et qui, favorisant à l'excès dans les fortunes, dans les arts, dans les intérêts, un mouvement qui n'est que de la mobilité, pousse les mœurs à l'inconstance et les esprits au changement.

La religion, comme la royauté, devint propriétaire, et dès les temps les plus anciens, à mesure qu'elle passa de l'état précaire de doctrine persécutée à l'état fixe et stable de société. Maís et dans les premiers temps où elle vivait des dons que lui faisaient ses disciples, et dans les derniers où elle reçut ou acquit des fonds de terre, elle ne fut jamais qu'usufruitière et d'abord elle n'avait que la propriété d'un usufruit, et plus tard elle n'a eu que l'usufruit de ses propriétés.

Toutes ces dotations ne furent l'ouvrage ni d'un siècle, ni d'un homme, ni d'une loi. Mais une grande et religieuse pensée inspirait tous les esprits, un motif général donnait l'impulsion à tous les motifs particuliers, même lorsqu'ils n'étaient pas toujours bien éclairés; et chacun obéissant, à son insu, à cette direction générale, croyait ne prendre conseil que de lui-même, lorsqu'il était entraîné par la force des choses et la disposition universelle des esprits.

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Je connais comme un autre les abus qui se sont glissés, qui pourront se glisser encore dans cette faculté d'acquérir donnée au clergé. « Si je voulais, dit Montesquieu, raconter les abus des « institutions les plus nécessaires, je dirais des « choses effroyables. » Et qu'il me soit permis de le répéter à des législateurs comme le premier axiome de la science de la société Ils ne doivent jamais s'arrêter aux abus inséparables

: a

< des meilleurs choses, ni aux avantages, on « peut dire inévitables, qui se rencontrent dans « les plus mauvaises. »

Témoins comme nous, et mêine plus que nous, des désordres de quelques ministres de la religion, du mauvais emploi de quelques biens ecclésiastiques, nos pères n'accusaient pas la religion des torts de ses ministres, pas plus que la royauté des fautes des rois; et il était réservé à la philosophie de nos jours de rétrécir la pensée en voyant toujours l'homme et jamais la société.

jourd'hui celle qui peut leur offrir la plus grande somme d'impôts et de dettes.

Ainsi, les impôts qui ne devraient servir qu'à acquitter les besoins passagers de la société, en soldent aujourd'hui tous les services politiques et religieux; et comme tout se réduit en salaires, tout aussi s'évalue en argent, et ce signe de toutes les denrées deviendra infailliblement le prix de toutes les vertus.

Revenons aux principes. La royauté doit être propriétaire, pour être indépendante; et la religion attaquée par plus de passions, et défendue par moins de forces, devrait être, s'il est possible, plus propriétaire pour être plus indépendante.

Il faut donc rétablir la société religieuse, et lui rendre son indépendance, qui, chez un peuple propriétaire, ne peut consister que dans la propriété de la terre. Il faut donc lui rendre ce qui n'a pas été vendu par ceux qui, après l'avoir condamnée à mort comme un coupable, confisquèrent ses biens, ou plutôt la firent mourir pour les confisquer.

Ces grandes dotations, en même temps qu'elles affermissaient la constitution de l'Etat, en secondaient merveilleusement l'administration. Le crédit de ces grands corps était une ressource précieuse dans les dangers publics, et leurs richesses un secours contre les besoins particuliers. Dans toutes les crises politiques, le clergé offrait ou contribuait de ses biens; il aida au rachat de François 1er, et il offrit au commencement de la Révolution, pour combler le déficit, 400 millions, qui, encore aujourd'hui et avec de plus grandes Et comment refuserait-on à la société religieuse, ressources de finances, feraient la fortune de la qui est destinée à durer autant que le monde, ce France et la tranquillité de son gouvernement; qui est l'objet de tous les désirs et de tous les ses vastes possessions, distribuées dans toutes les travaux de la famille, qui ne vit que quelques géprovinces, étaient de véritables greniers d'abon- nérations; je veux dire, la faculté de passer de dance pour les pauvres, que nous avons toujours l'état précaire de salarié à l'état stable de proau milieu de nous, quoi que nous fassions, et à qui│priétaire, et le droit de se placer, disons mieux, nous ne savons, aujourd'hui, donner du pain qu'en les privant de leur liberté pour les empêcher de le demander.

Les grands domaines de la royauté et de la religion avaient l'avantage immense, en politique, de modérer l'excès d'une population toujours croissante, et de fournir, par l'abondance de leurs produits, à la consommation de la classe nombreuse, qui, ne cultivant point la terre, ne peut vivre que sur l'excédant des récoltes des grands propriétaires.

La révolution politique, qui commença au quinzième siècle, attaqua toutes les parties de ce beau système, trouvé dans le bois, dit Montesquieu, et contre lequel s'élevèrent l'ignorance et la cupidité des villes, et cette guerre, continuée pendant trois siècles, tantôt par les armes, tantôt par les écrits, et sous différentes bannières, s'est terminée par la Révolution, vaste naufrage dans lequel, religion, morale, 'Etat, famille, lois et mœurs, corps et biens, tout a péri.

Alors l'ancienne économie sociale a été renversée, et le système fiscal a prévalu sur le système foncier. Déjà, depuis longtemps, à la faveur des emprunts publics, il s'était manifesté dans la famille une disposition trop générale à convertir ses propriétés domestiques en rentes sur l'Etat. L'Etat, à son tour, a converti les propriétés publiques en impôts sur la famille.

Alors il a fallu mettre à la charge du trésor public, ou plutôt de celui des particuliers, la maison royale, la force publique, la justice, la religion, l'instruction publique, et jusques à la charité publique. Tout ce qui était bienfait pour la société, est devenu charge pour les peuples, et le grand-livre de la dette publique sera bientôt la seule propriété publique de beaucoup de gouvernements. Bientôt les gouvernements des peuples agricoles ne tiendront plus au sol; et, au lieu d'être de grands propriétaires, ils ne seront plus que de grands exacteurs de contributions.

La nation la plus riche était autrefois celle qui, dans les besoins publics, pouvait offrir à ses créanciers, comme gage de leur hypothèque, les plus grandes masses de biens publics; c'est au

de se planter dans le sol?

Bonaparte lui-même, en fondant un hospice de religieux sur le mont Saint-Bernard, le dota de trente mille livres de rentes en biens-fonds. Le gouvernement russe, dans la constitution qu'il vient de donner à la Pologne, article 31, a nonseulement changé en biens-fonds la dotation de deux millions de florins assurés au clergé sous le nom de compétence, pour jouir de ces biens comme d'une propriété inaliénable, mais lui a fait rendre les terres de l'Eglise qui avaient été réunies au domaine de la couronne, et a ordonné en même temps qu'on retranchât des lois et des ordonnances tout ce qui pouvait porter atteinte à la discipline de l'Eglise et à ses droits recon

nus.

Ne nous croyons pas, Messieurs, plus sages que nos voisins. Il ont décidé toutes les questions qui ont été et qui seront soumises à vos délibérations. A Milan, et dans la partie de la Suisse Occupée naguère par la France, on a rendu au clergé la tenue des registres de l'état civil; en Espagne, à Naples, à Rome, on a rétabli des corps enseignants; en Pologne, on a doté la religión en biens-fonds.

Déjà, Messieurs, pour remédier à l'insuffisance de la dotation actuelle de la religion, même quand les biens non vendus lui seraient rendus, vous avez accordé au clergé la faculté de recevoir et d'acquérir sous l'autorisation du Roi, qui doit autoriser tout ce qui est bon et utile à ses peuples.

Cette faculté pourra, avec le temps, permettre de réduire, en proportion des biens rendus ou donnés, la liste civile du clergé. Cet avenir, sans doute, est encore éloigné; mais nous sommes accoutumés depuis longtemps à souffrir en réalité et à jouir en perspective, et la révolution n'a été pour nous qu'un optique de bonheur.

Je vote pour l'adoption pure et simple de l'article 6 du projet de loi présenté par votre commission sur la proposition de M. de Blangy; et pour le surplus, je renvoie aux commissions du budget et des pensions viagères à accorder au clergé, les articles 2, 3, 4 et 5 du projet de loi, ainsi que l'amendement présenté par M. Piet, sur la restitution à l'Eglise des biens non vendus.

La séance est levée et indiquée à demain deux heures.

CHAMBRE DES DÉPUTÉS.

PRÉSIDENCE DE M. LAINÉ.

Comité secret du 9 février 1816.

Le procès-verbal du comité secret d'hier est lu et adopté.

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Un membre (M. le chevalier Sirand) lit une proposition tendante « à supplier humblement Sa Majesté de présenter un projet de loi, pour que, << dans les départements autres que ceux où siégent les cours royales, les cours d'assises « soient présidées à l'avenir par le président du « tribunal de première instance du lieu de leur « tenue, ou, à son défaut pour empêchement ou « autre cause, par le plus ancien des juges selon « la date de l'institution. »>

Cette proposition sera développee dans le plus prochain comité secret.

L'ordre du jour appelle la suite de la discussion sur la proposition de M. le comte de Blangy, tendante à améliorer le sort du clergé et à supprimer les pensions dont jouissent les prêtres mariés.

M. Roux de Laborie, rapporteur de la commission. Messieurs, j'ai regret de vous avoir demandé la grâce d'être encore entendu; ce n'est pas seulement parce que je vous prends des moments précieux et que vos commissions emploient si utilement; c'est surtout parce que je crains de paraître vous montrer de la défiance, de l'inquiétude pour une cause qui est devenue la vôtre dès que vous l'avez connue, et qui, comme toutes celles dont la justice est établie au fond des cœurs, n'a besoin que de ses juges pour défenseurs, et, pour être victorieuse, que d'être exposée.

Après le tort que je me reproche de vous parler une seconde fois, je n'aurai pas celui d'être long. Puisqu'il faut toujours ouvrir par le scandale cette discussion si religieuse, si morale et si touchante, disons un seul mot, Messieurs, sur des hommes qui se trouvent peut-être, par une fatalité de leur destinée ou par une permission de la Providence, mieux servis par ceux qui paraissaient les accuser, que par ceux qui ont eu l'air de les défendre. J'oserai demander à ces derniers s'ils ont lu avec quelque attention l'article du projet qui concerne les prêtres mariés ou ayant renoncé à leur état? Que dit cet article? Il dit qu'après des renseignements pris au nom de ce pouvoir royal bien tolérant et bien miséricordieux, ils pourront conserver leurs pensions entières à titre de secours.

Que demande-t-on encore pour eux, et que veut-on de plus ? C'est donc, non pas l'intérêt pécuniaire, mais l'honneur des prêtres mariés qu'on voudrait défendre, et leur honneur qu'on ferait consister à ce que leurs pensions restassent ecclésiastiques, c'est-à-dire toujours empreintes du sceau du parjure? Votre commission, au contraire, par l'organe de son rapporteur, vous propose d'éviter ce scandale, de faire disparaître un énoncé de classification inconvenante; elle demande, dans l'intérêt moral de la religion, de l'Etat, on peut ajouter dans l'intérêt charitable des hommes dont il s'agit, qu'on efface leur honte, en continuant de payer ceux qui n'en sont pas doublement indignes, sans rappeler leur abjuration et le vice originel de leurs créances. Ah! Messieurs, je ne sais si ces prêtres infidèles ne se seraient pas cru mieux défendus par la lettre de

l'un d'entre eux, que j'aurais pu vous lire, si je n'avais craint de souiller la pureté de celles dont j'ai été heureux et fier d'enrichir mon rapport.

Ce pretre parjure et repentant raconte une vie, le croirez-vous, Messieurs, presque tout entière brillante du plus pur royalisme, et il finit en disant Malheur à moi, si mon nom, souillé d'un pareil crime, était seulement connu du prince qui doit à mes principes de me mépriser, et à mes services mêmes de les laisser sans récompense! Ah! c'est ainsi qu'on se relève, s'il est possible, en s'abaissant; qu'on venge par ses remords la vertu qu'on n'a pas honorée par ses actions; qu'on étonne la conscience de l'homme de bien qui hésite alarmée entre la justice et la pitié. Mais hâtons-nous de quitter les souvenirs du vice et un sujet toujours affligeant, pour revenir à ce qui mérite et obtient de vous tant d'attention et tant d'intérêt. Que me reste-t-il à vous dire, Messieurs? Après une discussion longue et solennelle, la tâche ordinaire d'un rapporteur est de rétablir ce qui a été renversé, de fortifier ce qui a été affaibli, de raffermir des bases ébranlées. J'ose vous le demander à vous tous sans exception, aucune des vérités qui vous ont été exposées est-elle devenue plus obscure? Il y a trop de franchise et de sincérité dans cette Assemblée pour qu'on ait pu essayer de nier l'évidence. Serait-ce l'incontestable légitimité de la créance du clergé? serait-ce la nature privilégiée de cette dette vraiment nationale qu'on aurait pu contester? Mais le contrat existe, le Moniteur en est le gardien fidèle; le Moniteur, dont ceux qui ont tout détruit, prince, mœurs, institutions, trône, autel, n'ont pu détruire les pages accusatrices; le Moniteur qui, rappelant les fameux jugements de l'Egypte prononcés sur la tombe des rois mourants, est plus formidable encore, parce qu'il juge le pouvoir mort, si je peux m'exprimer ainsi, quand celui qui en était revêtu vit, et voudrait souvent avoir cessé de vivre; le Moniteur vous fait assister au contrat, au moment où on le passait; il en reproduit toutes les clauses; il retrace en quelque sorte les interlocutions des parties; l'article que j'ai eu l'honneur de vous citer dans mon rapport, est comme le résultat et l'abrégé de cet engagement synallagmatique. Vous vous le rappelez, Messieurs, cet article du journal officiel du 23 août 1790':

« Une somme de 302 millions pour le traitement des ecclésiastiques et des religieux des deux sexes supprimés, etc. »>

302 millions! Et nous aussi malheureusement nous avons des articles de 300, 400, 500 millions! Ce n'est pas pour le clergé !

Voilà le contrat; on y a dérogé depuis, mais aux dépens du plus faible, mais sans en altérer l'essence; mais au contraire on l'a renouvelé toutes les fois qu'on a confirmé, qu'on a dû confirmer l'irrévocabilité des ventes. Et vous-mêmes, Messieurs, quand, en réhabilitant le serment souillé par tant de bouches impures, vous avez ici, dans cette enceinte, il y a peu de mois, sur les traces et en répétant les paroles des enfants de saint Louis, consommé le sacrifice fait au repos du monde et consacré les ventes, qu'avezvous fait en même temps? Vous avez juré avec cette pieuse et royale famille, que l'hypothèque dont vos consciences se chargeaient serait purgée, et que les derniers arbres des forêts ecclésiastiques ne tomberaient pas pour payer les créanciers des Cent-Jours, tant qu'un seul vieux prêtre mourrait de faim, qu'un seul vicaire serait sans traitement, un seul curé sans presbytère.

Ainsi, Messieurs, personne n'a nié ni la légitimité de la créance, ni sa sainteté, ni son privitége. Il y a plus, on n'a pas nié toute la rigueur, toute l'étendue des conséquences de ce privilége; on n'a pas disputé aux créances ecclésiastiques la place qui leur est due dans l'ordre des engagements publics. Et comment l'eût-on fait ? Comment aurait-on répondu à cette augmentation déjà présentée sous une forme hypothétique? Qu'aurait prononcé un tribunal quelconque, un tribunal de Buonaparte, si, au lieu du clergé de France, un individu, quel qu'il fût, se fùt présenté devant lui avec un titre portant hypothèque et privilége sur des biens dont la Révolution aurait vendu une partie et miraculeusement conservé une autre partie? Ce tribunal aurait-il pu hésiter à charger les biens non vendus de l'acquittement de la créance? Voilà la question considérée sous le rapport de la justice; est-elle moins victorieuse sous le rapport politique? Messieurs, l'ordre judiciaire est porté dans le budget pour 13 millions est-il venu à l'esprit de quelqu'un de rappeler à propos de cette dépense les charges et les calamités de l'année ?

Un des préopinants qui a demandé des renseignements que je vais lui fournir en très-peu de mots, a voulu aussi savoir ce que le rapporteur avait entendu par les vicaires non payés. Le rapporteur a entendu tous les prêtres ayant une fonction quelconque, ne recevant rien de l'Etat, ou seulement cette espèce d'aumône, la plus humiliante de toutes, parce qu'elle oblige à discuter, après coup, les premiers mouvements de la charité souvent bientôt désavoués par l'avarice; le rapporteur a entendu tout prêtre avili par l'incroyable malheur de dépendre de ses paroissiens, c'est-à-dire d'implorer ceux qu'au nom de Dieu il instruit, il menace, il console.

Messieurs, permettez-moi une question. Quels murmures n'auraient pas accueilli la proposition de mettre les juges de paix aux frais et dans la dépendance de leurs justiciables? Craindriez-vous moins, dans l'intérêt social, d'avilir la justice de Dieu que la justice des hommes ?

Quand une question d'argent est amenée à ce point; quand il est convenu qu'une dette est, selon l'équité et selon la politique, en tête des dettes de l'Etat, il ne s'agit plus, si la quotité en est aussi fixe que le titre en est incontestable, que de la payer; mais si la quotité n'est pas fixée, il faut la régler; si l'on se trouvait dans des temps ordinaires, si nous avions seulement toutes les ressources dont on pouvait disposer en 1814, il faudrait régler la dette entière; la dette de la justice contractée envers les pensionnaires, la dette de la justice et de la politique contractée envers les ministres actuels, de la manière la plus conforme, l'une aux besoins des vieux pensionnaires, l'autre à la dignité du trône et de la nation, à l'importance sociale de la religion.

Quand les calamités sont extrêmes, il faut, et ce sont encore des principes établis dans le rapport de votre commission, défendre à son zèle tout ce qui excède les bornes du plus strict nécessaire; il faut seulement que les pensionnaires cessent de mourir de faim, et que les membres du clergé actif cessent de mendier; ainsi, Messieurs, voilà le véritable, l'unique état de la question. Vous voyez encore combien nous nous rapprochons de ceux avec qui nous n'avions pas paru d'accord; voilà tout ce que voulait votre commission, aussi pénétrée que l'Assemblée entière du sentiment des calamités publiques : voilà

ce qu'elle avait chargé son rapporteur de vous exprimer en son nom : il sûrement eu tort, puisqu'il a été mal compris, puisqu'on a parlé à cette tribune de l'inconvenance d'enrichir le clergé dans de telles circonstances; je demanderais cependant, avant de me reconnaitre tout à fait coupable, qu'on me montrat dans le rappport imprimé, rien qui ressemble à des propositions de richesse et à des projets d'opulence. Ainsi que l'a dit un de nos collègues qui a si éloquemment parlé sur un sujet fécond, quel excès de munificence! Dépenser pour un prêtre plus que ne coûte un malade aux Incurables, autant à peu près qu'un pauvre dans un dépôt, qu'un prisonnier de la classe la plus économiquement entretenue.

Quant à l'avenir, daignez le remarquer encore, cet article relatif aux dépenses futures du culte, article éventuel, hypothétique, soumis à un travail concerté avec les ministres de Sa Majesté, offrait cependant une base propre, ce semble, à rassurer l'économie. Jamais, d'après la proposition de la commission, le culte ne devait coûter plus des deux tiers d'abord, et, dans la suite, des trois quarts de ce qu'avait fixé l'Assemblée constituante; l'Assemblée constituante, à laquelle jusqu'à ce jour on n'avait pas encore reproché de faste religieux; l'Assemblée constituante, qui traitait, dans le moment du contrat primitif, en présence des fondateurs si souvent invoqués dans son sein, des fondateurs dont on avait eu l'air de vouloir calmer les regrets et stipuler les droits. Eh bien, Messieurs, non pas en 1816, mais quand notre patrie aura repris sa force et sa vigueur par l'acquittement de ses dettes, par la résurrection des idées morales et religieuses; quand elle sera ce que nous promettent vos vœux, vos travaux, vos efforts, le cœur et la sagesse de son Roi, n'accorderez-vous pas à la religion les deux tiers, les trois quarts de ce que la philosophie de 1789 n'a pas trouvé excessif? C'est là ce que celui de nos collègues qui a le moins épargné les leçons au rapporteur de la commission, trouve une monstrueuse opulence, dont la seule perspective lui paraît devoir appeler dans le sanctuaire ces hommes que Massillon désignait comme coupables d'une vocation douteuse. On vous a dit qu'on aimerait mieux voir les temples fermés que desservis par des prêtres si étrangers à l'esprit de leur état! Que veut-on dire? L'esprit de leur état, est-ce la résolution de mendier? Est-ce là l'état que Dieu destine aux mains à qui il confie les foudres de ses saintes menaces? L'esprit de leur état! Etrange abus des souvenirs d'un autre temps! Ah! quand de semblables paroles tombaient du haut de la chaire de Clermont, et se répandaient dans ces discours synodaux qui auraient suffi pour l'immortalité d'un autre orateur; quand l'éloquent Massillon allait, en formant ses lévites, reposer sa vieillesse du soin d'enseigner les rois; quand l'or et les pierreries recouvraient de toutes parts les murs dù parvis, ils étaient utiles ces conseils austères; elle était sage et pieuse la main qui fermait le sanctuaire à des espérances terrestres; mais quand il s'agit aujourd'hui d'affranchir de l'aumône, et de montrer en perspective la décence et l'aisance, n'estil pas dérisoire de parler de cupidité, d'ambition; et n'est-ce pas réveiller imprudemment nos souvenirs pour aigrir nos regrets? Encore est-il juste de rappeler à celui qui m'a accusé d'une doctrine relâchée, que peut-être aussi familier que lui avec les matières qui nous occupent, ce ne sont pas les jeunes élèves du sanctuaire eux-mêmes, mais les auteurs de leurs jours, les premiers con

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