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que soit son caractère, quelque digne de confiance qu'il soit aux yeux de chacun de vous, du droit terrible et redoutable de prononcer sur l'indépendance et sur la liberté de chaque pair. Les hommes passent, les institutions restent; et ce qui serait sans le moindre danger durant la présidence honorable de M. le chancelier Dambray, offrirait un inconvénient terrible et funeste, si, par impossible, dans l'avenir, reparaissait un chancelier Poyet.

Mais, 2 il n'est pas exact de dire que votre président exercerait, dans ce cas, le pouvoir dévolu à la Chambre des pairs par l'article 34 de la Charte... Non, Messieurs, il ne l'exercerait pas; pour qu'il pùt l'exercer, il faudrait, sans doute, qu'il pût reviser le jugement de police qui aurait ordonné l'emprisonnement d'un pair; qu'il put le confirmer s'il le trouvait juste, l'annuler s'il le trouvait inique; et cela ne serait pas dans les attributions de sa place. Ni le président de la Chambre des pairs, ni le chancelier de France, ne pourraient avoir le droit d'annuler un jugement quelconque; et celui-ci serait maintenu malgré la volonté du chancelier, malgré la volonté du président, à qui on voudrait déléguer le droit d'en faire exécuter les dispositions.....

Ce n'est pas le jugement rendu contre un pair de France par le tribunal de police qu'il faudrait déférer à la Chambre, ce serait l'accusation, la plainte; ce serait toute l'affaire avant qu'elle pût être jugée; ce seraient l'information et la procédure, afin que les pairs pussent décider, après examen et en connaissance de cause, si l'affaire serait assez grave pour motiver un emprisonnement. Le jugement légalement rendu, rendrait inévitables l'emprisonnement qu'il aurait ordonné, et l'arrestation qui en serait la suite; et la Chambre des pairs elle-même n'aurait plus le droit de l'empêcher; ainsi son autorité serait compromise; ainsi son privilége serait méconnu; ainsi l'article 34 de la Charte serait violé. Il faut donc, pour que cela ne soit pas, que la Chambre des pairs attire à elle toutes les affaires qui, concernant un de ses membres, peuvent motiver contre lui une condamnation d'emprisonne

ment.

Mais la Chambre ne sera pas en session.

Mais M. le président se retirera devers le Roi, pour lui demander d'ordonner une convocation spéciale, et la Chambre sera dissoute aussitôt qu'elle aura rempli l'objet unique de sa réunion extraordinaire.

Il est d'autres cas, sans doute, où, conformément à l'artice 26 de la Charte, la Chambre des pairs peut être convoquée, et on usera des mêmes formes pour les uns comme pour les autres. Dans les cas de flagrant délit, où à la clameur publique, les pairs, comme tous les citoyens, peuvent sans doute être arrêtés; mais ce ne peut être qu'à la condition de les conduire sur-le-champ pardevant l'autorité compétente. Or, l'autorité compétente pour eux, c'est la seule Chambre des pairs. Elle pourra n'être pas réunie: voilà donc une autre circonstance où il faudra s'adresser au Roi pour qu'il lui plaise de la rassembler, et il peut s'en rencontrer beaucoup d'autres.

Mais l'ordre public sera troublé si on n'adopte pas l'article 5 proposé par la commission ! Mais d'abord l'inviolabilité que je réclame d'après la Charte ne saurait être l'impunité; que dis-je? la punition d'un pair de France, coupable d'un simple délit de police, serait bien plus forte, bien plus réelle, quand elle se bornerait à une citation devant le plus auguste tribunal de France, à une

discussion solennelle et publique, et, pour ainsi dire, sous les yeux de l'Europe, que s'il n'était condamné que par le dernier magistrat de police à un emprisonnement de quelques semaines ou de quelques jours.

L'ordre public serait troublé !... Ah! sans doute, il y aurait un grand mal, si un pair de France pouvait impunément renverser avec sa voiture un vieillard infirme ou un enfant encore faible, ou bien chasser dans le champ d'autrui, dans un temps prohibé, sans l'autorisation du véritable propriétaire.

Mais j'ai prouvé que cela n'arriverait pas, même en supprimant l'article 5.

Eh quoi le mal ne serait-il pas plus grand, le désordre ne serait-il pas plus réel, si un pair de France pouvait, d'après les jugements d'un simple magistrat de police, que le président de la Chambre ne pourrait se dispenser d'autoriser, être enlevé à ses fonctions, là veille du jour où il aurait à prononcer sur l'accusation portée contre un ministre prévaricateur et puissant, accusé par la Chambre des députés; à repousser un projet de loi injuste et funeste, ou décider du sort d'un maréchal de France, âme d'une conspiration contre le prince, ou chef d'un complot contre son gouvernement?

Messieurs, les corps ne s'établissent et ne se perpétuent qu'à l'aide des habitudes et des usages; mais tous les usages doivent commencer : nous sommes dans la naissance des habitudes de la pairie. Veillons donc avec un grand soin à ce qu'il ne s'en forme point de funestes; ne cherchons point à nous attribuer des droits qui ne peuvent nous appartenir, et qui seraient préjudiciables aux vrais intérêts de la couronne, que notre premier devoir est de défendre; mais n'en séparons point l'indépendance et la liberté de la pairie, telles que la Charte nous les garantit, car sans elles nous serions inutiles à la nation et à son Roi.

La Chambre ordonne l'impression de ce dis

cours.

Un sixième opinant examined'abord la proposition faite par un membre, de faire régler par une ordonnance du roi, en forme de règlement ou de déclaration, la compétence de la Chambre des pairs. Les conséquences d'une telle proposition sont trop étendues pour qu'on puisse les admettre. Il ne s'agit, dit-on, pour le Roi, que de déclarer quelle a été sa volonté dans l'article 35 de la Charte. Mais comme la législation entière n'est pour ainsi dire qu'un développement de cet acte, si chacun de ses articles était susceptible d'une pareille déclaration, le Roi seul ferait la loi, et les Chambres deviendraient inutiles. La Charte d'ailleurs a déclaré elle-même comment elle entendait que fût réglée la compétence de la Chambre des pairs. C'est par la loi que doivent être définis les crimes de haute trahison dont cette Chambre doit connaître. L'indispensable nécessité d'une loi ne peut donc être contestée. Le projet de résolution présenté à la Chambre, et qui renferme les bases proposées de cette loi, mérite à tous égards la justice qu'on lui a rendue; cependant quelques amendements y sont nécessaires. L'opinant adopte ceux qui ont été proposés par un membre sur l'article 3 du projet, qu'il sépare en deux articles. Il voudrait néanmoins retrancher de la liste des justiciables de la Chambre, les ministres d'Etat, en y ajoutant au contraire les présidents et les procureurs généraux des cours royales. Il spécifierait davantage quelques autres désignations qui lui paraissent vagues, telle que celle des grands of

assistés de cette noble prérogative par les pairs de France, comme ils l'étaient aux premières époques de la monarchie aujourd'hui même, où il ne reste que le regret d'avoir vu disparaître ces grands corps de magistrature dans l'un desquels les pairs de France et les magistrats s'honoraient de prendre séance, tous les droits, tous les privilégés que la Révolution avait abrogés sont de nouveau écartés par la Charte.

Les Français y sont déclarés égaux devant la loi, quels que soient leurs titres et leurs rangs. Et en conséquence, l'article 52 de la Charte prescrit que nul ne pourra être distrait de ses juges naturels.

ficiers de la couronne, des généraux commandant en chef, etc. La suppression de l'article 5, relatif à l'exequatur donné au président de la Chambre, lui paraît de toute justice. Une semblable disposition ne pourrait qu'avilir la pairie et ses membres; elle est d'ailleurs en opposition manifeste avec l'article 34 de la Charte. L'opinant propose de substituer dans l'article 6 du projet, à cette rédaction, le tribunal saisi de l'affaire la renvoie devant la Chambre, cette autre rédaction plus respectueuse et usitée en pareil cas, le tribunal, etc. se déclare incompétent. On a proposé de confier à un membre de la Chambre l'exercice du ministère public. L'opinant appuie cette proposition. Il propose à son tour d'adjoindre deux commissaires au pair qui, d'après l'article 12, sera chargé de procéder à l'instruction, et justifie cette proposition par des exemples historiques. Deux autres dispositions, qu'il a vainement cherchées dans le projet, lui paraissent encore nécessaires. La première réglerait les formes à suivre pour l'arrestation d'un pair, quand cette arrestation aurait été délibérée par la Chambre; la seconde établirait de quelle manière, hors le temps des sessions, la Chambre serait convoquée.

M. le marquis d'Arvilliers. Messieurs, immédiatement après le jugement du procès qui a été soumis à votre décision, j'avais voulu faire à la Chambre une proposition dont l'objet était de déterminer la définition des crimes de haute trahison, laissés indécis par l'article 33 de la Charte.

Rien ne m'avait paru plus pressant que de garantir la Chambre des pairs du danger d'être tranformée, hors de cas indispensables et du plus haut intérêt, en cour judiciaire.

Il devait paraître intolérable qu'un condamné qui ne s'est soustrait que par son évasion à la peine capitale, ait allégué, lors de son pourvoi en cassation de l'arrêt rendu contre lui, l'incompétence de ses juges naturels, et qu'il ait élevé la prétention d'être jugé par la Chambre des pairs.

Votre juridiction, Messieurs, doit être solennelle, parce qu'elle sera très-rarement exercée, et l'attribution qui vous est tracée à cet égard par la Charte ne comporte aucune extension.

J'avais cru qu'il devait suffire à la Chambre des pairs de supplier le Roi de donner à l'article 33 de la Charte les développements dont il est susceptible, de définir quelles seraient les circonstances du danger imminent de la patrie, quelles pourraient être les personnes qui, par l'abus d'un grand pouvoir, auraient ébranlé le gouvernement, et dont le crime ne devrait, sous ce rapport, être jugé que par le premier corps de l'Etat.

Lors de la formation de la commission dont Vous avez entendu le rapport, il n'avait été proposé à la Chambre que de faire un règlement sur plusieurs points de forme qui devaient principalement fixer la procédure à suivre devant la Chambre des pairs, lorsqu'elle aurait à remplir des fonctions judiciaires; ce sont ces diverses questions qui ont ramené nécessairement à l'examen de la compétence.

Inutilement, Messieurs, voudrait-on rentrer dans des recherches historiques sur l'origine des droits et les fonctions de la pairie; M: le rapporteur de la commission a répandu sur cette partie de notre droit public tout ce qui pouvait être recueilli de lumières et de détails positifs.

Les pairs de France, anciens assesseurs, conseillers-nés de la couronne, participent encore, dans l'intérêt du Roi et de la patrie, aux fonctions législatives; mais nos rois ne rendent plus en personne la justice à leurs sujets; ils ne sont plus

Cette règle générale n'a dù subir d'autres exceptions que celles qui étaient commandées par l'intérêt de la chose publique.

Après avoir parcouru les périodes de la plus désastreuse révolution, il n'était malheureusement que trop permis de croire à la possibilité des crimes de haute trahison; et partout où l'apparence du danger de la patrie peut exiger de grandes mesures ou rendre nécessaire une punition éclatante, l'article 33 de la Charte ordonne que ces grands crimes seront jugés par la Chambre des pairs.

A cet égard, Messieurs, je me permettrai de combattre l'opinion de la commission dans la rédaction de l'article 3 du projet qui vous est présenté.

Cet article me paraît donner à la compétence de la Chambre des pairs une extension que ne comportait pas l'article 33 de la Charte.

«La Chambre des pairs (aux termes de cet ar<ticle 33) connaît des crimes de haute trahison << et des attentats à la sûreté de l'Etat qui seront « définis par la loi. »>

Sans aucun doute, si cette définition eût existé déjà, s'il n'eût été nécessaire de la faire résulter de toute autre rédaction que de celle de lois promulguées pendant la Révolution ou depuis l'usurpation, ces lois eussent été rappelées par la Charte; il en eût été fait une application positive à l'attribution de compétence de la Chambre des pairs.

Je dis donc affirmativement que la Charte n'a jamais eu ni pu avoir l'intention de soumettre au jugement des pairs de France que ces affaires majeures desquelles dépend quelquefois le sort des empires, et non point l'instituer, pour ainsi dire, en tribunal ordinaire, en fixant sa juridiction d'une manière presque invariable, dans une longue série de vingt-neuf articles pris en masse dans le Code pénal de l'usurpateur, tandis, au contraire, que la majeure partie des cas prévus depuis l'article 75 jusqu'à l'article 104 du Code pénal étaient bien loin d'avoir été jugés dignes d'entrer dans l'attribution d'une haute cour nationale, à l'existence et à la composition de laquelle Bonaparte avait attaché une certaine importance (1).

Il se trouve dans ces mêmes articles et des cas purement séditieux, et de ceux qui, comme l'article 102, dans les circonstances où nous nous

(1) Le titre XIII du sénatus-consulte du 28 floréal an XII règle la composition de la Haute-Cour nationale, et en désignant d'une manière succincte, mais positive, les cas d'attribution de la Haute-Cour, ne renvoie à aucune autre loi pour en déterminer les circonstances.

La Haute-Cour devait prononcer les peines portées par le Code pénal, et ses arrêts, qui ne devaient être soumis à aucun recours, n'auraient pu être exécutés, lorsqu'il y aurait eu condamnation, qu'après avoir été signés par le chef du gouvernement.

trouvions récemment, lorsqu'il y avait eu provocation à révolte par discours ou écrits imprimés et affichés, ont nécessité la loi portant établissement des justices prévôtales.

Je suis bien éloigné, Messieurs, d'avoir ia pensée qu'il pourrait être proposé trop promptement de grands changements dans la législation civile ou criminelle; il est plusieurs de ces changements qui seront désirables; la législation criminelle surtout laisse apercevoir tantôt des lacunes, tantôt des divagations: mais ce n'est point à des époques trop rapprochées de grandes secousses politiques que l'on peut s'occcuper de l'important travail de la révision de nos lois. Si ce travail pouvait être préparé par des législateurs aussi éclairés, aussi recommandables que ceux qui concourent à la rédaction de nos anciennes ordonnances, il faudrait encore qu'ils fussent éloignés du choc des passions pour concevoir avec calme une œuvre de haute sagesse.

Mais j'en reviens à observer que nous nous trouverions, pour ainsi dire, en contradiction avec la Charte, si, au lieu d'une loi portant définition des crimes de haute trahison, et des attentats à la sûreté de l'Etat, dans le véritable intérêt de la monarchie française, nous voulons trouver cette définition dans un Code déjà soumis à votre critique lors de l'institution des cours prévôtales.

Il me semble qu'en donnant à l'article 33 de la Charte tout le développement dont il est susceptible, et en définissant seulement ceux des crimes de haute trahison qui pourraient compromettre l'existence du gouvernement légitime, il est facile d'indiquer la nature du crime et les seules personnes qui, par l'élévation de leur rang, de leurs fonctions, sont en situation d'être comprises dans l'attribution de la Chambre des pairs; attribution que l'on ne saurait assez restreindre.

Non-seulement, Messieurs, je voudrais que les cas de haute trahison fussent définis de manière à rendre votre attribution très-rare; les Français fidèles espèrent que de hautes trahisons ne troubleront plus à l'avenir le bonheur commun: mais, pour restreindre encore plus, s'il était nécessaire, votre compétence dans le seul intérêt de la chose publique, je voudrais qu'en chaque affaire et en toute occasion vous conservassiez le droit de fixer votre compétence. Des tribunaux d'un ordre inférieur dans la hiérarchie judiciaire, les anciens présidiaux, jugeaient chaque jour, et pour chacun des cas qui leur étaient attribués, leur compétence; ils rendaient à cet effet un jugement particulier antérieur à toute autre procédure. La chambre des pairs, qui ne remplira jamais qu'avec regret le devoir rigoureux de juger quelques procès criminels, doit conserver en même temps le droit de renvoyer devant les tribunaux ordinaires ceux de ces procès qui ne lui présenteraient point le caractère des crimes dont la connaissance lui est attribuée par l'article 33 de la Charte.

Ce ne serait donc, Messieurs, que sur la seule portion de la loi portant définition du crime qu'il me paraitrait convenable de supplier le Roi de faire présenter un projet de loi. Si vous adoptiez le principe, les termes dans lesquels cette loi devrait être congue serait facilement rédigés de concert avec votre commission. Mais je croirais devoir écarter de la proposition de la loi toute disposition réglementaire. Vous avez éprouvé combien il est facile d'abuser du prétexte de défendre un accusé et de multiplier les chicanes les moins prévues. Le pouvoir discrétionnaire qui avait été réservé au président de cette Chambre,

pouvoir qui doit aussi appartenir à la Chambre elle-même, était seule capable d'arrêter le cours indéfini d'incidents qui se renouvelaient sans cesse. Si la Chambre des pairs ne reste pas investie du droit de régler elle-même, et cependant d'après les lois existantes, la forme de la procédure qui sera suivie devant elle, la plus légère omission dans les termes de la loi nouvelle ne pourrait être réparée que par une loi; ce qui serait à la fois contraire à la dignité de la Chambre et à l'accomplissement des fonctions qu'elle peut être appelée à remplir.

Cependant si vous jugiez, Messieurs, devoir adopter le règlement qui vous a été proposé par la commission, j'aurais à vous faire une observation sur l'article 5 du titre Ier. Le projet de la commission me paraît, à cet égard, en contradiction avec l'article 34 de la Charte; cet article porte textuellement qu'aucun pair de France

ne peut être arrêté que de l'autorité de la « Chambre, et jugé par elle en matière crimi«nelle. » On ne peut se permettre aucune interprétation sur les termes d'une loi aussi positive. Sans doute les pairs de France n'ont conservé, Sous aucun rapport, les anciens priviléges à la faveur desquels ils pouvaient attirer toutes leurs causes réelles ou personnelles à la cour des pairs, au parlement de Paris; ils ne pourraient aujourd'hui détourner aucun citoyen de sa juridiction. Mais en même temps l'article 31 de la Charte a su distinguer les intérêts qui ne concernent que la personne des pairs; et, en toute accusation criminelle, ils ne peuvent être soumis qu'à la seule autorité de la Chambre.

S'il ne s'agissait que d'un fait de simple police, les affaires de cette nature rentrent dans la classe des discussions où un pair ne peut décliner ni le tribunal de police, ni se soustraire à aucune indemnité, à aucune condamnation pécuniaire ; mais là où le tribunal de police aurait un emprisonnement à prononcer, une condamnation de cette nature ne peut être exécutée contre un pair ni par l'ordre du tribunal de police, ni avec le concours du président de cette Chambre. Un pair ne peut être arrêté, en quelque circonstance que ce soit, qu'avec l'autorisation de la Chambre; cette autorisation ne peut être que le résultat d'une délibération de la Chambre entière: rien ne peut suppléer cette formalité.

Dans le rapport de la commission, il vous a été dit, Messieurs, que les avis avaient été partagés sur la manière de faire remplir auprès de la Chambre des pairs le ministère public; on avait paru craindre, en confiant ces fonctions au procureur général de la cour royale de Paris, qu'il n'en résultât une certaine influence, une espèce de suprématie de ce magistrat sur les fonctionnaires ayant le même titre auprès des autres cours royales; on a cru avec raison éviter cet inconvénient en prescrivant que les informations et procédures, qui pourraient être envoyées par les procureurs généraux des diverses cours royales, seraient adressées à M. le président de la Chambre des pairs, qui les transmettrait au procureur général de la cour royale de Paris. Mais pourquoi, Messieurs, ce ministère d'intime confiance ne serait-il point exercé par un pair, et seulement pendant un espace de temps déterminé; ou du moins, et, soit que la nomination du ministère public soit définitivement déféréé à la Chambre seule, ou qu'elle ait à proposer au Roi le choix de ceux qui pourraient le remplir, je crois, Messieurs, qu'il serait préférable d'assurer à la Chambre l'initiative, ou une certaine latitude

pour parvenir au choix du pair ou du procureur général qui remplira auprès de la Chambre les fonctions du ministère public.

Une résolution de la Chambre des députés sur la responsabilité des ministres, après avoir été soumise à une longue discussion dans la précédente session, contient un article qui indiquait la nomination du ministère public parmi les pairs, et la Chambre des députés proposait en même temps que cette nomination fût confirmée par le Roi.

En me résumant, Messieurs, je répète que je désirerais que la Chambre des pairs déterminât, dans le projet de résolution qui vous est présenté, la véritable définition de crimes de haute trahison, et d'attentats à la sûreté de l'Etat;

Que lors des renvois qui pourraient être faits à la Chambre de crimes de cette nature, en vertu de l'article 33 de la Charte, la Chambre prononçat dans chaque affaire sur sa compétence, avant d'avoir admis ou rejeté toute accusation.

Je demande que l'article 5 du titre Ier soit entièrement supprimé, un pair de France ne pouvant en aucun cas être arrêté sans une autorisation de la Chambre;

Et enfin que la nomination du ministère public ne soit pas dévolue exclusivement au procureur général de la cour royale de Paris, qu'elle soit faite à temps, et successivement renouvelée parmi les pairs où parmi les procureurs généraux jugés les plus dignes de ce témoignage de haute confiance.

La Chambre ordonne l'impression de cette opinion.

Un membre propose, attendu l'heure avancée, de renvoyer à une autre séance la suite de la discussion.

Cette proposition est adoptée.

M. le Président lève la séance, après avoir ajourné l'Assemblée au 24 de ce mois, sauf la Convocation extraordinaire que pourrait exiger dans l'intervalle une communication du gouvernement.

CHAMBRE DES DÉPUTÉS.

PRÉSIDENCE DE M. DE GROSBOIS, VICE-PRÉSIDENT.

Comité secret du 21 février 1816.

M. de Grosbois, l'un des vice-présidents, occupe le fauteuil.

Le procès-verbal du comité secret du 19 février est lu et adopté.

Un membre (M. Dugas des Varennes) lit une proposition tendante à l'abrogation de la loi du 21 avril 1810, et à la remise en vigueur de celle du 28 juillet 1791, sur les mines de charbons de

terre.

Un second membre (M. de Grisony) lit une autre proposition pour supplier Sa Majesté de faire présenter par ses ministres un projet de code rural.

Un troisième membre (M. Hyde de Neuville) lit une proposition pour la prohibition des jeux de hasard.

Ces propositions seront développées dans les plus prochains comités.

La Chambre accorde un congé à M. Paul de Châteaudouble.

L'ordre du jour appelle à la tribune le membre (M. le marquis de Puyvert) qui a proposé un article additionnel à la loi relative au monument à élever au duc d'Enghien.

Il rappelle les résolutions prises par la Chambre, pour l'expiation du sang illustre qui a été verse; il expose que la chapelle de saint Louis au château de Vincennes, où doit être érigé le monument voté pour Mgr le duc d'Enghien, est embarrassée d'un dépôt d'armes dont le transport exige des réparations dans une autre partie du chateau. Il demande que la dépense en soit prise sur les fonds destinés à l'érection des monuments votés par la Chambre.

Deux membres font observer que cet objet est entièrement du ressort de l'administration, et que le Roi peut en décider sans le concours de la Chambre. L'un demande l'ordre du jour appuyé sur cette considération, l'autre demande l'ordre du jour pur et simple.

M. le Président consulte la Chambre.

L'Assemblée, considérant que les dépenses relatives au monument à élever à Mgr le duc d'Enghien doivent être ordonnées par le Roi, passe à l'ordre du jour sur la proposition.

La Chambre entend ensuite les développements de la proposition de M. le baron de Puymaurin, faite dans le comité secret du 19 février, relative à une médaille à faire frapper en mémoire du retour du Roi.

M. le baron de Puymaurin (1). Messieurs, nous avons voté, il y a peu de jours, un monument expiatoire, pour transmettre à la postérité notre douleur et l'expression de l'horreur qu'a excité dans nos cœurs l'affreux attentat du 21 janvier.

Dans la demeure céleste, le Roi-martyr aura entendu nos pleurs et nos regrets; digne fils de saint Louis, protecteur, comme ce saint roi, de la malheureuse France, il obtiendra pour elle, du Dieu des miséricordes, des siècles de paix et de prospérité.

Il nous reste à remplir un autre devoir bien cher à nos cœurs, c'est celui de la reconnaissance; c'est à nous à apprendre à la postérité que Louis le Désiré a sauvé la France de la plus affreuse tyrannie, à détruit les factions ennemies du trône et de l'autel, et a ramené parmi nous la paix et le bonheur.

Les médailles passent à travers les siècles, parviennent intactes jusqu'aux dernières générations, et leur transmettent des faits historiques, dont la faux implacable du temps aurait renversé les monuments et détruit le souvenir.

Ce sont ces avantages des médailles sur les autres monuments historiques qui déterminent, Messieurs, la proposition que j'ai l'honneur dé vous présenter. La Chambre fera frapper une médaille qui apprendra aux siècles les plus reculés la destruction de la tyrannie du nouvel Attila, et l'heureux retour du Roi au milieu de ses fidèles sujets, d'un père auprès de ses enfants.

Cette proposition aurait mérité d'être développée par un de ces orateurs dont les éloquents discours ont fait plus d'une fois retentir cette tribune. Habitant du Midi, j'éprouve peut-être plus vivement qu'un autre la vive sensation du bonheur dont nous jouissons. Mais, accoutumé à l'étude des sciences exactes, je n'ornerai point mon discours de ces phrases pompeuses et sonores, familières aux orateurs de cette Chambre; je vous prierai seulement de m'écouter avec indulgence, et d'excuser à la fois, et l'ingratitude de mon organe et la sécheresse de mes expressions.

Vous vous rappelez, Messieurs, la funeste épo

(1) Le discours de M. le Faron de Pay mauria n'a pas été inséré au Moniteur.

que des Cent-Jours; ils ont été pour la France cent siècles de désolation et de calamité. La plus cruelle tyrannie remplaça la puissance légitime; la férocité du despote, l'amour paternel, la cruauté, la plus étonnante douceur.

L'abnégation de tout sentiment d'humanité devint le caractère essentiel de la tyrannie et de ses cruels partisans. L'amour de la patrie n'exista plus, et fut remplacé par le dévouement le plus servile aux ordres du tyran. Aimaient-ils la patrie ces généraux infidèles à leurs serments, qui, ne pouvant s'enrichir des dépouilles de l'étranger, voulaient couvrir la France de majorats, et s'emparer des biens des Français fidèles à leur Roi et à leur patrie? Les grands corps de l'Etat rampaient alors aux pieds de l'usurpateur, sollicitant bassement des fers et des récompenses. Les vampires de la Révolution, déjà gorgés des biens des ministres de l'autel et des défenseurs du trône, attendaient de la venue du tyran de nouvelles victimes à immoler, de nouvelles proies à dévorer. Avaient-ils une patrie ces affreux régicides, qui, ne pouvant se pardonner eux-mêmes, cherchaient à faire oublier, par de nouveaux crimes, leur exécrable forfait ? Chaque pas qu'ils faisaient sur le sol de la France y laissait la funeste empreinte du sang qu'ils avaient versé. Etait-elle française cette majorité coupable de la réunion dite des représentants? Apôtres du désordre et de l'anarchie, ils auraient préféré le joug avilissant de l'étranger à la nécessité de reconnaître pour leur Roi ce monarque bienfaisant, dont la vie n'est qu'une succession non interrompue de vertus, de bonté et de miséricorde.

A cette fatale époque, il n'y avait qu'un pas du poignard des assassins au cœur des gens de bien; tout espoir paraissait anéanti; mais le palladium de la France, l'amour inné de ses peuples pour leur Roi, veillait à notre conservation, et assurait le rétablissement de la monarchie. Les fidèles, les braves habitants de la Vendée courent aux armes, et aux cris répétés de vive le Roi! dissipent les troupes rebelles envoyées pour les combattre. Les Bretons, fiers de leur ancienne gloire, détruisent ces fédérations dont la plus raffinée scélératesse les avait investis, et qu'elle avait imaginé pour organiser le massacre des royalistes. Les habitants du nord de la France, conservant dans leur cœur les sentiments du plus pur royalisme, mais, comprimés par des forces supérieures, n'attendaient que le moment de montrer leur courage et leur fidélité; le Midi se lève en masse, sa population entière s'arme depuis Bordeaux jusqu'à Toulon, et les soixante mille hommes de troupes destinés à la contenir disparaissent devant elle. J'oublie, Messieurs, en faisant mention de ces événements si glorieux pour les bons Français, que je parle devant une partie des braves chefs qui les ont dirigés, et quí, déposant leurs armes, pour prendre la branche d'olivier, siégent dans cette enceinte, où, par des lois sages et vigoureuses, ils rendent à la France la tranquillité, à l'autorité royale sa force, et au Roi les moyens de terminer les malheurs de ses peuples.

Le sauveur du Midi, ce prince magnanime qui joint aux vertus de saint Louis le courage et la valeur du grand Henri, Son Altesse Royale monseigneur le duc d'Angoulême, accompagné de quelques officiers fidèles, parut alors sur les sommets des Pyrénées. Ces montagnes semblèrent s'abaisser pour faciliter son entrée dans le midi de la France; à peine en eût-il touché le sol que les peuples volèrent au-devant de leur libérateur; les soldats paraissaient naître sous les pas de

ce jeune héros, tous voulaient partager sa gloire et ses dangers. Bientôt on n'eut plus à craindre le retour du despotisme, et ses partisans disparurent à la vue du héros du Midi. La France n'était plus une terre en convulsion prête à engloutir ses habitants dans ses éléments confondus. Louis le Désiré était entré à Paris, et avec lui la paix et le bonheur. La France fut délivrée pour jamais des fureurs du despotisme militaire, et du fléau encore plus destructeur, l'implacable démagogie.

Rien n'avait été respecté par l'usurpateur; il brisa insolemment les liens sacrés qui unissent réciproquement les princes et les sujets; son retour fut le signal de tous les maux qui peuvent affliger une contrée; toute l'Europe s'arma pour détruire ce fléau des nations, cet ennemi de Dieu et des hommes; il voulut résister à ce torrent qui allait anéantir sa puissance; il dissipa nos trésors, ruina toutes les sources de la richesse de la France et enleva nos enfants : après avoir couvert de leurs cadavres les champs de Waterloo, aussi lâche que féroce, il abandonna son armée pour se livrer à ses vainqueurs et solliciter de leur pitié une honteuse prison.

A peine revenu au milieu de ses sujets, notre bon Roi nous a rendu tous nos droits et cette constitution, dont l'exécution assurera le bonheur de la France. Les pères n'ont plus à craindre qu'on leur enlève leurs enfants, les tendres épouses leurs maris; nos champs ne seront plus incultes, et conserveront leurs cultivateurs: la France se trouve enfin dans les bras d'un roi et d'un père, le bonheur des Français sera toujours pour Louis le Désiré la récompense de ses vertus, l'objet de son étude continuelle plus heureux que son modèle, plus heureux que Titus, jamais il ne perdra un jour.

Voilà, Messieurs, quels sont les heureux événements dont je vous propose de transmettre par une médaille le souvenir aux siècles futurs.

Cette médaille serait d'un grand module; sur la face serait gravé le buste du Roi, avec ces mots

autour :

Louis le Désiré, roi de France et de Navarre.

Sur le revers, la France serait représentée fouiant aux pieds un monceau d'armes brisées, et présentant au Roi, les génies de l'agriculture et du

commerce.

La légende serait :

Les Français à leur Roi, à leur père.

Si vous croyez, Messieurs, devoir prendre en considération ma proposition, je demande qu'elle soit renvoyée dans les bureaux, afin de s'en occuper dans le plus court délai.

La Chambre, quoique partageant les sentiments qui avaient inspiré M. le baron de Puymaurin dans la rédaction de son projet, a passé à l'ordre du jour, motivé sur ce que la Chambre n'a pas dans ses attributions le droit de voter des médailles; que ce droit, comme celui de faire battre monnaie, est exclusivement inherent à la prérogative royale.

Un membre représente que la proposition dont il s'agit, dictée par un sentiment noble, n'a pas été calculée dans tous ses rapports avec les principes. Il dit que si la médaille était frappée au nom de la France, ce serait séparer ce qui est indivisible, le monarque et la nation. Que d'ailleurs la Chambre n'a pas le droit d'exprimer seule le vœu national, et que si l'hommage se faisait en son nom, ce qui ne pourrait avoir lieu qu'avec la permission du Roi, ce témoignage, ainsi particularisé, ne répondrait pas à la grandeur de son objet.

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