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a été prise en considération par la Chambre, se
trouve rempli par la résolution qu'elle vient
d'adopter, il n'y a pas lieu de discuter ultérieure-
ment cette proposition, et qu'elle sera retirée de
l'ordre du jour.

L'ordre du jour appelle la suite de la discussion,
ouverte dans la dernière séance, sur le projet de
résolution présenté par la commission spéciale du
règlement judiciaire.

La parole est successivement accordée aux opinants inscrits pour attaquer ou défendre ce projet.

M. le duc de Valentinois, Messieurs, la discussion intéressante qui vous occupe renferme dans mon opinion, comme dans celle de plusieurs honorables membres qui m'ont précédé à cette tribune, deux parties distinctes. Il n'y a aucun inconvénient à les traiter séparément, et il y aurait peut-être quelque danger à les réunir dans une seule et même résolution, ainsi que vous le propose le rapporteur de votre commission, au travail duquel je rends hommage, parce que tout ce qui est historique est traité avec clarté, exactitude, et que si nous différons sur la forme, notre but est bien évidemment le même. La grande Sagesse qui préside aux délibérations de cette Chambre permet à chacun de ses membre d'émettre librement son opinion; forts de nos intentions, nous sommes surs de votre indulgence.

J'ai dit que le travail important qui doit appeler vos plus graves méditations, puisque son résultat réglera votre marche dans l'exercice des hautes fonctions auxquelles vous êtes appelés, renferme deux parties: la première, sans nul doute, doit faire l'objet d'une loi. Cette loi devra déterminer la nature des crimes dont connaît la Chambre; car la Charte s'exprime ainsi :

"

« La Chambre connaît des crimes de haute tra«hison et des attentats contre la sûreté de l'Etat, qui seront définis par la loi. »

Comme l'a dit un des éloquents orateurs de cette Assemblée, seront est évidemment un futur, et il faut une loi qui devienne le complément de l'article 33. Cette loi doit aussi décider quelles seront les différentes classes d'hommes que vous aurez à juger; et certes il est à désirer que le nombre de ces hommes soit infiniment restreint. Moins Vous vous constituerez en cour judiciaire, plus vous serez redoutables, et vous ne pouvez, sans perdre de votre dignité, augmenter de beaucoup hors de cette enceinte le nombre de vos justiciables. Je ne partage point l'avis de votre commission, qui a cru pouvoir décider quels seraient ceux dont vous deviendriez juges. Cette indication me paraît devoir appartenir tout entière au pouvoir royal; et, partageant entièrement l'avis de ceux de mes collègues qui croient que l'initiative, bors le cas d'absolue nécessité, a plus de dangers que d'avantages dans un gouvernement représentatif, je crois que nous devons nous borner

supplier le Roi de présenter un projet de loi qui devienne le complément de l'article 33 de la Charte, en définissant les crimes et attentats dont devra connaître la Chambre des pairs, et en désignant d'une manière fixe quels seront les individus qui deviendront ses justiciables. Il paraîtra plus convenable à la dignité de la Chambre qu'elle attende en silence une désignation dont le résultat sera nécessairement pénible pour elle, puisqu'il ajoutera aux douloureuses fonctions qu'il est de son devoir de remplir.

La deuxième partie du travail de la commission se subdivise aussi en deux parties. La première a rapport au mode de jugement; la deuxième

[22 février 1816.]

règle la manière dont on croit procéder contre les pairs. Je ne m'occuperai point de la manière de procéder ni du jugement, laissant à discuter cette partie du travail par les magistrats éclairés qui honorent cette Assemblée; mais je parlerai des pairs, et chacun de nous a des droits imprescriptibles à cette partie de la discussion. Je ne rappellerai point ce qui vous a été dit avec tant de vérité, qu'il y avait sinon du danger, au moins un grave inconvénient à livrer à la discussion et à faire un projet de résolution d'un travail dont le résultat doit influer sur la destinée des seuls pairs, d'un travail qui doit fixer d'une manière invariable les prérogatives les plus chères d'une classe d'hommes investis par là volonté du Roi des plus hautes fonctions, et que l'on a souvent qualifiés de premiers magistrats du royaume. Ces liautes fonctions ne se bornent point à une seule génération, Messieurs, elles s'étendent dans l'avenir nous nous devons à nos successeurs, et nous ne sommes pas plus maîtres de diminuer les prérogatives que nous confere la Charte, que nous ne sommes maîtres de les augmenter.

C'est donc avec étonnement que j'ai entendu proposer l'article 5: « S'il arrive que les tribu«naux ordinaires, dont les pairs ne cessent point

d'être justiciables en matière de simple police, « prononcent contre un pair la peine d'emprison«nement, le jugement ne peut recevoir son exé«cution que sur l'exequatur du président de la

Chambre, qui dans ce cas exerce le pouvoir « dévolu à la Chambre par l'article 34 de la « Charte. >>

Bien évidemment cet article est opposé à l'article 34 de la Charte...

Pouvez-vous, devez-vous donner à des tribunaux inférieurs, pour matière de simple police, un pouvoir qui compromet également votre dignité et vos prérogatives? Le rapporteur vous a dit que, dans les temps auciens, lorsqu'il s'agissait de l'honneur d'un pair, il ne pouvait être procédé contre lui que tous les pairs appelés.

Un emprisonnement n'est-il donc rien contre l'honneur? Pouvez-vous rien céder de ce noble héritage auquel le Roi vous a appelés? N'y a-t-il aucun danger à donner au président de cette Chambre un pouvoir discrétionnaire que la Chambre seule à le droit d'exercer? Sans doute la génération présente n'a rien à redouter; mais, si le passé doit être la leçon des gouvernements, le législateur doit embrasser l'avenir, et mettre les générations futures à l'abri des dangers qu'il ne craint point pour la génération présente.

Sans parler des révolutions qui se sont succédé pendant vingt-cinq ans, aurait-on oublié les temps de la Ligue et de la Fronde? Ne pouvonsnous craindre dans l'avenir les commotions politiques dont notre histoire nous offre tant d'exemples? Et dans une telle position, Messieurs, qui vous dit que cette Chambre si auguste, à la dignité de laquelle les siècles ne peuvent qu'ajouter, sera toujours présidée par un Harlay, par un Molé, par un magistrat tel que celui que nous avons l'honneur de posséder? Qu'arriverait-il alors, si, constitutionnellement, un pair pouvait être arrêtė ple exequatur de son président? Quel avautage sans l'autorisation de la Chambre et sur un simaffreux une faction pourrait retirer de cette position? La Chambre privée de ses membres les plus distingués; le trône, de ses appuis les plus ferines.... Je m'arrête, et ne développerai pas davantage ma pensée. Elle n'a pas échappé sans doute au prince éclairé qui nous a octroyé cette Charte, objet de tous les désirs comme elle l'est de

toutes les espérances. Vous n'êtes point les maîtres de changer l'article fondamental de vos prérogatives. Le Roi a dit : « Les pairs ne peuvent être « arrêtés que de l'autorité de la Chambre; » et Vous devez respecter cette volonté suprême, qui fonde l'inviolabilité de vos successeurs. Une substitution de cette nature ne peut être abolie par un article de résolution.

Je demande donc la suppression entière de l'article 5, comme contraire à l'article 34 de la Charte et à la dignité de la Chambre.

Quant aux titres II et III du rapport, je n'ai aucune observation à faire; mais je crois que nous devons nous borner à les présenter au Roi, en le suppliant de les convertir en ordonnances. Un grand procès a été jugé; il l'a été d'une manière qui a honoré également et la Chambre et le ministère. Comment ses formes ont-elles été réglées? par des ordonnances que vous avez acceptées. Comment la cour des pairs procédait-elle dans les temps anciens à l'instruction et au jugement? par des ordonnances. La pairie instituče par le Roi réunit les temps anciens et les temps modernes; elle peut et doit juger par les ordonnances, et une foi n'est nullement nécessaire.

En me résumant, je demande que le Roi soit supplié de présenter un projet de loi qui devienne le complément de l'article 33 de la Charte, en spécifiant quels sont les crimes que jugera la Chambre des pairs, et quels seront ses justiciables.

La suppression totale du titre Ier du projet de résolution.

La Chambre des pairs suppliera le Roi de lui accorder une ordonnance conforme aux articles contenus dans les titres II et III du projet de la commission.

L'Assemblée ordonne l'impression du discours de M. le duc de Valentinois.

M. le duc de La Vauguyon. Messieurs le rapport de la commission spéciale, dont M. le comte Molé a été l'organe, ne m'étant parvenu que dans la journée de lundi dernier, je n'avais pas eu le temps de le lire assez attentivement pour arrêter, mardi matin, mon opinion sur les différents objets qu'il renferie. Je vous prie de permettre que je vienne y suppléer aujourd'hui.

Je m'empresserai d'abord de rendre un juste tribut d'éloges à la sagacité lumineuse avec laquelle M. le rapporteur a dirigé le travail dont il a été chargé par la commission. Mais, sans entrer, Messieurs, dans aucune des discussions historiques auxquelles il a cru devoir se livrer dans l'avant-propos, ou le préambule de son rapport, tant sur l'origine de la pairie que sur ses différents âges, et notainment sur le système soutenu mais contésté du parlement, je me bornerai à vous présenter un très-court développement sur le dernier état de la cour des pairs à l'époque que j'appellerai le dernier âge de l'ancienne pairie.

Nous étions alors divisés en deux opinions les uns pensaient que la cour des pairs était et n'avait pas cessé d'être le grand conseil du Roi, dont les princes du sang et les pairs étaient les membres essentiels et nécessaires, et auxquels Sa Majesté appelait, lorsqu'elle jugeait convenable, les grands officiers de la couronne, et un certain nombre de magistrats; selon l'autre opinion, la cour des pairs était regardée comme étant e-sentiellement et exclusivement, non le parlement, mais dans le parlement de Paris. Qu'arrivait-il, Messieurs, conformément à cette opinion la plus généralement établie et consolidée ? Lorsqu'une circonstance quelconque rendrait nécessaire l'as

semblée de la Cour des pairs, le parlement de Paris nous invitait à venir prendre dans son sein la séance à laquelle nous donuait droit, dans toutes les cours du royaume, le caractère de magistrature suprême dont nous étions revêtus. Les princes et pairs réunis, par suite de cette invita tion, avec le parlement, nous nous convoquions en cour de pairie; le parlement de Paris cessait à l'instant d'ètre le parlement et devenait une portion intégrante de la Cour des pairs. Ensuite, en vertu de notre convocation en cour de pairie, nous députions vers le Roi pour supplier Sa Majesté de vouloir bien indiquer le jour où elle daignerait venir présider elle-même sa Cour des pairs, ou désigner la personne à laquelle il lui plairait de confier cette fonction.

Tel était, Messieurs, le dernier état des choses, que j'ai cru devoir vous développer, sans m'engager dans aucune controverse ultérieure sur un objet devenu aujourd'hui purement historique.

Pénétrant maintenant, Messieurs, l'intention générale du rapport qui est soumis à notre déliberation, j'y rencontre ces paroles remarquables: « Ce n'est pas à vous, pairs de France, à vous, « par constitution et par essence les conserva«teurs de la prérogative royale, qu'il faut, rap«peler les dangers qui accompagneraient l'usage

frequent du droit d'initiative que la Charte a nous donne. » Je conviendrai avec M. le rap porteur que nous ne devons user qu'avec la plus grande sobriété de la faculté contenue dans l'article 19, mais non qu'elle soit initiative.

Ecartons de nous, Messieurs, les idées purement théoriques; ne nous demandons pas : Ne conviendrait-il pas mieux que l'initiative de la proposition de la loi fût réciproque? Je crois que j'aurais adopté cette opinion dans le sens absolu; mais je me pénètre de jour en jour davantage de son danger dans le sens relatif. Pour nous y soustraire autant qu'il est en nous, profitons, Messieurs, de tous les motifs que nous donne lé texte même de l'article 19 de la Charte. Or, Messieurs, comme j avais l'honneur de vous l'exprimer dans une opinion précédente, qu'arrive-t-il lorsque le Roi nous propose un projet de loi rédigé en articles? C'est le pouvoir exécutif qui, comme pouvoir législatif, fait cet envoi aux deux autres portions de ce pouvoir. Qu'arriverait-il si nous avions le droit d'adresser au Roi un projet de loi également rédigé article par article? Ce serait deux portions du pouvoir législatif qui l'adresseraient à une troisième portion de ce pouvoir, au pouvoir exécutif. Il résulterait de cette manière d'exécuter l'article 19 de la Charte une véritable réciprocité initiative. Mais si tel était, Messieurs, le vrai sens de la Charte, si telle avait été l'intention du Roi en nous la traçant, l'article 16, cet article vraiment fondamental de cette Charte, l'article 16 aurait été ainsi conçu : Le Roi propose la loi aux deux Chambres, ou les deux Chambres la proposent au Roi, et alors l'ar ticle 19 devenait entièrement inutile. L'addition de cet article 19, tel qu'il est rédigé, nous développe donc une autre intention de la Charte; il ne nous confère pas le droit de proposer au Roi une loi dans la même forme et de la même manière qu'il nous la propose lui-même, c'està dire un projet de loi déjà rédigé article par article; car alors, comme je viens de le dire, l'article 19 aurait été évidemment inutile; en un mot, il ne nous confère pas une faculté initiative, mais seulement une faculté indicative, c'est-à-dire et uniquement celle de faire connaître au Roi, par formé de représentation, l'utilité que nous

paraîtrait avoir une loi, et de lui indiquer en général ce qu'elle nous semblerait devoir contenir. Tel me semble être si évidemment le seul sens possible de l'article 19, qu'en ne nous conférant que cette faculté telle que je viens de l'exprimer, il conserve toute sa force dans la Charte, et laisse toute la sienne à l'article 16.

La borne mise à notre faculté indicative par les termes mêmes de l'article 19 est parfaitement raisonnable; car, si nous pouvons concevoir l'utilité d'un objet législatif, nous n'avons évidemment pas, ainsi que je l'exprimais dans mon opinion précédente, les éléments nécessaires pour en préciser l'application, et la rédiger en articles positifs. Le gouvernement seul est environné de tous ces éléments indispensables, et peut seul, à leur aide, faire toutes les combinaisons nécessaires aux rapports généraux et particuliers de la législation.

Vous préjugez, Messieurs, que les principes que je viens d'avoir l'honneur de vous exposer me portent à penser que nous ne pouvons ni ne devons adresser au Roi le projet de loi qui nous est proposé, parce qu'il n'est point une supplique Sa Majesté de nous proposer une loi, mais un corps entier de loi rédigé en articles, dont la présentation à Sa Majesté, devenant un acte vraiment initiatif, dépasserait entièrement les bornes de notre faculté constitutionnelle, qui n'est vraiment qu'indicative.

J'en reviendrai maintenant, Messieurs, à l'objet qui a déterminé la nomination de notre commission spéciale; nous paraissions tous pénétrés alors de la nécessité de demander au Roi de vouloir bien fixer notre compétence, et de celle de déterminer nous-mêmes les formes d'un règlement nécessaire, que nous soumettrions ensuite à l'approbation de Sa Majesté. C'est en m'attachant, Messieurs, imperturbablement à cette manière de considérer l'objet de notre délibération sur cette importante matière, que je croirais que nous devons d'abord charger notre commission spéciale de nous présenter un projet de règlement pur et simple, sans l'englober dans le projet de supplique relativement à la fixation de notre compétence.

Abordant maintenant la question de savoir comment nous devons demander au Roi la fixation de ladite compétence, voici ma pensée La Charte constitutionnelle est une loi, et notre loi fondamentale; elle décrète, article 62 : Nul ne peut être distrait de ses juges naturels; et, par l'article 33: La Chambre des pairs connait des crimes de haute trahison et attentats contre la sûreté de l'Etat, qui seront définis par la loi. La Charte constitutionnelle décrète donc tout à la fois le principe général et l'exception; mais par l'article 14, la même Charte investit le Roi du pouvoir de faire tous les règlements nécessaires à l'exécution des lois. Je croirais, d'après cela, Messieurs, que nous n'avons à faire au Roi que la demandé d'un règlement qui fixe notre compétence. - Quant à ces mots, qui seront définis par la loi, qui se trouvent faire partie de l'article 33 de la Charte, et qui sembleraient nécessiter la demande à faire au Roi d'une loi, je les considère sous un point de vue particulier ils me font entrevoir l'intention du législateur de s'occuper promptement de la réforme du Code pénal, qu'il paraît si pressant de mettre en harmonie avec les sages principes de la monarchie. Frappé à cet égard des observations si judicieuses, si profondes, si humaines, que M. de Lally nous a développées dans la dernière séance avec la plus énergique et la plus touchante éloquence, j'ajouterais à la demande à

faire au Roi d'un règlement qui devra fixer notre compétence, la supplique de daigner s'occuper de la réforme des articles concernant les crimes de haute trahison et des attentats contre la sûreté de l'Etat, en attendant la réforme générale du Code pénal que nous espérons de sa sagesse. Quant aux prérogatives qui sont conférées et conservées par la Charte aux pairs de France, je croirais, Messieurs, que nous n'avons point de supplique à faire au Roi de proposer une loi à cet égard; la loi me semble tout à fait dans la Charte même; elle décrète qu'un pair ne peut être arrêté que par l'autorisation de la Chambre, ni jugé que par elle en matière criminelle. Nous ne pouvous évidemment confier à personne, dans l'intervalle des sessions des deux Chambres, l'autorisation de la Chambre des pairs; mais par l'article 26 de la Charte, le Roi est investi du pouvoir d'assembler dans cet intervalle la Chambre seule des pairs; et comme, par notre règlement particulier, nous avons établi qu'il suffisait, pour nous mettre en état de délibérer, de la présence du tiers des membres de la Chambre, il s'ensuit que dans tous les temps la Chambre des pairs pourrait être convoquée par le Roi, et garnie d'un nombre suffisant de ses membres.

Maintenant, Messieurs, je résume mon opinion. Je serais d'avis que nous chargeassions notre commission spéciale de nous présenter: 1° un projet de règlement pur et simple sur nos formes judiciaires, que nous supplierons le Roi de daigner approuver; 2o le projet d'une supplique à Sa Majesté, tendante à lui demander un règlement sur la fixation de notre compétence; 3° le projet d'une autre supplique tendante à lui demander de vouloir bien s'occuper de la réforme des articles relatifs aux crimes de haute trahison et attentats contre la sûreté de l'Etat, en attendant la réforme générale du Code pénal que nous espérons de sa sagesse.

La Chambre ordonne l'impression du discours de M. le duc de La Vauguyon.

Un membre réclame contre l'impression ordonnée, en observant que l'opinant professe, relativement à l'initiative accordée aux Chambres par l'article 19 de la Charte, une doctrine évidemment trop sévère, et que l'Assemblée ne peut approuver.

D'autres membres observent que l'impression d'un discours n'en emporte nullement l'approbation; elle peut même avoir pour objet de le combattre. Celle que vient d'ordonner la Chambre est donc sans inconvénient.

Un pair voudrait que, conformémeut à un précédent arrêté, la Chambre ne statuât sur les impressions qu'après la discussion terminée.

Un autre membre pense que la Chambre ayant suivi dans la discussion actuelle une marche contraire, elle ne peut s'en écarter jusqu'à la fin de cette discussion.

L'impression ordonnée est maintenue.

Un troisième opinant regarde comme suffisamment établie par ceux qui l'ont précédé à la tribune, la distinction nécessaire de ce qui, dans le projet de la commission, est ou loi ou règlement. C'est une loi que réclament les articles 33 et 56 de la Charte. Il faut une loi pour traduire devant la Chambre des pairs, faisant les fonctions de cour spéciale des prévenus, qui autrement ne pourraient être distraits de leurs juges naturels. Il faut une loi pour obliger les tribunaux criminels à renvoyer devant la Chambre les affaires dont elle devra connaître pour cause de connexité. Mais s'il est nécessaire de provoquer une loi, est

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il dans les convenances, est-il conforme au respect dont le trône doit être environné, de présenter au Roi une loi toute faite, une série d'articles qui ne laisse rien à régler, rien à prévoir à la sagesse ? L'opinant, pense que ce n'est point en de pareils termes que doit être conçue la supplique destinée à provoquer la loi dont il s'agit. Il présente à l'Assemblée une première esquisse des formes de rédaction qu'il lui paraîtrait convenable d'adopter dans cette supplique. La commission pourra ètre chargée d'examiner son travail, dans lequel, en distinguant néanmoins, en traitant séparément chaque objet, il a compris la partie réglementaire qui lui semble, comme à divers préopinants, devoir faire la matière d'une ordonnance que Sa Majesté serait suppliée de rendre. En indiquant avec soin, mais d'une manière respectueuse, dans ce travail, les différents points qui se recommandent à l'attention du monarque, soit comme objet d'une proposition législative, soit comme principe d'une ordonnance, l'opinant croit s'être rapproché de l'esprit qui a dicté l'article 19 de la Charte, et des convenances que les Chambres doivent observer dans l'exercice du droit qu'il leur accorde.

Divers opinants inscrits pour la parole, mais dont le travail n'est pas encore terminé, demandent la remise de la discussion à samedi prochain. Cette remise est ordonnée.

M. le Président observe que les bureaux ayant examiné la résolution de l'autre Chambre, relative aux pensions ecclésiastiques dont jouissent des prêtres mariés, la discussion de cet objet en assemblée générale se trouve naturellement à l'ordre du jour.

Il consulte la Chambre pour savoir si elle veut ouvrir cette discussion, ou nommer. une commission spéciale qui lui fera son rapport.

L'Assemblée arrête qu'il sera nommé une commission spéciale de cinq membres.

Avant d'ouvrir le scrutin pour la nomination des commissaires, M. le président désigne par la voie du sort deux scrutateurs pour assister au dépouillement des votes.

Les scrutateurs désignés sont M. le marquis de Mathan et M. le comte Lecouteulx.

On procède au scrutin dans la forme accoutumée. Le nombre des votants était de 103. Après un premier tour sans résultat, le second donne la majorité absolue dans l'ordre suivant, à MM. : Le comte Abrial,

Le comte Garnier,

Le comte de Castellane,

Le duc de La Vauguyon,

Et le vicomte de Châteaubriand.

Il sont proclamés, par M. le président, membres de la commission spéciale.

L'heure étant avancée, M. le Président lève la séance, après avoir ajourné l'Assemblée à samedi prochain 24 du courant, à une heure, pour s'occuper: 1o de la discussion continuée du projet de règlement judiciaire; 2o de la discussion du rapport fait à la Chambre dans sa dernière séance, sur la résolution de la Chambre des députés relative au clergé.

ANNEXE

A la séance de la Chambre des pairs du 22 février 1816.

NOTA. M. le duc de Brissac avait préparé, sur la proposition de M. le duc de Doudeauville, relative au deuil du 21 janvier, un discours qui ne put être prononcé. Nous l'insérons ici comme annexe.

M. le duc de Brissac (1). Messieurs, lorsque je me levai pour demander que l'objet dont vous vous occupez fùt pris en considération, je pensais qu'une longue discussion n'était pas nécessaire, et qu'on se bornerait tout au plus à examiner la forme qui pouvait le mieux convenir dans cette grave et lugubre circonstance. Mais on a attaqué la proposition elle-même; j'essayerai de la défendre, et je n'abuserai pas longtemps de Votre attention.

On trouve le moment mal choisi, et l'on eût mieux aimé que la démarche qui vous est proposée eût eu lieu à l'époque du 21 janvier Sans doute, Messieurs, nous l'aurions tous préféré. Mais vous pouvez vous rappeler qu'alors il en fut question, et qu'on n'arrêta rien, faute de savoir exactement ce qu'avait fait la Chambre des députés. Depuis, un très-long intervalle s'écoula sans que nous fussions rassemblés: on ne put donc fixer votre attention sur cet objet. Mais la proposition en est-elle moins digne de votre intérêt parce qu'un mois s'est passé depuis l'anniversaire de l'horrible attentat que nous déplorons tous?

On a trouvé une sorte de faste, un peu d'amourpropre dans l'expression du vœu que nos sentiments et nos noms fussent consignés sur l'airain. Je ne partage pas cette opinion; je dis au contraire Heureuse la nation chez laquelle, après vingt-trois ans, le seul souvenir d'un grand crime réveille ainsi dans tous les cœurs la houte qu'il se soit commis au milieu d'elle, la douleur de n'avoir pu l'empêcher, et le besoin d'en reverser toute l'horreur sur les coupables!

On demande de quel article de la Charte peut s'étayer la démarche proposée. J'ouvre la Charte; je n'y vois que de nobles pensées, que des sentiments généreux et n'est-ce pas le plus pieux comme le plus noble sentiment qui nous précipite vers le trône pour déposer aux pieds du monarque le tribut de notre profonde affliction?

Eufin on se plaint de n'avoir reçu aucune communication de la Chambre des députés à ce sujet. Ah! Messieurs, quand avez-vous vu l'une des Chambres se concerter avec l'autre pour une adresse au Roi? L'usage s'y oppose et la forme d'une résolution, qu'on a l'air d'invoquer, eût été trop lente dans cette circonstance. Lorsqu'une des Chambres vote une adresse, c'est à l'autre de l'imiter, si bon lui semble; rien ne lui en fait un devoir tout le monde le sait. Ce n'est donc pas seulement parce que les députés du royaume ont exprimé si hautement leur vou, que le noble pair, auteur de la proposition, a demandé que notre Chambre se prononcât dans le même sens. Nous eussions dù le faire, quand la France entière fût restée muette. Tout ce qui est bon, grand, généreux, est le patrimoine des pairs de France; nous ne le répudierons point. Mais ici les députés ont donné l'exemple: ils ont usé d'une initiative qui semblait leur appartenir, et dont ces nobles mandataires du peuple partagent

(1) J'avais demandé la parole pour appuyer la proposition tendante à supplier le Roi d'associer la Chambre des pairs à la douleur de la Chambre des députés, et à son mémorable serment consigné dans l'adresse du 18 janvier dernier. La communication faite à la Chambre des pairs du testament de S. M. la reine MarieAntoinette ayant fourni à M. le vicomte de Châtaubriand et à M. le duc de Choiseul l'occasion de renouveler cette proposition qui fut adoptée avec enthousiasme, je dus renoncer à la parole. Mais plusieurs pairs m'ont engagé à faire imprimer le discours que je désirais prononcer, et j'ai cédé à leur demande.

l'honneur avec plusieurs cités, qui, au même instant, se croisaient dans cette honorable ligue contre le crine.

Si les députés, si de grandes villes, si une foule de citoyens ont vengé l'honneur français par un désaveu solennel du plus exécrable des attentats, nous, les principaux soutiens du trône, les appuis de la monarchie, les dépositaires des traditions et des souvenirs, pourrions-nous garder le silence? Les traditions, les souvenirs, nous retracent nos devoirs. Ouvrez nos anuales; voyez comme à chaque fois qu'une main parricide menaça le grand Henri, la douleur s'empara de toute la nation, avec quelle énergie elle s'exprima; et lorsqu'un monstre frappa du coup mortel ce prince adoré, un cri d'horreur et de désespoir ne s'éleva-t-il pas d'une extrémité de la France à l'autre? Ne vit-on pas de fidèles sujets mourir subitement de l'excès de leur affliction, comme dans ces derniers temps, plus d'un bon Français succomba au chagrin de voir son Roi obligé de quitter le sol de la patrie? A une époque peu éloignée de nous, quand l'infàme Damiens attenta aux jours de Louis le Bien-Aimé, cette nation qui sait si bien chérir ses maîtres ne joignait-elle pas l'expression de la plus profonde indignation à celle de la douleur si franche et si naïve dont, plusieurs années auparavant, la maladie du même prince à Metz avait été l'occasion?

En 93, un bien plus épouvantable forfait a été commis; il l'a été sur le plus juste, sur le plus vertueux des rois de nombreux assassins ont frappé la plus innocente comme la plus auguste des victimes; leur crime qu'ils ont appelé un jugement, ils ont voulu en rejeter l'opprobre sur tous les Français et les pairs de France, que leur haute dignité place à la tête des sujets du Roi, hésiteraient à faire éclater des sentiments trop longtemps comprimés! Messieurs, le 22 février convient autant que le 21 janvier à l'expression de notre douleur et de nos vœux. N'en doutons pas, cet hommage fût-il un peu tardif, procurera de douces émotions à l'adorable frère du Roimartyr, à son angélique fille, à sa famille révérée peut-être quelques larines s'échapperont de leurs yeux; mais ces pleurs de l'amour fraternel, de la piété filiale, ne seront point saus consolation: ils deviendront à leur tour un nouveau lien entre les Bourbons et les Français fidèles et dévoués.

Je vote pour la proposition de M. le duc de Doudeauville.

CHAMBRE DES DÉPUTÉS.

PRÉSIDENCE DE M. FAGET DE BAURE,
VICE-PRESIDENT.

Séance du 22 février 1816.

M. Hyde de Neuville donne lecture du procèsverbal de la séance d'hier, et présente les hommages qui suivent:

1° Deux volumes intitulés : Examen des principes les plus favorables aux progrès de l'agriculture, des manufactures et du commerce en France. 2o Manuscrit relatif au budget de 1816, par M. de Boislandry.

M. Delamarre. J'ai l'honneur de soumettre à la Chambre une proposition que j'ai déposée sur le bureau; elle a pour objet de déterminer que l'orqu'un certain nombre de membres se seront fait inscrire pour parler dans une discussion, le sort décidera de l'ordre dans lequel les

membres inscrits seront appelés à prononcer leur opinion à la tribune.

M. Delamarre exprime le désir d'être entendu dans ses développements, après la discussion qui doit s'ouvrir aujourd'hui sur le deuxième rapport de M. de Villèle.

M. Duplessis de Grenedan, appelé à la tribune pour une proposition qui rentre dans celle de M. Delamarre, renonce par cette raison à en entretenir l'Assemblée.

M. Forbin des Issarts, organe de la commission centrale des pétitions, fait un rapport sur huit des pétitions confiées à son examen.

Les maires des communes composant l'arrondissement d'Yssingeaux, Haute-Loire, se plaignent de ce que la première tentative pour mettre à exécution l'ordonnance du 19 octobre 1814 a fait porter le charbon à plus de 30 p. 0/0 de la valeur ordinaire; en conséquence, ils prient MM. les députés de faire tous leurs efforts pour obtenir la révocation de cette ordonnance et la division du bassin houiller où ils s'approvisionnent, en un nombre de concessions tel, que la concurrence assure à leurs contrées un approvisionnement constant à des prix calculés, non sur l'avidité des entrepreneurs, mais sur la véritable valeur du combustible.

Votre commission pense que les demandes renfermées dans ces quatre pétitions ayant fait le sujet d'une proposition présentée par M. Dugaz de Varennes, elles doivent être renvoyées à la commission qui sera formée pour l'examen de cette proposition. Le renvoi est ordonné.

--

M. Aufrère la Preugne, député de la Creuse, réclame contre une contribution extraordinaire établie illégalement, dit-il, sous le gouvernement de Buonaparte, dans le département de l'Allier, et qui continue à être perçue en contradiction aux lois de l'Etat sur le budget. Il se plaint en outre d'un mode arbitraire de répartition, qui lui a occasionné une surtaxe considérable.

Votre commission a pris les informations nécessaires, et s'est assurée que la contribution dont il s'agit est une imposition locale et spéciale pour la confection du canal du Cher établie d'après les dispositions de la loi du 16 septembre 1807, et suivant les formes légales, après convocation des conseil généraux et dans l'intérêt particulier des départements qui y contribuent, que le gouvernement royal continuant les mêmes travaux et les mêmes dépenses, a dù continuer de percevoir un impôt établi légalement et dans l'intérêt même des contribuables. Elle a pensé que la répartition de cette contribution et les réclamations à ce sujet devaient être adressées au gouvernement.

La Chambre ordonne le renvoi de la pétition au ministre des finances.

Sur la proposition du même rapporteur, la Chambre passe à l'ordre du jour sur une réclamation de madame veuve Cordier, de Paris. Elle renvoie au ministre de l'intérieur et à celui des finances une pétition de M. Leclerc de la Vespellière (de Lyon); au ministre des finances seulement, celles de M. Boucy, arpenteur (de Liques, département du Pas-de-Calais), et de M. Lasserre propriétaire à Ligny, département de la Meuse: et au ministre de la justice, une dernière pétition adressée par M. Roudier, notaire du département de Seine-et-Oise; enfin à la commission du budget, cinquante-huit pétitions relatives au projet de loi de finances et à divers impôts.

Ce rapport terminé, M. le Vice-Président

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