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⚫ guérison plus industrieusement recherchés, il « a été reconnu et posé en principe que, pour • tous les Etats, il est des crises extraordinaires

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o a violence des maux ne peut céder qu'à celle a des remèdes. Il a été reconnu que, dans les gou« vernements les plus libres, le ressort d'un pou« voir transcendant, absolu, ne craignons pas de réa péter Blackstone, le ressort d'un pouvoir despoti• que, supérieur aux choses comme aux personnes, doit se cacher quelque part, pour y dormir dans une inaction profonde, tant que la société est dans son état naturel, mais pour être prêt à la ⚫ secourir et à la sauver, s'il vient un de ces mo«ments, aussi rares que terribles, où elle ne puisse être secourue ni sauvée que par lui.

Mais moins il est possible d'échapper à cette • extrémité quand son heure est venue, plus il • est nécessaire d'empêcher qu'on ne puisse, ou « la prétexter sans cause, ou s'abandonner à son • action sans contrôle. Aussi, à côté du premier • principe que nous venons de rappeler, en est« il un second qui n'a pa été moins positivement « reconnu, c'est que, dans cette extrémité-là

même, l'arbitraire peut encore, et par consé•quent doit se revêtir d'un genre de légalité qui commande le respect en même temps que la • soumission, et qu'ainsi, pour se mettre au-desa sus de toutes les lois, ce n'est pas trop, c'est à • peine assez du pouvoir législatif tout entier. • Nos voisins ont dit : La toute-puissance du para lement; et l'individu ou le parti qui menaçaient

l'Etat, ou que la loi commune n'aurait pas eu ⚫ le temps d'arrêter avant la consommation du « complot, ils l'ont frappé de ce terrible attainder, ⚫ dont frémissent tellement ceux-là même qui le ⚫ lancent, qu'à chaque exemple qu'ils en ont <donné dans le cours de plusieurs siècles, ils ont a toujours défendu, par une clause formelle, qu'il a pút tirer à conséquence pour l'avenir. Nous ve«nons de dire, nous : La toute-puissance du Roi a unie aux deux Chambres; et un caractère parti.

culier signalera du moins le premier et, j'espère, « le dernier usage fait en France de ce pouvoir « transcendant et absolu c'est qu'une empreinte, non-seulement de justice, mais de clémence, << s'est fait encore sentir au milieu même d'une « des dispositions rigoureuses de la nouvelle loi. « La liste du 24 juillet est restée abandonnée à la « volonté du Roi. Le Roi peut abréger l'exil tem⚫poraire de ceux qui lui paraîtront ne devoir être soumis qu'à une épreuve. Le Roi peut ef« facer de la liste les noms qu'il ne croira pas devoir y maintenir, et que l'opinion publique peut-être a été surprise d'y rencontrer. Le cœur du Roi avait besoin de conserver cette liberté, et la conscience de ses Chambres avait a besoin de la lui reconnaître. • Concluons, Messieurs.

Deux parties bien distinctes figurent dans la • loi extraordinaire que nous avons votée le 9 de • ce mois :

Acte d'amnistie, qui appartenait au Roi, sans « dépendance et sans partage.

Acte de rigueur, qui ne pouvait émaner que • de la réunion du Roi et des deux Chambres. En remerciant explicitement le Roi de la a bonté gratuite qu'il nous a témoignée, lorsqu'il ⚫ a daigné nous associer à l'acte de sa clémence, nous l'avons implicitement remercié du scrupule vertueux avec lequel il a reconnu et jugé « qu'aux trois portions intégrantes du pouvoir • législatif réunies appartenait exclusivement le droit de frapper le coup d'Etat, dont cette réuanion a régularisé le principe.

« C'est dans ce sens, je n'en doute pas, que « M. le marquis de Bonnay a entendu sa rédac« tion; c'est dans ce sens qu'elle a été adoptée par les pairs. Je ne présumerai point de provo« quer une délibération de la Chambre; mais « l'explication dans laquelle je viens d'entrer, << mais quelques mots d'éclaircissements que je << puis peut-être espérer de l'auteur de la motion, « pénétreront, comme elle, au delà de ces murs, «et ne laisseront plus lieu à aucune des méprises « qu'il est, je crois, convenable de faire cesser. > M. le Chancelier a dit en substance que la réponse faite par le Roi aux remerciements de la Chambre, aurait sûrement prévenu les inquiétudes qui venaient d'être exprimées par l'orateur, s'il l'eût connue; et M. le chancelier a donné à la Chambre lecture de cette réponse.

M. le marquis de Bonnay a observé que ces inquiétudes auraient été prévenues dès le premier jour, si, dans la séance du 9, le temps lui eût permis de développer les motifs de sa motion, et il en a donné un aperçu aussi clair que concis.

Organisation des bureaux de la Chambre des pairs.

Par le résultat des élections faites dans chaque bureau, les six bureaux se trouvent organisés de la manière suivante :

Premier bureau. Président, M. le comte de Barthélemi; vice-président, M. le comte de ClermontGallerande; secrétaire, M. le marquis de Rougé ; vice-secrétaire, M. le vicomte de Châteaubriand.

Deuxième bureau. Président, M. le comte de Maleville; vice-président, M. le duc d'Uzès; secrétaire, M. le comte de Nicolaï; vice-secrétaire, M. le comte de Latour-Dupin-Gouvernet.

Troisième bureau. Président, M. l'évêque de Châlons; vice-président, le duc de La Vauguyon; secrétaire, M. Lepelletier-Rosambo; vice-secrétaire, M. le comte de Melun.

Quatrième bureau. Président, M. le duc de Saint-Aignan; vice-président, M. le duc de Doudeauville; secrétaire, M. Emmanuel Dambray ; vice-secrétaire, M. le duc de Brissac.

Cinquième bureau. Président, Mgr le duc d'Angoulême; vice-président, M. le duc de DamasCrux; secrétaire, M. le marquis de Frondeville; vice-secrétaire, M. le marquis de La Guiche.

Sixième bureau. Président, MONSIEUR; vice-président, M. le marquis d'Avaray; secrétaire, M. le marquis de Gontaut-Biron; vice-secrétaire, M. le comte de Choiseul.

Nomination du comité des pétitions.

Les membres nommés pour former ce comité,

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M. le Président informe la Chambre qu'il vient de recevoir un message annonçant que la Chambre des pairs a adopté, avec une rédaction différente, l'amendement voté par la Chambre des députés, dans la séance du 11, pour ajouter le nom de Mgr le duc d'Enghien à ceux des illustres victimes auxquelles il sera érigé des monuments expiatoires.

M. le Président donne lecture de cet amendement, rédigé sous la forme d'un article séparé. La Chambre en vote l'adoption.

M. Michel Saglio, député du Bas-Rhin, obtient un congé.

M. Chiflet est appelé à la tribune pour faire un rapport au nom de la commission (1) chargée d'examiner la proposition de M. le vicomte de Castelbajac, pour autoriser les donations et legs en faveur du clergé et les acquisitions qu'il ferait par

contrat.

M. Chiflet. Messieurs, dans une assemblée telle que la vôtre, composée de personnes dont les principes sont sûrs, et la raison éclairée par l'expérience, je n'ai pas besoin de développer longuement la nécessité de la religion dans un Etat.

Au milieu des affreuses convulsions qui ont bouleversé la France, au milieu des malheurs qui nous ont accablés, nous avons tous éprouvé (et les vérités de sentiment sont bien plus persuasives que les calculs et les raisonnements de l'esprit), nous avons tous éprouvé que la religion seule était la source des vraies consolations.

Nous nous sommes, en même temps, convaincus qu'elle est la véritable source de la morale. Les idées abstraites ne sont pas à la portée du peuple des principes raisonnés ne peuvent pas s'inculquer profondément dans les esprits simples, et dont les facultés sont peu développées. Il faut au peuple une morale liée à des actes extérieurs qui frappent les sens; et, comme le besoin de la morale est de tous les instants, il faut au peuple des pratiques journalières en quelques sorte, qui le rappellent continuellement aux principes de morale. C'est cet ensemble d'actes et de principes, de devoirs envers Dieu, et de devoirs envers ses semblables, qui constitue la religion. Les devoirs du cœur envers Dieu rappellent le peuple à l'amour de l'homme; les devoirs extérieurs envers Dieu le ramènent à la bienfaisance. Admirable ensemble dans son principe! admirable dans ses résultats!

Je le répète, nous savons, par une cruelle expérience, que le peuple qu'on a dispensé de ses devoirs envers Dieu, se croyait promptement dégagé de tous autres devoirs et finissait par les oublier.

Si la morale est nécessairement liée à la religion et à une religion pratique, il faut des ministres à cette religion.

Point de morale sans religion; point de religion sans culte; point de culte sans ministres.

J'ajoute point de ministres sans une juste liberté, sans une juste indépendance sous les rapports de besoins et de secours.

Je n'entends point supposer comme possible l'existence d'une classe de citoyens qui serait ou prétendrait être isolée dans l'Etat; je ne parle que de l'indépendance pour les besoins physiques.

Sous ce rapport, les ministres de la religion peuvent être dépendants soit du gouvernement, soit des individus.

(1) Cette commission est composée de MM. Daldeguier, Pardessus, le vicomte de Castelbajac, Barthe-Labastide, le comte de Perrien, le comte de Rougé, le comte Dandigné de Maineuf, Chifflet, le comte Planelli de la Valette.

Une dépendance trop entière du gouvernement entraînerait nécessairement d'abord des variations dans la religion, et enfin sa ruine entière. Le puissant sur le faible, le riche sur le pauvre, prend insensiblement une forte influence. Tel est le sort de l'humanité, et les fonctions sublimes de la religion n'en préservent pas ses ministres. Si le gouvernement tient dans ses mains leur existence physique, ne peut-il pas un jour substituer les caprices de l'homme à la vérité immuable, soumettre la morale éternelle, la morale pure du ciel aux essais d'un perfectionnement idéal, et finir par altérer même le dogme toujours essentiellement lié à la morale, dont il est la base? Il y aurait autant de variétés que d'Etats différents, autant de systèmes religieux que de gouvernements successifs, et pour la morale comme pour le dogme, la religion deviendrait tout humaine, toute terrestre; elle cesserait d'être la religion du ciel.

Voilà l'effet, l'effet plus ou moins prompt, mais inévitable, d'une dépendance trop grande du clergé à l'égard du gouvernement, pour les besoins physiques. Et un gouvernement sage, qui veut stabilité dans les institutions, fixité dans les principes, constance dans la conduite, évitera ce germe de versatilité et de variations funestes dont l'homme trop dépendant ne peut se garantir.

La dépendance où le clergé serait des individus, n'aurait pas de moins graves inconvénients, et serait plus choquante encore. Il est contre la nature des choses que le supérieur dépende de ses subordonnés, de ceux qu'il doit diriger, de ceux qu'il est destiné à reprendre et à ramener dans la voie du devoir quand ils s'en écartent. Il est donc de toute nécessité que les ministres de la religion, ces magistrats de la morale publique et particulière, soient au-dessus du besoin; qu'ils n'attendent pas journellement des secours, soit du gouvernement, soit des particuliers. Il est de nécessité absolue que cette indépendance leur soit assurée d'une manière stable pour l'avenir; c'est-à-dire, qu'il est nécessaire que le clergé soit propriétaire.

Sans parler de l'inconvenance d'abaisser au rang de salariés les ministres de la religion et de la morale, lorsque vous désirez tous rétablir et la morale et la religion; sans parler de cette choquante comparaison entre leurs chétifs traitements et ceux de cette multitude d'employés, je pense, Messieurs, que l'influence, l'importance, tiennent parmi nous à la propriété ; le clergé ne prendra donc l'influence qui lui est nécessaire pour le bonbeur commun, qu'en devenant propriétaire. En principe, dans une nation essentiellement propriétaire, le clergé doit être propriétaire et ne doit pas être salarié.

Je ne prétends pas dissimuler les abus qui s'étaient introduits, suite trop ordinaire des grandes richesses, dont on avait trop longtemps toléré l'accroissement. Mais l'époque fatale était venue, où l'on ne savait pas réformer, on trouvait plus court de détruire. Que de moyens de rendre ses richesses utiles à l'Etat, sans les enlever à la religion! Des colléges, des séminaires, des missions, des hôpitaux, étaient tenus déjà par des membres du clergé; on pouvait les charger de l'entretien d'un plus grand nombre. Aux défrichements des anciens couvents avaient succédé les recherches d'érudition; il était possible de donner à l'emploi de leurs biens une direction utile aux sciences et aux arts. Mais on voulait détruire, et l'intérêt public a été sacrifié.

Cette fureur de destruction, on l'a étendue

jusqu'à ces vénérables pasteurs de nos campagnes; et ici l'étonnement, les regrets doivent redoubler. Rappelez-vous, Messieurs, la vie de la plupart d'entre eux, lorsque l'aisance les laissait libres d'exercer leurs fonctions avec tout le zèle de la charité et du désintéressement, et vous n'hésiterez pas à leur désirer cette ancienne et nécessaire indépendance; vous sentirez que le clergé doit être dans l'aisance, et pour cela propriétaire. Il n'y a pas d'aisance assurée sans propriété.

Ces curés, au milieu d'un peuple simple, souvent les seuls instruits, étaient les seuls instituteurs de la jeunesse, les seuls en état de donner un conseil utile aux familles comme aux particuliers, et de répandre dans les campagnes quelque instruction, quelques connaissances; et elles étaient gratuites. Entourés de gens la plupart pauvres, ils allaient encourager le faible, et reprendre le vicieux (c'est un de leurs premiers devoirs). Mais quand, jadis, ils étaient en état de porter quelques secours temporels, le faible était doublement soutenu; le vicieux, en recevant le bienfait, était forcé aussi de recevoir le reproche. Ils visitaient l'homme affligé, le malade: combien les consolations qu'ils leur portaient étaient douces ! comme elles devenaient efficaces, quand elles étaient accompagnées de consolations temporelles! Moyen certain de persuader le pauvre, de le distraire de sa peine, de diminuer ses souffrances ! Il était rassuré sur les besoins du moment, l'espérance voilait à ses yeux le mal et les besoins du lendemain. Celui qui venait de soulager les maux présents avait obtenu la confiance, et il persuadait quand il promettait la fin des maux et la future récompense du courage à les souffrir. La sienne était tout entière dans les bénédictions qu'il emportait.

Messieurs, cette peinture n'est pas idéale; tous, nous avons vu cet effet heureux de l'aisance dans les curés, et d'une aisance modique. Quelques propriétés dans leurs mains réaliseraient de nouveau ce bonheur dans nos campagnes.

Combien leur sort est différent aujourd'hui ! Ils n'ont pas le nécessaire assuré. Le malheureux qu'ils vont visiter, qui manque de tout, qui souffre et privations et douleurs, qui en est tout préoccupé, qui y est livré tout entier, comment goûterait-il les consolations spirituelles, utiles sans doute, mais dont il sent moins le besoin et le prix ! C'est le besoin physique qui le tourmente, et son pasteur ne peut le soulager! Le conseil est à peine écouté; la réprimande paraît dure, et elle est mal reçue: accompagnée de quelque don, elle eût été si utile! Le curé le voit, et il se retire plus affligé de l'impuissance de son zèle que de ses propres privations; et si son devoir le retient près du pauvre dont la fin approche, combien son cœur souffre de l'entendre demander quelque soulagement, et de ne pouvoir le lui apporter ! de voir une famille entière pleurer sa misère impuissante, et de n'avoir que des pleurs à partager avec elle! Et quand cette famille, privée par la mort de son seul soutien, éprouve le besoin d'un consolateur, faudra-t-il qu'au lieu de donner des consolations, il lui demande son dernier écu pour prix du dernier service rendu au maiheureux père? Triste ressource, qui cesse d'en être une pour le pasteur sensible! ressource qui, dans son origine, était à peu près insignifiante par sa modicité, et que le besoin des curés a transformé en un revenu indispensable!

Messieurs, voilà l'effet du manque d'aisance dans les curés de campagne. Voilà la peinture

trop vraie de ce qui existe partout aujourd'hui. Le curé voit ses paroissiens craindre son approche, s'éloigner de lui, parce qu'ils lui doivent une somme modique; ces malheureux habitants, qui sentent surtout leur pauvreté, voient avec moins de regret leur commune abandonnée de son pasteur; mais en s'éloignant du ministre on s'éloigne de la religion, et la religion finit par s'éteindre.

Les impies l'avaient bien jugé, quand ils dépouillaient les curés. Relevons la religion dans les campagnes, en les rendant propriétaires. Un des moyens les plus simples est d'autoriser les libéralités; leurs besoins connus de tous stimuleront le zèle, et malgré les difficultés que les lois actuelles présentent, déjà l'on emploie la voie des fidéicommis: voie immorale, en ce qu'elle tente la cupidité; peu sûre, et par là moins employée; momentanée, et nous devons travailler pour l'avenir; enfin, moyen illégal, en fraude de la loi, et qui pour cela seul doit être réprouvé par le législateur; mais c'est un motif pour nous d'espérer que les libéralités, encouragées et protégées par le gouvernement, fourniront au clergé des ressources considérables.

Il est un genre d'établissement d'une nécessité indispensable pour soutenir la religion, et qui réclame les plus pressants secours : je veux parler des séminaires. Vous n'ignorez pas que le nombre des prêtres diminue chaque année dans une progression effrayante. Déjà beaucoup de paroisses sont sans pasteurs. Si l'on n'y pourvoit sans délai, bientôt le mal sera extrême. Depuis que le clergé est dépouillé, les parents savent que le sort futur de leurs enfants serait incertain dans cet état; ils n'osent les y destiner; les études préliminaires sont très-longues. Si les séminaires étaient dotés, du moins en partie, les parents seraient moins effrayés des dépenses d'une longue éducation. Ces réflexions feront, je le désire, impression sur votre esprit, et vous feront sentir la nécessité d'assurer aux séminaires des ressources solides. Le dernier gouvernement, en établissant quelques bourses, n'avait pris que des demi-mesures, qui tendaient à mettre la religion sous sa main; et vous, Messieurs, vous désirez réellement sauver la religion, et la rendre indépendante.

Il faut aussi des temples; il faut au culte une certaine pompe : l'homme ne peut être isolé de ce qui frappe les sens. Si Dieu demande de nous, avant tout, l'adoration en esprit et la soumission du cœur, nous lui devons aussi le culte extérieur. Il est important d'attacher les peuples à ce culte par ce qui peut y attirer. A différentes époques, des idées de perfection imaginaire et hors de notre nature, ont fait proscrire et la pompe et la plupart des actes religieux. Rejetons, Messieurs, ces prétendues perfections prises hors de l'homme; il faut à ce culte un certain éclat; il faut donc au clergé des propriétés qui lui en donnent la possibilité.

Ces réflexions s'appliquent aux chefs des diocèses, aux évêques. Voudrait-on s'effrayer des abus de la richesse? Ah! Messieurs, déplorons que ce danger soit si loin de se faire sentir. L'Etat ne pourra-t-il pas arrêter, quand il le jugera nécessaire, cet accroissement de fortune? H l'a fait, jadis, peut-être trop tard; mais le gouvernement actuel de la France nous laisse la certitude que l'abus serait promptement signalé, et aussitôt arrêté.

La commission dont j'ai l'honneur d'être l'organe, nous propose d'autoriser les libéralités en faveur du clergé existant aujourd'hui, et les acquisitions qu'il ferait par contrat. Nous allons

développer cette loi importante dont nous ne pouvons établir que les bases; elle fournira matière à plusieurs lois de détail, et à plusieurs règlements plus ou moins urgents.

La commission a pensé que le principe ne devait pas être simplement adopté, mais qu'il pouvait être mis à exécution dès aujourd'hui. Elle restreint cependant cette faculté d'acquérir au temps et délai de vingt années. La commission croit que cette faculté pourra être prorogée, qu'il sera utile de le faire. Elle sait aussi que si l'on pouvait en craindre des abus avant cette époque, une loi peut toujours suspendre cette faculté d'acquérir. Le pouvoir législatif ne peut être borné ni limité pour l'avenir; mais la commission a cru utile de fixer cette époque, pour prévenir des craintes plus fondées, pour ótér tout prétexte de plaintes.

Dans le projet de loi, le clergé est autorisé à recevoir par testament, ou dans toute autre forme légale; mais sous le nom de clergé, il n'est, il ne peut être ici question que des évêques, des chanoines, des curés et vicaires que j'appellerai bénéficiers, et des établissements reconnus dans chaque diocèse. Leur utilité est avouée par le gouvernement; leur existence précaire exige de lui des secours qui sont une charge considérable pour l'Etat. Quelle raison pourrait lui faire apporter des entraves à ces acquisitions? Il sentira que son intervention peut tarir la source des bienfaits.

Il ne s'agit point des vices de forme qu'on pourrait reprocher à un testament ou à tout autre acte, ni des intérêts d'un tiers qui se trouveraient lésés: cela rentre dans les attributions des tribunaux, et tombe sous la surveillance ordinaire du ministère public.

L'intervention politique, administrative du gouvernement ne peut avoir pour objet que l'établissement même (nous le supposons reconnu utile), ou sa dotation, et il lui en faut une.

Otons les entraves, encourageous, et nous pouvons espérer dans le zèle des fidèles.

Ce désir d'inspirer une entière confiance aux donateurs, nous a fait rejeter la nécessité d'un placement, sur le Trésor, des dons faits en numéraire. La disposition contraire n'était qu'une loi bursale. D'ailleurs, la fortune du clergé ne serait pas aussi indépendante; et nous croyons avoir prouvé la nécessité de cette indépendance. Nous proposons donc d'autoriser les placements en immeubles ou rentes. Les sommes au-dessous de 300 francs sont seules exceptées de cette nécessité de placement, et pour la quotité de 300 francs, nous avons suivi la règle actuelle.

L'évêque dans chaque diocèse en est le seul chef, il est le représentant naturel dans ces différents actes; mais il statue sur les intérêts de tous, il n'est que chef; il sera donc dirigé par un bureau diocésain soit dans l'acceptation des dons, soit dans la destination spéciale à leur donner, s'il n'en ont aucune, soit dans l'emploi à faire des dons en numéraire. C'est donc l'évêque qui traitera; c'est un individu qui traite, mais il le fera pour et au nom d'un corps et à perpétuité : c'est un usufruitier, mais il traitera en toute propriété.

Je viens de vous parler d'une destination spéciale. C'est un des principes, bases de notre projet de loi. C'est la propriété que nous désirions cousacrer; chaque objet aura donc son propriétaire désigné par le donateur ou par le bureau; c'est donc l'intérêt et de la fondation et du bénéficier. Les biens en masse commune offriraient

des inconvénients, soit dans leur administration, soit dans la distribution des revenus, soit même dans la fixité de leur emploi.

Un autre principe, base essentielle de notre projet de loi, est le respect pour les intentions du donateur. Quoi de plus sacré aux yeux de tous les peuples, que la condition apposée à un don, ou la volonté d'un testateur! Partout cette volonté doit être notre guide, et quand elle porte sur un but particulier d'utilité, sur le choix d'un bénéfice, et même quand elle règle le genre d'administration. S'écarter de ce principe, qui est de rigueur et de toute justice, serait d'ailleurs éloigner toute confiance.

Nous ne nous sommes occupés, jusqu'à présent, que de la dotation des bénéfices et des établissements reconnus par le gouvernement, et qu'il désire sans doute voir prospérer. Mais il peut arriver qu'un particulier désire ériger un nouveau titre de bénéfice, créer un établissement quelconque; le gouvernement doit décider de son utilité. Toujours il en a eu droit; toujours il l'a exercé : rien de nouveau dans un État ne doit s'introduire contre le gré ni même à l'insu du gouvernement. Les règlements déterminent la forme des informations et de l'autorisation nécessaires: elles nous ont paru dans ce cas aussi indispensables qu'elles seraient nuisibles à l'effet de la loi, si on les exigeait pour les établissements existants. Il en sera de même de toute fondation nouvelle, ce qui détruit d'avance l'objection ou de supersition, ou de caprice.

L'article 4 du projet de loi rassure sur l'abus de confiance; les dispositions du code existent pour les dons faits à l'individu, et dans son intérêt particulier la loi ne concerne que ce qui doit subsister à perpétuité.

Pour ce qui regarde l'administration, votre commission a cru renforcer encore son système de propriété, en la confiant au bénéficier, à l'établissement; c'est le meilleur moyen de conserver; le bénéficier oubliera qu'il n'a qu'un usufruit, et que sommes-nous tous sur la terre, que des usufruitiers! Cependant, il peut y avoir des abus; ce sera au bureau diocésain à surveiller l'administration.

Il est temps, Messieurs, de vous parler de ces bureaux diocésains; ils ne seront point une création entièrement nouvelle, et votre commission a toujours cherché à se rapprocher le plus possible de ce qui était; leur existence date de Charles IX, en 1567; plusieurs lois postérieures les confirment; une foule d'arrêts du conseil les maintient dans leurs attributions: elles avaient pour principal objet la distribution et la levée des décimes (véritable administration). Ce sont ces bureaux diocésains qui seraient les conseils des évêques : le projet de loi leur donne une composition analogue à leur ancienne composition; six membres pris dans les différents corps du clergé, et présidés par l'évêque; pour les fonctions et tout ce qui peut les concerner, ce sera la matière d'un règlement; le manque d'un règlement commun aux différents bureaux diocésains y avait introduit des variétés nuisibles, et en 1770, l'assemblée du clergé en sollicitait un des ministres du Roi. Je n'entre dans ces détails, Messieurs, que pour vous faire remarquer que nous avons désiré vous offrir un mode qui convienne et aux membres du gouvernement, et aux membres du clergé.

L'article 7 traite des droits du fisc; ils sont et doivent être les mêmes que ceux perçus sur des particuliers au jour de l'acte de donation ou d'ac

quisition. Mais il y a des droits de mutation éventuelle; ou peut leur donner pour origine le droit d'amortissement, comme déjà du temps de saint Louis, et réglé par plusieurs ordonnances de ses successeurs, en 1275 et 1291. On pourrait observer que nos rois ont souvent accordé, soit modération du droit, soit exemption totale en faveur des cures, des séminaires, des établissements de charité; mais le triste état de nos finances ne nous permet pas d'y renoncer. Ce droit varie suivant le genre d'actes, et suivant les personnes; il doit donc être calculé sur un taux moyen, et d'après les probabilités de retour. Votre commission a cru que ce droit payé en une seule année (tous les vingt ans par exemple), serait une charge trop pesante, et que 15 centimes additionnels de principal de l'impôt foncier, équivaudraient à ce droit unique, et formeraient pour l'Etat un revenu plus égal.

Enfin, votre commission a cru moral, et par conséquent utile à la religion, de fixer des bornes aux libéralités de ce genre; elle vous propose de les limiter à la moitié de la portion disponible, dès qu'il y a un parent au degré successible: l'exécution en est déjà déterminée par le Code dans des cas semblables; elle n'a cru pouvoir laisser une liberté entière de disposer, que quand le fisc est appelé à la succession, faute d'héritiers.

Je viens, Messieurs, de vous détailler les dispositions du projet de loi et leurs motifs, Si vous l'acceptez, ce sera un premier pas de fait pour procurer au clergé une propriété (et dans le bien, il est important d'avoir fait le premier pas, il est important de ne pas le différer). Vous avez senti, je l'espère, la nécessité de tirer le clergé de cette dépendance de besoins, qui avilit. Vous avez senti qu'il doit être dans l'aisance pour être plus utile. Vous voulez le rétablissement de la morale, et pour cela l'affermissement de la religion; on ne peut en détacher ses ministres, il est temps de s'occuper de leur sort; je le répète, point de morale sans religion, point de religion sans ministres, point de ministres sans l'indépendance de l'aisance, et point d'aisance assurée sans propriété.

Messieurs, la France est le royaume très-chrétien; notre Roi est le fils aîné de l'Eglise ; Louis XVIII est un prince religieux: sous ses auspices, la religion de nos pères doit se relever; votre commission vous offre un moyen d'y concourir, en suppliant très-humblement Sa Majesté de proposer à la Chambre un projet de loi qui contiendrait les dispositions suivantes :

Art. 1er. Pendant l'espace de vingt années, à dater de la promulgation de la présente loi, le clergé de chaque diocèse, représenté par son évêque, qui aura préalablement pris l'avis du bureau diocésain, mentionné en l'article 6, est autorisé à recevoir par testament et à accepter toutes donations de biens meubles ou immeubles qui pourraient être faites pour l'entretien du culte, de ses ministres, des séminaires ou de tout autre établissement ecclésiastique reconnu par le gouvernement, en les appliquant à la destination voulue par le donateur; pour lesdits objet être possédés en toute propriété par les titulaires de bénéfices ou leurs successeurs, ou par lesdits établissements ecclésiastiques.

Art. 2. Lorsque le donateur n'aura pas indiqué une destination spéciale, le bureau diocésain appliquera l'objet de la donation à tels établissements ou bénéfices particuliers qu'il jugera convenable. Lorsque l'objet de la donation sera une

somme d'argent au-dessus de 300 francs, le bureau diocésain en déterminera l'emploi soit en construction et réparations d'édifices nécessaires au culte, soit en acquisition d'immeubles et rentes au profit des bénéfices ou d'établissements que le donateur aurait désignés. L'évêque du diocèse est, dans ce cas, autorisé à acquérir au nom et pour lesdits bénéfices ou établissements.

« Art. 3. Lorsque des libéralités par acte entrevifs auront pour objet l'érection d'un nouveau titre de bénéficier, un nouvel établissement ecclésiastique ou toute autre fondation, ces libéralités pourront être acceptées par l'évêque, mais elles n'auront leur effet qu'autant qu'elles seront autorisées par le gouvernement. Néanmoins, cet effet remontera au jour de l'acceptation par l'évêque, ou s'il s'agit d'un legs, au jour du décès du testateur.

Art. 4. L'article 909 du Code civil continuera à avoir son effet quand les libéralités en faveur d'un ministre du culte lui seront propres, et ne seront pas destinées à être possédées par ses successeurs à perpétuité.

«Art. 5. L'administration des biens ainsi donnés ou acquis appartiendra au bénéficier, à la fabrique ou à l'établissement auxquels ces biens auront été exclusivement affectés, à moins que ces donateurs, par des clauses particulières, n'en aient eux-mêmes réglé l'administration. Néanmoins le bureau diocésain aura le droit de surveillance sur l'administration desdits biens.

« Art. 6. Le bureau diocésain sera composé de l'évêque, qui le présidera, du premier vicaire général, des trois principaux curés du diocèse, d'un chanoine choisí par le chapitre de la cathédrale, et du supérieur du séminaire.

Art. 7. Il sera perçu, au profit du gouvernement, sur les acquisitions à titre gratuit ou œuvres qui auront lieu en vertu de la présente loi, les mêmes droits que sur les particuliers. Il sera de plus perçu chaque année 15 centimes additionnels sur le principal de la contribution foncière à laquelle lesdits biens seraient imposés. Ce droit tiendra lieu envers le fisc de tous droits de mutation éventuelle quelconque.

« Art 8. Les libéralités par acte entre-vifs ou par testament, faites en vertu de la présente loi, ne pourront excéder la moitié de la portion disponible déterminée par le Code, si le donateur laisse un parent au degré successible. Dans le cas contraire, elles pourront absorber la totalité de ses biens. Les dispositions du Code, relatives à la portion des biens disponibles et à la réduction, seront observées ainsi que toutes lois antérieures qui ne seraient pas contraires aux dispositions de la présente loi. »

L'Assemblée ordonne l'impression du rapport. M. Barthe-Labastide a la parole pour développer les motifs de la proposition tendante à supplier le Roi de proposer une loi qui autorise les conseils généraux de département, les conseils d'arrondissement et les conseils municipaux à disposer des centimes additionnels.

M. Barthe-Labastide. Messieurs, né dans le Languedoc, ancien témoin de la sagesse de l'administration des Etats de cette province, et du bonheur dont jouissaient ses habitants, j'ai souvent déploré les maux qui n'ont cessé de peser sur eux depuis qu'ils sont privés de cette autorité tutélaire.

Je n'ai surtout jamais pu m'expliquer comment un peuple pouvait croire conquérir sa liberté, lorsqu'on le privait en effet des libertés et des franchises dont il était en jouissance depuis

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