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tant de siècles, et qu'il subissait l'esclavage le plus dur qui ait jamais pesé sur des hommes.

Je me représentais mes concitoyens contribuant autrefois librement, et dans la proportion de leurs moyens, aux charges générales de l'Etat; chargeant ceux d'entre eux qui offraient le plus de garanties, par leur rang, leurs lumières et leur fortune, de fixer le mode le plus doux et la répar tition la plus juste de l'impôt, ainsi que du soin de veiller à la confection ou à l'entretien de tout ce qui pouvait être utile, avantageux ou même honorable au pays Et je les vois aujourd'hui dans l'impossibilité de faire la moindre dépense pour réparer leurs voies de communication les plus nécessaires et les établissements publics les plus indispensables, quoique accablés sous le poids énorme des contributions de toute espèce qui se sont successivement accrues depuis vingt-cinq ans; et avilis par des modes de perception plus intolérables encore que les impôts eux-mêmes.

Ges réflexions, d'abord particulières à mon pays, se sont bientôt étendues, et je n'ai pas tardé à reconnaître que le Languedoc partageait ses malheurs avec la France entière.

Dès le premier instant que je fus investi de l'unanime confiance de mes concitoyens, je fis le vœu de réclamer contre ces horribles abus, et je viens aujourd'hui l'accomplir.

Ce qui surtout m'a confirmé dans cette résolution, c'est que, toutes les fois que la conversation, soit dans les bureaux ou ailleurs, est tombée sur cette matière, j'ai trouvé la plupart de vous, Messieurs, pénétrés des mêmes sentiments qui m'animent, c'est que je les ai trouvés fortement exprimés dans des ouvrages politiques et administratifs justement estimés; c'est, enfin, parce qu'à quelques mots échappés dans cette tribune, à la franchise d'un habile et vertueux ministre, je crus reconnaitre que le moment favorable était venu de rendre les Français heureux et vraiment libres.

Je suis bien assuré, Messieurs, qu'il en est bien peu parmi vous qui n'aient été à portée de prendre quelque part à l'administration de leur département; et qu'ils me permettent de leur demander ce que peuvent aujourd'hui les conseils généraux? Ils seront sûrement d'accord avec moi qu'ils peuvent voter, imposer, disons mieux, écraser leurs administrés; mais qu'ils ne peuvent absolument rien faire de ce qui serait utile. Ils ont beau affecter et percevoir des fonds, pour tel ou tel objet d'un intérêt majeur et pressant; un ordre supérieur arrive, ces fonds sont enlevés, et la réparation la plus urgente, indéfiniment ajournée. Que si, quelquefois, par bonheur, on parvient à obtenir une autorisation, depuis longtemps sollicitée, les dégradations se sont successivement accrues dans l'intervalle, et la somme nécessaire est décuple de ce qu'elle aurait été primitivement.

Ce système de centralisation exagérée doit son origine aux conceptions atrocement fiscales du dernier despotisme; la force, la terreur ont pu momentanément le soutenir; mais une force plus puissante, la force irrésistible des choses, doit nécessairement le renverser.

N'hésitons donc plus, Messieurs; rendons à chaque pays le droit sacré et imprescriptible de veiller à ses intérêts les plus chers!

Que chaque commune, chaque arrondissement, chaque département, soit soumis à l'administratration générale, pour des intérêts généraux, mais jamais pour des intérêts particuliers.

C'est alors qu'un ministre, dégagé d'une multitude innombrable d'objets de détails insigni

fiants, pourra porter toute son attention sur les grandes et importantes affaires qui intéressent essentiellement l'Etat.

Lorsque le cardinal de Richelieu traçait le plan du changement de système en Europe, il ne calculait pas les devis d'une fontaine de Nîmes, ni d'une place de Montpellier. On gouvernait alors, on ne veut qu'administrer aujourd'hui. Aussi les bureaux des divers ministères pourraient-ils être comparés à des casernes peuplées de bataillons de commis, à qui l'on est forcé de confier la décision de toutes les affaires locales, dont il leur est impossible d'avoir aucune connaissance.

C'est bien alors encore qu'on pourra supprimer de grands et de petits emplois ! Je ne vous en donnerai pas le détail; votre imagination y suppléera, et vous montrera les économies qui pourront être apportées dans toutes les branches de l'adminis tration générale; et je ne crains pas que vous me disiez, Messieurs, que l'économie n'est pas nécessaire aujourd'hui.

Cette réduction éloignerait encore cette multitude d'ambitieux intrigants, qui, attirés dans la capitale par l'espoir d'obtenir des emplois, viennent y perdre, pour ne rien dire de plus, et leurs temps et leurs mœurs, qu'ils n'auraient peut-être pas perdus dans leurs familles.

En donnant une entière confiance aux conseils des communes, aux conseils d'arrondissement et aux conseilsgénéraux, croira-t-on se tromper lorsque le gouvernement ne choisira leurs administrateurs que parmi les principaux intéressés, tels que de grands propriétaires ou de gros négociants, bien reconnuspar leur instruction, leur amour pour leur pays et leur sincère attachement à leur Roi légitime? Et qu'on ne me dise pas qu'on peut être induit à erreur! Jamais les choix ne furent si faciles tous les hommes ont été soumis à de grandes épreuves; ils sont tous connus, tous jugés aujourd'hui, et la Providence, qui veille encore au salut de la patrie, en réunissant une assemblée telle que celle que vous composez, Messieurs, semble avoir voulu ménager au gouvernement les moyens faciles et sûrs d'éclairer tous ses choix.

C'est la raison qui me fait désirer que pendant cinq ans les fonctionnaires locaux soient nommés par le Roi; après cette époque, ils seront présentés par les colléges électoraux, aux conditions et dans les formes qui seront ultérieurement déterminées.

Ces places devront être gratuites, et ne croyez pas qu'on ait de la peine à les remplir; nombre de bons et dignes citoyens ambitionneront l'honneur de servir utilement leur pays. Les dégoûts dont ils ont été abreuvés jusqu'à ce jour ont pu les éloigner, mais lorsqu'ils auront la certitude de coopérer au bien, comptez qu'il s'en présentera.

Permettez-moi de hasarder une considération nouvelle. Nos constitutions, récentes encore, ne commandent-elles pas une mesure de prévoyance? Naguère, un premier ministre n'était qu'un premier favori; son éloignement n'influait en rien sur ses collègues. Aujourd'hui, qu'il est véritablement le premier ministre de l'Etat, en sera-t-il de même ? N'avons-nous pas à craindre que sa retraite entraîne celle du ministère entier ? Et danscette hypothèse, veuillez concevoir dans quels embarras inextricables le nouveau serait plongé, et à combien de fluctuations et de variations serait exposé le régime des administrations locales, si vous ne vous décidiez pas à le déterminer d'une manière fixe.

On ne me fera pas, j'espère, le reproche de pro

poser une innovation, ou l'on admettrait, du moins, cette différence, que les innovations dont on n'a cessé d'essayer depuis vingt-cinq ans, consistaient à renverser tout ce que le temps avait reconnu bon et utile, pour y substituer des systèmes abstraits et impraticables, tandis que celleci n'est qu'un simple retour à ces anciens principes, dont l'expérience des siècles nous a démontré les avantages.

Oui, Messieurs, l'exécution du plan que je vous soumets n'aura que des résultats satisfaisants; vos nouveaux administrateurs se livreront successivement, avec lenteur et persévérance, aux réparations et améliorations qu'exigent les routes, les ponts, les canaux, les marais, les établissements publics; ils feront leurs efforts pour encourager l'agriculture, le commerce, les arts, l'industrie; contribuables eux-mêmes, on ne les verra pas s'abandonner à des entreprises insensées; et l'on peut assurer d'avance qu'ils porteront la plus scrupuleuse attention et la plus rigoureuse économie sur tous les comptes et sur toutes les dépenses.

Mais ils jugeront qu'ils se doivent, avant tout, à deux objets plus importants encore: la religion et la morale; ils s'étudieront à investir les ministres du culte du respect et de la considération qu'on n'aurait jamais dù leur ôter; ils préviendront leurs besoins, et ils placeront ceux qui se seront le plus distingués par leur vertu et l'austérité de leur conduite, à la tête de ces établissements, l'asile et le refuge des infirmités et des faiblesses humaines; ils les chargeront de veiller sur les hospices des malades, des enfants trouvés, sur les prisons, et enfin sur tous ces dépôts, monuments précieux de la bienfaisante et prévoyante charité de nos pères. En approchant les hommes malheureux ou égarés, en les secourant, en les servant, ils gagneront la confiance de tous, et ils les ramèneront insensiblement à ces principes immuables, qui sont la seule base et les seuls fondements de l'édifice social.

Pour rétablir la morale, ces sages fonctionnaires inspecteront soigneusement ces écoles primaires, où l'enfance doit recevoir les règles de la conduite de la vie; ils en éloigneront ceux des instituteurs qui auront déshonoré leur talent ou par l'abus qu'ils en auront fait, ou par les mauvaises mœurs qu'ils auront affichées, en un mot, ce seront des pères de famille, et ils travailleront pour l'éducation de leurs enfants: c'est vous en dire assez.

Pour terminer enfin, et ne pas abuser plus longtemps de votre indulgence, l'effet nécessaire de ces causes doit être le bonheur du peuple, qui s'attachera tous les jours davantage au gouvernement réparateur à qui il devra une nouvelle existence; il bénira à jamais le nom, je ne dis pas du meilleur des rois, mais du meilleur des hommes, et pour me servir à propos d'une expression dont on a si souvent abusé, ces institutions vraiment libérales, une fois assises et senties, je suis persuadé que si nous étions malheureusement encore menacés de quelque trouble, la masse entière de ce peuple, satisfaite de sa position, offrirait un double rempart et contre les projets d'un souverain ambitieux, qui voudrait tout asservir, et contre les folles tentatives d'une assemblée factieuse, qui voudrait tout ren

verser.

Je conclus, Messieurs, à ce que la Chambre supplie humblement le Roi de proposer une loi qui autorise les conseils généraux de département, les conseils d'arrondissement et les con

seils municipaux à disposer des centimes additionnels destinés à leurs dépenses locales.

Messieurs, la Charte, article 19, nous laisse la liberté de demander une loi sur un objet quelconque, en indiquant ou n'indiquant pas ce que nous trouvons convenable quelle contienne.

Je me suis borné à demander simplement une loi sur l'emploi des centimes additionnels destinés aux dépenses locales, sans préciser ni détailler les articles de la loi, parce que je sens combien les moments sont pénibles, et qu'il n'entre, et n'entrera jamais dans ma pensée, d'entraver la marche du gouvernement. J'ai donc uniquement voulu établir le principe, laissant à la sagesse du Roi et de son conseil de proposer les articles et de les adapter aux circonstances actuelles.

Je sens fort bien que, dans le moment, nous ne pouvons pas faire tout le bien que nous désirons; mais nous en ferons un peu, et, dans des temps plus heureux, nous en ferons davantage; l'essentiel aujourd'hui, je le répète, est d'établir le principe.

M. le Président consulte la Chambre. Elle décide que la proposition est prise en considération et qu'elle sera imprimée, avec ses développements, pour être soumise à l'examen des bureaux, en même temps que le budget, et renvoyée à la même commission. La séance devient publique.

CHAMBRE DES DÉPUTÉS.
PRÉSIDENCE DE M. LAINÉ.

Séance du 13 janvier 1816.

Le procès-verbal de la séance du 11 janvier est lu et adopté.

Quinze pétitions sont renvoyées à la commission des pétitions, lecture faite des noms des pétitionnaires.

L'ordre du jour appelle la communication des rapports de la commission des pétitions.

M, le comte de Sainte-Aldegonde, rapporteur, a la parole.

Voici l'analyse de ces pétitions, et les décisions prononcées par la Chambre.

Les capitaines de navires au long cours de Marseille demandent: 1° que les navires qui ont été francisés avant le 31 mai 1814 dans les divers pays réunis à la France, ne soient plus admis à être armés sous pavillon français; 2° que les équipages des bâtiments français ne puissent admettre dans leur formation que le tiers d'étrangers, suivant l'article 8 du règlement du 24 octobre 1681; 3° que les étrangers qui, dans le temps de la réunion, ont été admis au grade de capìtaine au long cours, ne puissent en remplir les fonctions si au préalable ils n'ont été naturalisés Français, d'après les formes voulues par la loi.

(L'objet de cette pétition ayant paru à la commission d'un grand intérêt pour la marine française, elle propose et la Chambre prononce le renvoi au ministre de la marine.)

Des militaires mutilés, au nom de 2,500 de leurs frères d'armes, exposent à la Chambre qu'en récompense de leurs services et de leurs blessures, il leur a été accordé des dotations au moyen desquelles ils ont pu soutenir leur pénible existence et faire subsister leur famille; qu'aujourd'hui ils sont privés de ces dotations qui étaient établies dans des contrées maintenant étrangères à la France; qu'ils ont plusieurs fois réclamé,

tant au domaine extraordinaire de la couronne, qu'à la caisse de l'extraordinaire, où leurs demandes sont déposées, pour obtenir sinon l'équivalent de leurs dotations, au moins un traitement analogue à leurs services et à leurs mutilations. Ils s'adressent, en conséquence, à la Chambre, et la prient de vouloir bien prendre en considération l'objet de leur adresse.

Votre commission, dit M. le rapporteur, a cru devoir, avant de présenter le rapport de cette pétition, faire quelques recherches et recueillir des renseignements qui pussent l'éclairer sur la nature de la réclamation des pétitionnaires. En conséquence, elle s'est convaincue que le ministère de la guerre n'avait aucune attribution relative à ce genre de dotations, qui consistaient, pour 2,000 des pétitionnaires, en rentes sur le monte de Milan d'une part, et sur les produits de l'octroi de navigation du Rhône pour les 500 autres. Elle s'est aussi assurée que le ministère de la maison du Roi s'occupait des moyens de fournir quelques secours provisoires aux réclamants, en attendant l'exécution des traités pour ce qui concerne les dotations de rentes sur le monte de Milan et l'interprétation de l'article 29 de l'acte du congrès de Vienne, en date du 20 juin dernier. Il a donc paru convenable à votre commission, d'après l'assurance par elle acquise de l'intérêt qu'inspire aux ministres du Roi la réclamation des petitionnaires, de proposer à la Chambre le renvoi de cette pétition au ministre de la maison du Roi dont elle ressort.

Cette proposition est adoptée.

M. Jeannin et plusieurs autres habitants de Paris demandent qu'on abolisse l'acte de la Convention qui a condamné Louis XVI, et qu'on érige un temple expiatoire au nom de la nation à Louis XVI, à Marie-Antoinette, etc.

(Le vœu du pétitionnaire se trouvant rempli par une résolution de la Chambre, l'ordre du jour est prononcé.)

M. Du Nogent propose un moyen pour obvier aux inconvénients du droit de port d'armes, et de rétablir les grands maîtres des eaux et forêts.

(La Chambre passe à l'ordre du jour.)

Le même pétitionnaire propose un moyen de perception et d'impôt sur les boissons, qu'il regarde comme plus facile et plus avantageux. (Renvoi à la commission du budget.)

Le même demande qu'on vérifie les pensions accordées aux militaires blessés, parce qu'il y en a de justes et beaucoup de non méritées.

(La Chambre passe à l'ordre du jour.)

M. de La Roche-Macé propose de confisquer les biens de la famille Buonaparte et de faire supporter les frais de la guerre aux auteurs de nos

maux.

(L'objet de cette demande et de douze autres semblables ayant été décidé dans la discussion sur la loi d'amnistie, la Chambre passe à l'ordre du jour.)

M. Bertrand de Acetis propose de supprimer les pensions payées jusqu'à présent aux prêtres qui dans les premiers moments de l'anarchie ont cessé leurs fonctions.

(La Chambre passe à l'ordre du jour, motivé sur ce qu'une commission s'occupe de cet objet.)

Les étudiants en droit de Paris demandent qu'on donne suite à l'article 4 du projet de loi présenté par M. le général Augier, dans la séance du 18 mars dernier, portant que le temps d'études serait compté aux étudiants qui auraient pris les armes contre Napoléon Bonaparte, sous l'offre que font ceux qui avaient déjà obtenu le diplôme

de bachelier ou celui de licencié, de soutenir l'acte public soit de la licence, soit du doctorat. Après avoir donné lecture du texte de la pétition des élèves en droit, M. le rapporteur ajoute : Cette adresse, Messieurs, a particulièrement fixé l'attention de votre commission; l'objet qu'elle renferme, le motif du noble et généreux élan d'une classe nombreuse de jeunes Français, ausi courageux que devoués à la cause de notre Roi légitime et au salut de leur patrie, vous fera probablement accueillir leur demande, qui n'est que la réalisation d'un projet déjà émis par un de nos honorables collègues le 18 mars dernier, dans la Chambre des députés, où il siégeait alors; projet pris en considération, imprimé et distribué dans les bureaux, le 19 mars, jour fatal où la Chambre a terminé ses séances.

Votre commission, persuadée que les pétitionnaires ont droit à toutes les faveurs compatibles avec l'organisation actuelle de cette partie importante de l'instruction publique, et convaincue que le ministre de l'intérieur est disposé à les en faire jouir, vous propose le renvoi au ministre de l'intérieur.

M. Hyde de Neuville. Je n'étais point informé de la réclamation de ces braves jeunes gens, et j'attendais, pour les rappeler à votre souvenir, le rapport sur la proposition de notre honorable collègue M. Michaut. J'ai été, Messieurs, plus que tout autre à même d'apprécier la généreuse conduite, le noble dévouement des élèves de l'Ecole de droit; et c'est avec autant d'empressement que de plaisir que je monte à cette tribune pour rendre le témoignage d'estime qui leur est dû. On a proposé de voter des remerciments à des villes de France, à la maison du Roi; on ne peut, Messieurs, oublier ceux qui ont été l'exemple de la jeunesse française, ceux qui, sans y être en quelque sorte obligés, ont suivi leur Roi dans l'exil, n'ont été rebutés par aucuns travaux, par aucuns dangers, et se sont montrés à Gand ce qu'ils avaient été à Paris. En effet, Messieurs, il ne se faisait point une expédition pour la Vendée ou la Normandie, que ces braves enfants de la capitale ne réclamassent l'honneur de marcher des premiers pour la défense de la religion, du trône et de la monarchie. Je vote pour qu'on leur accorde tout ce qu'il est possible d'accorder.

M. le comte de Marcellus. Messieurs, la demande de MM. les élèves de l'Ecole de droit est sans contredit une des plus intéressantes qui puisse être présentée à une assemblée telle que la vôtre.

Vous êtes, comme les mandataires de l'honneur national, fidèles à la voix de cet honneur, idole des Français. Les élèves de l'Ecole de droit ont été les nobles compagnons du malheur de leur Roi, se sont rangés sous ses étendards, ont résisté ensuite à toutes les suggestions de l'usurpateur qu'ils ont repoussées aux cris de vive le Roi! et ont traversé, purs et incorruptibles, les cents jours de honte et de douleur qui ont désolé la France; conduite dont la gloire rejaillit sur leur courageux professeurs dont elle est la plus belle récompense; conduite d'autant plus digne de vos éloges et de l'attention de la patrie, qu'elle n'a peut-être pas été assez imitée par les élèves d'autres établissements publics. Ici, Messieurs permettez-moi de rappeler à des législateurs investis de toute la confiance de la nation, que le plus digne objet de leurs méditations est l'état déplorable de l'éducation et de l'instruction publique en France; la nécessité d'enrichir la patrie du bien fait le plus précieux de tous pour le présent et pour l'avenir;

d'une éducation morale, c'est-à-dire chrétienne, fondée sur l'honneur et la foi, et alors seulement vraiment française. Pardonnez-moi cette utile digression. Je finis en appuyant les conclusions de M. le rapporteur de la commission des pétitions, relativement à celle des élèves de l'Ecole de droit.

M. le marquis de Puyvert se plaît à ajouter son propre témoignage à ceux qui viennent d'être exprimés en faveur des pétitionnaires. Témoin de leur honorable conduite lorsqu'il commandait au château de Vincennes, au moment où leur dévouement au Roi était si bien dirigé par M. Hyde de Neuville, l'orateur vote pour que la Chambre, prenant en considération la demande des volontaires royaux de l'Ecole de droit de Paris, leur donne cette marque précieuse de son estime.

M. le baron Pasquier, en reconnaissant que les pétitionnaires ont de justes droits à l'estime de la Chambre et à celle de tous les bons Français, pense que si on a pu leur accorder la faveur d'abréger leur temps d'études, il ne serait pas possible de les dispenser de l'examen qui doit faire connaître si, en apportant plus d'ardeur dans ces mêmes études, ils auront acquis les lumières et la science nécessaires à l'état qu'ils se proposent d'embrasser.

M. Pardessus. Je suis attaché, autant par affection que par devoir, aux élèves de l'Ecole de droit. Cependant je dois dire qu'on leur a déjà accordé tout ce qui peut leur être accordé. Il ne faudrait rien moins qu'une ordonnance du Roi pour faire en leur faveur plus que l'on n'a fait jusqu'à présent. Ce serait mettre le ministre dans une position embarrassante, que de lui renvoyer la pétition. Une pièce annexée à leur demande prouve qu'on les a relevés de toutes les déchéances, tant pour le temps d'études que pour les payements; mais il serait funeste de les exempter des examens. On n'a pas besoin d'être instruit pour être royaliste, pour être bon soldat; mais on ne peut se passer d'études et de savoir pour être magistrat.

L'orateur termine en demandant l'ordre du jour.

M. le Président fait observer qu'il ne voit aucun inconvénient à ce qu'on renvoie la pétition au ministre, qui, ayant les pièces sous les yeux, sera à portée de peser tous les faits.

Le renvoi au ministre est ordonné.

M. Jouhanneau-Caragnère, commandant d'armes de Sainte-Foy, département de la Gironde, demande la libre sortie des bestiaux (des cochons surtout) pour les provinces du Midi, comme moyen de faciliter le payement des impôts.

(Renvoi au bureau des renseignements pour étre communiqué aux membres qui voudraient faire de cette demande l'objet d'une proposition de loi.)

M. Sicard, greffier du juge de paix à Angoulême, propose de réduire l'intérêt des cautionnements des receveurs généraux à 4 pour 100, au lieu de 5 qu'on leur paye, ce qui ferait une réduction de plus de 300,000 francs; et d'augmenter les droits d'enregistrement, suivant le tableau annexé à la pétition. (Renvoyé à la commission qui s'occupe du budget.)

M Royer de Choisy, maire de Saint-Vaast, département de la Manche, demande, comme maire d'une commune écrasée sous le poids de la contribution de 100 millions, une loi qui en fixe le mode de perception. (Cet objet ayant été prévu par le budget, la Chambre passe à l'ordre du jour.)

T. XVI.

M. Besson demande une révision générale de tous les traitements d'activité et des réductions portant principalement sur les traitements élevés, qui les remettent en harmonie avec l'état actuel des choses. (Même décision proposée par le rapporteur et adoptée par la Chambre.)

L'ordre du jour est prononcé sur quelques autres demandes d'un très-faible intérêt.

M. le Président annonce que MM. les députés se réuniront lundi, à onze heures, dans leurs bureaux pour continuer l'examen du budget. La séance est levée.

CHAMBRE DES DÉPUTÉS.
PRÉSIDENCE DE M. LAINÉ.

Séance du 17 janvier 1816.

A deux heures, MM. les députés se rendent de leurs bureaux dans la salle des séances, et se forment en comité secret pour entendre lecture d'une adresse au Roi, relative au 21 janvier.

A trois heures, M. le garde des sceaux, chargé par Sa Majesté de faire une communication à la Chambre, ayant été introduit dans la salle, la séance est rendue publique.

Le procès-verbal de là séance du 13 est lu et adopté.

Un assez grand nombre de pétitions, adressées à la Chambre depuis le rapport de M. de SainteAldegonde, sont énoncées sommairement par M. de Kergorlay, et renvoyées à l'examen de la commission spéciale.

Le même secrétaire présente l'hommage de divers écrits dont voici les titres :

Principes élémentaires de l'application de la théorie des finances;

Considérations sur les moyens d'améliorer la perception du droit d'enregistrement, par M. Leblanc.

Plan de restauration des finances;

Récit des opérations de l'armée royale du Midi, par M. Elisée Julean;

Enfin, une pièce de vers intitulée: la Chapelle des lis, par M. le chevalier de Valory.

La Chambre ordonne la mention de ces hommages au procès-verbal et le dépôt des exemplaires à sa bibliothèque.

M. le comte Barbé de Marbois, invité par M. le président à monter à la tribune, après un court préambule, donne lecture d'un projet de loi dont voici le texte.

LOUIS, PAR LA GRACE DE DIEU, ROI DE FRANCE ET DE NAVARRE,

A tous ceux qui ces présentes verront, salut.

Nous avons ordonné et ordonnons que le projet de loi dont la teneur suit sera présenté, en notre nom, à la Chambre des députés par notre garde des seaux ministre secrétaire d'Etat, que nous chargeons d'en exposer les motifs et d'en soutenir la discussion.

Art. 1er. Le 21 janvier de chaque année, il y aura dans le royaume un deuil général dont nous fixerons le mode ce jour sera férié.

Art. 2. Il sera fait le même jour, conformément aux ordres donnés par nous à ce sujet l'année dernière, un service solennel dans chaque église de France.

Art. 3. En expiation du crime de ce malheureux jour, il sera élevé, au nom et au frais de la nation, dans tel lieu qu'il nous plaira de désigner, un monument dont le mode sera réglé par nous.

Art. 4. Il sera également élevé un monument, au nom et au frais de la nation à la mémoire de Louis XVII, de la reine Marie-Antoinette et de Madame Elisabeth.

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M. le Président. Le projet de loi présenté à la Chambre par M. le garde des sceaux, au nom de Sa Majesté, étant conçu dans les mêmes termes que la résolution qu'elle a prise, je pense que son intention est de délibérer de suite sur cette communication. Si quelque membre demande la parole elle lui est accordée.

Personne ne réclamant la parole, M. le président met aux voix le projet de loi.

Il est adopté à l'unanimité.

M. le Président. L'Assemblée veut-elle procéder au scrutin secret?

Un grand nombre de voix. Non, non; cela est inutile.

M. de Sainte-Aldegonde demande la parole. M. le Président. Vous ne pouvez avoir la parole sur le projet de loi; le règlement s'y oppose : l'Assemblée a exprimé son vœu.

La Chambre se forme de nouveau en comité secret.

CHAMBRE DES DÉPUTÉS.

PRÉSIDENCE DE M. LAINÉ.

Comité secret du 17 janvier 1816. Le procès-verbal du 13 janvier est lu et adopté. La Chambre accorde un congé à M. Dereix. Un membre M. de Pouilly) monte à la tribune pour y faire une proposition sur les moyens de parvenir à la juste répartition des réquisitions qui ont été faites dans ces derniers temps, dans les départements occupés par les armées françaises et étrangères.

La Chambre décide que le développement de cette proposition sera entendu dans le plus prochain comité secret.

M. le Président donne lecture d'une lettre du grand maître des cérémonies sur la solennité du 21 janvier.

Après cette lecture on tire au sort les vingt membres qui doivent former la grande députation.

Le membre (M. de Trinquelague) chargé par la commission de rédiger l'adresse à Sa Majesté, pour désavouer l'attentat du 21 janvier, monte à la tribune et donne lecture de cette adresse.

Une courte discussion s'élève sur quelques parties de sa rédaction, et les propositions de plusieurs membres sont mises aux voix et rejetées.

Un membre dit que saint Louis mourut victime de sa charité et Louis XVI victime de ses vertus. 11 rappelle que Philippe le Hardi sollicita la canonisation de saint Louis, et il désirerait que la Chambre laissât entrevoir le même désir dans son adresse.

Un second membre dit que Sa Majesté a été au devant de cette pensée, lorsque, peu de jours auparavant, elle a dit au bureau de la Chambre que dans peu de temps ce jour de deuil serait un jour d'allégresse et de triomphe pour la France.

Un troisième membre appuie le préopinant en rappelant que Pie VI avait déclaré que le Roi était mort martyr.

La séance est suspendue un instant, pour une communication de M. le garde des sceaux.

A quatre heures et demie le comité secret est repris.

M. le Président propose de fixer le jour où l'on discutera le rapport et la proposition tendante à autoriser les donations et acquisitions en faveur du clergé.

La Chambre décide qu'elle se réunira lundi pour cette objet.

La discussion recommence sur le projet d'adresse au Roi.

Après avoir prononcé sur quelques suppressions et corrections proposées par divers membres, la Chambre arrête que l'adresse sera copiée pour être signée individuellement et par appel nominal, selon la décision prise précédemment, et qu'il y aura pour cet objet comité secret, demain à trois heure après midi.

La séance est levée.

CHAMBRE DES PAIRS.

PRÉSIDENCE DE M. LE CHANCELIER.
Séance du 18 janvier 1816.

A deux heures la Chambre se réunit, sous la présidence ordinaire de M. le chancelier.

La séance est ouverte par la lecture du procèsverbal de celle du 13 de ce mois.

L'Assemblée en adopte la rédaction.

M. le Garde des sceaux obtient la parole pour soumettre à la Chambre un projet de loi adopté par la Chambre des députés, et relatif au deuil général du 21 janvier. « Messieurs, dit-il, « le Roi m'a chargé de vous apporter le projet « d'une loi qui ordonne que des fêtes funèbres « seront célébrées dans tout le royaume, et « qu'un monument expiatoire sera érigé : loi de « deuil, dont l'examen a déjà rempli de tristesse «une de vos séances. Mais les expiations apaisent « le courroux céleste. Conçues au fond de cœurs sincères, offertes par des mains pures, elles « enfantent des prodiges qui étonnent la sagesse « humaine. Elles réconcilient les partis opposés; « elles ramènent sous le joug des lois les factions << ennemies. Les expiations émoussent les poi«gnards de la haine; elles éteignent les flam« beaux de la vengeance; elles commandent « mème à la vertu l'oubli du crime, et la divinité <«< intervient pour fonder un ordre nouveau et « digne d'elle sur des bases inébranlables. »

((

Après avoir ainsi parlé, le ministre donne lecture du projet de loi qu'il est chargé de présenter. Il en dépose sur le bureau, en quittant la tribune, l'expédition officielle.

Acte de ce dépôt lui est donné par M. le président, qui ordonne, aux termes du règlement, l'impression et la distribution du projet de loi.

Plusieurs membres demandent qu'il soit de suite délibéré sur son adoption. Ils observent que cette adoption ne peut souffrir de difficulté, la loi proposée ne faisant que reproduire textuellement la résolution adoptée par les deux Chambres.

D'autres membres, par respect pour le règlement, demandent le renvoi du projet aux bu

reaux.

Ce renvoi est ordonné.

La Chambre se forme en bureaux pour l'examen du projet de loi.

Cet examen terminé, elle se réunit de nou

veau.

Le projet est lu par un de MM. les secrétaires, et la discussion ouverte sur ses dispositions.

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