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s'occupait efficacement d'assurer le sort du clergé, ont pu être dupes de cette tactique révolutionnaire, et craindre, en effet, qu'on ne préparât en secret le retour d'une charge d'autant plus onéreuse, qu'elle concourait avec toutes celles qui pèsent déjà sur le peuple français. Les craintes chimériques devront s'évanouir, par l'adoption d'une loi qui ne pourvoit à la dotation future du clergé qu'en la faisant entièrement dépendre des pieuses libéralités des fidèles. Lorsque les dépuiés de la France, remplis des sentiments les plus nobles, et animés des intentions les plus pures, croient devoir s'abstenir de tout autre moyen pour atteindre le but salutaire qu'ils se proposent, il n'est plus raisonnable, il n'est plus permis de redouter le rétablissement d'anciens droits, que tant d'intérêts opposés rendent impraticable.

Si le projet de loi respecte tous les intérêts privés, il ne blesse pas davantage l'intérêt public. Son but, en effet, n'est pas d'accroître les dépenses de l'Etat, ni de le priver d'aucune branche de son revenu. Les propriétés qui passeront entre les mains du clergé seront sujettes aux mêmes contributions que celles des particuliers; et les droits de mutation dont elles doivent être affranchies à raison de la nature des choses, seront compensés par un droit annuel que le clergé devra acquitter. Jusque-là, Messieurs, l'Etat n'éprouve évidemment aucun dommage. Mais il est possible que la générosité des ames pieuses soit proportionnée aux besoins divers du clergé, et qu'elle parvienne enfin à lui assurer une donation suffisante; dans ce cas, l'Etat serait affranchi de la nécessité où il se trouve de payer un clergé indigent; et sans aucune mise de sa part, il se verrait replacé, à l'égard de ce corps, dans la situation où il était avant la Révolution. Ainsi, par l'effet progressif du projet de loi qui vous est soumis, les finances de l'Etat éprouveraient un jour une amélioration très-importante.

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Lorsque tous les intérêts sont à couvert, que pourrait-il rester à dire contre le projet de loi? voudrait-on reproduire les sophismes et les prétextes dont s'autorisèrent jadis les ennemis du clergé pour lui enlever tous ses biens? Il n'est pas vraisemblable que de vains arguments combattus dès lors avec tant davantage, soient présentés à cette tribune, où retentissent enfin les oracles de la morale et du bon sens, et devant une Assemblée qui a le sentiment de sa dignité et de ses devoirs. Le temps est passé où l'on séduisait les hommes avec de vaines théories, où l'on mettait en problème les vérités les mieux établies, où l'on méprisait les leçons du passé, et où l'on conduisait enfin le peuple à sa ruine, en l'abusant par des doctrines et des espérances mensongères. Une longue et cruelle expérience a dù éclairer les plus aveugles; et ceux-là, seulement, sont demeurés dans l'erreur, que des passions criminelles ou de vils intérêts y retiennent volontairement.

Pour nous, Messieurs, nous savons que l'ordre social repose sur la base fondamentale de la religion, qui enseigne de rendre à Dieu et à César ce qui leur est dû, et qui, liant ainsi les intérêts de la terre à ceux du ciel, protége et défend les uns par les autres.

Nous savons qu'un culte extérieur est dû à la divinité; que ses ministres ont droit à nos respects, et qu'ils ne peuvent exercer utilement leurs fonctions sacrées qu'autant qu'ils jouissent d'une existence honorable et indépendante. Ils l'avaient, cette existence, quand ils étaient propriétaires. Qu'est-elle devenue depuis qu'ils ont cessé de l'è

tre, et que leur subsistance, renfermée dans les bornes les plus étroites, a dépendu d'un gouvernement ennemi ou obéré, où bien encore d'un peuple ingrat et exigeant? Les ennemis du clergé avaient bien préva dans quel avilissement le précipiteraient leurs décrets spoilateurs; et, croyant la religion chrétienne, qu'ils détestaient, une institution purement humaine, ils n'avaient pas douté que sa ruine entière ne fut une conséquence inévitable de celle de ses ministres. Ils se sont trompés, sans doute, dans leurs calculs impies; et nos yeux ont vu avec admiration cette religion divine surnager au milieu de la destruction universelle produite par ce déluge d'iniquités qui a couvert la face de la terre.

Mais cette œuvre miraculeuse, loin de nous inspirer une sécurité funeste, doit être pour nous un nouveau motif de soutenir et d'appuyer fortement la religion de nos pères, qui a procuré à la France de si grands avantages, et qui peut seule encore assurer son salut.

Intéressons donc le clergé à la conservation, à la prospérité et à la gloire de l'Etat, en le faisant participer à la propriété de notre sol, au gré des particuliers qui voudront lui en coucéder quelques parties; qu'il supporte avec nous et dans la même proportion toutes les charges publiques; et qu'unis d'intérêts avec nous, les ministres de la religion acquièrent en tout le caractère de citoyens, sans rien perdre de celui qui leur est propre.

En adoptant le projet de loi, vous remplirez, Messieurs, la partie la plus importante de l'honorable mission que vous avez reçue. Malgré les ravages de l'incrédulité, la majeure partie du peuple français est demeurée attachée à la religion de ses pères, de cette religion qui la consolé dans les calamités sans nombre qui ont fondu sur lui, et qui lui est encore si nécessaire pour alléger le fardeau qu'il est destiné à porter. Tout le monde sent le besoin et exprime le vœu d'un rapprochement et d'une réconciliation entre les partis qui divisent notre malheureuse France.

Lorsque toutes les ressources humaines vous manquent pour atteindre un but aussi désirable, il se présente à vous un moyen d'un ordre surnaturel, dans l'intervention d'une religion qui enseigne le dogme sublime du pardon des ennemis. Employez-le, Messieurs, en relevant l'autel et en favorisant ses ministres avec le même zèle que vous avez déployé pour la défense du trône. Vous n'avez pas à craindre d'être désavoués par un monarque qui s'honore des titres de Très-Chrétien et de Fils ainé de l'Eglise.

C'est aller au-devant de ses vœux les plus chers que de favoriser une religion à laquelle il est si fortement attaché, et qu'il regarde, sans doute, comme le gage le plus certain de la stabilité dé son trône et du bonheur de ses sujets.

Bientôt ce monarque chéri, fortifié dans ses heureuses dispositions par le vœu national dont vous êtes les organes, travaillera avec plus de confiance et de succès à la réconciliation parfaite de l'Eglise de France avec le Saint-Siége; et de concert avec le vénérable pontifie qui l'occupe, il donnera au clergé de France une forme régulière et stable; il multipliera les diocèses selon les besoins des fidèles, et il mettra à leur tête des évèques investis de l'estime publique, en conciliant ce qui est dû à la fidélité courageuse avec le respect qu'exigent les décrets émanes du chef de 'Eglise. Ainsi seront unis dans la personne de notre bien-aimé souverain les titres glorieux de restaurateur de la monarchie française et de l'Eglise gallicane.

Je vote pour le projet de loi présenté par votre commission, avec les amendements et les additions proposés par MM. le comte de Scey et le président Cardonnel.

Un neuvième membre (M. Royer-Collard) considère la religion comme un puissant moyen d'influence politique et dit qu'elle n'appartient que sous ce rapport aux délibérations de la Chambre. Il regarde les ministres du culte comme les premiers et les plus importants des fonctionnaires publics et pense qu'il est sage de les rendre propriétaires; mais il croit, comme un des préopinants, qu'ils ne doivent l'être qu'avec l'approbation et sous la surveillance du gouvernement. Il représente qu'ils relèvent d'un chef particulier dont les prétentions ont quelquefois inquiété les souverains, et que si le clergé de France s'est montré, dans ces occasions, plus citoyen qu'aucun autre, cela est dû en partie à l'autorité que nos rois ont toujours exercée sur le temporel.

Cette autorité ne lui semble pas moins utile à la religion qu'à l'Etat, parce que son intervention dans les acquisitions du clergé en garantira la pureté aux yeux mêmes les plus prévenus; elle conservera les mœurs et la dignité de ce corps, en empêchant, par une juste répartition des biens, la corruption que les richesses accumulées sur quelques tètes ne manqueraient pas d'introduire.

Par ces considérations, il vote pour le projet de loi en ajoutant à l'article 1er la condition de l'autorisation du Roi, et en substituant dans l'article 3 le mot Roi au mot gouvernement, parce que le gouvernement c'est le Roi.

Un dixième opinant dit que les raisons développées par ceux qui l'ont précédé ne lui laissent rien à ajouter. Il se borne à rappeler ce principe de Montesquieu, que ramener un peuple à ses anciennes maximes, c'est le ramener à la vertu. Il vote pour le projet de la commission. La séance est levee.

CHAMBRE DES DÉPUTÉS,
PRÉSIDENCE DE M. LAINÉ.
Comité secret du 23 janvier 1816.

Le procès-verbal du comité secret du 22 est lu et adopté.

La Chambre accorde deux congés, le premier à M. Canuel, le second à M. Margadel.

Un membre (M. Murard de Saint-Romain) monte à la tribune pour y faire une proposition tendante à établir un nouveau mode d'instruction publique.

La Chambre renvoie le développement de cette proposition au premier comité secret.

L'ordre du jour appelle la suite de la discussion sur la proposition de M. le vicomte de Castelbajac tendante à autoriser le clergé à recevoir des donations et à faire des acquisitions.

Un membre (M. le comte Beugnot), après avoir passé en revue l'ancienne jurisprudence jusqu'à l'ordonnance du Roi du 10 juin 1814, dit qu'il ne voit qu'un avantage certain pour l'Etat et un but respectable pour les législateurs, à décider aujourd'hui que le clergé pourra être propriétaire.

tl examine par qui devront être acceptées les donations qui seront faites; et, après avoir rappelé les dispositions du Code à cet égard, il établit qu'il est prudent, et dans l'intérêt de la France, que ces donations ne puissent être acceptées que par les administrations désignées par la législation

existante. Il soutient que les donations qui excèdent une certaine somme doivent être soumises au Roi, et il demande que le conseil d'Etat soit seul chargé de l'homologation des contrats de donations.

Il combat l'article 4 du projet, et, passant à l'article 7, il croit qu'on doit s'en tenir à la loi du 4 pluviose an XII, et qu'il serait avantageux au clergé de n'être assujetti qu'à un simple droit d'hypothèques et d'enregistrement.

Il termine en proposant des modifications à l'article 1er et il adopte la loi avec ces modifications.

M. le vicomte de Castelbajac (1). Messieurs, la faveur avec laquelle vous accueillites la proposition que j'eus l'honneur de vous faire, et dont le résultat est aujourd'hui soumis à votre délibération, a été, pour notre malheureuse patrie, un sujet de consolation et d'espérance; épuisée par des calamités sans nombre, elle voyait avec effroi l'extinction prochaine de son culte antique; elle a tourné ses regards vers vous, Messieurs, et son attente ne sera pas trompée; législateurs religieux, au cœur droit et exempt de préjugés, vous rétablirez sur une base solide l'édifice social de nos pères, et, mettant en première ligne cette religion sainte qui seule forme les véritables grands hommes, vous vous honorerez d'être les instruments d'une Providence qui semble enfin vouloir adoucir nos maux autant qu'elle nous châtia. Le riche vous devra la morale du pauvre, le pauvre vous devra les bienfaits du riche et la douce espérance d'une autre vie, dont, sans ministres, ils ignoreraient les consolations. Le crime (celui du moins qui est susceptible de repentir) cessera de s'enhardir par l'espoir de l'impunité, et le silence des lois perdra sa funeste influence devant celui qui reconnaîtra qu'il existe un Dieu vengeur qui vous atteint, malgré les hommes et les circonstances.

Depuis ma proposition faite, de toutes les parties de la France, j'ai acquis des preuves du bon effet qu'avait produit l'intérêt que vous y aviez apporté et le désir que vous manifestiez de concourir au rétablissement de la religion. Ai-je besoin de vous répéter qu'elle est l'unique moyen de stabilité pour les trônes et de bonheur pour les peuples? Non, Messieurs, on vous l'a exprimé mieux que je ne saurais le faire; votre opinion d'ailleurs, à cet égard, n'est pas douteuse, et, en travaillant d'après ce principe, votre commission a tâché de mettre vos vœux en harmonie avec notre législation: c'est le moyen qu'elle a trouvé qui est aujourd'hui soumis à votre délibération.

J'essayerai de répondre sommairement aux diverses objections qui ont été faites hier contre le projet de loi. Il existe, a-t-on dit, des lois prohitives, des mesures pour lesquelles il réclame une entière liberté; c'est précisément parce que ces lois existent, qu'on en demande une qui les révoque; c'est précisément parce qu'elles inquiètent les donateurs, qu'on demande d'en être affranchi; c'est en outre une mesure réellement vexatoire, puisqu'elle est une atteinte au droit acquis par la loi, à chaque citoyen, de disposer d'une quotité de sa fortune; toutes les fois que je me conforme aux dispositions voulues par les lois, je dois jouir des droits que ces lois m'accordent. Il ne faut pas intervertir la question il ne s'agit nullement de vouloir qu'une chose existe sans l'autorisation du Roi, c'est cette autorisation de Sa Majesté que nous sollicitons aujourd'hui, mais nous désirons sim

(1) Cette opinion n'a pas été insérée au Moniteur.

plement que la loi qui exprimera la volonté royale garantisse à chaque donateur l'assurance que sa volonté sera fidèlement suivie; que l'autorisation royale soit une fois donnée pour tout le temps de la durée de la loi, et qu'on n'ait pas besoin d'une autorisation particulière à chaque donation; que le donateur soit sûr qu'une fois qu'il aura rempli les formes voulues par cette loi, il n'a rien à redouter, et que sa confiance peut être entière, puisqu'une loi lui garantit l'exécution de ce qu'il a voulu et pu faire. Alors votre loi aura un résultat réel pour la religion; dans le cas contraire, la crainte d'une action étrangère gênera sans cesse les volontés. Je n'ai pas compris le danger qu'il y avait à voir le clergé devenir propriétaire. Eh quoi! Messieurs, ce qui a existé pendant des siècles avec avantage, présente tout à coup de si graves inconvénients! Depuis tant de services qu'il a rendus, qu'a-t-il fait pour inspirer tant de craintes? Rappelons une partie de ses travaux pour prouver combien il est redoutable: les défrichements d'une grande partie de la France, le dépôt des lettres conservé et augmenté par lui; les sciences cultivées avec avantage pour la nation par d'utiles et savantes congrégations; la construction d'édifices publics; des pays incultes devenus fertiles par ses soins; l'éducation produisant entre ses mains les Pascal, les Bossuet, les Fénelon, et tant d'hommes illustres.

Voilà ce qu'il fit dans les temps où de grandes richesses lui donnaient de grands moyens; la prospérité était alors son partage. Que fit-il dans des temps d'infortune? je le dirai aussi; car, enfin, il est nécessaire de le juger par ses œuvres; qui plus que lui fut le soutien du trône ? qui plus que fui fut fidèle à son Dieu et à son Roi ? quelle est l'épreuve qui lui a manqué, le courage qu'il n'a pas eu? Dans les prisons, dans l'exil, sur l'échafaud, il priait pour ses gardiens, pour son pays, pour ses bourreaux.

Interrogez les pontons de Rochefort, les déserts de la Guyane et les voûtes encore sanglantes des Carmes. L'arbre du désert, le parvis du temple, tout vous attestera une fidélité et une énergie qui ne se démentirent jamais, ni au milieu des privations de tout genre, ni au milieu des supplices; pontife, simple prêtre, aucun n'abandonna l'autel quand il fallut l'arroser de son sang. Gertes, Messieurs, si l'influence de tels hommes est d'une grave considération, j'avouerai que je la désire bien plutôt que je ne la redoute. Essentiellement liée au trône, la religion en est le plus ferme appui; et en travaillant pour l'autel, nous travaillons pour le trône.

Chez tous les peuples de la terre, les ministres des différentes religions sont propriétaires, et je ne conçois pas que ce qui n'a aucun inconvénient pour les autres nations, puisse en avoir pour nous, et encore moins que ce soit à la Révolution que nous devions cette utile leçon. L'iman en Turquie, le disciple de Confucius, le derviche en Asie, chez les peuples chrétiens, tous les ministres des différents cultes possèdent de grandes richesses, ont un rang dans l'Etat. Serait-ce la patrie des fils de saint Louis qui seule refuserait à la religion de ses pères les avantages dont tous les autres cultes jouissent dans tous les pays du monde? En donnant au clergé la faculté de posséder et d'acquérir, loin de nuire à l'Etat, vous lui donnez une nouvelle force en rétablissant un corps qui en est essentiellement le plus ferme appui; vous diminuez ses charges en lui facilitant les moyens de venir au secours de la religion. Sans grever le Trésor, vous donnez ensuite au

clergé une existence nécessaire au caractère sacré dont il est revêtu: il faut que, par son aisance, l'homme de Dieu soit indépendant de l'homme du monde; que le ministre ne soit pas au-dessous du sacerdoce, et qu'au pied de cet autel où il trouve une nourriture immortelle, le pauvre ne tende pas en vain une main suppliante pour les misères humaines.

Je le répéterai j'avoue que je n'entends pas qu'on argue des lois qui interdisaient au clergé le droit d'acquérir dans des temps où ses richesses étaient immenses alors il était un sujet d'envie; aujourd'hui le besoin seul le distingue des autres classes de la société. Des temples ruinés, des pasteurs sans asile, telle est la parité qu'offre la situation du clergé avec ce qu'il fut dans des temps plus heureux. Nous ne pouvons pas lui rendre sa majestueuse existence; mais laissons du moins à nos neveux une espérance qui ne peut plus être la nôtre. Après toutes ces raisons, s'il se trouvait des hommes sans préjugés qui, de bonne foi, redoutassent encore de voir de trop grandes richesses entre les mains du clergé, en rendant justice à leurs sentiments, je leur répondrais : Contemplez sa misère, et songez à la facilité que vous avez d'anéantir vos craintes par une loi nouvelle : mais je parlerais ainsi à des gens religieux et sans préjugés, parce que je pourrais espérer de les convaincre, pour d'autres, ina langue resterait muette; nous ne nous entendrions pas.

On a dit à cette tribune qu'il serait possible que la loi proposée inspirât des craintes aux acquéreurs de biens nationaux. Je n'ai qu'une réponse, Messieurs: La Charte garantit l'irrévocabilité de la vente de ce genre de propriétés : nous avons juré le maintien de la Charte, et la France sait que nous savons garder un serment.

Il n'est pas toujours donné aux hommes d'inspirer de la confiance dans leurs intentions: ici Vous avez l'avantage de voir la religion venir à votre secours; laissez ses ministres libres d'administrer et de régir les dons de la piété que le gouvernement des hommes ne s'immisce pas dans l'œuvre de Dieu; et, plein de confiance pour l'emploi de ses dons, vous verrez le chrétien se livrer sans crainte au besoin de rétablir la religion de ses pères toute autre détermination ne ferait que gèner la volonté des gens religieux, et laisserait subsister des craintes dont nos longs malheurs justifieraient assez l'existence.

Pour que des fonds qui ne pourraient plus être aliénés ne privassent pas le gouvernement du droit qu'il retire des mutations, le projet de votre commission grève d'une rétribution annuelle les biens qui seraient donnés au clergé; cette mesure éteint, ce me semble, les inconvénients que le gouvernement pourrait attacher à l'existence des biens de mainmorte.

Les lois existantes fixent à chacun la quotité des biens dont il peut disposer; en réduisant cette quotité à moitié, lorsqu'il s'agirait du clergé, votre commission a voulu fixer des bornes aux libéralités de ce genre, et éloigner de la part des héritiers tout sujet de plainte. Bien sage dans son intention, cette mesure cependant me parait loin d'être juste; c'est bien plutôt une concession à des idées malheureusement trop répandues de nos jours. Comment! je puis, en m'appuyant de toute l'autorité des lois, donner une portion fixe de ma fortune à l'ètre immoral qui fut pendant des années le scandale de toute la famille, et quand il s'agit du pasteur vertueux et indigent, quand la misère règne dans la maison du Seigneur, la loi réduit mes droits, et ma volonté est

bornée en raison de la pureté de mes intentions!... Réfléchissez, Messieurs, voyez s'il ne vaut pas mieux laisser quelque chose à dire à quelques préjugés et ne pas composer avec les principes; les aborder dans toute leur intégrité est digne de vous, Messieurs, et c'est, j'ose le dire, le véritable et peut-être le seul moyen de prouver à la France et à l'Europe que nous marchons d'un pas ferme en sens opposé de nos trop longues erreurs. Réunis de sentiments religieux et politiques, nos pères ne redoutaient pas les vicissitudes de la fortune. Nous les braverons comme eux, lorsqu'en travaillant pour le bien nous dirons comme eux avec une noble et religieuse confiance: Vive Dieu! vive le Roi !

Je vote pour le projet de la commission avec l'addition de M. Cardonnel, l'amendement de M. le comte de Scey et celui de M. Royer-Collard, tendant à substituer le mot Roi au mot gouvernement.

Un membre (M. Voysin de Gartempe?) sent vivement la nécessité d'apporter une amélioration dans le sort du clergé; mais il n'adopte ni les motifs ni les dispositions principales du projet de la commission; il dit qu'il est nécessaire d'avoir des cérémonies et de doter les églises, mais qu'il faut se garder de créer un clergé propriétaire et d'ériger des bénéfices, de crainte de faire reparaître les abus qui existaient autrefois; il établit que, dans presque tous les villages il y a une rétribution particulière pour les curés, et que les moyens employés jusqu'à présent dans les établissements ecclésiastiques seraient suffisants s'ils étaient mis entre les mains des véritables pasteurs de l'Evangile.

Il s'attache à prouver qu'il ne faut pas rétablir des institutions qui n'étaient pas sans mérite, mais qui ne sont plus en harmonie avec l'Etat présent des choses, et il ajoute qu'il faut des ecclésiastiques et point de clergé.

Il demande que les bureaux diocésains soient remplacés par des fabriques particulières dont la moitié des membres seraient ecclésiastiques, et qu'on, remette les biens, églises, édifices qui n'ont pas été vendus, entre les mains de ces fabriques diocésaines.

Enfin il propose un projet de loi entièrement nouveau dont il donne lecture à l'Assemblée.

Le quatrième opinant (M. Duplessis de Grénédan?) dit qu'il ne faut pas appliquer au clergé dépouillé des lois faites pour le clergé opulent. Ainsi les autorisations royales qui seront données par la loi même ne sont plus nécessaires comme elles le furent après l'édit de 1649.

La restriction à vingt ans a eu pour but la crainte que le clergé n'accumulât trop de richesses, et c'est le contraire qu'il faut redouter.

Pourquoi ne pas laisser aux ecclésiastiques une capacité que les lois accordent aux personnes que les bonnes mœurs jugeraient indigues?

Il vote pour le projet, en proposant pour amendement à l'article 1er le retranchement du terme de vingt années, et à l'article 8 celui de la disposition qui prive le clergé du bénéfice de la loi

commune.

Le cinquième opinant (M. de Serre?) regarde la loi organique du Concordat de l'an X comme le point d'où l'on aurait dû partir, et il s'attache à prouver que les dispositions qu'elle contient ne sont point aussi défavorables au clergé qu'on le pense. Il convient qu'elle lui défendait de posséder des immeubles, mais il fait observer que plusieurs décrets avaient dérogé à cette prohibition, et il pense que la commission aurait dû se borner

à légaliser cette tolérance. Il cite pour exemple l'ordonnance du 10 juin 1814, qui est tout entière fondée sur la législation antérieure, et en examinant les dispositions de cette ordonnance, il y trouve tout ce qui est nécessaire pour atteindre le but que l'on a en vue.

Il présente une nouvelle rédaction de l'article 1er, au moyen de laquelle il juge les autres dispositions inutiles.

Le sixième opinant (M. Pardessus) dit que, malgré le Concordat, la loi organique, l'ordonnance du 10 juin 1814 même, la loi proposée n'en est pas moins nécessaire. Plusieurs des dispositions rappelées ne sont établies que par de simples actes du gouvernement, et l'autorité de la loi indispensable pour accorder au clergé et les biens et les droits dont parle le projet.

L'orateur soutient qu'avant l'édit de 1649, le Roi n'intervenait pas dans les donations; alors le clergé et les établissements ecclésiastiques étaient dans un état prospère; il faut aujourd'hui les relever et par conséquent les dégager des entraves qui ne seront pas rigoureusement nécessaires.

L'article 4 du projet de la commission lui semble concilier ce qu'on doit aux lois sur la séduction possible, et ce qu'on doit de faveur et de respect aux prêtres.

Les restrictions que la commission a faites dans l'article 8, aux libéralités, rassurent les familles et écartent l'odieux que la malveillance essayerait de déverser sur les dons faits aux ecclésiastiques; ils sont moins bien traités par le projet que les personnes réprouvées par la morale et la société même.

Il vote pour le projet de loi.

On demande la clôture de la discussion.

M. le Président fait observer que le rapporteur doit être auparavant entendu, s'il le désire.

Le rapporteur (M. Chiflet) ayant déclaré qu'il renonce à prendre la parole, la clôture de la discussion est mise aux voix et adoptée.

La séance est levée.

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M. de Marandet.

M. le comte Planelli de la Valette.
M. le baron Morgan de Belloy.
M. Tixier de la Chapelle.

Les vingt-sept commissaires nommés par les bureaux pour former la commisson du budget se sont divisés en trois sections.

LA PREMIÈRE, chargée des budgets des ministères de la justice, de l'intérieur et de la police générale, est composée de :

MM. d'Holyot aîné; Feuillant, secrétaire; GoinMoisant; de Bourrienne; de Villèle: Richard; Corbière; Pardessus; le comte Planelli de la Valette, président.

LA DEUXIÈME SECTION, chargée du budget du ministère de la guerre, se compose de :

MM. Brenet; le marquis de Saint-Gery, président; Potteau d'Hancardrie: Fornier de Saint-Lary; Pontet le comte de Scey; Josse-Beauvoir; dé Lastours; le baron Morgan de Belloy, secrétaire.

LA TROISIÈME SECTION, chargée des budgets des ministères des finances, de la marine et des affaires étrangères, se compose de :

MM. Cornet d'Incourt; Bonne; le marquis d'Archimbaud; le prince de Broglie; le marquis de Blosseville; le comte de Bruyère-Chalabre; Garnier-Dufougeray; de Marandet, seerétaire; Tixier de la Chapelle, président.

CHAMBRE DES DÉPUTÉS.
PRÉSIDENCE DE M. LAINÉ.
Comité secret du 24 janvier 1816.

Le procès-verbal du comité secret du 23 est lu et adopté.

La Chambre accorde un congé à M. de Scey. M. le Président présente le sommaire de la discussion qui a eu lieu, les deux jours précédents, sur le projet de loi tendant à rendre au clergé la faculté d'acquérir et de posséder. Il propose ensuite un ordre de délibération qui est adopté par la Chambre, et la discussion s'ouvre sur l'amendement qui tend à soumettre à l'approbation du Roi l'acceptation des donations et legs à laquelle le clergé est autorisé par l'article 1er du projet. M. de Kergorlay. 1). Messieurs, plusieurs orateurs ont combattu la disposition principale de l'article 1er du projet de loi, en disant que la condition de l'approbation du gouvernement n'était pas une prohibition, et ne devait

(1) Cette opinion n'a pas été insérée au Moniteur.

pas être écartée, puisque cette approbation serait facilement obtenue lorsqu'il serait raisonnable de l'accorder. Cette objection peut se faire à tous les projets de loi. Toutes les fois que quelqu'un exprime le désir d'une règle fixe, on peut lui objecter que le gouvernement décidera fort bien en chaque occurrence ce qui sera le plus opportun. Toutefois les hommes persistent à préférer d'être soumis au régime uniforme des lois.

La condition de l'approbation du gouvernement pour les donations qui peuvent être faites au clergé, n'est pas une prohibition, sans doute, mais elle n'est pas un encouragement non plus, et elle n'est pas même cette règle constante par laquelle des hommes raisonnables aiment à voir garanties et protégées leurs justes libertés.

Les bons rois aiment à se fixer des règles dont ils s'astreignent à ne se pas s'écarter. Cette fixité inspire une confiance et une sécurité toute à l'avantage de l'amour que naturellement on leur porte.

Le gouvernement qui précéda la Restauration n'avait pas en général cette libéralité de principes, et il aurait cru particulièrement contraire à ses intérêts de l'adopter à l'égard du clergé. Il savait que le clergé serait toujours défavorahle à un gouvernement illégitime, et il le considérait nécessairement comme un ennemi secret qu'il était important de tenir asservi.

Notre roi légitime n'a point lieu d'avoir les mêmes craintes; les ministres de notre religion sont également portés, par leur inclination et par leur devoir, à défendre les intérêts et les droits du roi Très-Chrétien, et ils nous enseigneront toujours, par leur exemple comme par leurs instructions, à être envers lui des sujets fidèles.

La protection que nous réclamons pour le clergé trouverait sans doute dans la piété du Roi une touchante garantie. Mais un roi peut-il donc seul toutes choses dans l'administration d'un grand royaume? La piété des ministres est-elle toujours semblable à la piété royale ? L'a-t-elle toujours été ? Le sera-t-elle toujours?

Nous considérons-nous nous-mêmes comme des sujets moins dévoués, comme des conseillers moins fidèles que les ministres même que nous estimons le plus ? Ignorons-nous que le Roi accueille volontiers la vérité, de quelque part qu'elle lui vienne?

Ne craignons dont point, Messieurs d'intercéder auprès du Roi pour les intérêts de la religion; soyons convaincus que nous soulagerons son cœur chaque fois que nous le supplierons de proposer des lois qui leur soient favorables.

Je vote pour l'adoption du premier article du projet de foi présenté par la commission.

Un deuxième opinant (M. de Serre?) dit que la restriction tend à mettre le clergé à l'abri des attaques de l'envie et de la malignité; il la trouve établie dans toute la législation ancienne; elle offre l'avantage de terminer par l'arbitrage les discussions qui ralentiraient dans les tribunaux. Tout se trouve simplifié dans ce système, et, en l'abandonnant, il faudrait substituer au projet de la commission une législation tout entière, qui prévint une foule de cas.

Il répond aux craintes exprimées par le préopinant: que nous vivons sous une race pieuse qui ne choisira que des agents dignes de la seconder.

Il vote pour l'amendement.

Le rapporteur (M. Chiflet) rappelle que trois fois nos ancêtres permirent au clergé de réparer librement ses pertes dans des circonstances sem

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