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blables à celles où il se trouve aujourd'hui; fait sentir les inconvénients des édits de 1649, dans les circonstances actuelles; représente l'abus des fideicommis auxquels la législation du dernier gouvernement a forcé de recourir; dit que l'esprit de cette l'égislation doit changer sous notre Roi; et en votant contre l'amendement, il en propose un nouveau qui a pour objet de faciliter la surveillance que le gouvernement doit exercer sur les biens ecclésiastiques, en transmettant, dans le mois, les actes d'acquisition aux procureurs généraux des cours royales, dans l'arrondissement desquelles les biens sont situés.

Un quatrieme opinant (M. le baron Pasquier?) pense que la commission aurait dù proposer de soumettre les donations et legs à l'approbation des conseils généraux de départements que le gouvernement aurait autorisés à cet effet; cette mesure assurerait au clergé l'appui de l'opinion.

Il demande que cet amendement soit substitué à celui dont la discussion occupe la Chambre en ce moment.

Le cinquième opinant (M. de Serre) dit que le gouvernement offre toutes les garanties morales propres à rassurer ceux qui craignent que son intervention ne décourage les donateurs. Le moment actuel ne lui paraît pas favorable pour changer la législation existante. Il vote pour l'amendement.

Le sixième opinant vote dans le même sens, et il combat l'amendement du troisième opinant, comme étranger à la question; celui du quatrième opinant ne lui paraît point admissible, quoique plus direct, parce que les conseils généraux, n'élant point nommés par le Roi, ne peuvent le représenter.

Le septième opinant (M Piet?) demande que le clergé ne soit soumis qu'au droit commun; il dit que la restriction proposée le frapperait d'une espèce d'interdiction. Aucune des lois dont on appuie cette disposition ne lui parait applicable aux circonstances, et dans tous les cas les donations entre-vifs devraient en être exemptes.

Il propose de ne soumettre à l'autorisation que les donations par testament qui excéderaient la valeur de 1,000 francs.

Le huitième opinant (M. Pardessus?), après avoir soutenu que le projet est conforme à la législation nouvelle, dit que c'est un motif pour l'adopter. Il ajoute que la restriction n'est justifiée ni par l'essence des choses ni par les convenances, puisqu'elle n'empêcherait pas que les donations ne pussent être attaquées devant les tribunaux. Il vote contre l'amendement.

Le neuvième opinani (M. Becquey?) trouverait l'ordonnance du 10 juin 1814 le meilleur moyen d'assurer au clergé les donations qui lui sont nécessaires, si les dispositions en étaient régularisées par une loi. Les usufruitiers étant considér ́s comme mineurs, il s'ensuit qu'ils doivent être surveillés dans les acquisitions comme dans l'usage des biens. Les donations étant toujours accompagnées de charges, doivent être soumises à une autorité désintéressée, qui, seule, peut juger impartialement de leur avantage ou de leurs inconvénients.

La pauvreté du clergé ne lui paraît pas un motif suffisant pour qu'il soit autorisé à accepter lui-même; car lorsque l'édit de 1774 donna cette faculté aux hospices, il y avait des cures fort pauvres qui ne furent point comprises dans l'exception.

Il pense qu'il est contraire au respect dù au Roi, de lui proposer de se dessaisir d une autorité

dont ses prédécesseurs ont toujours joui, et qui sera aujourd'hui, plus que jamais, exercée tout à la fois dans l'intérêt du clergé et dans celui des familles.

Il convient que le conseil du Roi n'est pas juge, et que ses décisions pourraient être attaquées devant les tribunaux mais il ajoute qu'il n'y en a pas un seul exemple, ce qui prouve le bon effet de l'intervention d'une autorité conciliatrice. Il vote pour l'amendement.

M. le Président rappelle l'amendement qui pour objet que l'autorisation du Roi sera requise, pour l'acceptation des libéralités faites entre-vifs, comme par testament.

On demande la question préalable; elle est rejetée. M. le président met aux voix l'amendement, et il est adopté.

M. le Président dit qu'on a encore à décider si l'autorisation du Roi ne sera pas nécessaire audessous de 1,000 francs et si l'on devra recourir à une autorisation secondaire. La question est mise aux voix, et la Chambre décide que les legs ou donations au-dessous de 1,000 francs seront dispensés de l'autorisation du Roi.

M. le Président fait observer que la Chambre doit délibérer pour savoir si, dans ce cas, l'autorisation d'une autorité inférieure ne serait pas nécessaire.

Un membre (M. Hyde de Neuville?) dit qu'on ne peut délibérer sur une chose déjà décidée, parce que toute autorité secondaire tient son pouvoir du Roi, et que ce serait rétablir l'autorisation du Roi, dont la Chambre venait de dispenser les donations au-dessous de 1,000 francs.

Après une discussion dans laquelle plusieurs membres sont entendus, la Chambre décide qu'il y a lieu à délibérer.

M. le Président dit qu'il s'agit de savoir quelle est l'espèce d'autorité nécessaire pour les libéralités au-dessous de 1,000 francs, et si cette autorité sera séculière ou ecclésiastique.

La Chambre décide que la priorité de la mise aux voix est accordée à l'autorité ecclésiastique, c'est-à-dire au projet de la commission.

Le rapporteur (M. Chiflet) monte à la tribune et dit qu'on n'a pas encore discuté quelle serait la composition des bureaux diocésains; mais que la commission avait pensé que le mode le plus convenable était celui de six membres du clergé, présidé par un évêque; il ajoute que ce bureau aura la surveillance sans aucune administration, et que, si sa formation éprouvait quelques difficultés, lacommission qui déjà laissait au Roi à régler par des règlements généraux ce qui concerne ses fonctions, consentirait à laisser à ces mêmes règlements généraux l'organisation du bureau. La discussion est fermée.

M. le Président met aux voix la question, et la Chambre décide que les libéralités au-dessous de 1.000 francs seront acceptées par l'évêque du diocèse, assisté d'un conseil d'ecclésiastiques qui sera formé par le Roi.

M. le Président rappelle un autre amendement à l'article 1er qui a pour objet que les libéralités faites au clergé et aux établissements ecclésiastiques soient homologuées par les cours de justice.

On demande la question préalable; elle est mise aux voix et adoptée.

M. le Président met aux voix si la restriction de vingt années sera supprimée de l'article fer, et la Chambre décide la suppression.

La discussion sur les amendements de l'article er, étant terminée, la Chambre décide que

la commission est chargée de faire la rédaction de l'article 1er, conformément aux décisions qui viennent d'être prises pour la séance de demain.

M. le Président donne ensuite lecture de l'article 2.

Un membre dit qu'en autorisant les évêques à acquérir des bénéfices, etc., on les expose à des démarches peu analogues à leur dignité, et il demande que les mots conseil diocésain soient substitués au mot évéque.

Un membre dit que la Chambre vient de reconnaître que le Roi doit autoriser les donations, et que, par une suite nécessaire de ce principe, ce doit être au Roi à déterminer l'emploi des donations, lorsque le testateur ne l'aura pas fait.

Un second membre combat cette opinion. Il dit qu'une fois que le Roi a légitimé la donation, c'est à l'autorité ecclésiastique seule qu'il appartient d'en déterminer l'emploi.

On demande la question préalable; elle est mise aux voix et adoptée.

On demande également la question préalable sur l'amendement qui a pour objet de substituer les mots conseil diocésain au mot évéque. Elle est mise aux voix et adoptée.

M. le Président met aux voix l'article 2, en substituant le mot conseil au mot bureau, et il est adopté.

M. le Président donne lecture de l'article 3. L'amendement qui a pour objet de substituer le mot Roi au mot gouvernement est mis aux voix et adopté.

Un membre fait observer que la nouvelle rédaction de l'article 1er rend l'article 3 inutile.

Un second membre propose une nouvelle rédaction, et la Chambre décide que la commission s'occupera de cette redaction, en la coordonnant à celle de l'article 1er, et la proposera à la Chambre dans la séance de demain.

La séance est renvoyée à demain midi. Signé LAINE, président; le marquis de LAMAISONFORT, HYDE DE NEUVILLE, CARDONNEL, KERGORLAY, secrétaires.

CHAMBRE DES DÉPUTÉS.

PRÉSIDENCE DE M. LAINÉ.

Comité secret du 25 janvier 1816.

Après la lecture du procès-verbal, M. le rapporteur expose que ce qu'il a dit n'y est pas exactement énoncé, et il est autorisé à y faire insérer ses propres expressions.

Des congés sont accordés à MM. le comte Charles de Beaumont, Regnoust-Duchesnay, le chevalier de Jouffrey et Babey.

L'ordre du jour est la suite de la discussion des articles de la proposition de M. le vicomte de Castelbajac tendante à autoriser le clergé à recevoir des donations et à faire des acquisitions.

M. le Rapporteur est invité à donner lecture de la nouvelle rédaction de l'article 1er. Une discussion s'élève sur cet article, que plusieurs membres ne croient pas conforme à la décision de la Chambre. Ils trouvent que l'autorisation du Roi est présentée comme une exception, tandis qu'il faut la considérer comme la règle générale; et ils réclament une rédaction qui présente d'abord l'idée de l'autorisation du Roi, puis l'exception pour les libéralités modiques.

M. le Président met aux voix l'amendement qui tend à modifier la nouvelle rédaction de la

commission. Il est rejeté par la question préalable, et l'article 1er proposé par la commission est adopté.

L'article 3 est également mis aux voix et adopté. Après la lecture de l'article 4, M. le rapporteur monte à la tribune et dit qu'on a voulu faire envisager des dangers qu'il croit imaginaires sur la possibilité de capter indirectement la volonté des testateurs en faveur des ministres de la religion. Il ajoute que si des abus peuvent naître des dispositions de cet article, l'article 909 du Code civil y remédie suffisamment. Mais pour trancher la difficulté, il propose d'ajouter à l'article de la commission ces mots : Le conseil diocésain disposera de l'usufruit pendant sa vie. Il croit que de cette manière non-seulement les craintes seront calmées, mais encore la volonté du testateur sera remplie.

Un membre demande la question préalable sur l'article 4 du projet, et il pense qu'on doit s'en tenir à l'article 909 du Code civil.

Un second membre établit que tout acte par lequel un homme fait abandon de sa propriété doit être libre, et que c'est pour maintenir cette liberté que les lois avaient jusqu'à ce jour déclaré l'incapacité des médecins et confesseurs à recevoir des legs, etc. Il ajoute que la commission propose d'interpréter autrement la loi lorsque le legs n'est pas fait à une personne, mais à un établissement ecclésiastique.

Il demande la question préalable.

Un troisième membre dit que l'article de la commission altère le principe qui ne veut pas que la confession serve de moyen d'acquisition aux confesseurs. Il dit que le testateur qui aura une forte volonté de faire des legs pieux pourra donner aux séminaires et autres établissements ecclésiastiques. Et il établit qu'il est de l'intérêt de la religion de laisser l'article 909 dans toute son intégrité.

Il demande la question préalable sur l'article et sur l'amendement.

Après une courte discussion, dans laquelle plusieurs membres sont entendus, la Chambre décide que la discussion est fermée.

M. le Président, après avoir établi la position de la question, met aux voix In question préalable, sur l'amendement de M. le rapporteur; elle est rejetée.Į

L'ainendement est mis aux voix et adopté. L'article 4, ainsi amendé, est mis aux voix et adopté.

M. le Président donne lecture de l'article 5 en proposant, conformément à la rédaction adoptée pour l'article 1er, de substituer les mots : conseil diocésain à ceux du bureau; après une courte discussion, l'article est mis aux voix et adopté avec ce changement.

M. le Rapporteur propose pour l'article 6 une nouvelle rédaction conforme aux amendements précédemment adoptés. La Chambre adopte cette rédaction.

M. le Président fait observer, sur l'article 7, qu'il y a un amendement pour que les acquisitions du clergé ne soient frappées que d'un droit simple d'enregistrement. Cet amendement est écarté par la question préalable.

Un membre demande la suppression de l'article; cette proposition n'a pas de suite.

Un autre membre, considérant l'état d'indigence et de pénurie de l'Eglise, demande le retranchement de la disposition qui ordonne la perception de 15 centimes additionnels sur les biens du clergé.

Un troisième opinant pense au contraire que ce droit doit être porté à 25 centimes.

La discussion est fermée, l'amendement du deuxième opinant étant seul appuyé.

M. le Président le soumet à l'Assemblée. On demande la question préalable; elle est adoptée. L'Assemblée adopte ensuite l'article 7.

On passe à l'article 8.

M. le Président rappelle à la Chambre que deux amendements ont été proposés : le premier, portant sur les mots : un parent au degré successible, qui excluraient le conjoint survivant et les enfants naturels que la loi appelle à hériter avant le fisc; le second, tendant à la suppression de tout ce qui précède, ces mots : les dispositions du Code.

M. de Kergorlay. Messieurs, votre commission a pensé que les libéralités qui pourraient être failes en vertu de la loi qu'elle a proposée, devraient être restreintes à la moitié de la portion disponible, déterminée par le Code, si le donateur laissait un parent au degré successible. On sent assez les motifs qui ont inspiré ce scrupule délicat, et ils seront particulièrement appréciés par les plus sincères amis de la religion et de ses ministres. Toutefois un motif plus puissant encore, à ce qu'il me semble, ne me permet pas d'adhérer à cette respectable restriction.

Cette restriction aurait, en effet, si je ne me trompe, pour conséquence, que cette Assemblée priverait un acquéreur des biens d'église du droit de restituer, s'il le jugeait à propos, à l'église même qui aurait été dépossédée, la quotite de ces biens dont le Code civil lui permettrait d'ailleurs de disposer librement. Cette conséquence, je l'avoue, me paraît intolérable; il me parait intolérable de penser que nous voulions priver, par notre fait, un de nos citoyens du droit comimun, du droit le plus sacré de tous ceux que peuvent réclamer les hommes, du droit de disposer de sa chose de la manière, permise d'ailleurs par les lois, qui pourra le mieux satisfaire sa conscience.

Je sais qu'un jeune orateur a objecté au projet de loi, que, sous prétexte d'encourager les donations, il pourrait favoriser les restitutions. Il en a fait ainsi, ce me semble, le plus bel éloge.

Le premier besoin de l'Etat est sans doute d'avoir d'excellents citoyens. Or, Messieurs, qui de nous pourrait, je vous prie, se croire un meilleur citoyen que celui qui aurait restitué un bien dont la possession gênerait sa conscience? Qui de nous se sentirait plus affectionné à l'Etat, plus intéressé à sa prospérité, plus récompensé de sa propre vertu par l'estime publique?

Mais la faculté de faire librement ces actes vertueux serait, suivant le même orateur, un sujet d'alarmes pour ceux qui ne seraient pas enclins à les imiter. Il me semble peu respectueux pour la Chambre de l'entretenir de telles alarmes. Son office n'est pas sans doute de céler l'estime qu'elle doit à ceux qui la méritent, pour caresser la vanité de ceux qui n'auraient rien fait pour la mériter.

Car, d'ailleurs, où pourrait-on trouver ici du péril pour quelque autre chose que pour une vanité ombrageuse? Toutes les propriétés ne sont-elles pas, quelle que soit leur origine, également garanties par la Charte ? Quelqu'un a-t-il jamais oui dire que la faculté de recevoir des donations, qui appartient à tous les citoyens, mit en péril la propriété de ceux qui ne se soucient pas d'en faire? Et s'il existait une classe de citoyens dont on ne pût calmer les craintes qu'en refusant à

une certaine autre l'usage des droits qui appartiennent à tous, ne doit-on pas convenir qu'il faudrait renoncer à calmer de si étranges craintes?

Nous avons donc lieu d'espérer qu'on n'évoquerait pas de nouveau de capricieux fantômes pour nous détourner de dispositions justes et raisonnables, et qu'on respecterait assez cette Assemblée pour ne pas lui proposer de se laisser conduire par le plus imprudent de tous les conseillers, la peur.

Tachons, quant à nous, de poursuivre tranquillement notre route, et de rendre en effet nos mesures aussi justes et aussi raisonnables qu'il est possible qu'elles le soient.

La difficulté que je trouve à déterminer la quotité des libéralités qui pourront être faites au clergé, consiste en ce que la restriction proposće par la commission me paraît, quant aux biens patrimoniaux du donateur, raisonnable et louable même; et quant aux biens ayant précédemment appartenu à l'Eglise, souverainement injuste. Exposer cette difficulté, c'est la résoudre. Il n'est pas toujours ordonné ni possible de faire tout ce qui est raisonnable et louable; il est toujours défendu de faire ce qui est injuste.

J'avais, à la vérité, d'abord pensé qu'on aurait pu tout concilier en laissant toute latitude pour les biens qui auraient précédemment appartenu au clergé, en n'appliquant qu'à ceux qui auraient une autre origine la restriction proposée par la commission. Mais j'ai douté, je l'avoue, si cette distinction serait réputée suffisamment constitutionnelle. Je laisse ce doute à résoudre à la commission, qui est plus habile que moi, et je déclare seulement ici, qu'au cas que la distinction dont j'ai exprimé le désir soit admissible, j'y adhère, et que, dans le cas contraire, j'adopte, comme pis-aller, l'amendement qui a été proposé par M. le comte de Scey, tendant à ne soumettre les libéralités qui pourraient être faites au clergé, à aucune autre restriction que celles qui sont determinées pour toute autre libéralité par le Code.

Un autre membre représente que l'on doit faire une différence entre les donations entre-vifs et les donations par testament. Il pense que la limitation ne doit, dans aucun cas, porter sur les premières, et que les autres n'y doivent être assujetties que lorsqu'il y a des héritiers à réserve.

Un troisième membre pense que la condition de l'autorisation du Roi, insérée dans l'article 1er, doit faire supprimer la disposition limitative. Sa Majesté jugera les cas où les libéralités devront être restreintes.

Après avoir entendu deux autres membres, la Chambre ferme la discussion, et les propositions des préopinants n'étant point appuyées, à l'exception de celle du deuxième qui est écartée par la question préalable, M. le Président met en délibération le premier amendement qui consiste à remplacer les mots laisse un parent au degré successible par ceux-ci : laisse des successibles. Get amendement est adopté.

On passe au second amendement, qui a pour objet de supprimer dans l'article tout ce qui précède ces mots : les dispositions du Code. On demande la question préalable; elle est rejetée. Cette partie de l'article est mise aux voix avec l'amendement, et maintenue. L'article entier est ensuite adopté.

M. le Président annonce à l'Assemblée qu'elle a maintenant à voter sur les articles additionnels, au nombre de trois, proposés par un des orateurs qui ont parlé dans la première discus

sion. Ces articles ont pour objet d'assimiler aux actes énoncés, dans les articles 1 et 2 du projet de loi, les restitutions volontaires des biens de toute nature non vendus, et provenant du clergé, dont les hospices et les fabriques n'auront pas été mis en possession, et qui n'ont jamais été administrés ni régis par le domaine ou l'administration forestière.

Un membre présente de nouvelles considérations à l'appui de ces articles, et la discussion ayant été fermée, ils sont adoptés successivement.

On procède ensuite au scrutin sur le projet de loi tel qu'il a été amendé. Sur 302 votants, il y a 189 boules blanches et 113 noires. M. le président proclame l'adoption du projet.

La séance est levée.

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M. Murard de Saint-Romain. Messieurs, la question que je vais développer est, sans contredit, la plus importante de celles qui occuperont la législation. De l'éducation et de l'éducation scule, dépend notre régénération morale; et sans cette régénération morale, nous. deviendrions bientôt, tout à la fois, plus barbares que les Turcs du quinzième siècle, et plus vils que les Grecs du Bas-Empire.

J'aborderai donc franchement cette question, sans préambule ni précautions oratoires, et, après avoir démontré qu'il faut détruire tout ce que la Révolution a fondé de contraire à la religion et à la morale, j'indiquerai les moyens de remplacement et de réédification.

Pour faire sentir que tout ce que la Révolution a fondé de défectueux doit être réformé, il suffit de montrer qu'un grand nombre d'éléments employés par elle sont vicieux et corrompus.

Remontons à cette époque désastreuse qui nous en fournit une preuve frappante.

Lorsque l'on exigea le serment à la constitution civile du clergé, la moitié de l'université de Paris se prêta à cette mesure. C'était cependant le premier corps du royaume, pour l'enseignement. Que ne durent pas faire les congrégations, les colléges isolés? Dès lors, que devint l'éducation publique? Les décrets du temps à la main, je révélerais de bien étranges vérités, si ces temps affreux, épouvantables, n'étaient encore si près de nous, que chacun n'a pu en perdre la mémoire.

Toutes les anciennes institutions furent détruites; tout ce qui avait appartenu à l'état ecclesiastique fut écarté de l'instruction; les maîtres d'école furent élus à la pluralité des suffrages, sous l'influence effrayante de la secte des jacobins et des comités révolutionnaires. Enfin, les premiers fondements du nouvel édifice d'instruction furent etablis au milieu des noyades de Nantes, des mitraillades de Lyon, des guillotines de Paris, pendant les massacres ordonnés de sangfroid par les Carrier, les Couthon, les Robespierre, etc., etc.

Quels hommes durent être choisis, et quels hommes durent être écartés?

Tout ce qui restait d'honnête était en fuite, ou caché dans d'obscures retraites, ou renfermé dans de fétides cachots, et réservé à la mort... Alors les hommes les plus ignobles de la Révolution purent seuls se maintenir dans les places: la plus grande partie du clergé, même constitutionnel, fut vouée à l'exil ou à l'échafaud; des évêques intrus reçurent la mort des mêmes bourreaux qui portèrent leurs mains sacriléges sur ce que la France aurait dù s'enorgueillir d'avoir de plus pur et de plus distingué.

Que restait-il donc au comité d'instruction publique de la Convention? Les plus hideux rebuts de la société, des hommes décriés, qui, par leur turpitude, avaient donné à la Révolution des gages bien dignes d'elle.

C'est de ces éléments impurs que se composèrent alors les prytanées, les écoles centrales et le petit nombre d'établissements contre lesquels je m'élève aujourd'hui avec la France entière.

Mais ce qui est digne de remarque, et ce qui fait tout à notre sujet, c'est que presque aucun de ces hommes, dans des temps qu'on répute meilleurs, presque aucun ne fut changé; ils demeurerent pendant de longues années inviolables, inamovibles.

Si des passions particulières, ou le cri public, en ont forcé quelques-uns à la retraite, ils se sont retirés avec de fortes pensions, bien propres à consoler des hommes pour qui l'or est tout, l'honneur et les sentiments rien.

J'entends déjà mille voix s'élever contre moi, m'accuser d'imposture et de calomnie: mais que les défenseurs du système que je combats déròulent les catalogues des écoles du jour, les mêmes noms s'y trouveront encore. Au seul lycée de Versailles, n'a-t-on pas compté jadis cinq prêtres mariés, trois à Chartres, dans un college de seconde classe? Il est vrai que, sans doute, depuis vingt-trois ans, la mort en aura moissonné plusieurs; mais comment les a-t-on remplacés, comment voulait-on, pouvait-on les remplacer?

Convenons que parmi les employés de ce qu'on appelait l'Université et ses dépendances, un trop grand nombre, malheureusement, a chéri la Révolution, a sucé, dans les écoles perverses, un lait corrompu, la haine de la religion et des rois légitimes, l'oubli de tout principe; un fol orgueil et une insatiable ambition. Malgré d'utiles réformes, combien les éléments de l'instruction publique sont encore imparfaits! Il s'y trouve, à la vérité, des hommes religieux, distingués par leur talents et par leurs principes, qui sont demeurés purs au travers de tant d'orages. Quelle douce récompense les attend, dans le choix que fera bientôt d'eux le plus sage des rois, ce monarque adoré, que la France surnommera le Restaurateur de l'éducation, qui s'entourera de leurs vertus et de leurs lumières pour relever l'édifice!

Dignes successeurs des Rollin, des Crevier, des Lebeau; recevez ici le tribut mérité de notre admiration.

« Mais ne nous arrêtons pas aux exceptions, elles ne serviraient qu'à confirmer la force des vérités et des faits que je vais établir.

Tel est presque l'état désespéré où nous sommes, et il était même impossible qu'il ne fût pas tel.

Aussi, qu'est-il arrivé? Deux choses connues de tout le monde. Premièrement, le public a toujours repoussé les écoles révolutionnaires; il s'est attaché à tout ce qui n'était pas elles. Tant que

l'on a joui de quelque liberté, les lycées ont été déserts; la crainte de la conscription seule a peuplé les écoles militaires: les plus obscurs établissements, chez de pauvres curés, ont obtenu la préférence sur tout ce que la prodigalité de Buonaparte avait enfanté de plus propre à éblouir. On pourrait même citer des pères de famille que l'appât d'une pension gratuite n'a pu séduire. Il a fallu tout le despotisme d'un usurpateur, secondé par l'orgueil et la cupidité, je ne dis pas pour faire fleurir, mais seulement pour retarder la chute de ces établissements.

Que de faits incroyables trouveraient ici leur place, si je ne craignais, Messieurs, d'abuser de vos moments!

Je me bornerai donc à avancer que les pensions particulières, malgré quelquefois la faiblesse des études, la cherté du prix, en dépit même du défaut de discipline, ont toujours été préférées aux lycées et colléges.

Secondement, j'affirmerai que Buonaparte, avant l'île d'Elbe, et pendant sa dernière usurpation, n'a pas eu de partisans plus fidèles, plus dévoués que dans les lycées.

Ici se place naturellement la nomenclature des faits les plus curieux révolte des lycées de Dijon, de Nancy, d'Amiens, de Versailles, de Nantes en 1814; mouvements séditieux de mirmidons à Bordeaux, Moulins, Lyon, etc.; en 1815, de faibles étudiants furent tout-à-coup transformés en canonniers redoutables. Ce serait un trèsjoli passage de libelle diffamatoire; mais, au reste, ce sont là des faits que l'on a vainement voulu ensevelir dans le plus profond silence; qu'on nous cite quelques départements, excepté ceux où le feu sacré de la légitimité s'est conservé, qu'on nous cite beaucoup de lycées où l'on ait crié Vive le Roi! avant le 20 mars, où depuis le 20 mars on n'ait pas été étourdi par des cris séditieux mille fois répétés, et dans lesquels, depuis notre seconde Restauration, on n'ait pas fait éclater des regrets. Quoi! le sexe même le plus timide, dès que, dans ses premières années, il était placé sous l'influence du gouvernement usurpateur, ne se montrait-il pas follement ennemi de la légitimité, ne se déclarait-il pas forcené partisan du crime et de l'usurpation?

Donc il faut réformer. Il n'y a de salut pour l'Etat, je le répète, que dans l'anéantissement total de tout, absolument tout ce que la Révolution a engendré de contraire à la religion, et de ce que Buonaparte a soutenu et propagé.

Jamais la religion, les bonnes mœurs, l'amour pour le Roi, jamais rien de ce qui est bon, de ce qui est pur, de ce qui est aimable, ne prévaudra dans les établissements révolutionnaires.

Ils sont tous réservés à l'athéisme, à l'immoralité, en un mot, au génie funeste qui les a produits. Encore s'il nous restait l'espérance qu'ils changeron!! mais non tout ce qui est corps se conserve avec son esprit pendant des siècles : les provinces, les villes, certains quartiers, les communautés, Rome conquérante, Athènes oisive et lettrée, Port-Royal et le Prytanée, ont une force intérieure contre laquelle échouèrent sans cesse les puissances humaines; les corps, ou, pour mieux dire, l'esprit de corps, est indestructible de sa nature. J'insiste donc, Messieurs, pour un nouveau mode d'instruction, basé sur la religion.

Ne souffrons plus qu'on éteigne dans la jeunesse tous les germes que féconde l'imagination, germes qui développent seuls les vertus et les nobles passions; il est temps que l'exclusive

étude des sciences exactes ne soumette plus toutes les affections à l'analyse, et tous les devoirs au calcul.

Mais avant d'indiquer les moyens de reconstruction, prévenons quelques objections que la philosophie moderne, cachée sous le masque de la justice et du zèle, ne manquera pas de nous opposer.

Les objections que l'on pourra faire à mon système de réformation peuvent se réduire à deux la première, le tort fait aux sciences; la seconde, le tort fait aux particuliers.

:

Je réponds d'abord en général, que les mesures les plus nécessaires et les plus sages ont leurs inconvénients, et qu'il est préférable de faire quelque tort momentané aux sciences et même à plusieurs particuliers, que d'exposer l'Etat à une ruine certaine.

Prouvons maintenant 1° que les sciences n'éprouveront aucun dommage; 2o qu'il ne sera commis, à l'égard des particuliers, aucune injustice.

Avant tout, tâchons de bien connaître ce que c'est que l'Université de France et ses dépendances immédiates.

L'Université est moindre, quant au nombre de maitres et de sujets, que n'était la congrégation de l'Oratoire. La seule Université de Paris aurait fait le tiers, au moins, de ce que prétend faire l'Université de France. Dans le système général d'instruction publique, l'Université n'est qu'une légère fraction d'un grand tout. Il est vrai qu'elle compte, comme faisant partie de son domaine, trois à quatre cents collèges et plus de mille pensions; mais les pensions et les colléges sont sa conquête plutôt que sa propriété légitime.

L'Université se compose d'une commission qui a son président; c'est la légion des inspecteurs généraux et particuliers, ce sont les trente à trentre-cinq lycées et leurs six mille écoliers.

Mais plus de 80,000 étudiants que renferment les autres maisons, mais 1,500 chefs d'établissements particuliers, mais 3 à 4,000 professeurs régents, maîtres de quartiers, assujettis à l'Université, rien de tout cela n'est l'Université.

Or, je demande si le mérite littéraire est si rare en France, qu'il se soit concentré uniquement dans les lycées, dans les académies, les facultés, l'Ecole normale ou même la commission; et si les sciences et les lettres seront perdues, parce que la direction de l'enseignement et les places les plus lucratives cesseront d'être exclusivement entre leurs mains.

La magistrature court-elle risque de succomber parce qu'on élague des cours royales et des tribunaux plusieurs partisans de Buonaparte?

La science n'éprouvera aucun dommage, les bonnes doctrines seront sauvées; elles seraient désormais suivies sans obstacle, si la religion faisait la principale base du nouveau système d'éducation.

Quant au tort fait aux personnes, il sera aisé d'y obvier on laissera partout les élèves à leur place; que ceux qui ont des bourses continuent d'en jouir, que l'on se borne à des réductions et à des fusions, et lorsque dans un lycée il n'y aura plus d'écoliers, les maîtres devenant inutiles, seront renvoyés avec une pension déterminée par les règlements.

Les inspecteurs, les membres de la commission, seront dans la même catégorie; la plupart trouveront dans une utile réforme l'avantage de s'occuper de leurs anciens états.

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