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Il y a plus; si cet étrange raisonnement avait quelque solidité, il ne conduirait pas même au résultat qu'on s'en est promis. Nous serions fondés à dire, à notre tour, que celui qui a pu recevoir une obligation peut la remettre; si la Chambre des députés stipule pour les créanciers, ils se trouveront liés par une seconde loi, comme l'Etat l'était par la première; et si nos lois de finances deviennent des contrats, toutes celles qui pourront intervenir successivement conserveront le même caractère.

L'autorité des honorables collègues qui ont cru pouvoir hasarder ce principe a pu seule nous engager à le discuter.

Au fond, la commission a cru devoir abandonner le système de la loi du 23 septembre: 1° parce qu'il a toujours été vicieux en lui-même; personne n'a essayé de le défendre, ainsi il paraît inutile d'insister; 2o parce qu'il serait aujourd'hui entièrement inexécutable.

Ici la commission croit n'avoir exprimé que ce qui a été généralement senti. Plusieurs de ceux qui ont combattu son projet se sont trouvés d'accord avec elle sur ce point.

M. le duc de Gaëte, dans une opinion présentée avec une sage circonspection, est convenu que les créanciers perdraient plus de 23 p. 0/0 si les obligations à recevoir se plaçaient en payement des biens à vendre, et que sans cela il faudrait qu'ils perdissent plus. Il a proposé en conséquence un mode de consolidation, différent à la vérité de celui que la commission a adopté.

M. Ganilh a reconnu que l'objet de la loi du 23 septembre ne pouvait plus être atteint ni méme poursuivi. Il est entré dans tous les détails propres à rendre cette vérité palpable, et il a proposé de renvoyer à chaque session de la Chambre les moyens à prendre pour le payement, soit de l'intérêt, soit du capital des créances, à mesure de leur liquidation.

Cependant, vous avez entendu, Messieurs, les orateurs du gouvernement déclarer que la loi du 23 septembre était susceptible de recevoir son exécution.

Une assertion aussi positive était propre sans doute à faire impression.

Mais on est entré dans des détails pour l'appuyer; et c'est là ce qui peut avoir affaibli votre confiance.

D'abord on a demandé, avec raison, pourquoi donc cette loi avait cessé d'être exécutée; car il est reconnu qu'il ne se délivre plus d'obligations, quoiqu'il y ait plus de 100 millions liquidés.

Pour que le gouvernement fût en état d'avoir lui-même, et de vous présenter quelque certitude sur la possibilité d'exécuter la loi, il faudrait qu'il connût et ce qui est dû et ce que produiront les valeurs affectées au payement.

Quant à la dette à acquitter, en exécution de la loi du 23 septembre, il y a eu beaucoup de variations sur sa nature et sur sa quotité.

Le ministre des finances, qui proposa la loi de 1814, avait compris l'arriéré entier, sans distinction des créances réglées par la loi du 20 mars 1813 et de celle arriérées depuis; il évalua le tout à 759 millions.

Son successeur établit aujourd'hui que cette première évaluation peut être modérée à 593 millions, qui ne présentent plus que 462 millions d'après les payements déjà faits.

Ensuite il défalque de cette somme ce qui fait partie du premier arriéré réglé par la loi de 1813, et il ne reste que 390 millions pour l'arriéré intermédiaire de 1810 au 1er avril 1814.

Il présente enfin un dernier arriéré montant à 233 millions.

C'est l'arriéré intermédiaire seulement qu'il prétend solder avec les valeurs spécifiées dans la loi du 23 septembre.

Le premier arriéré était originairement de 91 millions, la loi de 1813 avait affecté à l'acquittement un million de rentes; il a été employé, puisque la dette se trouve réduite à 71 millions. La première loi ne présente plus de moyens d'y faire face.

Dans cet état on a demandé sur quelle règle d'équité pouvait être fondée la distinction que l'on fait entre le premier arriéré et l'arriéré intermédiaire, auquel seul on prétend aujourd'hui affecter le produit des biens désignés dans la loi de 1814.

La seule explication possible est dans la loi du 20 mars 1813, qui avait consolidé les créances de 1801 à 1809.

Mais le moyen de payement offert par cette loi n'a pas suffi; se croit-on dispensé d'y suppléer?

Quand un million de rente serait suffisant, le mode d'acquittement adopté par la loi du 20 mars est la consolidation au pair. Les orateurs du gouvernement ont toujours soutenu que ce mode n'était pas équitable; pourquoi donc l'adopter exclusivement pour les créanciers les plus anciens?

Nous dira-t-on de la loi de 1813, comme de celle de 1814, que c'est un contrat par lequel l'Etat a pris, envers ses premiers créanciers, l'engagement irrévocable de leur faire ce qu'on croit une injustice? Ce serait pousser bien loin la doctrine de l'irrévocabilité des lois de finances.

Quant au dernier arriéré, on a proposé, le 26 février, pour la première fois, d'ajourner à un autre temps les mesures à prendre pour faire y face, et vous voyez quel a été l'objet de cette proposition dilatoire; mais elle ne peut convenir ni aux créanciers ni aux contribuables, qui doivent connaître les uns comme les autres le sort qui les attend, et dont on ne ferait qu'augmenter l'anxiété, en la plongeant.

On n'est pas plus d'accord sur le montant des créances arriérées, que sur la nature de celles auxquelles on devrait appliquer la loi du 23 septembre.

M. le ministre des finances a porté le premier arriéré à 71 millions; il a supposé que le deuxième pourrait être modéré à 390 millions; il évalue le dernier à 233 millions.

Relativement à l'arriéré intermédiaire, M. le ministre d'Etat Pasquier a avancé ensuite, dans le cours de la discussion, qu'il fallait en retrancher: 1° 60 millions, montant des créances pour lesquelles vous avez déjà fait un fonds particulier; nous avions nous-mêmes présenté cette observation dans notre rapport; 2° 40 millions dont on pourra obtenir la réduction par l'effet de la liquidation. Cette supposition peut vous paraître arbitraire, et faite seulement pour arriver au résultat qu'on se proposait; car enfin, lorsque M. le ministre des finances a espéré une réduction de 166 millions sur la première évaluation que son prédécesseur avait présentée, ce n'a pu être qu'en prévoyant les effets de la liquidation; il n'y a donc pas de motifs de faire ensuite une seconde réduction pour la même cause.

Maintenant, vous offre-t-on plus de certitude sur les ressources destinées à acquitter les créances, que sur le montant même de ces créances?

M. le ministre d'Etat Pasquier nous a parlé de 8 millions que doivent fournir les décomptes des

biens nationaux; mais je n'ai point vu dans la loi du 23 septembre cet objet au nombre de ceux affectés à l'acquittement de l'arriéré.

La première ressource que présentait cette loi était, comme vous le savez, 70 millions dépendant des recettes sur les dépenses de l'année 1815. Cette somme était destinée à soutenir le cours des obligations dont on ne pouvait abandonner le sort sans que le système entier croulât.

M. le ministre des finances nous a observé ici que cette ressource, loin d'être une base fondamentale du système, comme nous l'avions supposé, était purement éventuelle, qu'on ne pouvait en faire usage qu'à la fin de l'année, parce que ce n'était qu'alors qu'on eût pu savoir s'il y avait un excédant réel.

Nous remarquerons à notre tour que, cependant, dès avant le 20 mars, 22 millions environ avaient déjà été employés à retirer des obligations, quoique leur émission ne se fut élevée qu'à 36 millions.

Mais l'objet principal consiste dans le restant des 300,000 hectares de bois de l'Etat.

On s'est obstiné à les porter à 800 francs l'hectare. Les renseignements que votre commission a recueillis l'ont portée à croire qu'on n'en obtiendrait pas plus de 500 francs.

M. de Bourrienne vous a développé les considérations sur lesquelles cette opinion est fondée.

Le résulat serait que le produit de bois vendus à vil prix se trouverait distribué à un petit nombre de créanciers, et les autres n'auraient de ressources que la consolidation.

Enfin, Messieurs, ceux mêmes dont nous combattons le système sont obligés de convenir que la loi du 23 septembre n'est pas exécutable, si les biens des communes ne doivent pas continuer d'être vendus.

Il s'est élevé des doutes sur la réalité de cette ressource, et beaucoup de renseignements porteraient à croire que déjà la plus grande partie des biens des communes a été aliénée. Mais en supposant exacte l'évaluation que le ministre vous présente, la question se réduit à des termes fort simples L'Etat a-t-il le droit de disposer des biens des communes? S'il n'a pas ce droit, le sort de la loi du 23 septembre est décidé. Quand elle contiendrait une obligation au profit des créanciers, il est évident que la promesse de disposer d'un bien dont on n'a pas la possession, ne peut pas être exécutée.

Or, les propriétés des communes, avons-nous dit, sont du même genre que toutes les autres. Elles contribuent comme elles aux charges publiques sur leurs produits, mais on ne peut pas s'emparer arbitrairement du fonds. Cette observation, aussi simple que frappante, ne nous semblait pas susceptible d'une contestation raisonnable.

Cependant on a hasardé des réponses, et même en assez grand nombre.

1o L'Etat, a-t-on dit, se compose de la réunion des communes; ainsi le bien des communes est celui de l'Etat.

C'est encore ici, Messieurs, une pure équivoque. La population de l'Etat se forme, sans doute, de celle de toutes les communes, considérées comme des réunions d'habitants; mais si on les considère comme des corps qui possèdent des biens, ces biens, loin de composer la propriété foncière du royaume, n'en sont qu'une partie infiniment petite; et, sous ce rapport, elles ne doivent contribuer à l'acqnit des dettes de l'Etat qu'avec tous les autres propriétaires et en proportion

de la valeur de leurs fonds de terre particuliers. 2o Si l'on discontinuait aujourd'hui les ventes, les communes dont on a déjà aliéné des biens seraient doublement maltraitées et par la vente, et par l'acquit des dettes de l'Etat, auquel elles auraient encore à contribuer; elles ont donc intérêt que les biens des autres communes soient également aliénés.

Je n'ai pas besoin de vous indiquer, Messieurs. à quelles conséquences on arriverait en poursuivant un pareil raisonnement.

3° Si les communes doivent être comparées à des mineurs, on aliène valablement les biens des mineurs avec l'autorisation d'un conseil de famille. Or, les deux Chambres peuvent bien remplacer ici le conseil de famille.

Rien de plus exact; mais qu'on veuille bien convenir aussi que le conseil de famille ne peut faire vendre les biens du mineur que pour l'acquit des dettes dont celui-ci est grevé, et non pas dans l'intérêt de la famille.

4° Quand on rapporterait la loi du 23 septembre, celle du 20 mars 1813 resterait, et suffirait pour autoriser les ventes.

Si cela est ainsi, il faut sans doute rapporter l'une et l'autre.

5° Enfin, s'il est malheureux qu'on se soit emparé des biens des communes, c'est un mal sans remède, comme beaucoup d'autres.

Heureusement l'Etat peut encore offrir aux communes un remède plus utile qu'une pitié stérile que démentirait trop la conduite que l'on propose de continuer.

Il n'y a d'irrémédiable que les ventes consommées. Tout ce qui n'est pas aliéné peut être rendu, et doit par conséquent l'être.

Déjà l'exemple a été donné pour les biens des émigrés qui avaient été cédés à la caisse d'amortissement, et affectés, à ce titre, au payement de l'arriéré.

On a dit à ce sujet que la remise de ces biens n'avait été ordonnée que lorsqu'ils auraient été remplacés par d'autres.

Cela est vrai, mais le gouvernement propose enfin, par l'article 77 du projet de loi actuel, la remise sans conditions.

On a insisté, en observant que le remplacement se fût trouvé dans les 100,000 hectares de bois qui devaient être ajoutés aux 300,000 de 1814.

Mais depuis le 26 février on ne demande plus cette augmentation, et on n'en a pas moins laissé subsister l'article 77 du projet.

Dois-je vous rappeler, Messieurs, une objection générale que l'on s'est plu à répéter dans tout le Cours de la discussion, celle du danger de nuire au crédit public, si l'on ne traitait pas avec assez de faveur les créanciers de l'Etat?

Vous n'avez pas oublié, Messieurs, ce qui a été répondu à cet égard, par tous les orateurs qui ont défendu le projet de votre commission.

Un Etat ne peut s'appuyer sur le crédit que lorsqu'il trouve des capitaux que ne réclamaient ni l'agriculture, ni le commerce, ni l'acquisition des fonds de terre.

Pour l'obtenir, il faut inspirer de la confiance, sans doute, mais elle ne s'obtient que par une administration sage, et non par une libéralité ruineuse.

Il serait peu raisonnable de sacrifier ses ressources les plus précieuses, en poursuivant un crédit qu'on ne ferait qu'éloigner à mesure qu'il deviendrait plus nécessaire.

Nous persistons à penser, Messieurs, que la

consolidation est le seul moyen qui vous reste pour faire face à la dette arriérée; et cette mesure semble devoir s'appliquer également à tous les arriérés.

Mais est-il convenable de donner aux créanciers une indemnité quelconque pour la perte qu'ils éprouveraient, suivant le cours actuel de la rente consolidée, perte qui peut, au reste, être moindre assez promptement?

Je vous ai déjà observé, Messieurs, que, sur ce point, la commission n'avait pas été unanime.

La majorité n'a pas cru possible d'accorder aux créanciers consolidés une indemnité aux dépens des propriétaires fonciers, sur qui tombe le fardeau des contributions. Ceux-ci auraient à présenter des pertes plus affligeantes; depuis bien des années ils se sont vus exposés à des réquisitions, des dévastations, des malheurs de tous genres; ne sont-ils pas en droit de présenter aux créanciers cette compensation qui n'est que trop réelle, et doivent-ils toujours être condamnés à indemniser les autres, sans pouvoir jamais l'être que par de nouvelles levées sur eux-mêmes?

Il a été fait ici une observation qui nous paraît d'un graud poid. Il est question d'indemniser les créanciers de l'Etat de la perte qu'ils éprouveraient sur le capital qu'ils ont à recevoir, s'ils voulaient aliéner actuellement ce capital, et de prendre l'indemnité sur les propriétaires qui payent les impôts; mais ceux-ci n'éprouvent-ils pas eux-mêmes la même perte, dont on veut leur faire indemniser les autres, indépendamment de toutes celles qui leur ont été particulières?

Ceux qui sont forcés de vendre dans ce moment leurs propriétés, ne savent que trop quelle réduction a éprouvée la valeur de leur capital. et quoique le cours des biens-fonds ne soit pas côté, comme celui des effets publics, la baisse n'en est pas moins réelle. Ce sont les malheurs des derniers temps qui ont amené ce triste résultat; mais si tous éprouvent la perte, personne ne doit d'indemnité.

Si l'on donnait aux créanciers, ainsi qu'il a été proposé, des obligations pour couvrir la perte du cours actuel et remboursables à compter de 1821, ces effets à long terme, et que rien ne soutiendrait, ne pourraient se négocier qu'avec désavantage, et auraient une influence facheuse sur le cours de la rente consolidée.

Enfin le remboursement de ces obligations, après cinq années de taxes extraordinaires, présenterait une autre période de surcharge qui ne laisserait plus au contribuable l'espoir d'atteindre le terme auquel il doit lui être permis de réparer ses pertes.

Malgré ces motifs, Messieurs, plusieurs orateurs ont regretté qu'on n'offrit pas aux créanciers une valeur qui représentât l'intégralité de leur capital, au moment où ils ont proposé, à cet égard, des projets différents.

Si vous étiez frappés de cette difficulté, Messieurs, le plan de liquidation qui nous paraîtrait sujet à moins d'inconvénients, serait celui qui a été indiqué par M. de Bouville.

Il consiste à laisser aux créanciers l'option d'être consolidés ou de recevoir des reconnaissances, portant 5 p. 0/0 d'intérêt, et dont le mode de payement serait réglé en 1820.

Il serait important d'ajouter à cette mesure la précaution de ne pas rendre négociables les reconnaissances à émettre, dont le transport resterait régi par les règles du droit civil, et de fixer un délai dans lequel les porteurs seraient tenus

d'échanger leurs reconnaissances contre des inscriptions, s'ils préféraient ce dernier mode de pavement.

Vous voyez que le danger de nuire à l'amélioration du cours des effets publics ne serait plus à craindre, si les reconnaissances à délivrer n'étaient pas négociables.

Mais il resterait toujours celui de laisser les contribuables exposés, après les cinq années qui vont suivre, à un remboursement au-dessus de leurs facultés, inconvénient qu'on évite par la consolidation pure et simple.

Il est vrai qu'on devrait encore être rassuré sur ce point, si, comme le présume l'auteur de la proposition, le choix des créanciers devait unanimement se porter vers la jouissance immédiate des rentes.

Mais si tel devait être, en effet, le résultat certain, l'option réservée n'aurait peut-être pas une importance bien réelle.

Au reste, Messieurs, quel que soit le parti que vous preniez, vous reconnaîtrez sans doute que vous ne pouvez adopter aucune proposition qui tendît à fixer d'avance le mode, le taux ou le terme du payement des reconnaissances dont il s'agit, et que tout dépendra nécessairement, à cet égard, de la volonté du pouvoir législatif qui statuera, et qui ne pourra le faire que d'après les circonstances dans lesquelles le royaume se trou

vera.

Ce serait une inconséquence que vous ne pouvez manquer d'apercevoir, de reconnaître, d'un côté, que la loi du 23 septembre n'est pas obligatoire pour vous, et de prétendre obliger vos successeurs, par celle de cette année, de régler avec une entière indépendance tout ce qui doit entrer en recette et en dépense pour 1816, et de prétendre influer sur les objets qui feront partie du budget de 1821.

La Chambre ordonne l'impression du résumé de M. de Corbière, et sa distribution à trois exemplaires, comme faisant suite au rapport sur le budget.

M. le ministre des finances demande à être entendu.

M. le comte Corvetto. Messieurs, la loi du 23 septembre 1814 avait réglé le sort d'une grande partic des créanciers de l'Etat. Le gouvernement était chargé de l'exécuter. Il ne devait pas la mettre en problème; la fidélité aux engagements contractés a dirigé sa conduite.

Un gage était assuré à ces créanciers.

Des questions incidentes, mais de la plus haute importance, se sont élevées sur ce gage. On a discuté les titres primitifs des communes on a craint la diminution du domaine forestier.

La suffisance matérielle du gage est restée; mais sa valeur morale, s'il est permis de s'exprimer ainsi, est altérée. Il serait maintenant difficile de répondre de l'exécution de la loi.

mais

Les droits des créanciers sont invariables, le mode de leur remboursement peut changer. Un vœu s'est formé dans le sein de la commission de la Chambre. Des communications franches ont mis les ministres à portée d'en rendre compte au Roi.

On réunirait les deux arriérés : l'atermoiement, fixé par la loi du 23 septembre à trois ans, pourrait, en raison des circonstances, être prolongé à cinq; un intérêt serait payé aux créanciers, la faculté d'inscription leur serait accordée; les deux Chambres statueraient en 1820 sur le mode de l'acquittement définitif de la dette.

Le prix des biens des communes et des bois

domaniaux cesserait d'être applicable à cet acquittement, et les biens non vendus, au lieu de revenir à la caisse d'amortissement, qui va recevoir une toute autre existence, seraient remis à la disposition des communes. Il est inutile d'ajouter que les ventes déjà faites demeurent inviolables, sous la garantie des lois fondamentales du royaume.

Le Roi a pensé que ce projet et les dispositions accessoires qui s'y rattachent, concilieront, autant que les circonstances peuvent le permettre, les droits des tiers et les intérêts de l'Etat. Il n'a pas voulu attendre que le vœu de votre commission pût être porté au pied du trône dans les formes accoutumées. Sa royale initiative est assez sollicitée par l'urgence des circonstances. Le bien public avant tout telle est sa première pensée : tel est le premier besoin de son cœur.

Sa Majesté nous a chargés en conséquence de vous présenter les dispositions suivantes :

LOUIS, PAR LA GRACE DE DIEU, ROI DE FRANCE ET DE NAVARRE, à tous présents et à venir, salut.

Nous avons ordonné et ordonnons que les dispositions suivantes seront présentées à la Chambre des députés en remplacement des articles relatifs aux créances arriérées dans le projet de loi de finances, et nous chargeons nos commissaires d'en développer les motifs et d'en soutenir la discussion.

Art. 17. Les créances antérieures au 1er avril 1814 et les dépenses restant à acquitter sur le service des neuf derniers mois 1814 et sur l'exercice de 1815, en excédant des recettes de ces deux exercices seront réunis sous le titre d'arriéré antérieur au 1er janvier 1814.

Art. 18. Les créances arriérées pour lesquelles il n'a pas encore été délivré d'obligations, en exécution de la loi du 23 septembre 1814, continueront à être liquidées conformément aux lois existantes et dans les formes déterminées par nos ordonnances.

Elles porteront intérêt à 5 p. /% sans retenue payable par semestre, à compter de la publication de la présente loi, quelle que soit l'époque de la liquidation.

Il sera délivré aux créanciers liquidés des reconnaissances du moment de leur liquidation. Ces reconnaissances ne seront pas négociables et ne pourront être transportées que dans les formes déterminées par la loi pour les cessions d'obligations entre particuliers.

Art. 19. Les propriétaires de ces reconnaissances auront la faculté de les échanger contre des inscriptions de leur montant au grand-livre de la dette publique. Celles de ces reconnaissances qui n'auront pas été inscrites, seront acquittées suivant le mode qui sera fixé dans la session de la Chambre de 1820.

Art. 20. Les lois des 20 mars 1813 et 23 septembre 1814 sont rapportées en ce qu'elles ont de contraire à la présente..... (Des cris Vive le Roi! interrompent.) En conséquence, la vente des bois de l'Etat cessera d'avoir lieu, et les biens des communes non vendus seront remis à leur disposition comme ils l'étaient avant lesdites lois.

encore

Donné en notre château des Tuileries, le 23 mars, l'an de grâce 1816, et de notre règne le vingt et unième.

Signe LOUIS.

Le ministre secrétaire d'État des finances,
Signé CORVETTO.

Une vive agitation se manifeste dans l'Assemblée, une satisfaction générale y paraît répandue, des cris de Vive le Roi! se font entendre.

Quelques membres: Attendez, attendez.

M. le Président. Messieurs, ce qui vient de se passer à cette séance change le résumé qui devait vous être présenté; mais nous trouvons, dans le projet de loi qui consacre l'initiative royale, l'avantage de nos discussions et le prix de nos efforts. Les questions sur l'arriéré, d'après l'assentiment qui vient de se manifester, consisteront dans les articles du projet présenté. Vous

n'allez actuellement délibérer que sur la première des trois parties du budget; elle se divise en deux points principaux: 10 l'arriéré; 2° l'exercice de 1816.

L'emprunt ou l'impôt de guerre de 100 millions ne fait pas partie de l'arriéré.

Les ministres et la commission proposent de concert de régulariser, par des dispositions législatives, les ordonnances qui ont autorisé des taxes pendant l'occupation militaire. Il n'y a de dissidence que sur le mode. Le projet de loi propose une subvention extraordinaire dont le produit serait destiné à rembourser l'excédant du contingent légal dans l'emprunt, et à soulager les départements qui ont le plus souffert des ravages de la guerre. Le projet de la commission propose de rembourser en rentes tout l'emprunt des 100 millions. Plusieurs opinions particulières sont venues s'interposer entre ces deux projets.

L'un (1) désire un nouvel emprunt de 250 millions, dans lequel seront admis les bons de réquisition et les quittances de l'emprunt de 100 millions; un cinquième payé en numéraire remplirait le but proposé par les ministres du Roi.

D'autres (2) ont demandé que les taxes pour l'emprunt de 100 millions, fussent régularisées par les conseils généraux de département. Il y a eu quelques autres opinions accessoires qui seront reproduites à votre attention.

Il semble qu'on ne puisse parler de l'exercice 1816 sans jeter les yeux sur l'ensemble des trois parties du budget. Ce serait nécessaire si vous arrêtiez maintenant les tableaux des recettes et des dépenses. Mais la Chambre s'occupe d'abord des contributions directes dans la perspective des autres ressources.

La première différence entre le projet des ministres et celui de la commission, c'est que celleci divise le budget en ordinaire et en extraordinaire pour faciliter un jour la fin des charges extraordinaires, quand les conditions qui les nécessitent auront été accomplies.

La perception, la disposition et l'emploi des centimes additionnels sont différemment combinés dans les deux plans.

Les ministres s'étaient bornés à proposer des augmentations sur les droits de succession directe et collatérale, et la commission, en proposant de supprimer les nouveaux droits en ligne directe, change une grande partie de la législation existante sur les droits d'enregistrement.

La retenue sur les traitements a causé peu de dissentiment. La commission a proposé de plus dés réductions combinées sur leurs cumulations. Le plan des ministres et celui de la commission sont les mêmes sur les cautionnements, au sujet desquels néanmoins quelques légères modifications ont été proposées par divers membres dans le cours de la discussion.

Tout le monde a applaudi à la formation de la caisse d'amortissement; seulement on propose de ne l'employer qu'au seul objet d'amortir les rentes, tandis que les ministres rappellent que la confiance publique dont elle est ínvestie pour les dépôts et les consignations semble voter pour lui laisser cette attribution; un vœu général est qu'elle soit plus richement dotée, et la commission s'est réservée d'indiquer pendant la délibération les fonds qui seront destinés à un accroissement de dotation.

Soigneuse d'éviter le danger d'un déficit, la (1) M. Ganilh.

(2) M. le duc de Gaëte, M. Duvergier de Hauranne.

commission a proposé d'ouvrir au ministre un crédit de 6 millions de rentes.

Le président a dû se borner à ce résultat sommaire pour ne pas trop embrasser l'attention à la fois. A mesure que la Chambre délibérera sur chaque titre, tous les amendements seront reproduits. C'est ainsi que vous reverrez ceux qui ont pour objet d'établir une taxe du dixième sur les revenus, de 1 p. 0/0 sur les créances hypothécaires; de diminuer certains cautionnements pour réduire le droit de perception des receveurs. J'ai pu négliger de vous parler de certaines propositions qui ne sont considérées par leur auteur lui-même (1) que comme des voeux pour l'avenir, tels que le rétablissement des corporations, des substitutions, le partage inégal des successions; et vous devez même être impatients de connaître les questions sur lesquelles vous pouvez délibérer aujourd'hui.

Elles dérivent du projet nouveau présenté par les ministres de Sa Majesté, qui paraît heureusement en harmonie avec les idées que M. le rapporteur a exposées en terminant son discours.

Ainsi, en différant de prononcer sur le titre Ier et le titre II de la loi, et sur le mode de remboursement des 100 millions, on pourrait commencer par la partie relative à l'arriéré, si MM. les ministres du Roi y consentent.....

M. le comte Corvetto. Les ministres du Roi adoptent.

On demande à aller aux voix.

M. le Président donne lecture des articles présentés par M. le ministre des finances.

Il met les articles aux voix : ils sont adoptés à l'unanimité inoins un membre, M. Colomb, qui se lève à la contre-épreuve..... A l'instant des cris de Vive le Roi! s'élèvent et sont répétés dans toutes les parties de la salle. L'Assemblée entière est debout au milieu des plus vives acclamations.

M. le Président annonce que l'ordre de la discussion appelle la partie du projet relative à l'emprunt de 100 millions. Il faut remarquer qu'à cet égard la Chambre n'est pas aussi heureuse que relativement à l'objet qu'elle vient de décider; que la commission persiste à vouloir consolider l'emprunt, et que les ministres de Sa Majesté ont présenté d'autres vues.

La discussion s'établit.

M. de Barante combat le système de la consolidation par les motifs qu'il a déjà lui-même établis, par l'impossibilité de consolider des parties de créance qui descendent aux plus faibles quotités.

M. le baron de Salis (2). Messieurs, je viens combattre l'article 5 du titre III dans les deux projets, et proposer à la Chambre d'autres dispositions.

Je crois ces dispositions admissibles, parce qu'elles ne font discordance dans aucun des projets proposés; d'ailleurs je les présente dans l'intérêt des contribuables qui sont arrivés à leurs derniers moyens, des contribuables qu'on pourra bien faire figurer encore sur les rôles pour de nouveaux centimes additionnels, se succédant et s'additionnant sans cesse à d'autres centimes déjà acquittés, mais qu'on se flatterait vainement de leur faire verser comme une source, intarissable. J'aurais besoin de présenter quelques observations préliminaires pour établir mes motifs, mais je serai court, et ne déroberai pas longtemps la

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tribune à ceux de nos collègues qui sont en position de l'occuper honorablement.

du

Il s'agit de la levée extraordinaire qui a été qualifiée assez généralement d'emprunt de 100 millions, quoique le mot d'emprunt ne se trouve nullement dans l'ordonnance 16 août 1815, et que celui de prét n'y soit employé (§ 3) que relativement à l'excédant de la cote provisoire sur la cote définitive.

Cependant le ministre propose de nous décharger de cette contribution de guerre, improvisée dans un besoin impérieux, et d'y substituer une subvention régulière de 75 centimes sur le principal, c'est-à-dire de nous soulager de 100 millions, en nous en imposant 178.

Par ce moyen, toutes les inégalités de la répartition des 100 millions seraient effacées; ici, le gouvernement propose, en même temps, de rembourser les 20 millions avancés par les départements, et de répartir 40 millions d'indemnités à ceux qui auraient le plus souffert des charges de la guerre.

Au total, l'opération serait une grande régularisation; mais aurait cet effet nécessaire de lever sur les contribuables, pour leur rendre ensuite ce qu'il parait bien plus simple de leur laisser, leur épargnant ainsi les frais du rôle, de taxation, de contrainte, etc.

Je n'hésite donc point, dans l'intérêt des contribuables, à rejeter la mesure proposée par les ministres, sans renoncer cependant aux avantages qu'elle présente, et en les cherchant dans d'autres moyens.

Après avoir défendu les contribuables contre le projet des ministres, nous avons à les protéger aussi contre celui de la commission; et voyons comme elle les traite :

Elle propose de rembourser en inscriptions sur le grand-livre la contribution de 100 millions, dont le remboursement n'est ni dû ni promis; elle fait supporter à chaque imposé une perte de deux tiers de sa cote, sans aucune régularisation de la répartition; elle porte en dépense la moitié de vingt millions avancés pour les départements (1); du reste, elle se débarrasse facilement des articles dispositifs et nombreux du titre III des ministres, en rejetant toute opposition d'indemnité; et M. le rapporteur en fournit des motifs, dont nous ne pouvons nous dispenser de rapprocher la singularité pour en faire juger la valeur.

Le premier de ces motifs serait que la somme proposée pour indemnité, se trouve fort au-dessus des pertes réelles des département envahis, foulés, guerroyés, écrasés, d'où M. le rapporteur conclut : que le secours ne pouvant équivaloir au dommage, il est plus convenable de n'en accorder aucun. Dans un autre endroit, M. le rapporteur établit que sur les 36 millions, résultant des centimes extraordinaires qui avaient été destinés, en 1814, à indemniser nos départements ruinés, 35 seulement avaient reçu cet emploi ; et, fidèle au même raisonnement, il en tire cette conséquence, que les départements envahis n'ayant reçu qu'une petite portion des fonds qui leur avait été destinés pour indemnité de leur perte en 1814, il n'y a pas lieu à leur en accorder pour les désastres de 1815. Il est certain que, par cette mesure négative, on ne courra aucun risque de voir les fonds d'indemnités détournés de leur destination spéciale.

(1) Nous n'insisterons pas sur le remboursement des 20 millions, parce que nous le considérons comme garanti dans les deux projets,

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