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Mais est-il possible de supposer le retour de cette distraction de fonds spéciaux, puisqu'il faudrait supposer probables aussi les circonstances déplorables qui l'ont produite?

Enfin, le troisième motif du rapporteur est pris dans l'étendue des temps, considération à laquelle on peut donner une profondeur infinie; et il suppose que les départements de l'Ouest, par exemple, qui ont peu souffert des invasions attirées sur la France par le parti de l'usurpateur, pourraient bien réclamer des indemnités pour tous les dommages que leur a causés la Révolution. Mais, Messieurs, les départements de l'Ouest ont reçu leur indemnité, une indemnité qui prime toutes les autres, que tout Français doit leur envier, qu'aucun ne saurait leur ravir, indemnité qu'on n'évalue point en centimes; je veux dire, et vous l'avez tous dit avant moi, la gloire d'avoir défendu avec éclat et persévérance surtout, la cause du prince légitimé, l'honneur de la nation et la vraie liberté.

Je reviens aux indemnités pécuniaires.

La commissoin, en refusant toute indemnité de cette nature, et en rejetant en même temps la régularisation de la contribution de 100 millions, tombe dans une contradiction manifeste, car la fixation du contingent des départements, telle qu'elle été faite par l'ordonnance du 16 août, a déjà établi des indemnités, comme il a été observé par un de nos collègues ; et la commission, en maintenant cette fixation, maintient les indemnités. Il y a plus, elle maintient des indemnités dont la répartition est devenue vicieuse nécessairement; car la fixation des contingents a été faite alors que tous les événements de la guerre n'étaient point encore arrivés.

Voici un exemple sensible de ces indemnités qui n'étaient que provisoires comme la répartition | elle-même.

De deux départements voisins et à peu près égaux en population et en facultés, l'un, les Ardennes, a été porté pour...... et le second, la Meuse, pour.

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940,000 fr. 135,000 805,000 fr.

On objectera sans doute que le département de la Meuse avait beaucoup souffert, j'en conviens; beaucoup plus que celui des Ardennes, c'est douteux. Mais je l'admets encore; qu'en résulte-t-il? Que le département de la Meuse, pour la modération qu'il a obtenue dans la répartition de 100 millions, a reçu une véritable indemnité de 805,000 francs, comparativement à un département voisin, dans la mème position et les mêmes facultés.

Or, Messieurs, s'il y a eu une seule indemnité d'accordée, toutes celles possibles sont rigoureusement dues; surtout si cette première indemnité porte sur des bases erronées. Telle est celle qui résulte de la fixation des contingents. Car, combien de dommages nouveaux, depuis le 16 août, ont été causés aux départements de la frontière qui, après avoir été foulés du poids total de ces nations armées pour désarmer Bonaparte, et dont les autres départements n'ont reçu que des divisions, ont vu ces mêmes légions chargées de bagages, se reployer en masse agrandie encore sur un territoire déjà trois fois désolé par elles, et une portion formidable de ces armées finir par y prendre position pour une occupation permanente; occupation dont l'établissement, dans les embarras des premiers moments, a prolongé dans ces contrées les calamités de la guerre bien des mois après que le reste de la France, par l'en

tremise de son Roi, en était enfin affranchi. Nos collègues, députés des départements de la frontière, vous auront sans doute entretenus plus d'une fois de la position fâcheuse de leur pays. Mais des circonstances, particulières au département des Ardennes, aggravent singulièrement sa situation. Des considérations militaires, hors de l'influence de notre gouvernement, y ont concentré des troupes d'occupation au delà de toutes proportions avec sa population et ses facultés. Un membre de notre députation vous a exposé avec toute vérité la situation déplorable de ce département et la nécessité de le secourir. Dans sa détresse, il a eu recours au Roi et en a reçu des secours et des espérances. Par les ordres de Sa Majesté, les ministres ont fait tout ce qu'il leur était possible de faire dans la situation du Trésor et les besoins journaliers. Mais ils n'ont pu replacer des gerbes dans les granges épuisées, des boissons dans les celliers taris, des bestiaux dans les étables désertes. Il a fallu donner d'abord tout ce qu'on avait, et ensuite tout ce qu'on n'avait plus; il a fallu aller acheter chez l'étranger la substance pour l'étranger. Cependant ces contributions ont continué d'ètre demandées et d'être acquittées; aux centimes extraordinaires ont succédé de nouveaux centimes, et après ceux-ci des centimes encore. La nécessité sans doute excuse ces mesures; mais, Messieurs, repoussons enfin cette théorie fiscale que nous a léguée l'usurpateur, qu'il regardait comme la pierre philosophale trouvée en finances, et qui consistait dans le niveau entre des besoins à créer et des centimes à imposer.

Si on ajoute à toutes ces charges de centimes, pour l'habitant, l'exercice obligé d'une hospitalité permanente; pour le cultivateur, des réquisitions journalières de charrois qui interrompent ses travaux, et le forcent à laisser son ménage à la discrétion de l'étranger, vous jugerez peut-être, Messieurs, qu'il n'est point hors de notre devoir de plaider pour l'indemnité.

Mais vous ne détournerez pas la main secourable du monarque qui se proposait de répandre des soulagements sur les départements les plus épuisés, et leur en a fait apparaître l'espérance dans le projet de ses ministres.

Vous ne perdrez point de vue l'importance de vos frontières, de cette ligne de défense peuplée d'une race vraiment militaire, et qui fut le boulevard de la France aussi longtemps que ses efforts furent dirigés pour le gouvernement légitime.

Vous considérerez combien il est politique de fortifier dans ces contrées, par un traitement favorable, l'attachement des habitants pour le gouvernement rétabli, et vous n'encouragerez pas, par une mesure négative, qui paraîtrait un abandon affecté, l'audace de ces agitateurs qui voudraient, en plaignant des Français dans leurs souffrances, leur faire rêver une autre patrie.

D'après toutes ces considérations, nous rejetons le mode de remboursement du projet des ministres, parce que c'est à trop haut prix et sous la forme d'un surcroît de contributions qu'il nous offre des indemnités; celui de la commission, parce qu'il ne nous en concède aucune. Nous insistons pour qu'il en soit accordé, puisque les propositions des ministres en ont répandu l'espérance. Nous en demandons, sinon pour le passé, du moins pour le présent, en faveur des départements occupés, et, n'ayant à choisir qu'entre des moyens tous vicieux, nous faisons les propositions suivantes, qui pourront être rédigées en articles si elles sont agréées.

1° Qu'il n'y ait d'autre remboursement sur la contribution de 100 millions, qu'une régularisation par département, avec considération pour les classes les moins aisées, et dont le mode au surplus sera déterminé par les ordonnances du Roi.

2o Qu'il soit mis à la disposition du gouvernement un fonds d'indemnité en inscriptions sur le grand-livre, pour être réparti par ordonnance de Sa Majesté.

3o Que ces indemnités ne soient point réalisées en versement de fonds ni en bons à valoir, mais en dégrèvement effectif sur les contributions de 1816, pour la totalité ou portion notable des centimes additionnels.

4o Que les rentes d'indemnité ne soient créées qu'à mesure des besoins, pour remplir dans les caisses le déficit que les dégrèvements y auraient produit.

M. Corbière, rapporteur, défend le principe de la consolidation, en faisant observer que si on régularise l'emprunt, ce sera aux dépens des petits contribuables, car ceux qui auront prêté des sommes fortes les donneront en payement de leurs contributions cela sera juste; mais les petits contribuables seront moins bien traités que si on consolide. Déjà assez de centimes sont établis, et c'est cette raison qui a arrêté la commission. En thèse générale, la régularisation de cet emprunt, de quelque manière qu'elle ait lieu, trouve le gouvernement désintéressé, et il y a une foule de prêteurs qui se feront un bonheur et un honneur de renoncer à leur remboursement.....

Une foule de voix : C'est vrai.....

Un grand nombre d'autres : Nous... nous... nous tous...

M. le Rapporteur termine en exprimant l'idée, qu'on pourrait suivre pour les 100 millions le système adopté pour l'arriéré, rendre l'inscription facultative et atermoyer le remboursement du capital des prêteurs non inscrits.

La discussion est interrompue.

M. le Président annonce que M. le duc de Richelieu désire être entendu pour une communication à faire à la Chambre de la part de Sa Majesté.

Le duc de Richelieu monte à la tribune: un profond silence s'établit.

M. le duc de Richelieu. Le Roi m'a chargé de vous donner connaissance d'un événement aussi heureux pour l'Etat que pour sa propre famille, et dont il éprouve une satisfaction qui sera vivement partagée par vous, Messieurs, et par la nation entière.

Après tant d'années de troubles et de malheurs, la France, rendue à son ancienne destinée, à ses mœurs, à la famille de ses rois, demandait à assurer pour l'avenir le bonheur dont elle commence à jouir; c'est à ce vou, à ce grand intérêt de ses peuples, que la sagesse et la bonté du Roi viennent de pourvoir en arrêtant le plan du dernier établissement qui lui restait à former au sein de sa famille. S. A. R. Mgr le duc de Berri doit incessamment unir son sort à celui de la princesse Marie-Caroline des Deux-Siciles, comme lui issue de Louis XIV, et en même temps arrière-petitefille de cette Marie-Thérèse qui fut illustre parmi les femmes illustres, et grande parmi les grands rois. Une telle union formée sous d'heureux auspices, vous le jugerez comme moi, Messieurs, nous permet de nous livrer pour le présent et pour l'avenir aux plus flatteuses espérances.

Vous êtes appelés à concourir à cet heureux

T. XVI.

événement par des dispositions législatives dont les motifs sont exprimés dans le préambule du projet de loi que Sa Majesté m'a ordonné de vous présenter. Il s'agit de régler la dotation qui tient actuellemeut lieu d'apanage aux princes et princesses de la famille royale, et de déterminer la somme qui sera affectée aux dépenses extraordinaires qui devront être faites dans cette circonstance.

De longs développements sur un tel objet seraient superflus devant vous, Messieurs, pénétrés comme vous l'êtes, et je dirai même péniblement affectés des sacrifices que le Roi et les princes ont cru devoir s'imposer spontanément dans les circonstances difficiles où nous nous trouvons. Il est néanmoins de mon devoir de vous faire connaître que les ministres du Roi, après avoir calculé sur cette considération même la mesure de la disposition qu'ils devaient vous proposer, on encore dû souscrire pour un certain nombre d'années à une réduction considérable sollicitée par M. le duc de Berri lui-même.

Je vais avoir l'honneur de vous donner communication du projet de loi.

LOUIS, PAR LA GRACE DE DIEU, ROI DE FRANCE ET DE NAVARRE,

A tous ceux qui ces présentes verront, salut.
Notre conseil entendu,

Nous avons ordonné et ordonnons que le projet de loi dont la teneur suit sera présenté à la Chambre des députés par notre secrétaire d'Etat au département des affaires étrangères.

Le désir constant qui nous anime, d'assurer par tous les moyens qui sont en notre pouvoir la stabilité de l'Etat et le bonheur des peuples que la divine Providence à confiés à nos soins, nous ayant fait considérer comme un devoir de pourvoir à l'établissement de notre très-cher neveu le duc de Berri, nous nous sommes déterminés à l'unir à la princesse Marie-Caroline des Deux-Siciles; et comme par l'article 23 de la loi qui a déterminé la dotation de notre couronne, il a été statué que lorsqu'il surviendrait un changement dans le nombre des membres de notre famille, il serait pourvu à une fixation nouvelle de cette dotation, et qu'il est nécessaire en outre de régulariser par une disposition législative les dépenses que ce mariage occasionnera ;

A ces causes, nous avons ordonné ce qui suit : Art. 1er. Il sera payé annuellement par le trésor royal une somme de 1 million de francs pour être ajoutée à celle qui, en vertu de l'article 23 du titre III de la loi du 8 novembre 1814, est destinée à tenir lieu d'apanage aux princes et princesses de la famille royale.

Art. 2. La somme mentionnée dans l'article précédent sera réduite à 500,000 francs par an pendant cinq années. (Non, non, s'écrient un grand nombre de membres.... Des cris de Vive le Roi! succèdent.)

Art. 3. Le budget du ministère des affaires étrangères sera augmenté pour la présente année de la somme de 1 million, qui doit être affecté tant aux dépenses du mariage et de l'établissement de notre cher neveu le duc de Berri, qu'à celles des présents qui seront faits dans cette circonstance, et aux prix des joyaux et diamants qui ont été stipulés dans le contrat. Donné à Paris, le 23 mars 1816. Signé LOUIS.

Par le Roi:

Le ministre secrétaire d'Etat au département des affaires étrangères

Signé RICHELIEU.

On demande à aller aux voix.....

M. le duc de Richelieu continue. Il me reste, Messieurs, un autre devoir à remplir; je vais vous communiquer une ordonnance que le Roi vient de rendre, et dont l'objet est de déterminer les formalités nécessaires pour constater l'état civil des princes et princesses de la maison royale, et 44

remplir à leur égard les règles prescrites par notre législation actuelle.

Je vais avoir l'honneur de vous en donner lecture.

(Voir plus haut, Chambre des pairs, séances de ce jour, le texte de cette ordonnance.)

Un grand nombre de membres demandent la parole.

M. le Président donne acte aux ministres de Sa Majesté de la présentation des deux projets de loi. Il annonce qu'aux termes du règlement ils seront imprimés, distribués et renvoyés à l'examen des bureaux.

M. le marquis de Puyvert demande à être entendu.

M. le Président fait observer que plusieurs membres désirent l'être; que parmi eux M. de Puyvert est le premier, que le renvoi aux bureaux parait interdire toute discussion pour le moment, mais que la Chambre peut décider si, dans une circonstance aussi intéressante, elle peut enfreindre son règlement et entendre l'orateur qui se présente.....

Un mouvement d'adhésion générale se manifeste.

M. le marquis de Puyvert. Messieurs, nos désirs sont enfin accomplis; une jeune princesse de la maison de Bourbon, en s'unissant au digne frère du héros du Midi, à ce jeune prince, qui s'est montré dès les premiers pas dans sa carrière le digne émule des héros de sa race, vient ajouter de nouvelles espérances aux vœux ardents que la France entière adresse au Tout-Puissant, pour obtenir un rejeton de saint Louis de cette auguste princesse, modèle de toutes les vertus, qui offre à nos yeux tous les genres d'héroïsme, et dont le bonheur est si nécessaire au nôtre.

La communication que Sa Majesté vient de faire à sa fidèle Chambre des députés, va répandre l'allégresse dans tous les cœurs français, et cette année, que de si grands sacrifices devaient rendre si pénible, deviendra pour nous l'ère d'un bonheur sans nuages.

Mais dans cette heureuse circonstance, en rendant un hommage si bien mérité aux vues paternelles du souverain que le ciel nous a rendu deux fois, et qui met l'économie la plus rigoureuse au rang de ses vertus royales, ne devons-nous pas aller au delà de ses désirs? N'oublions pas qu'il a déjà fait aux besoins impérieux de ses sujets le sacrifice, d'un tiers de sa liste civile, sacrifice qui ne coûte à son cœur qu'en raison des bornes qu'il met à sa bienfaisance. Quel est le Français digne de ce nom glorieux, qui ne fasse avec enthousiasme un abandon, même sur son nécessaire indispensable, pour entourer le trône d'une splendeur digne du sang de nos rois?

J'en appelle à vous tous, mes dignes collègues, j'en appelle à tous les Français.

Je propose que la Chambre exprime, dans une adresse au Roi, les sentiments dont elle est électrisée, et qu'elle supplie Sa Majesté d'accepter un million pour la liste civile de madame la duchesse de Berri, et deux millions pour subvenir aux frais de ses noces.

Je demande comme une faveur pour des sujets fidèles, qu'il soit ouvert une souscription dans les mairies des villes au-dessus de 10,000 âmes, et dans les secrétariats des grandes administrations, pour y recevoir les offrandes de l'amour et de la fidélité, et que le fruit de cette cotisation vraiment patriotique soit répandu dans le sein de l'indigence, afin que les malheureuses

victimes de la Révolution puissent aussi mêler les accents de la reconnaissance aux acclamations de la joie universelle.

Un grand nombre de membres, en appuyant l'orateur, demandent le renvoi aux bureaux. Une foule de membres : Une députation au Roi... M. de Marcellus se présente à la tribune. M. le Président. Il est naturel que les propositions se succèdent dans un moment où de si nobles sentiments ont le besoin d'être exprimés. M. de Marcellus veut aussi faire la proposition d'une adresse; vos bureaux prendront en considération toutes les propositions qui pourront être faites, et il vous en sera fait des rapports par la commission qui sera nommée.

M. le duc de Richelieu, du banc des ministres. Je demande à la Chambre la permission de lui faire observer que la Chambre des pairs, à laquelle la même communication a été donnée, a décidé que sa grande députation serait envoyée au Roi.

M. le Président. Il faut d'abord demander au Roi l'autorisation nécessaire pour que la députation lui soit envoyée.

M. Pardessus. On a voté sur-le-champ le jour de la présentation du testament de la Reine...

M. le duc de Richelieu. La Chambre des pairs a fait demander à quelle heure Sa Majesté pourrait recevoir sa grande députation.

M. le Président. Je vais à l'instant faire demander les ordres du Roi.

M. le baron Dufourgerais. Je demande que la Chambre se retire à l'instant dans ses bureaux, et que la députation, si elle est admise, puisse se présenter ce soir devant Sa Majesté.

Plusieurs membres proposent de tirer sur-lechamp au sort les noms des membres de la dépu

tation.

M. le Président tire de l'urne les noms qui suivent :

M. le baron de La Lézardière, M. le comte de Pisieux, M. le duc de Mouchy, M. le baron de Berkeim, M. Castel, M. le comte Humbert de Sesmaisons, M. d'Hardivilliers, M. le baron de Salis, M. Pontet fils, M. Blondel d'Aubers, M. le baron Blin de Bourdon, M. Arnault, M. de Saint-Vallier, M. le comte Bouvet de Louvigny, M. Bull, M. de Pouilly, M. le baron de Vitrolles, M. le baron de Jumillac-Chapelle, M. le baron Augier, M. de Calvière; M. de Frotté remplacera M. le marquis de La Maisonfort, l'un des secrétaires, malade.

M. le Président annonce que la commission qui sera nommée présentera le projet d'adresse au Roi.

M. le comte de Marcellus. Nous devons éviter ici toute perte de temps. Un moyen plus simple serait d'inviter notre digne président de se charger de la rédaction de l'adresse.

M. le Président annonce que le bureau se charge de cette rédaction.

M. de Kergorlay, secrétaire. Je demande que M. le Président veuille bien se charger de la rédaction de l'adresse ; une heureuse expérience a prouvé que nous ne pouvons jamais parler mieux que quand il parle pour nous...

Un cri général s'élève : Appuyé ! Appuyé ! M. le Président invite les membres de la députation à se réunir ce soir, à huit heures, au palais, dans le cas où la députation serait admise, afin de pouvoir se rendre auprès du Roi dès ce soir.

Il indique pour lundi prochain, à dix heures, la tenue des bureaux, et pour midi la séance publique.

CHAMBRE DES DÉPUTÉS.

PRÉSIDENCE DE M. LAINÉ.

Séance du 25 mars 1816.

Le procès-verbal de la séance du 23 mars est lu et adopté.

M. le Président rend compte à la Chambre de l'audience que la grandre députation a reçue, dans la soirée du 23 mars, du Roi, de MONSIEUR et de Mgr le duc de Berri. Il donne lecture à la Chambre des discours adressésau Roi et à LL. AA. RR. et des réponses de Sa Majesté et des princes.

A huit heures et demie, la grande députation de la Chambre des députés a été conduite et présentée au Roi avec le cérémonial ordinaire.

M. Laine, président de la Chambre des députés, s'est exprimé ainsi :

« SIRE,

« Vos fidèles sujets de la Chambre des députés viennent mêler leurs félicitations et leur reconnaissance à la joie de Votre Majesté; ils se réjouissent avec toute la France de voir un rejeton de Louis XIV unir sa destinée à la petite-fille de Marie-Thérèse. Si le ciel permit que les deux maisons, qui ont une commune origine, fussent frappées des mêmes adversités, il leur préparait de loin la même réparation; on dirait que la Providence attendait le dernier terme de leurs infortunes et leur inébranlable rétablissement sur le trône de France et sur le trône des DeuxSiciles, pour inspirer la royale union par laquelle, en comblant les voeux de deux peuples, elle semble achever ses desseins.

« Les Français, Sire, en voyant un jeune prince s'allier à une princesse du même sang, de la même religion, instruite par les mêmes leçons, se reposent dans l'espérance que l'auguste race des Bourbons perpétuera cette légitimité, garantie du bonheur du peuple.

« Les députés des départements à qui il doit être permis de dire qu'ils représentent la France quand ils portent au pied du trône l'hommage de son amour, sont fiers d'être appelés à concourir à la splendeur d'une aussi noble alliance : ils sont impatients, Sire, de remplir cet honorable devoir d'une manière digne de Votre Majesté et de la nation française. »>

a

LE ROI a répondu :

« Je reçois avec un bien véritable plaisir l'as«surance des sentiments de la Chambre des dé« putés dans une aussi heureuse occasion: en multipliant le nombre de mes enfants, je ne « fais qu'augmenter le nombre des amis de mon << peuple. J'aurais bien voulu, dans une semblable « circonstance, ne rien lui demadder; mais j'au« rais cru blesser les sentiments de la nation « française, en ne l'associant pas à un acte « solennel qui ajoutera au bonheur de ma vie. » La grande députation de la Chambre des députés, d'après la permission demandée au Roi par M. Lainé, s'est ensuite rendue chez MONSIEUR et chez Mgr le duc de Berri, conduite et présentée comme elle l'avait été chez Sa Majesté.

M. Lainé a adressé la parole à MONSIEUR en ces termes :

« MONSEIGNEUR,

« Le Roi, à qui nous venons de rendre les hommages de la Chambre des députés, nous a permis de les présenter à Votre Altesse Royale. Heureux père de ce prince sage et valeureux dont le sort

est uni à l'auguste fille du meilleur des rois, votre bonheur va se combler par une alliance qui, en transmettant des vertus héréditaires, donne à la France l'espoir de voir se multiplier les soutiens du trône et les descendants de saint Louis. >>

MONSIEUR a répondu :

« Je ne saurais assez vous exprimer combien « je suis touché des sentiments de la Chambre « des députés; ma famille, éprouvée par les plus <«< cruels revers, les oublie tous en pensant qu'elle « peut encore contribuer au bonheur des Fran<< çais.

༥ C'est là, Messieurs, le plus ardent de tous « nos vœux ; oui, Messieurs, et si nous désirons « voir notre famille se multiplier, c'est que nous << avons la certitude que les Bourbons ne cesse«ront jamais, à l'exemple de leurs ancêtres, de «se consacrer entièrement à la gloire et à la a prospérité de la France.

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Et devant qui, Messieurs, pouvons-nous

<< mieux exprimer les sentiments qui nous ani«ment, que devant une Assemblée qui les partage éminemment, et qui est si digne de re« présenter la nation française? »

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La grande députation de la Chambre des députés, présentée à Mgr. le duc de Berri, M. LAINÉ a dit:

« MONSEIGNEUR,

« C'est au Roi, c'est à votre auguste père que nous avons rendu les hommages de sujets fidèles et de Français pleins d'espérances: ils ne pouvaient nous donner une plus douce preuve de leur satisfaction, qu'en nous permettant de vous exprimer la joie de nos cœurs; nous étions impatients, Monseigneur, de vous dire les vœux qu'ils forment pour votre bonheur, pour celui de l'Etat. Puisse le ciel, en bénissant la noble union que vous allez former, donner à la France de nouveaux princes qui soient, comme Votre Altesse Royale, héritiers du cœur d'Henri IV et des vertus des Bourbons! >>

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M. LE DUC DE BERRI a répondu :

Je suis bien sensible aux vœux que la Chambre des députés fait pour mon bonheur : celui « de la France sera toujours le plus ardent de « mes désirs. J'aurai, je l'espère, des enfants qui « comme moi trouveront inné dans leur cœur « l'amour des Français.

« Je vous vois toujours, Messieurs les députés, « avec un nouveau plaisir; je voudrais pouvoir exprimer à chacun de vous en particulier mes sentiments. »>

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On demande des toutes parts l'impression.

M. le comte de Marcellus. Pardonnez à un de vos collègues s'il ose se rendre l'interprète de tous; mais dans une circonstance si importante, si heureuse, si solennelle, comment un Français pourrait-il contenir les élans de son cœur?

Quel merveilleux concours de grands et mémorables événements! Par quel enchaînement de prodiges politiques, par quels rapprochements heureux et singuliers se plaît à se manifester la Providence devenue visible, du Dieu qui sauve par de continuels miracles l'empire du Roi trèschrétien! C'est le jour qui affranchit, pour ainsi dire, de nouveau, les communes, en leur rendant leurs domaines, qui arrache au génie dévorant de la Révolution la seule proie qui lui eût échappé, qui rétablit et consacre le dogme de la propriété, et par conséquent celui de la légitimité. C'est le jour qui remet la vertu, l'honneur et la foi sur le

trône, et qui par là rend inébranlable le trône du fils de saint Louis, qui promet à la religion de nos pères un nouveau règne pour notre bonheur; c'est le jour où le retour aux saines doctrines est solennellement proclamé par les députés de la nation, et salué des cris sauveurs de Vive le Roi! c'est ce jour miraculeux qui nous apporte la plus fortunée des nouvelles, et qui assure à notre France la perpétuité de la famille chérie de ses Bourbons dont elle est si fière. Après des marques si signalées de la protection de la Providence, qui pourrait douter de notre salut?

O race auguste de nos rois, soyez bénie! Perpétuez-vous d'âge en âge pour le bonheur et le repos de notre patrie infortunée qui va voir luire enfin de meilleurs jours! Tige illustre des lis, brillez d'un nouvel éclat. Que des fleurs sans nombre viennent vous embellir, ajouter à votre splendeur et à nos espérances! Vous avez donné à la France ses meilleurs et ses plus grands monarques, à l'Eglise des saints et des martyrs, à l'univers des modèles accomplis de toutes les vertus. Non, jamais une famille mortelle ne fut dépositaire de si hautes destinées! Sur vous reposent les plus chers intérêts des peuples et des rois. Placée, en quelque sorte, entre le ciel et la terre, pour étonner la terre par votre constance et vos malheurs, pour fléchir le ciel par vos vertus et votre piété, vous nous présentez le modèle de la plus touchante union. Ah! qu'elle règne cette union précieuse, qu'elle règne dans la grande famille des Français, comme dans la famille de leur souverain! Aimons-nous tous comme vous vous aimez. Qu'un sang si fécond en grands hommes perpétue sa gloire et notre félicité ! Qu'une nouvelle génération de héros descende du ciel pour gouverner à son tour la France qu'auront pacifiée la sagesse et les vertus d'un roi, père de son peuple! Que s'il reste encore alors quelque trace de nos erreurs et de nos maux, ce souvenir fasse mieux apprécier la sécurité qu'on goûtera sous ce règne pacifique. Qu'une compagne soit donnée à la fille chérie et révérée de Louis XVI et d'Antoinette! Que le héros du Midi ait une sœur à aimer! Que le meilleur des Rois, que le plus aimable des princes, ait une fille de plus à chérir! Qu'un jeune prince enfin en qui brillent la valeur et la bonté du grand Henri son aïeul, s'allie au sang de Marie-Thérèse, et donne ainsi sous les plus heureux auspices de nouveaux appuis au trône légitime, notre espérance, notre salut, l'espérance et le salut de l'Eglise, de la France et du monde !

J'appuie fortement la demande de l'impression. La proposition est unaniment adoptée.

M. de Castelbajac. Messieurs, organe de la commission nommée par vos bureaux pour examiner le projet de loi proposé au nom de Sa Majesté par M. le ministre des affaires étrangères (1), relativement au mariage de S. A. R. Mgr le duc de Berry, je suis chargé de vous faire connaître l'unanimité de ses sentiments. Chacun de vous pouvait déjà les préjuger, par celui qu'il éprouvait lui-même. Tous Français, nous devions tous n'avoir qu'une seule pensée, qu'un seul væu, dans une circonstance qui est pour nous le gage assuré du bonheur de la France; le mariage d'un fils de Henri IV nous répond de l'avenir; il

(1) Les membres de la commission sont MM. le viComte de Castelbajac de Marquill, Froc de la Boullaye, Richard, de Marendet, le baron de Jumilhac, Pardessus, le comte de Caumont, le comte de Humbert de Sesmaisons.

nous reporte vers le passé, et en nous ramenant à des souvenirs de gloire, de loyauté et d'honneur, il est le sûr garant de l'oubli de nos longues infortunes.

Votre commission vous propose, Messieurs, l'adoption de l'article 1er du projet de loi, qui porte que la somme de 1 million de francs sera annuellement payée par le Trésor royal pour être ajoutée à celle qui est destinée à tenir lieu d'apanage aux princes et princesses de la famille royale.

L'article 2 de la loi proposée, qui réduit pendant cinq ans cette somme à 500.000 francs, a ex cité dans tous vos bureaux le sentiment le plus profond de respect et de reconnaissance pour la sollicitude paternelle du Roi envers ses peuples; mais à ce sentiment, Messieurs, s'est mêlé celui du devoir que nous impose l'amour de tous les Français pour la famille de saint Louis, l'obligation si douce de le manifester, la dignité, l'éclat du trône, et la certitude que la France verrait avec le plus vif regret que le Roi, après tant de sacrifices, s'en imposât encore de nouveaux. Il nous a semblé entendre, de toutes nos provinces, ce cri qui est au fond des nos âmes : C'est pour nous une fétede famille. C'est le fils du Béarnais qui s'unit à la petite-fille de Louis XIV et de Marie-Thérèse !...

Votre commission vous propose la suppression de l'article 2.

L'article 3 affecte au budget du ministre des af faires étrangères une augmentation de 1 million pour être appliqué tant aux dépenses du mariage et de l'établissement de Mgr le duc de Berri qu'à celles des présents qui seront faits dans cette circonstance, et aux prix des joyaux et diamants qui ont été stipulés dans le contrat.

Les mêmes raisons qui ont motivé aux yeux de votre commission la suppression de l'article 2, l'engagent à porter, par amendement, à 1,500,000 francs la somme de 1 million stipulée dans l'article 3.

Nous avons la confiance, Messieurs, que le Roi daignera, en acceptant ces amendements, donner à la Chambre une nouvelle marque de sa bienveillance; nous avons la certitude que nos concitoyens nous trouveront les interprètes fidèles de leurs sentiments.

On demande de toutes parts à aller aux voix.

M. le Président. Malgré l'unanimité qui se manifeste au sein de la Chambre, il est de mon devoir de lui rappeler que rien ici ne peut entraîner à la violation du règlement. Le rapport de M. Castelbajac sera imprimé, et la discussion s'ouvrira après-demain.

L'ordre du jour appelle la discussion sur le budget, partie relative à la contribution de guerre de 100 millions.

M. de Villèle ouvre cette discussion en rappelant sa première objection contre le projet des ministres. A l'égard de cette contribution, c'est un impôt que les ministres proposent pour rembourser la contribution de 100 millions. Un impôt aura l'inconvénient majeur de faire sortir de l'argent de la poche du pauvre pour rembourser le riche qui a prêté. Ce ne peut être l'intention de la Chambre; c'est pour cela que la commission a proposé la consolidation: mais à cet égard même je ne partage pas l'opinion de la commission. J'éprouverais un sentiment pénible à voir charger le grand-livre de la dette publique pour un remboursement d'un emprunt qui doit être en grande partie considéré comme un impôt. Je ne crois pas qu'un impot soit admissible pour le remboursement d'un impôt. La régularisation même serait

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