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M. le Président. Pour trancher toute difficulté, on pourrait se servir de l'expression générale : les départements.

Cet avis réunit tous les suffrages, et l'article avec cette rectification est adopté.

M. le Président rappelle la demande de M. le ministre de l'intérieur, reproduite et développée par M. le commissaire du Roi, Dudon, relative au mouvement des fonds.

M. Corbière la combat. Il faut, dit-il, être conséquent; il faut que la spécialité soit positive, ou qu'elle n'existe pas; si, au moment du besoin, les fonds ont été déplacés et qu'il faille les redemander, vous n'avez rien obtenu et vous n'avez ried fait.

M. le baron Pasquier insiste de nouveau. Il représente que rien ici ne détruit la spécialité, mais qu'il y aurait de l'inconvénient à ôter au Trésor une liberté de mouvements, une disponibilité dont l'expérience a prouvé l'extrême utilité depuis l'organisation des caisses de service. Une fois que le fonds est spécialisé, le ministre ne peut s'en emparer et l'appliquer à d'autres usages; mais il doit pouvoir en disposer quand il est disponible, pourvu qu'il tienne le remplacement prêt, et cela sous sa responsabilité. Si vous n'adoptez pas la disposition, vous portez un coup très-sensible aux opération du Trésor.

M. de Barante donne des explications sur la nature de ces mouvements, qu'il regarde comme indispensables et qui ne compromettent en rien la sûreté de l'application des fonds spécialisés. Il insiste également sur l'admission de la disposition.

M. le Président fait remarquer que le mouvement réclamé ne peut plus s'exercer que sur les 10 centimes, et qu'ainsi la difficulté n'est peutêtre pas si grande qu'on pourrait le penser.

M. de Villèle ajoute que le crédit est ouvert aux préfets au lieu de l'ètre au ministre : c'est ce que nous voulons, dit-il, afin que les fonds soient toujours disponibles pour les dépenses auxquelles ils sont affectés, et qu'on ne puisse point les détourner de cette affectation ni la retarder; c'est le retard ici que nous craignons; l'ordonnance du préfet doit suffire pour obtenir les fonds affectés. Sans cela, il n'y a point de spécialité. J'ajoute que les centimes se payent par douzième, et qu'il n'est pas présumable qu'il y ait souvent des fonds restés en caisse. Ainsi l'on ne peut dire que les mouvements du Trésor soient gênés, puisqu'il ne s'agit que de très-petites valeurs.

On demande la question préalable. Elle est adoptée.

M. Josse-Beauvoir obtient la parole, et, après avoir rappelé les malheurs dont l'usurpation a couvert la France, malheurs que la France n'a dû qu'à la perfidie de quelques hommes et à l'entraînement ou à la faiblesse d'un trop grand nombre, il énumère les charges pesantes que doit supporter la nation. Il est utile, ajoute l'orateur, que chaque contribuable ait constamment cette idée présente que ce n'est pas le gouvernement paternel de Louis XVIII qui lui fait supporter ce fardeau, mais qu'il le supporte parce qu'il a un moment perdu le bienfait de son gouvernement légitime. Il faut enfin, dit-il, que le peuple sache ce qu'il en coûte pour se livrer à un usurpateur et pour abandonner la cause de ses rois. L'orateur demande que dans les quittances de contribution on spécifie les contributions ordinaires et celles extraordinaires que l'usurpation a nécessitées.

Cet avis est vivement appuyé. L'Assemblée reste longtemps agitée.

M. Dudon. Il faudrait faire réimprimer toutes les quittances de contributions existantes. M. Josse. Les rôles ne sont pas faits.

M. Hyde de Neuville. Cette proposition ne semble pas de nature à faire partie de la loi du budget; ce serait au plus le sujet d'un règlement d'administration.

M. le Président demande à M. Josse-Beauvoir s'il retire se proposition.

M. Josse-Beauvoir. Je reconnais qu'il n'est peut-être pas convenable de faire de ma proposition le sujet d'un article de la loi qui vous occupe, mais il importe que cela soit fait.

M. le Président. L'auteur de la proposition rentrant dans l'idée qu'elle est un simple objet d'administration, nous passerons aux articles suivants.

Les articles 20, 21 et 22 sont adoptés.

Art. 20. La répartition et la sous-répartition de la contribution foncière et de la contribution personnelle et mobilière seront faites par les conseils gnéraux et par les conseils d'arrondisse

ment.

Art. 21. La répartition et la sous-répartition de la contribution des portes et fenêtres seront faites, comme précédemment, par les préfets et souspréfets.

Art. 22. Les traitements fixes et remises des receveurs généraux et des receveurs particuliers, ainsi que les remises des percepteurs à vie, seront imposés en sus dans les rôles des quatre contributions.

Ladiscussion s'établit sur l'article 23 ainsi conçu: Art. 23. Il sera aussi, comme précédemment, imposé en sus 5 centimes au principal de la contribution foncière et de la contribution personnelle et mobilière de 1815, pour subvenir aux dépenses des communes. Il ne pourra, sous aucun prétexte, être fait de prélèvement sur ces 5 centimes.

M. le Président rappelle qu'il a été proposé d'ajouter par addition à cet article du projet de la commission, l'article 14 de la loi du 23 septembre 1815, dont la teneur suit :

Art. 14. « Dans le cas où ces 5 centimes épuisés, la commune aurait à pourvoir à une dépense véritablement urgente, le conseil municipal est autorisé à convoquer les propriétaires et les habitants. La délibération prise par eux à la majorité des voix, sera adressée au préfet qui la transmettra au ministre et secrétaire d'Etat des finances, pour y être statué. »

M. le baron de Talleyrand insiste pour que les communes aient la faculté de s'imposer dans les cas reconnus nécessaires par les conseils municipaux, avec l'avis du préfèt approuvé du ministre de l'intérieur.

M. Corbière trouve des inconvénients à la proposition.

M. de Talleyrand insiste. On ne dit pas aux communes, dit-il, imposez-vous; on demande qu'elles en aient la faculté, et cette faculté leur est assurée par l'article de la loi du 23 septembre, qu'il faut ajouter à la présente loi.

M. Corbière demande au moins qu'il soit rappelé positivement que les conseils municipaux ne peuvent être convoqués que du consentement du préfet.

Ce seul amendement est adopté.

M. Chilaud de la Rigaudie demande que la convocation des quatre plus imposés soit nécessaire.

[blocks in formation]

Le procès-verbal de la séance du 26 mars est lu et adopté.

M. le duc de Richelieu est introduit et prend place au banc des ministres.

M. le Président annonce que l'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi relatif à la dotation de Mgr le duc de Berri.

Plusieurs voix s'élèvent: Point de discussion. Aux voix, aux voix !

Aucun orateur ne demande la parole. La Chambre demande à aller aux voix.

M. le Président donne lecture de l'article 1er, ainsi conçu:

« Il sera payé annuellement par le Trésor royal une somme de 1 million de francs pour être ajoutée à celle qui, en vertu de l'article 23 du titre III de la loi du 8 novembre 1814, est destinée à tenir lieu d'apanage aux princes et princesses de la famille royale. »

L'article est mis aux voix et adopté à l'unanimité.

M. le Président lit l'article 2 ainsi conçu : «La somme mentionnée dans l'article précédent sera réduite à 500,000 francs par an pendant cinq années. »>

On demande de toutes parts la question préalable. La question préalable est mise aux voix el adoptée à l'unanimité.

M. le Président lit l'article 3 ainsi conçu : « Le budget du ministre des affaires étrangères sera augmenté pour la présente année de la somme de 1 million, qui doit être affecté tant aux dépenses du mariage et de l'établissement de notre cher neveu le duc de Berri qu'à celles des présents qui seront faits dans cette circonstance, et au prix des joyaux et diamants qui ont été stipulés dans le contrat. »>

M. le Président rappelle que la commission, dont M. Castelbajac a été l'organe, indépendamment de la suppression de l'article 2, a proposé de porter à 1,500,000 francs la somme stipulée dans le premier article.

On demande à aller aux voix.

L'article est adopté unanimement avec l'amendement de la commission. Des cris de Vive le Roi! s'élèvent.

M. le duc de Richelieu. Messieurs, les sentiments que la Chambre vient de manifester ne peuvent que causer au Roi la plus douce satisfaction. Sa Majesté en était d'avance convaincue, et en m'ordonnant d'en témoigner sa sensibilité, elle m'a prescrit de vous faire connaître qu'elle acceptait l'offre que le vœu unanime de la Chambre ne lui permet pas de refuser plus longtemps. Mais, en même temps, le Roi, fermement résolu à maintenir la plus sévère économie et à écarter même, dans l'événement heureux qui va consoler la France, tout faste inutile, toute ostentation superflue, destine les 500,000 francs que vous venez de voter, au soulagement immédiat des départements qui ont le plus souffert dans les deux invasions.... (A ces mots, un mouvement général

éclate dans l'Assemblée; les cris de Vive le Roi! retentissent de toutes parts.....)

Mgr le duc de Berri partage tous les sentiments du Roi, et m'a ordonné d'en être, auprès de la Chambre, l'interprète fidèle. Son Altesse Royale, vivement émue des maux qu'ont éprouvés diverses parties de la France, s'estime heureuse de trouver dans la libéralité de la Chambre à son égard le moyen de les adoucir. C'est à ce noble usage que Mgr le duc de Berri se propose de consacrer annuellement, pendant cinq ans, les 500,000 francs dont vous venez d'augmenter l'établissement que j'avais eu l'honneur de vous proposer pour la princesse son épouse..... (Les plus vives acclamations se renouvellent; on entend-de toutes parts les cris de Vive le Roi! vivent les Bourbons! vive la famille royale !)

Bénissons, Messieurs, la Providence qui nous a rendu de tels princes. (Une foule de voix Oui, oui! vivent les Bourbons! vive la famille royale!) En réparant sans cesse des maux qu'ils n'ont pas causés, les princes de l'auguste maison de Bourbon, tout à la fois enfants et pères de la France, acquièrent chaque jour de nouveaux droits à notre reconnaissance et à notre amour.

Les acclamations se renouvellent au moment où M. le duc de Richelieu descend de la tribune. On demande à aller au scrutin.

Le projet de loi est adopté à l'unanimité par 261 votants.

L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de budget de 1816.

La discussion s'établit sur l'article 24 du projet de la commission relatif au cadastre; il est ainsi ainsi conçu :

Art. 24. « Les lois et règlements sur le cadastre continueront d'être exécutés; néanmoins la nouvelle répartition entre les cantons cadastrés, ordonnés par l'article 15 de la loi du 20 mars 1813, sera suspendue pour 1816, de manière que tous les cantons cadastrés auront, en principal, les mêmes contingents qu'en 1813. »

M. le comte de La Pasture. Messieurs, si l'article 24 qui vous est soumis en ce moment, est le résumé des développements sur le cadastre, donnés par la commission à l'article du ministre des finances, et s'il est destiné à confirmer les conclusions du rapporteur, nous devons l'examiner avec soin et ne pas nous prononcer légèrement sur une question neuve et qui me paraît d'une haute importance, comme toutes celles qui concernent la propriété, car la propriété, sous le régime représentatif, est devenue la base de la considération ou la mesure de l'exercice des droits politiques; elle doit donc être régularisée et nivelée pour toute la France.

Vous ne voudrez pas non plus juger avec précipitation une entreprise sur laquelle des hommes d'Etat et des savants distingués ont longtemps médité, et qui intéresse les sciences et les arts; enfin, vous ne déciderez pas, sans un mûr examen, le sort de près de deux mille géomètres et dessinateurs employés aux travaux du cadastre. Toutes ces considérations m'engagent, Messieurs, à vous soumenttre quelques observations très-succinctes sur cet objet important; et d'abord, je dirai point d'impôt supportable, tel léger qu'il soit, s'il n'est réparti proportionnellement à la fortune de chacun, et point de bonne répartition sans un cadastre.

Ce principe, Messieurs, ne demande aucune démonstration devant une assemblée de propriétaires et d'hommes d'Etat. Le cadastre n'est pas d'ailleurs une de ces conceptions hasardées, dues

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[Chambre des Députés.]

SECONDE RESTAURATION.

faible, la loi manque son but, et le service manque dans quelques départements auxquels les 10 centimes ne peuvent suffire. Que les conseils généraux arrêtent les budgets; que ces budgets avec l'avis du préfet soient envoyés au ministre de l'intérieur; que les budgets une fois adoptés, les préfets puissent ordonnancer sans avoir besoin d'autorisation ultérieure. Voilà tout ce qui est désirable.

M. Pasquier, adoptant les amendements de M. Becquey, présente la rédaction de deux articles dans le sens énoncé.

M. de Villèle répond que les calculs présentés par M. de Saint-Géry ont servi de base à la commission. On a cru qu'en général 10 centimes suffiraient pour les départements; qu'en cas d'insuffisance, le fonds commun de 2 centimes ferait disparaitre les inégalités; si on donne 4 centimes au fonds commun, les besoins locaux se feront sentir partout. On réclamera; on attendra vainement le fonds commun, on sera obligé d'imposer 2 centimes de plus, et pourquoi? Pour que le ministre en ait 4 à sa disposition : c'est ce que nous voulons éviter.

M. de Barante s'étonne que l'on puisse parler de calculs certains, positifs, quand il ne s'agit en effet que de dépenses variables.....

Plusieurs voix. C'est d'après les tableaux du ministre.....

L'opinant regarde comme impossible d'avoir une base fixe et des calculs certains si avant tout on n'a pas déterminé les dépenses des départements et les dépenses locales; quoi qu'il en soit, il voit de l'inconvénient à resserrer la fixation, et n'en voit aucun à étendre la marge, puisque les fonds placés sous la surveillance et la responsabilité des ministres ne peuvent être divertis.

M. Pardessus répond que les calculs de la commission ont eu pour base les tableaux fournis par le ministre de l'intérieur. On se méprend, ajouta-t-il, sur le mot variable; le mot variable ne s'étend ici que d'une année à une autre : pour une seule et même année, les dépenses ne sont pas variables et on peut les établir sauf les cas imprévus. Le ministre lui-même ne peut pas avoir à cet égard des calculs rigoureux; il calcule au plus fort: si un supplément de crédit est nécessaire, il sera accordé. En thèse générale, le Trésor semble devoir être désintéressé à la fixation. Cependant la commission a fait tout ce qui était en elle pour lui faciliter des ressources sans compromettre les besoins des départements. Les départements voudraient être plus généreux envers le Trésor; mais on ne peut l'être quand on est réduit à l'état où ils se trou

vent.

L'opinant appuie le projet de la commission.

M. Benoist observe que le système des dépenses locales, tel que la commission propose de l'établir, a subsisté pendant quinze ans, et que c'est à cause de ses nombreux inconvénientsqu'on s'était déterminé en 1814 à le changer. Il entre à ce sujet dans plusieurs détails; il fait remarquer que les dépenses d'administration n'appartiennent point réellement aux localités dans lequelles elles se font, qu'elles sont pour la plupart des dépenses de l'Etat destinées à des services publics, réglées par des lois ou autres dispositions générales, et que les administrations locales ne peuvent ni supprimer ni modifier. Ces dépenses d'ailleurs concernant des institutious, qui sont les mêmes pour tous les départements, sont, à peu de chose près, partout les mêmes, quoique les ressources provenant d'un nombre égal 'de

[26 mars 1816.]

centimes additionnels soient dans les divers dé-
partements extrêmement différentes. Il en nomme
quelques-uns où le produit d'un centime est de
40,000 francs, tandis que dans d'autres, il n'est
que de 7 ou 8,000. Leurs dépenses, au contraire,
ue different peut-être que dans la proportion
d'un quart ou d'un cinquième; d'où il résulterait
que si l'on réduisait chacun à ses propres res-
sources, il faudrait dans l'un, pour ses dépenses
administratives, imposer 25 ou 30 centimes, tan-
dis que dans un autre on les ferait avec 5 ou 6.
Cette considération, aperçue dès l'origine, avait
donné lieu de créer un fonds commun auquel
concourraient tous les départements. C'est ce
qu'avait opéré le gouvernement consulaire par
l'arrêté du 25 vendémaire an X, et c'est encore
ce que la commission propose; mais cette me-
sure elle-même est contradictoire avec l'idée de
la localisation; elle suppose que les dépenses
administratives sont communes à tous les dépar-
tements, puisque tous doivent concourir à celles
de quelques-uns, et l'on ne voit pas pourquoi
il y aurait plus de difficulté à mettre en commun
la totalité des fonds. Ce procédé serait d'ailleurs
incomparablement plus économique.

On paraît compter beaucoup sur l'attention que
mettront les conseils généraux à diminuer les dé-
penses qui doivent être payées avec les fonds
propres au pays. Mais d'un côté ils tireront peu
de fruit de cette attention, puisque la plupart de
ces dépenses sont d'avance ordonnées et inévi-
tables; de l'autre, on doit remarquer que les con-
seils de département auxquels ne suffiront pas
les centimes locaux, loin d'avoir des motifs pour
diminuer leurs dépenses, en auront pour les aug-
menter, puisqu'ils en tireront les fonds des au-
tres départements et en recueilleront pour le leur
les résultats et si l'on dit que le ministère, in-
terposant son autorité, n'allouera pas ces propo-
sitions, on peut répondre que ces départements,
privés alors des choses que les autres peuvent
faire, seront doublement malheureux d'être pau-
vres et de ne pouvoir rien opérer pour augmen
ter leur richesse ou encourager leur industrie.

On croit éloigner les objections en disant que la loi permet d'imposer des centimes nommés à cause de cela facultatifs; mais d'abord il faut dire aussi que ces centimes facultatifs s'appliquent, suivant des lois expresses, à des dépenses qui ne sont nullement facultatives, et qui presque partout en absorbent le produit; et en outre, il s'ensuivrait seulement de là que les départements les plus pauvres ont par cette ressource la faculté de s'appauvrir de plus en plus.

M. Benoist prend de là occasion de faire voir que le système des budgets départementaux ajoute à l'inconvénient de la localisation, parce qu'il impose la nécessité de calculer d'avance au maximum toutes les dépenses, quoique la plupart d'entre elles ne doivent jamais se réaliser dans cette proportion.

Il vote contre le projet de la commission, et demande que les centimes destinés aux dépenses fonds commun, jusqu'à ce que des dispositions départementales continuent à faire en totalité un locales dont l'administration peut être laissée aux légales aient déterminé les dépenses vraiment conseils généraux de départements.

M. le comte de Vaublane reparaît à la tribune, en annonçant qu'il n'a que peu de mots à dire. Il est vrai que les tableaux proviennent du ministère de l'intérieur, et que les calculs ont été établis dans les bureaux; mais les bureaux, à l'exemple du ministre, étaient pénétrés de la pen

sée que de grandes économies étaient indispensables. Cependant on ne pourrait garantir quelques erreurs dans des choses de leur nature si variables. Or, s'il y a un avantage évident à avoir un fonds commun même supérieur aux besoins: il y aurait un danger non moins évident à ce qu'il ne fût pas suffisant. Le ministre croit donc, ainsi que M. le baron Pasquier, devoir se ranger à l'opinion de M. Becquey.

M. Corbière, rapporteur de la commission, résume la discussion et repousse les amendements présentés. Il s'attache à la réfutation particulière de l'opinion de M. Benoist sur la spécialité. L'opinion publique dans les départements, celle inanifestée au sein de la Chambre, repoussaient la centralisation, et la commission aurait cru manquer à son devoir que de ne pas la combattre. C'est sur les états du ministre que la commission a opéré ses calculs, états qui ne présentent point d'économies remarquables, mais qui sont conformes à ceux des années précédentes. Le ministre consacrait 30 millions aux dépenses dont il s'agit; la commission en a abandonné 6 pour faciliter les opérations du Trésor public: si on devait en abandonner davantage, autant vaudrait en revenir à l'état de la législation de 1814.

Si le fonds commun est trop fort, l'avantage de la spécialité disparaît entièrement. On n'a opposé à des calculs positifs que des calculs vagues. Il n'y a point de parité. Chaque département n'ayant que 8 centimes ne suffiraient point à leurs dépenses. Il faudrait sans cesse réclamer, et les conseils généraux finiraient par dire: Administrez vous-même, autant vaut la consolidation. La distribution de centimes proposée anéantit tout le système de la commission.

Quant à l'expression d'administrations départementales, il est clair qu'elle ne s'entendrait que de l'ensemble de l'administration qu'il faut caractériser en termes génériques, et c'est à tort qu'on l'a attaquée; elle paraît admissible et convenable.

M. le rapporteur termine les développements étendus qu'il donne à ces considérations, en disant que M. Benoist a attaqué franchement le principe de la spécialité, mais qu'on l'attaque également par la fixation des 4 centimes, et que même le changement de rédaction proposé tend à altérer l'unité de vues qui a dirigé la commission.

M. le baron Pasquier réplique qu'il est loin de convenir qu'augmenter le fonds commun soit attaquer la spécialité. La spécialité existe, quelle que soit la quotité des centimes affectés au fonds commun. Il y a spécialité pour les 10 et les 2 centimes de la commission, comme pour les 8 et les 4 qui résulteraient de l'amendement. L'orateur reproduit l'objection prise de l'impossibilité d'établir des calculs positifs sur la spécialité qui doit être affectée; on ne peut prendre que ceux qui paraissent les plus convenables. Le ministre n'agira pas plus en aveugle qu'il ait à sa disposition un fonds commun de 8 ou de 4 centimes; sa responsabilité n'en est pas moins engagée.

Quant à l'expression d'administrations départementales, l'orateur s'élève avec force contre son emploi. Pour une chose qui n'existe pas, dit-il, il ne faut pas dans une loi employer le mot qui l'exprime. Si les administrations départementales doivent être un jour rétablies, elles le seront par une loi formelle; jusque-là je ne connais que l'administration du Roi confiée à des préfets, qui ont des conseils généraux réunis autour d'eux à des époques déterminées, corps qui ne présentent

d'autre caractère que celui de conseillers de celu qui administre au nom du Roi. Je ne refuse poin à ces conseils la part d'action qui leur est attribuée par la loi existante; mais le titre d'administration départementale ne peut leur être donné, c'est une chose trop importante que l'application des mots en matière de gouvernement, pour les laisser ainsi dénaturer.

M. Pasquier insiste pour l'adoption des amendements présentés.

M. Dudon, commissaire du Roi, réclame la parole, et fait remarquer que, dans son résumé, M. le rapporteur n'a pas répondu à une question fort importante élevée dans la discussion, celle de savoir si le Trésor, pour faciliter ses payements et ses opérations par revirement, aurait à sa disposition les fonds provenant des centimes dont il s'agit. Autre chose, dit l'orateur, est la centralisation, et autre chose, la comptabilité. Plus les capitaux se resserrent, plus vous devez donner au Trésor des moyens de circulation, en le laissant maître de disposer des fonds libres demeurés dans les caisses. Ce n'est point une centralisation que ce moyen de disponibilité laissé au Trésor; il lui est de la plus grande utilité, et tout abus est impossible; les fonds dont le ministre aurait disposé sont toujours prêts, sur l'ordonnance des préfets au moment de leur réquisition. Quant à l'expression d'administration départementale, un ordre est établi, une loi seule peut le changer. Il y a des réformes à faire, sans doute, et l'intérêt de l'Etat les réclame; il n'y en a pas seulement sur les dispositions de fonds, il y en a de vivement réclamées sur la séparation du pouvoir administratif et du pouvoir judiciaire, et ce pouvoir plus particulièrement conservateur des intérêts et des droits des citoyens. Mais, Messieurs, vous suspendrez vos délibérations à cet égard; ne voyez ici que les rapports financiers, et ne pénétrez pas dans une route dans laquelle il n'est pas temps de s'engager.

L'orateur se résume en demandant formellement le maintien de la loi existante relativement à la mise des fonds en caisse à la disposition du ministre du Trésor. La circulation est entravée, dit-il, et tous les moyens du Trésor rendus plus difficiles, si cette disposition n'est pas mainte

nue.

La Chambre ferme la discussion.

M. le Président rappelle les amendements. Il rappelle que sur l'article 17 on a demandé d'ajouter les mots conformément à l'état annexé à la loi du 23 septembre 1814.

L'article 17 est adopté avec l'amendement. M. le Président rappelle qu'à l'article 18 on a désiré déterminer les dépenses variables.

M. de Villèle. C'est désirable, mais impossible

en ce moment.

L'amendement est rejeté par la question préalable, et l'article 18 adopté.

M. le Président rappelle les trois principaux amendements faits à l'article 19, et d'abord celui relatif à la fixation des 8 et 4 centimes au lieu de 10 et de 12.

On demande la question préalable. La question préalable est admise à une forte majorité.

L'article proposé par la commission est adopté, sauf le changement de rédaction relatif aux mots administrations départementales

M. le Président consulte l'Assemblée sur ce changement de rédaction.

M. de Villèle. Mettez conseils généraux... Nous ne tenons point à ce mot... Il n'y a point là d'arrière-pensée.

faible, la loi manque son but, et le service manque dans quelques départements auxquels les 10 centimes ne peuvent suffire. Que les conseils généraux arrêtent les budgets; que ces budgets avec l'avis du préfet soient envoyés au ministre de l'intérieur; que les budgets une fois adoptés, les préfets puissent ordonnancer sans avoir besoin d'autorisation ultérieure. Voilà tout ce qui est désirable.

M. Pasquier, adoptant les amendements de M. Becquey, présenté la rédaction de deux articles dans le sens énoncé.

M. de Villèle répond que les calculs présentés par M. de Saint-Géry ont servi de base à la commission. On a cru qu'en général 10 centimes suffiraient pour les départements; qu'en cas d'insuffisance, le fonds commun de 2 centimes ferait disparaître les inégalités; si on donne 4 centimes au fonds commun, les besoins locaux se feront sentir partout. On réclamera; on attendra vainement le fonds commun, on sera obligé d'imposer 2 centimes de plus, et pourquoi? Pour que le ministre en ait 4 à sa disposition: c'est ce que nous voulons éviter.

M. de Barante s'étonne que l'on puisse parler de calculs certains, positifs, quand il ne s'agit en effet que de dépenses variables.....

Plusieurs voix. C'est d'après les tableaux du ministre.....

L'opinant regarde comme impossible d'avoir une base fixe et des calculs certains si avant tout on n'a pas déterminé les dépenses des départements et les dépenses locales; quoi qu'il en soit, il voit de l'inconvénient à resserrer la fixation, et n'en voit aucun à étendre la marge, puisque les fonds placés sous la surveillance et la responsabilité des ministres ne peuvent être divertis.

M. Pardessus répond que les calculs de la commission ont eu pour base les tableaux fournis par le ministre de l'intérieur. On se méprend, ajouta-t-il, sur le mot variable; le mot variable ne s'étend ici que d'une année à une autre : pour une seule et même année, les dépenses ne sont pas variables et on peut les établir sauf les cas imprévus. Le ministre lui-même ne peut pas avoir à cet égard des calculs rigoureux; il calcule au plus fort si un supplément de crédit est nécessaire, il sera accordé. En thèse générale, le Trésor semble devoir être désintéressé à la fixation. Cependant la commission a fait tout ce qui était en elle pour lui faciliter des ressources sans compromettre les besoins des départements. Les départements voudraient être plus généreux envers le Trésor; mais on ne peut l'être quand on est réduit à l'état où ils se trou

vent.

L'opinant appuie le projet de la commission.

M. Benoist observe que le système des dépenses locales, tel que la commission propose de l'établir, a subsisté pendant quinze ans, et que c'est à cause de ses nombreux inconvénients qu'on s'était déterminé en 1814 à le changer. Il entre à ce sujet dans plusieurs détails; il fait remarquer que les dépenses d'administration n'appartiennent point réellement aux localités dans lequelles elles se font, qu'elles sont pour la plupart des dépenses de l'Etat destinées à des services publics, réglées par des lois ou autres dispositions générales, et que les administrations locales ne peuvent ni supprimer ni modifier. Ces dépenses d'ailleurs concernant des institutions, qui sont les mêmes pour tous les départements, sont, à peu de chose près, partout les mêmes, quoique les ressources provenant d'un nombre égal de

centimes additionnels soient dans les divers départements extrêmement différentes. Il en nomme quelques-uns où le produit d'un centime est de 40,000 francs, tandis que dans d'autres, il n'est que de 7 ou 8,000. Leurs dépenses, au contraire, ue different peut-être que dans la proportion d'un quart ou d'un cinquième; d'où il résulterait que si l'on réduisait chacun à ses propres ressources, il faudrait dans l'un, pour ses dépenses administratives, imposer 25 ou 30 centimes, tandis que dans un autre on les ferait avec 5 ou 6. Cette considération, aperçue dès l'origine, avait donné lieu de créer un fonds commun auquel concourraient tous les départements. C'est ce qu'avait opéré le gouvernement consulaire par l'arrêté du 25 vendémaire an X, et c'est encore ce que la commission propose; mais cette mesuré elle-même est contradictoire avec l'idée de la localisation; elle suppose que les dépenses administratives sont communes à tous les départements, puisque tous doivent concourir à celles de quelques-uns, et l'on ne voit pas pourquoi il y aurait plus de difficulté à mettre en commun la totalité des fonds. Ce procédé serait d'ailleurs incomparablement plus économique.

On paraît compter beaucoup sur l'attention que mettront les conseils généraux à diminuer les dépenses qui doivent être payées avec les fonds propres au pays. Mais d'un côté ils tireront peu de fruit de cette attention, puisque la plupart de ces dépenses sont d'avance ordonnées et inévitables; de l'autre, on doit remarquer que les conseils de département auxquels ne suffiront pas les centimés locaux, loin d'avoir des motifs pour diminuer leurs dépenses, en auront pour les augmenter, puisqu'ils en tireront les fonds des autres départements et en recueilleront pour le leur les résultats et si l'on dit que le ministère, interposant son autorité, n'allouera pas ces propositions, on peut répondre que ces départements, privés alors des choses que les autres peuvent faire, seront doublement malheureux d'être pauvres et de ne pouvoir rien opérer pour augmen ter leur richesse ou encourager leur industrie.

On croit éloigner les objections en disant que la loi permet d'imposer des centimes nommés à cause de cela facultatifs; mais d'abord il faut dire aussi que ces centimes facultatifs s'appliquent, suivant des lois expresses, à des dépenses qui ne sont nullement facultatives, et qui presque partout en absorbent le produit; et en outre, il s'ensuivrait seulement de là que les départements les plus pauvres ont par cette ressource la faculté de s'appauvrir de plus en plus.

M. Benoist prend de là occasion de faire voir que le système des budgets départementaux ajoute à l'inconvénient de la localisation, parce qu'il impose la nécessité de calculer d'avance au maximum toutes les dépenses, quoique la plupart d'entre elles ne doivent jamais se réaliser dans cette proportion.

Il vote contre le projet de la commission, et demande que les centimes destinés aux dépenses départementales continuent à faire en totalité un fonds commun, jusqu'à ce que des dispositions légales aient déterminé les dépenses vraiment locales dont l'administration peut être laissée aux conseils généraux de départements.

M. le comte de Vaublane reparaît à la tribune, en annonçant qu'il n'a que peu de mots à dire. Il est vrai que les tableaux proviennent du ministère de l'intérieur, et que les calculs ont été établis dans les bureaux; mais les bureaux, à l'exemple du ministre, étaient pénétrés de la pen

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