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au milieu de son conseil : « Que la France serait « à plaindre, si jamais elle avait un souverain qui crût à la religion catholique! » N'imitons ni le crime ni le mensonge absolvons même la première Restauration d'un malheur ou d'un tort qui ne fut pas celui de la France ni de son Roi, mais le tort de ces systèmes opiniâtres qui vainquirent encore la conscience du monarque et là conscience du peuple; rappelons-nous ce langage impudent, qui n'était pas calomnieux, ces paroles de l'usurpateur se vantant, en 1815, « que les Bourbons n'avaient pas fait plus que lui pour la religion. » Ah! Prince, ce n'est pas vous que ce blasphème attaque, ce n'est pas vous qui avez manqué au Dieu qui vous avait rappelé, c'est votre siècle qui a trahi vos vœux les plus chers; ce n'est pas vous qui avez oublié que vous étiez le sang de saint Louis; mais ces doctrines révolutionnaires qui entouraient et menaçaient votre trope, se sont placées devant votre âme pour en arrêter l'élan; et lorsque, à cette époque de nos plus cruelles calamités, vous quittiez avec votre royale famille le palais que le crime allait encore souiller, vous avez sans doute reconnu au fond de votre cœur religieux, que le ciel n'avait pas été assez remercié du miracle de votre première restauration; vous vous êtes dit, en demandant à Dieu de ne pas vous le reprocher sans en accuser votre peuple, que si vous aviez retrouvé ce qu'on appelle le despotisme de vos pères, le seul abus du pouvoir arbitraire, sous votre règne, eût relevé les temples et les autels!

Oui, Messieurs, l'honneur des principes, les Vœux du Roi, les réclamations de sa conscience et de la vôtre veulent que le sort du clergé soit amélioré sur le budget même de 1816; et qu'en même temps, dès aujourd'hui, il soit fixé pour l'avenir d'une manière convenable, digne du Roi, de la France et de vous.

Vous avez vu les pensionnaires mourant de faim; vous allez voir la situation du clergé actuel ; vous allez connaître ce qui reste de l'héritage de Fénelon et de Bossuet; vous allez sentir se renouveler et s'aigrir toutes les douleurs qui environnent ce déplorable sujet.

Qu'est devenue cette jeunesse du sanctuaire, éternelle comme le Dieu qu'elle servait? Au lieu de cette milice sainte dont les rangs étaient toujours pleins, qui se renouvelait comme les moissons de l'été, que l'onction divine, et les mains des pontifes consacraient chaque année dans cent trente basiliques, que voyons-nous? Des vieillards échappés à l'exil, à la proscription, aux poignards, aux déportations, aux souterrains, aux prisons, aux déserts qui ont longtemps caché leurs vertus, qu'on appelait leurs crimes, dont la misère achève, avec le travail et l'épuisement, de håter la fin..... Pendant cette seconde et sourde proscription, plus fatale à l'Eglise que la proscription sanglante qui l'avait précédée, pendant les quinze ans de l'usurpation, six mille nouveaux prètres seulement ! c'est-à-dire moins en quinze ans que l'Eglise de France n'en produisait en un an; et c'est ce petit nombre qui, souvent placé sous les yeux de l'usurpateur, rassurait son hypocrite protection par l'espérance de voir s'éteindre ce qu'il eût voulu et n'eût osé étouffer d'un seul coup !

Voyez comme rien n'a été négligé pour arriver à cette destruction presque entière. Pour la première fois, depuis que l'état social existe, le génie infernal de l'impiété et de l'usurpation a imaginé de créer des fonctions sans salaires destinées à des hommes sans fortune!

Dans sa recomposition de l'Eglise de France, l'usurpateur a établi douze mille vicaires confiés aux secours de l'aumône; et vous ne serez pas surpris qu'au lieu de douze mille, il n'y en ait eu que cinq mille qui aient eu le courage de mourir de faim, ou d'implorer la charité publique dans les fonctions de ce qu'on a jugé à propos d'appeler la classe inférieure du clergé français. Pieux fondateurs, telles n'étaient pas les craintes que vous emportiez, quand vos derniers regards, se détachant sans peine de cette terre couverte de vos bienfaits, s'élevaient vers le Dieu à qui vous alliez demander le prix de vos dons et de vos vertus! Vous quittiez cette heureuse patrie où vous aviez versé le luxe de la miséricorde sur les pauvres et sur le sanctuaire, sans redouter que vos descendants ne vissent le dernier des lévites regretter dans vos hôpitaux le sort d'un de ces malades à qui il avait souvent porté, en lui faisant bénir vos noms, le bienfait de ses paroles et de ses secours! Vous ne redoutiez pas que, dans votre France, cinq mille prêtres fussent réduits à recevoir le pain de l'aumône, comme le mendiant assis à la porte des temples, où ils vont invoquer pour leurs frères qui les oublient les bénédictions du ciel irrité de leur misère! Messieurs, des maux de ce genre cessent quand on les connait ! vous les révéler, c'est les guérir.

Tout se coordonne et se combine dans ce savant système de destruction. Immédiatement après la classe qui mendie, parait la classe dont la détresse se rapproche davantage de la mendicité : le fond, et pour ainsi dire l'essence des ministres du culte, se compose de vingt-trois mille succur salistes qui, remplaçant ceux qu'on appelait les curés avant la Révolution, reçoivent, lorsqu'on les paye exactement,500 francs! 500 francs! et à quelle époque? Quand la réponse contre tant de réclamations sur l'élévation rapide et disproportionnée des traitements, sur leur inutile et souvent scandaleuse cumulation, est que depuis vingt-cinq ans tout a doublé de prix ! La même raison d'analogie et de convenance proportionnelle qui donne 600 francs à un commis, au lieu de 500 francs qu'il recevait il y a vingt-cinq ans, a fait décider que le successeur d'un curé décimateur qui jouissait d'un revenu de 1,500 francs ou 2,000 francs, ne devait avoir que 600 francs! Oh! comme l'erreur est conséquente ou comme l'hypocrisie se dément elle-même ! ou plutôt encore, comme l'usurpation et la révolution savent qu'il n'y a rien de si dangereux pour elles, de si favorable et de si dévoué à la légitimité que le culte catholique! Ce système, au reste, de la cumulation des traitements, toujours condamné et si scrupuleusement maintenu près du trône de l'usurpateur, trouvait pour l'honneur de ce qu'on appelait les principes, une singulière application au clergé. Il s'était réfugié quelque part, et le choix de l'exemple était fait avec tant de justice, qu'il épargnait le conseiller du prince, arrivant à 80, 100, 120,000 francs sous cinq ou six prétextes, et frappait le desservant sur la tête duquel l'impartiale équité ne permettait pas d'accumuler la somme entière de 500 francs, parce que se trouvant à la fois fonctionnaire et pensionnaire, on devait prélever, sur le salaire du fonctionnaire, les 240 francs du pensionnaire !

Ce qui doit surpendre, c'est que quelque chose ait échappé à la destruction, c'est qu'on n'ait pas vu la mort du dernier prêtre sur les ruines du dernier presbytère et sur les débris de la dernière église !

Aussi, quatre mille temples des campagnes, mi

raculeusement conservés, sont sans culte et sans ministres !

Quatre milie églises trois ou quatre millions d'âmes! Piété de nos pères, quel résultat de vos dons et de votre prévoyance! Regards de saint Louis et du grand Roi, dont au milieu, soit de sa gloire, soit de ses malheurs, la religion était toujours le premier soin et la première affaire, quel spectacle vous offre votre France?

Sept évêchés sans demeure épiscopale; dix-sept séminaires sans édifices! Elles ont disparu cès maisons saintement magnifiques, où la religion semblait avoir voulu loger les enfants de Dieu à l'égal des enfants des rois!

Treize mille paroisses sans presbytères! Elles ne s'élèvent plus, dans chaque village, ces habitations dont le luxe modeste consolait les regards de la charité, en l'assurant que les habitants des chaumières qui les environnaient, ne seraient jamais sans secours, et que le pauvre même privé d'une chaumière, ne serait jamais sans asile!

Le églises sont partout en ruine, et à cette vue l'étranger amené parmi nous, par nos malheurs et par nos crimes, n'a pas dù s'étonner que les parjures fussent nombreux dans un pays où Dieu était sans temple, et par conséquent les peuples sans culte, les cœurs sans foi, et les consciences sans Dieu!

Le gouffre de la dernière usurpation a englouti les impositions extraordinaires votées par les départements, et les prélèvements faits sur les caisses communales pour réparer les églises.

Mais, Messieurs, l'usurpateur a fait sont devoir; faisons le nôtre et ne différez pas d'une année, d'un mois, d'un seul jour; le péril est presant, il y va de l'avenir de la monarchie et de la légitimité dont le sort est intimement lié à celui de la religion, car la France gardera ou perdra tout ensemble le Dieu et les rois de ses pères. Ce serait donc trahir une si sainte cause et vos intérêts les plus chers, que de ne pas vous révéler toute l'étendue du mal, toute la profondeur de l'abîme.

Selon le calcul des probabilités de la vie humaine, appliqué à l'âge des prêtres actuellement existants, il en manque aujourd'hui, non pas au luxe, mais au nécessaire du culte, environ treize mille. Il en manquera donc dans douze ans trentequatre mille, c'est-à-dire que dans douze ans, les trois quarts de la France seront sans prêtres et sans autels..... Allons plus loin..... N'arrêtez vos regards qu'au dernier terme..... Tout aura disparu dans vingt ou vinq-cinq ans !

Permettez, Messieurs, que ce tableau déchirant du clergé actuel emprunte encore quelques traits à la même correspondance déjà citée, et que divers ecclésiastiques ont adressée à l'homme de bien consolateur.

Vous ne serez pas surpris d'apprendre que de pareils pauvres, parlent bien plutôt des besoins du culte que des leurs; il y a des lettres de plusieurs vicaires, et pas un seul ne rappelle qu'il est sans traitement! Presque tous expriment un vœu que vous adopterez sans doute: ils demandent plutôt un logement qu'un peu d'argent, parce que ces âmes si nobles et si pures ne sont averties de leurs souffrances que dans les rapports qu'elles peuvent avoir avec leur état; ils trouvent que la décence veut qu'un prêtre soit logé, et qu'il est plus facile et moins contraire à leur ministère, de se nourrir de pain et d'eau dans des habitations convenables.

Le commencement de la lettre suivante perdrait trop à ne pas vous être textuellemenr transmis : Ne croyez pas, Monsieur, que l'augmentation

« de traitement pour les prêtres puisse me flat«ter... La Chambre doit, ce me semble, adopter « d'abord tout ce qui peut faire respecter l'état << sacerdotal. Pour atteindre ce but, je crois qu'il conviendrait de supprimer le casuel; les inhu<<mations et mariages se feraient gratis... » La suppression du casuel! voilà le premier conseil, le premier vœu d'un desservant à 500 francs, qu'il ne touche pas depuis neuf mois! Ne croyezvous pas, Messieurs, entendre l'honneur sous des lambeaux, interrogé sur ses besoins, et vous répondant sur ses devoirs ?

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Un autre écrit qu'un de ses plus vieux confrères vient de lui dire : « Il y a quinze jours que je n'ai pris de bouillon; quelque pressé que je fusse « par la faim, je n'ai pu vaincre ma répugnance à « demander à une femme désolée et mal à l'aise, « les frais de l'inhumation de son mari, qu'elle << me devait depuis un an. Pourrait-on jamais «< consentir à prolonger mon existence par les afflictions et le malheur de mes paroissiens? > Vous ferez bien, Messieurs, pour le repos de vos consciences, d'aller an-devant des voeux de pareils hommes: vous ne devez pas craindre d'en être importunés, et la tombe couvre le secret de semblables misères, avant que leur voix se soit résolue à se faire entendre! O vous! les derniers et les fidèles soutiens de notre antique monarchie, dites s'il est un soin, une dépense, un article de budget qui doive passer avant le culte? Dites si chacun de vous ne répète au dedans de lui-même : « C'est un crime « égal aux crimes révolutionnaires que la mort « d'un seul prêtre, faute de secours; que le retard « de la vocation d'un seul prêtre, faute d'un ave«< nir montré à ses vertus et à ses espérances!

Les espérances du clergé, et en tout, le soin de l'avenir qui semble être de l'essence des gouvernements légitimes, dont le temps est le fidèle et naturel allié le soin de l'avenir, c'est là que commence le devoir et aussi la gloire du législateur! Le reste n'était recommandé qu'à votre justice et à votre pitié. Vous avez déjà beaucoup fait pour l'avenir de l'Eglise gallicane, en rendant au clergé de chaque diocèse la faculté de devenir propriétaire. Vous avez senti que la propriété était le premier élément de la considération dans nos temps modernes. Vous verrez, sans doute, le fils de saint Louis appeler des évêques dans la Chambre des pairs. La propriété, l'estime et la reconnaissance publiques amèneront dans cette Assemblée des pasteurs du second ordre. Vous rassurerez ainsi les cœurs paternels qui ne répugneront plus à diriger ou à laisser tourner vers le sanctuaire les vœux de leurs enfants, surtout quand vous aurez encore donné à la confiance un nouveau gage en fixant déjà, quoique pour les années suivantes, la liste civile du clergé, d'une manière aussi fixe, aussi immuable que celle du trône dont vous n'aurez achevé la dotation qu'en dotant l'Eglise.

Mais ne croyez pas, Messieurs, que votre commission ait pu vouloir tourmenter en vain votre conscience, par le double sentiment de l'impuissance et de la justice; vous verrez que ce qui vous est proposé est aussi sage et facile qu'équitable.

Il faut d'abord vous montrer jusqu'où peuvent s'étendre les engagements qu'il s'agit de prendre. Vous autoriserez une manière de procéder, que repousserait toute autre matière, qui n'a son excuse que dans l'intérêt touchant et sacré de la question qui nous occupe.

Si une erreur matérielle avait eu lieu dans l'évaluation de la dette publique, comme une erreur

morale, si je peux m'exprimer ainsi, vous est prouvée avoir eu lieu dans l'évaluation des dépenses relatives au clergé, quel remède y trouverait-on?.... Si, au lieu de porter le tiers consolidé. à 130 millions, on ne l'eût porté qu'à 126 ou 110, que ferait-on? On rétablirait l'article, et il serait nécessaire d'y pourvoir. Dans une année ordinaire, on chercherait quelque ressource nouvelle. Dans une année extraordinaire, où j'avoue que le devoir d'un ministre n'a pas été assez scrupuleusement rempli, si toutes les dépenses n'ont pas été calculées selon la règle de la plus stricte nécessité, que peut-on faire?...

Messieurs, avant de répondre, permettez-moi une question, qui parlera à vos sentiments les plus doux, à vos plus généreuses affections, aux plus nobles mouvements de vos âmes? Si on avait oublié le Roi comme on a oublié Dieu, que feriez-vous?.... L'Assemblée se lèverait tout entière, et au nom de cette France qui se lèverait avec elle si elle était consultée, on offrirait 10, 20 millions, s'il le fallait, pour venger l'honneur national d'un tel oubli, pour satisfaire à si peu de frais le premier besoin du respect et de la fidélité publique... Ici, une seule différence se trouve, c'est qu'à la tête de la nation se lèverait le Roi lui-même pour commander et partager le sacrifice; sans qu'il soit possible à notre besoin de l'admirer, de reconnaître que ce fût là un des plus beaux mouvements de vertu qui honorent son âme royale, tant il s'agit d'un vou selon son intérêt, et celui de son auguste famille, comme selon sa conscience! Tandis que deux grands systèmes partagent les opinions financières, ne pourrait-on pas, sans que celui des deux qui sera adopté puisse en souffrir, créer peut-être un million de rentes pour payer la plus sacrée de toutes les dettes, pour finir la honte de la plus scandaleuse de toutes les banqueroutes?... Car vous pouvez vous rassurer, Messieurs, j'ose le dire, selon une pensée qui n'est pas indigne de vous, vous pouvez féliciter votre économie de ce qu'il ne s'agit que d'un surcroît de dépense de 18 (1) à 20 millions. Quand il en aurait fallu 40, vous n'auriez pas pu les refuser; de pareilles justices ne sont jamais invoquées en vain, de si saintes misères ne sont jamais connues sans être soulagées! Et ce n'est pas du bien-être, c'est de la vie, si l'on peut s'exprimer ainsi, du culte et du clergé qu'il s'agit.

D'autres, plus habiles, vous offriront de meilleures ressources; mais je ne crois pas qu'il puisse s'élever de doute ni de discussion à cet égard; la conscience nationale s'apaisera, et les plaintes des prêtres souffrants ne nous accableront plus devant Dieu, quand :

1° Aucun pensionnaire ecclésiastique, âgé de moins de soixante ans, n'aura moins de 500 francs, et s'il est plus que sexagénaire, moins de 600 francs; Aucune religieuse restée fidèle à son état, moins des trois quarts de ce que lui avait alloué l'Assemblée constituante;

Quand aucun vicaire n'aura moins de 500 francs payés par l'Etat ;

Aucun desservant, moins de 750 francs. Laissons, pour cette année, tout le reste dans l'état actuel vous ne vous en tiendrez pas là, car Vous auriez fait ce que ne peuvent pas faire des débiteurs solvables, ce que fait chacun de vous,

(1) En comprenant un million qu'il est nécessaire d'ajouter des cette année aux 500,000 francs destinés aux bourses des élèves du sanctuaire, première espérance du clergé.

qui, dans une année où il est sans revenu, ne s'avise pas de retrancher une portion de la pension alimentaire du vieux serviteur de sa famille ; mais vos obligations d'hommes d'Etat, de restaurateurs de la monarchie française, de surveillants de l'avenir ne seraient aucunement remplies.

Messieurs, un travail fait avec le plus grand soin dès l'année dernière, et concerté cette année, entre ceux qui ont reçu cette mission de Sa Majesté, et ses ministres de l'intérieur et des finances, établit les dépenses du culte telles qu'elles doivent être réglées pour relever et conserver la religion. Vous jugerez de la sagesse et de l'économie qui ont présidé à ce travail, quand vous saurez qu'il est d'abord d'un tiers, et pour toujours d'un quart au-dessous de ce qu'avait fixé l'Assemsemblée constituante; certes, vous ratifierez volontiers de tels engagements sur ce seul aperçu; car aucun de vous n'est venu dans cette Chambre, résolu de faire, pour la religion catholique, moins qu'on n'a fait en 1789.

Mais, s'il est quelquefois des augmentations de dépenses à venir, dont il est sage de ne pas effrayer le présent, avant de les avoir soumises à tous les calculs, et de s'être de plus en plus convaincus qu'elles étaient nécessaires; il en est, au contraire, qui rassurent, qui consolent, qui vont au-devant des vœux publics; qui, semblables à l'espérance, commencent, avant d'être réalisées, le bien qu'elle produiront un jour; et font ainsi, par la plus heureuse et la plus sûre des illusions, germer dans le présent tous les fruits de l'avenir.

J'ose donc proposer à l'Assemblée de décider ces deux rectifications du budget:

Immédiatement après l'article de la dette publique, placer l'article supplémentaire pour les députés du clergé, en 1816, complément de la dette;

Puis, pour mémoire, un second article qui sera répété chaque année, comme le mémorial des engagements que vous avez contractés au nom de la France avec son Dieu et son Roi: portant la somme à laquelle les dépenses du culte seront irrévocablement fixées pour l'avenir; laquelle ne pourra jamais s'élever que d'abord aux deux tiers, et par la suite aux trois quarts de celle fixée par l'Assemblée constituante; espèce d'hommage rendu à des principes sacrés, espèce d'apologie touchante et nécessaire, sorte d'excuse pour avoir si longtemps négligé et encore cette année, à cause du malheur des temps, trop imparfaitement soigné des intérêts si chers!

J'allais dire rassurez-vous, mais plutôt affligezvous, Messieurs, et n'espérez pas que le cadre de cette dépense puisse être bientôt rempli! Heureuse la France! heureuse cette royale famille, à qui un siècle peu digne d'elle finira par pardonner sa piété et ses vertus! Heureux vous-mêmes, si, dans quatre, dans cinq, dans six ans, le Dieu de nos pères suscite à ses autels assez de ministres pour que ce chapitre des budgets futurs ne présente pas les plus désastreuses économies!

Il est inutile de vous présenter l'analyse des motifs des divers articles qui vont vous être proposés; leur but est assez indiqué dans ce rapport, et vous y verrez, avec consolation, le moyen de pourvoir, en n'augmentant pas de 2 p. 0/0 le fardeau de nos charges, à ce qui est indispensable pour empêcher de mourir aujourd'hui, et pour faire vivre un jour la religion.

Messieurs, la postérité rencontrera dans nos annales, à vingt-cinq ans de distance, deux Assemblées élues par le peuple français. Ne vous semble-t-il pas que pour asseoir son jugement sur chacune d'elles, un seul fait suffira?

On verra la première de ces Assemblées, saisissant le prétexte d'un déficit, aujourd'hui dérisoire, pour envahir la richesse des siècles et pour déshériter l'avenir.

On verra la seconde, au moment même où elle gémit accablée à l'aspect du torrent de charges et de calamités vomi par la dernière éruption du volcan révolutionnaire; au moment où les meilleurs esprits s'agitent, se tourmentent, pour trou ver des ressources financières, rechercher tout à coup un expédient de conscience et de justice; elle veut rassurer toutes les créances légitimes par l'acquittement d'une créance oubliée, la plus légitime, la plus privilégiée, la plus sacrée de toutes pour inspirer confiance aux créanciers qui réclament, elle va chercher les créanciers qui ne réclament pas, de vieux prêtres qui se taisaient et qui mouraient; pour garantir le déficit, elle l'augmente, parce que, pour payer, il faut exister, et qu'un grand peuple, plein d'avenir, de courage et de ressources, ne périt jamais sous le poids d'une dette quelconque, mais succombe sous l'impiété et l'irréligion.

Non, Messieurs, je ne me trompe pas; sur ce seul résultat, l'impartiale et inflexible histoire portera ses deux jugements; elle dira :

L'une de ces Assemblées, sans le vouloir et sans le prévoir, ouvrait par l'injustice la carrière du crime, et l'autre la fermait; l'une creusait un gouffre, et l'autre voulait le combler ; l'une dotait une révolution, et l'autre reconstituait la monarchie légitime.

Projet de résolution.

Art. 1er. Le budget des dépenses pour l'année 1816 sera rectifié ainsi qu'il suit :

L'article qui concerne le clergé pensionnaire et actif sera placé immédiatement après l'article de la dette publique.

Art. 2. Aux fonds actuellement alloués pour ces deux objets sernot ajoutés 6 millions destinés à ce que chaque pensionnaire ecclésiastique àgé de plus de soixante ans, ait 600 francs, et àgé de moins de soixante ans, 500 francs;

A ce que la pension de chaque religieuse restée fidèle à ses vœux, soit reportée aux deux tiers du taux fixé par l'Assemblée constituante;

Six millions destinés à parfaire supplémentairement pour chaque desservant qui n'a que 500 francs, la somme provisoire de 750 francs;

Six millions destinés à ce que chaque vicaire qui n'a aucun traitement, reçoive 500 francs.

Art. 3. Un million sera ajouté aux 555,000 francs actuellement destinés aux bourses ecclésiastiques.

Art. 4. Sa Majesté daignera ordonner qu'il soit dressé, pour être porté au budget de 1816, un état des dépenses du clergé, telles qu'elles devront être établies pour les années suivantes, de manière à ne jamais excéder d'abord les deux tiers, ensuite les trois quarts de la somme de 82 millions alloués par l'Assemblée constituante.

Art. 5. Conformément à l'article 10 de la Charte, les préfets seront chargés de faire rechercher dans chaque commune qui manque de presbytère, s'il s'y trouve une maison qui puisse en servir, pour en traiter avec le propriétaire ;

Dans les communes où il ne s'en trouvera pas, la construction d'un presbytère sera ordonnée, suivant des devis semblables à ceux en usage avant la Révolution, dans les provinces les plus pauvres de la France, et selon les formes les plus économiques.

Art. 6. Les pensions ecclésiastiques dont jouissent des prêtres, ou mariés, ou qui ont renoncé à leur état en embrassant une profession incompatible avec le sacerdoce, seront supprimées, et Sa Majesté daignera ordonner à ses ministres de faire rechercher les individus de cette classe à qui l'on peut continuer leurs ensions à titre de secours.

Art. 7. Les articles 1, 2, 3 et 4, ci-dessus, auront lieu à compter du 1er janvier 1816. L'article 6 produira

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CHAMBRE DES DÉPUTÉS.
PRÉSIDENCE DE M. LAINÉ.
Comité secret du 5 février 1816.

Le procès-verbal du comité du 1er février est lu et adopté.

L'ordre du jour appelle la discussion sur la proposition de M. le comte de Blangy, relative à l'amélioration du sort du clergé et à la suppression des pensions dont jouissent les prétres mariés.

Un membre (M. Duplessis de Grénédan) demande que la discussion soit renvoyée à huitaine, vu l'importance de la matière, l'étendue des développements du rapporteur, et la connexité du sujet avec le budget.

Après une courte discussion dans laquelle plusieurs membres (M. Blanquart de Bailleul et M. Voysin de Gartempe) sont entendus, M. le président met aux voix si la discussion est ajour

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CHAMBRE DES PAIRS.

PRÉSIDENCE DE M. LE CHANCELIER.
Séance du mardi 6 février 1816,

A deux heures la Chambre se réunit sous la présidence ordinaire de M. le chancelier.

La séance est ouverte par la lecture du procèsverbal de celle du 18 janvier dernier.

L'Assemblé en adopte la rédaction.

Au nom du sieur Boze, peintre, M. le président fait hommage à la Chambre d'un portrait de Louis XVI, gravé sur le tableau peint d'après nature, par cet artiste avant la Révolution, et qu'il est parvenu à conserver.

La Chambre ordonne la mention de l'hommage au procès-verbal.

M. le Président rend compte à la Chambre de l'exécution donnée à son arrêté du 18 janvier, qui chargeait une grande députation d'assister au service du bout de l'an des obsèques du feu roi Louis XVI et de la feue reine Marie-Antoinette sa femme.

La députation s'est rendue à Saint-Denis le samedi 20 janvier à onze heures, et s'est réunie dans une salle d'attente préparée pour la recevoir. Un huissier de la Chambre des pairs qu'elle avait envoyé à M. le grand maître des cérémonies, l'ayant avertie du moment où le service allait commencer, elle s'est rendue à l'église et est entrée dans le chœur par la porte latérale du côté, du cloître. Reçue à la porte extérieure par M. le grand maître et par le premier et le second aide des cérémonies, elle a été conduite à la place qu'elle devait occuper dans les stalles hautes et basses du côté de l'épître. Là, elle a assisté au service célébré pour le repos de Leurs Majestés. Le service terminé, la députation est revenue à Paris.

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L'Assemblée arrète que le compte rendu par M. le président sera inséré au procès-verbal de ce jour.

M. le Président communique ensuite à la chambre un message parvenu le 8 de ce mois, et contenant envoi d'une résolution prise le 25 du mois dernier par la Chambre des députés, relativement au clergé. (Proposition de M. le vicomte de Castelbajac.)

Après avoir fait donner lecture, par un de MM les secrétaires, tant du message que de la résolution dont il s'agit, M. le président en ordonne, conformément à l'article 15 du règlement, le renvoi aux bureaux, l'impression et la distribution.

L'Assemblée ajourne au samedi 10 de ce mois, à midi, l'examen de cette résolution, dans les bureaux, et, à deux heures, la discussion en Assemblée générale.

Un membre (M. le duc de Doudeauville) obtient la parole pour faire une proposition à la Chambre conformément à l'article 22 du règle

ment.

Cette proposition a pour objet de faire partager à la Chambre des pairs le vœu émis par la Chambre des députés, dans son adresse relative au 21 janvier, et de supplier en conséquence Sa Majesté de permettre qu'au pied du monument expiatoire, destiné à transmettre à la postérité la protestation du peuple français contre l'attentat de ce malheureux jour, les noms des pairs de France et leur serment d'être à jamais fidèles au Roi et à son auguste famille, dans l'ordre de primogéniture des membres qui la composent, soient inscrits sur la même table d'airaín, à côté des noms des députés.

L'auteur de la proposition, après en avoir exposé sommairement les motifs, la dépose, signée de lui, sur le bureau.

M. le Président consulte l'Assemblée sur la question de savoir s'il y a lieu de s'occuper de la proposition qui lui est soumise.

L'Assemblée décide qu'il y a lieu de s'en occuper. Elle en ajourne les développements à samedi prochain.

La séance est levée.

CHAMBRE DES DÉPUTÉS.
PRÉSIDENCE DE M. LAINÉ.

Séance du 6 février 1816.

Le procès-verbal de la dernière séance publique est lu par M. le marquis de la Maisonfort et sa rédaction approuvée par la Chambre.

De nombreuses pétitions sont renvoyées à l'examen de la commission qu'elles concernent.

L'ordre du jour appelle à la tribune le rapporteur de la commission centrale, chargée de l'examen du projet de loi concernant les élections.

M. de Villele, député de la Haute-Garonne, au nom de la commission centrale (1). Messieurs, l'ordonnance du Roi, du 13 juillet 1815, portant dissolution de la précédente Chambre des députés et convocation des colléges électoraux, qui vous ont nommés, disposait dans son article 14, que plusieurs articles de la Charte seraient soumis à la révision du pouvoir législatif dans la présente session des Chambres; cette ordonnance portait

(1) Cette commission se compose de MM. de Villèle, Piet, Baert, de Bouville, de Folleville, Dussumier-Fonbrune, Feuillant, de Marandet, Clausel de Coussergues.

aussi que le pouvoir législatif, dans son ensemble, statuerait sur la loi des élections.

C'est par suite de cette ordonnance que les ministres de Sa Majesté vous ont présenté le projet de loi discuté dans vos bureaux et envoyé à la commission dont j'ai l'honneur d'être l'organe auprès de vous.

Les articles 12 et 15 du projet de loi confirment l'article 37 de la Charte, et prononcent la réforme des articles 36 et 38. Il a paru indispensable à la commission que la décision de la Chambre, sur ces articles fondamentaux, soumis à la révision, précédât le rapport complet qu'elle aura à lui faire sur la loi des élections dont ils font partie.

C'est en conséquence de cette opinion que nous venons appeler votre attention sur les trois articles de la Charte, dont doivent dépendre les articles 12 et 15 de la loi des élections, et par suite une partie des dispositions de cette loi.

« Aucun de nous ne doit oublier, » a dit Sa Majesté dans le discours qu'elle vous adressa à l'ouverture des Chambres, qu'auprès de l'avantage d'améliorer est le danger d'innover. » La sagesse du Roi dicta ces paroles; votre commission ne les a pas oubliées; elle vous propose de maintenir la disposition de l'article 38, qui veut que nul ne puisse siéger à la Chambre des députés, s'il n'est âgé de quarante ans. L'expérience de nos Assemblées délibérantes n'a que trop prouvé combien il était désirable que la maturité de l'âge y servit de contrepoids à la vivacité du caractère national; ce ne sera pas vous, Messieurs, qui détruirez une des garanties les plus importantes que le Roi et la nation puissent desirer, du bon choix des hommes destinés à exercer une aussi grande influence sur le sort de l'Etat.

Ce serait abuser inutilement des moments de la Chambre que de développer ici tous les motifs qui ont fait désirer la rectification apportée par l'article 12 du projet de la loi des élections, à l'article 36 de la Charte, qui fixait le nombre des députés à 262; ce changement n'a été combattu dans aucun de vos bureaux; tous ont senti qu'un plus grand nombre de députés était nécessaire pour que la Chambre fùt en proportion plus convenable avec la population du royaume, et devint plus sûrement l'organe de l'opinion la plus générale dans la nation. Il serait également inutile de défendre devant vous la suppression que vous propose votre commission de la disposition insérée dans le projet de loi à la suite de cet article, pour augmenter la députation du département de la Seine. Votre commission n'a vu aucun motif pour que ce département, déjà si favorisé par le siege du gouvernement, qu'il a l'avantage de posséder, dùt l'être encore dans la répartition du nombre des députés de la Chambre entre les départements, en raison de leur population; cette opinion a été unanime dans vos bureaux; de plus longs développoments seraient donc superflus.

Mais la disposition la plus importante que la commission ait à vous proposer, celle qui nécessite par son influence plus directe sur la loi des élections, la décision préliminaire qu'elle vous demande en ce moment, est la substitution du renouvellement total de la Chambre, au mode du renouvellement par cinquième établi par la Charte. L'article 37, maintenu par l'article 15 de la loi qui vous est proposée, est ainsi conçu Les députés seront élus pour cinq ans, et de manière que la Chambre soit renouvelée chaque année par cinquième. Mais comment les députés pourraientils être élus pour cinq ans, et de manière que la Chambre soit renouvelée par cinquième, lors

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