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une même salle. L'effet naturel et nécessaire de leur position est d'établir entre eux une sorte de classement que déterminent les consistances sociales respectives, les divers degrés d'instruction, de talent et surtout de caractères. Les opinions se groupent, les intérêts se rapprochent et forment des masses; ce n'est qu'après cette opération, inaperçue mais indispensable, qu'une assemblée est systématisée; que, cessant d'être un rassemblement, elle forme un corps susceptbile d'action et de délibération. Or, avec des renouvellements partiels, on aura chaque année à recommencer ce travail intérieur nécessaire et souvent dangereux.

Cet aperçu conduit l'orateur à examiner s'il est vrai que le gouvernement ait besoin de s'assurer de la majorité de la Chambre des députés.

Il n'approfondit pas cette question que d'autres ont traitée; mais il s'étend sur la nature du gouvernement représentatif, nature mystérieuse avaient dit quelques personnes, et que M. Benoist croit avoir été très-bien définie par deux orateurs précédemment entendus, M. de La Bourdonnaye et M. de Saint-Aulaire.

Il lui paraît, comme à ces membres, que ce système a pour objet de représenter non pas la volonté ou l'intérêt des commettants, mais uniquement leur opinion, ou pour mieux dire l'opinion publique. Cette opinion, dit-il, se manifeste d'une seule manière, par le choix libre et régulier des députés. Et comme ceux-ci doivent, dans leur opinion, présenter toujours une image fidèle de l'opinion publique; comme il peut arriver que le prince ne reconnaisse pas dans leurs votes, dans leurs discours ce qu'il croit être l'avis de ses peuples, il s'est réservé la faculté d'interroger ceux-ci en dissolvant la Chambre et en demandant aux électeurs de nouveaux députés. Par une raison semblable, il était juste de prévoir que des députés une fois nommés, pourraient ne plus faire entendre que leur propre opinion, et que le gouvernement n'ayant pas de motifs pour s'en plaindre, pourrait ne pas voir de raisons pour consulter leurs commettants: c'est pour obvier à cet inconvénient qu'il a paru nécessaire que ces derniers eussent, à des époques fixes, la faculté de se faire entendre en faisant de nouveaux choix.

M. Benoist développe cette théorie, qui lui paraît suffire pour répondre à toutes les objections. Il s'attache à faire voir que le renouvellement partiel n'exprimerait chaque année que l'opinion d'un petit nombre de départements, et par conséquent n'en exprimerait aucune, parce que le caractère essentiel de l'opinion publique est d'être celle du plus grand nombre.

M. Benoist s'arrête donc à l'opinion de la commission sur le renouvellement par masse.

Quant au nombre de députés dont la Chambre doit être composée, il dit que nulle théorie n'a encore fixé dans quelle quotité des hommes réunis étaient le plus susceptibles de prendre de bonnes déterminations; ne la trouvant donc point dans la nature des choses, il adopte la fixation établie par l'ordonnance du 13 juillet.

Relativement à l'âge, il lui paraît que nos lois ayant fixé à trente ans la présomption de capacité nécessaire pour juger dans les affaires civiles, il est juste d'adopter la même base pour les affaires publiques. L'homme à trente ans, dit-il, a acquis toutes les forces de la pensée; il n'a point encore contracté tous les vices du cœur. Il est susceptible de tous les mouvements généreux, de toutes les déterminations fortes: il est l'homme dans la plénitude de ses facultés.

J'observe d'ailleurs, ajoute-t-il, que des dispositions récentes ont marqué, pour beaucoup de fonctions publiques, l'âge de la retraite à cinquante ans; et, sans doute, ce n'est pas sans réflexion qu'on a fixé ce terme, déterminé peut-être par des observations attentives sur l'effet des grandes agitations de l'âme. Ainsi se trouverait réduite à bien peu d'années la carrière de l'homme occupé des matières législatives; et si nous ne pouvons la prolonger, ne nous occupons pas du moins d'en retarder l'ouverture. Si j'interroge nos circonstances, elles me fournissent de nouveaux motifs pour fixer à trente ans l'éligibilité aux fonctions de député.

Les hommes qui, dans cinq ans, en auront trente, en ont aujourd'hui vingt-cinq. Les événements pour eux ont suppléé aux institutions; ils ont vu de grandes choses, ont assisté à de grands spectacles le malheur même n'a pas manqué à leurs méditations. Mais, plus heureux que nous, ils se présentent aux affaires, libres de souvenirs, exempts de regrets et de remords. Le passé ne les trouble point, et l'avenir s'ouvre devant eux avec tout l'éclat de l'espérance.

Appelés aux fonctions de député, quand ils prêteront le serment de fidélité au Roi, les voûtes de cette enceinte ne retentiront pas de serments qu'ils y aient précédemment prêtés à l'usurpateur; s'ils sont admis auprès de la fille de nos rois, la princesse, d'un eil inquiet, n'examinera pas dans leurs regards, s'ils n'ont point à se reprocher d'avoir jadis concouru au renversement de la monarchie; ils ne craindront pas que la haine ou la prudence aillent rechercher, dans les tristes fastes de nos malheurs, quelques discours qu'ils aient prononcés, quelque événement où ils aient figuré.....

Pour nous, sur qui a si longtemps pesé le double fardeau de la Révolution et de la vie, nous, qui ne pouvons jeter nos regards en arrière sans amertume, et peut-être sans honte, quelle ambition peut nous retenir dans cette pénible carrière? On a demandé si nous étions sans intérêt dans une détermination qui tendrait à prolonger de cinq ans nos fonctions législatives; qu'on ne se presse pas de condamner cet intérêt : il est généreux, parce qu'il s'empreint de sacrifices. Il est du même genre que celui qui fait courir en foule à l'assaut des grenadiers français, jaloux d'arriver les premiers sur la brèche. Ah! qu'on ne nous envie pas cette consolation de nos misères! Avertis, par l'affaiblissement de nos facultés, du terme prochain de nos jours, empressés d'expier, avides de réparer, nous nous hâtons d'être utiles et de mériter que nos enfants se souviennent de quelque bien que nous aurons fait. Semblables aux enfants d'Israël, quand ils sortirent de la terre d'Egypte, nous avons véçu quarante ans dans le désert: nous y avons adoré le veau d'or; nous y avons oublié le Dieu de nos pères; nous expirerons à la vue des montagnes de Sion mais ce n'est point à nous qu'il sera donné d'habiter la terre promise de la monarchie et de la légitimité.

L'orateur vote pour que les députés puissent être nommés à l'âge de trente ans.

M. Richard monte à la tribune. La première partie de son discours est consacrée à un éloge des bienfaits de notre ancienne monarchie, et de l'état heureux de la France, lorsque, vers le milieu du dernier siècle, nous commençâmes à nous apercevoir que nous étions esclaves, et qu'un contrat nouveau était nécessaire pour lier le peuple à son souverain. On menaça l'Etat d'une ruíne

prochaine lorsqu'une seule colonie lui fournissait 80 millions de revenus, et que sur toute la surface du territoire, la valeur des biens territoriaux était dans la plus heureuse progression. Tout ce qui existait fut voué au ridicule, à l'anathème, et la monarchie fut perdue par les fausses lueurs qu'on donna pour des lumières; nous avons passé successivement par toutes les époques qui signalèrent les malheurs de Rome en proie aux chefs populaires, aux factions, à la tyrannie; enfin les redoutables enfants du Nord, comme autrefois, ont appris le chemin de pays plus favorisés de la nature que leur climat glacé. L'ordre cependant est sorti du chaos; un Roi bienfaisant a fondé des institutions nouvelles, qui se rapprochent des anciennes plus qu'on ne le croit, puisqu'elles se bornent à centraliser les garanties qui existaient autrefois. Notre monarchie réédifiée en est encore une véritable, selon Montesquieu, car elle repose encore sur cet honneur inhérent au caractère français.

De bonnes élections sont la base du nouveau gouvernement. Celles qui viennent d'avoir lieu ont été telles qu'on devait le désirer; mais elles ne doivent pas inspirer pour l'avenir une dangereuse sécurité. La Chambre des pairs n'ayant pas encore toute la force d'opinion qu'elle obtiendra du temps, et délibérant en secret, ne résisterait pas à la force redoutable d'action et d'attaque d'une Chambre des députés factieuse. Le droit de dissoudre cette dernière, ce moyen est susceptible d'être employé mal à propos ou trop tard; il ne sauva pas Charles Ier, et Louis XVI fut en danger du moment où le soupçon se répandit, après la séance royale, que les Etats généraux allaient être dissous. La garantie véritable du bien que peut faire la Chambre est dans la Chambre elle-même, et elle a pour base de bonnes lois d'élections. La propriété est une garantie déjà prévue, l'âge en est une autre, et l'orateur proposerait le terme de trente-cinq ans.

Quant au nombre, il ne peut le déterminer, un diviseur étant difficile à trouver sur 83 entre 267 et 402. Ce doit être l'objet d'un travail particulier.

Relativement au renouvellement, M. Richard soutient que la Charte est formelle, et qu'elle le veut entier au bout de cinq ans : autrement, ditil, après avoir dit: Les députés sont élus pour cinq ans, il faudrait qu'il y eût, par forme d'erratum: Lisez pour un, deux, trois et quatre ans. Quel est celui d'entre vous, ajoute-t-il, qui a cru que sa mission expirait au bout d'une année? Quel collége électoral a eu cette pensée? C'est de bonne foi que la nation a donné et que vous avez accepté vos fonctions pour cinq années. Ce ne peut être sérieusement qu'on a dit que votre renouvellement par cinquième devait commencer en 1816. On a voulu sans doute mettre ainsi à l'épreuve votre perspicacité. On devait savoir que la disposition existante concernait l'ancienne Chambre de Buonaparte, et non celle-ci constituée sur des bases nouvelles.

Ce renouvellement dès cette année serait-il le prix de votre dévouement et de vos sacrifices? Comment serait-il envisagé par les départements qui vous ont envoyés? Je dédaigne des objections qui pourront s'élever et ne pourront nous atteindre. On dira que vous voulez imiter la Convention et le long parlement anglais. Reposez-vous sur l'opinion publique du soin de vous venger. Votre prérogative ne donne lieu qu'à des sacrifices de votre part; votre unique récompense sera d'avoir bien servi le Roi et la patrie. Le parlement anglais

est élu pour sept années, et nous, on nous propose un renouvellement dès les premiers pas de notre carrière, quand l'incendie est à peine éteint, lorsque pendant cinq années une partie de notre territoire doit être occupé par des troupes étrangères, lorsque, pour accomplir les traités, nous avons besoin de former un système d'économie et de finances qui assure le service de l'Etat pendant ces mêmes cinq années. Votre renouvellement en 1816 serait inconciliable avec la nature même des fonctions que vous êtes appelés à remplir.

L'orateur termine en votant pour l'adoption des articles de la commission.

On demande la clôture de la discussion.

M. de Briges, inscrit dans l'ordre de la parole, monte à la tribune. On a attaqué la jeunesse à cette tribune, s'écrie-t-il... (Des murmures l'empêchent de continuer.)

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Une foule de voix. Non, non, au contraire..... L'agitation de l'Assembléc continue. Un grand nombre de membres appellent le rappor teur à la tribune. La parole lui est donnée.

M. de Villèle. Messieurs, le devoir du rapporteur de votre commission est de reproduire les principaux arguments dirigés par les divers orateurs contre les conclusions de la commission, et de faire valoir les moyens qu'elle a pour les combattre. Ce devoir est sans doute au-dessus de mes forces; mais les discours des orateurs qui ont partagé l'opinion de la commission, suppléeront à ce qui manquera à celui de son rapporteur.

L'objection le plus souvent reproduite contre le rapport de la commission, celle qu'elle doit avoir le plus à cœur de repousser, puisqu'elle tend à l'accuser d'un esprit d'innovation, et d'attaquer dans leur source les propositions qu'elle a eu l'honneur de vous soumettre, est celle qui a contesté à la Chambre le droit de reviser les trois articles de la Charte sur lesquels nous avons appelé votre délibération.

Mais, Messieurs, sans parler de l'ordonnance du 13 juillet, qui décidait formellement que la révision, non-seulement de ces articles de la Charte, mais encore de plusieurs autres, seraient le premier objet de la délibération des Chambres, examinons s'il était possible que vous ne vous occupassiez pas des trois articles sur lesquels votre commission ne vous a donné son avis que parce que la loi dont vous lui avez confié l'examen l'obligeait à vous le soumettre. Le premier de ces articles, relatif à l'âge des députés, la Charte le fixe à quarante ans; vos élections et l'article 12 de la loi qui vous est soumise l'ont réduit à vingt-cinq ans; pouvez-vous vous dispenser de prendre une décision sur cet article? Votre commission pouvait-elle se mettre plus en harmonie avec la sagesse de vos principes? pouvaitelle donner une plus grande marque de déférence et de respect pour la Charte, qu'elle ne l'a fait en vous proposant de prononcer non dans l'article d'une loi réglementaire, mais par une décision solennelle et particulière, que la disposition de la Charte serait maintenue?

Et, en effet, Messieurs, on a reproché au rapporteur de votre commission de n'avoir pas donné assez de développement à son opinion sur cet article. Tous les motifs qui ont décidé votre commission sont établis dans le rapport; elle est sur la maturité de l'âge des députés; elle est une garantie contre les entreprises de la Chambre des députés; elle est une garantie qu'ils auront déjà acquis l'expérience qui leur est nécessaire pour délibérer sur les questions qu'ils sont appelés à

décider. L'âge de quarante ans, exigé des députés, détruit entièrement la prétention de faire de la Chambre une carrière ouverte pour s'élever aux premières places de l'Etat. La carrière la plus honorable, qui doit être ouverte en France aux jeunes gens, est celle des armes; car la France n'est point une île comme l'Angleterre, et a besoin d'une armée composée de l'élite de la nation; assez d'autres carrières sont ouvertes aux jeunes gens en France.

Ne déplaçons rien, Messieurs, laissons l'action à la jeunesse, la délibération à l'âge mûr; que les fonctions de député soient une récompense et non un moyen de parvenir; car pour parvenir il faut se montrer, il faut briller, il faut se distinguer; et pour obtenir ces résultats dans une Assemblée, nous savons ce qu'il en coûte aux Etats.

On a parlé des souvenirs des gens de quarante ans, sans rappeler qu'à peine aujourd'hui les hommes de cet âge en avaient treize à l'époque fatale de nos premiers troubles civils; mais on n'a pas parlé de l'éducation politique qu'ont reçue la plupart de nos jeunes gens sous la tyrannie qui vient de finir. La comparaison, tirée de l'âge exigé pour les pairs avec celui des députés, ne pourra être utile à la décision de la question, qu'après qu'on aura prouvé que la Chambre des pairs a autant de moyens d'agiter la nation qu'une Chambre des députés factieuse.

Je termine, Messieurs, et aucune question n'aurait été plus pénible à traiter pour moi, si je n'avais pour mes jeunes collègues toute l'estime que je sais qu'ils méritent assez pour me permettre de m'exprimer avec toute franchise devant eux sur des motifs qui ne peuvent les atteindre. L'âge de quarante ans paraît à votre commission une garantie au Roi et à la nation contre les dangers de la transplantation du gouvernement représentatif en France; elle persiste dans l'espoir que votre sagesse ne la refusera pas

Telle est l'opinion de votre commission; mais il est dans sa loyauté de produire, puisqu'elle n'a pas été faite, une des plus fortes objections qui puissent, ce nous semble, lui être opposée, et porter à fixer cet âge à trente ans au lieu de quarante.

C'est la considération de l'existence dans cette Chambre d'un certain nombre de nos collègues qui, après avoir siégé dans une Chambre pendant cinq ans, seraient ensuite inéligibles peut-être pendant dix ans, comme trop jeunes; c'est là, sans doute, une objection très-forte contre notre avis c'est à la Chambre à la juger. Votre commission l'a vue, et n'a pas cru devoir lui sacrifier son opinion.

Le second article de la Charte soumis à votre examen est celui relatif au nombre des députés dont doit être composée la Chambre. Ici, Messieurs, même embarras que pour le précédent. L'article de la Charte fixait ce nombre à 262 : l'article de la loi proposée par les ministres, et la composition existante de votre Chambre, l'ont porté à 402. Votre commission a-t-elle pu, pouvezvous vous-mêmes vous dispenser de prononcer entre ces propositions et ces existences contradictoires? Je vais plus loin, et je demande si la proposition qui vous est faite par votre commission n'est pas la seule à laquelle vous puissiez donner votre approbation. Comment serait-il possible de fixer pour la Chambre un autre nombre de députés que celui dont elle est composée en ce moment, surtout dans le système de ceux qui ont demandé le maintien du renouvellement par séries?

Admettront-ils l'injustice de conserver aux séries restantes la totalité de leurs députés, tandis qu'ils soumettront à une réduction les séries renouvelées ? ou, pour rétablir l'équilibre, décimeront-ils par le sort les députés des autres départements? Renverront-ils la totalité de la Chambre pour faire procéder à son renouvellement total, seul moyen de rétablir cette combinaison de 262, qui leur paraît si précieuse parce qu'elle est dans la Charte, quoiqu'elle n'y soit évidemment que parce que, comme vous l'a déjà dit votre commission, la Chambre des députés, existante à l'époque où la Charte a été rédigée, était composée de ce nombre? Mais remontons plus haut, et voyons comment le Corps législatif, sous Buonaparte, était fixé à 262 députés; cette institution n'était que le reste d'une représentation divisée en deux corps, dont l'un disparut un jour, et l'autre resta composé de 262 députés. Telle est, Messieurs, cette combinaison respectable et si bien adaptée au système de représentation nécessaire à la France, que, pour y revenir, il faut vous dissoudre et procéder à de nouvelles élections.

Non, votre commission n'a point manqué de respect pour la Charte; elle ne vous a rien proposé qui fût hors de vos attributions, lorsque, conformément à l'article d'une loi soumise à votre délibération, elle vous a demandé de fixer le nombre des députés à celui dont se trouve actuellement composée votre Chambre; le seul qui puisse se concilier avec votre existence, que le temps ou l'usage de la prérogative royale ont seuls le droit de faire cesser.

J'arrive au dernier point de la discussion, et n'abuserai pas des moments de la Chambre, sur un article auquel votre commission a plus particulièrement consacré les développements fournis par son premier rapport.

Citons textuellement l'article 37 de la Charte ; il est ainsi conçu : « Les députés seront élus pour << cinq ans, et de manière que la Chambre soit « renouvelée chaque année par cinquième. » Sans nous livrer, Messieurs, à toutes les subtilités qui pourraient résulter du rapprochement des deux parties de cet article, nous dirons, avec la franchise qui sera toujours notre seul moyen de défendre nos opinions, que le sens de l'article de la Charte nous paraît avoir voulu prononcer que la Chambre des députés serait renouvelée par cinquième et par séries, comme le Corps législatif l'était sous Buonaparte, et comme le projet de loi qui vous est soumis propose de l'établir.

Mais est-ce l'ambiguïté de la Charte que nous avons appelée à notre aide pour soutenir la proposition que nous avons faite de réformer cet article; ou sont-ce les motifs d'intérêt public les plus puissants que nous avons fait valoir devant vous pour vous décider à en changer les dispositions? Mais qui vous y a autorisés? ont dit les orateurs qui se sont élevés contre la proposition. C'est ici que je leur répondrai que ce qui nous y autorise, en négligeant même l'autorisation formelle de l'ordonnance du 13 juillet, c'est la vérité évidente de ce qu'a dit la commission dans son premier rapport, que cet article étant rédigé dans l'intérêt unique de la Chambre des députés qui existait alors, exige nécessairement une interprétation, aujourd'hui qu'elle n'existe plus et qu'il s'agit de renouveler, par cinquième, une Chambre composée en totalité de députés qui viennent d'être élus tous pour cinq ans. Il faut nécessairement interpréter, éclaircir, mettre d'accord avec lui-même, un article dont la première

phrase établit un principe qui est incompatible avec celui qu'établit la seconde. Mais si vous êtes appelés, par l'article 15 du projet de loi qui vous est soumis, à déclarer, en principe, que les députés qui viennent d'être nominés pour cinq ans ne le seront pourtant que pour un, deux, trois et quatre ans ; si vous êtes obligés d'établir, par le second paragraphe de cet article, que les députés nommés en août dernier, pour cinq ans, cesseront leurs fonctions en mars de cette année avec la présente session; si, par l'article 18 de cette loi, vous êtes forcés de porter atteinte à ce nouveau système auquel vous avez déjà fait tous ces sacrifices, et qu'on vous fasse déclarer que, dans le cas où une session se prolongerait au delà de l'année dans laquelle elle a été ouverte, les députés de la série sortante ne sortiraient pourtant pas et siégeraient jusqu'à la fin de la session; si vous avez la faculté de donner ou de ne pas donner ces interprétations subversives du principe établi par la première partie de l'article; si, au lieu de sacrifier la nomination des députés pour cinq ans, vous reconnaissez qu'il est utile à votre pays de sacrifier le renouvellement de la Chambre par cinquième, n'êtes-vous pas en droit de le proposer par amendement à la loi, et n'est-ce pas votre devoir ? Tels sont, Messieurs, les droits dont votre commission a cru que vous pouviez faire usage, sans être parjures, sans sortir de vos attributions, sans vous emparer de l'initiative de la loi, ainsi qu'on nous en accuse, mais en remplissant le plus noble et le plus sacré de vos devoirs, celui de réfléchir et combiner, dans l'intérêt de votre Roi et de votre pays, la loi la plus importante qui puisse jamais être soumise à votre délibération.

Votre commission, Messieurs, avait établi la nécessité de la réforme de l'article 37 de la Charte, sur ce qui lui avait paru uniquement transitoire et fait pour être appliqué à la Chambre qui existait alors; en effet, dans cette hypothèse, et en suivant l'ordre établi par l'article 76, les députés de la première série seraient sortis en 1816, ils auraient été remplacés par des députés élus pour cinq ans, et qui auraient en effet siégé cinq ans; et la Chambre ainsi renouvelée par cinquième, l'aurait toujours été par des députés qui auraient siégé pendant tout le temps pour lequel ils auraient été élus Mais, considérez, Messieurs, la confusion qu'a jetée, dans tout ce système, l'usage inattendu de la prérogative royale, et vous reconnaîtrez le fondement du second motif, invoqué par votre commission, pour établir l'utilité de la réforme de l'article 37 de la Charte, son incompatibilité avec l'usage de la prérogative royale de dissoudre la Chambre. Rien de ce qui a été dit dans la discussion, pour vous prouver que le renouvellement par cinquième n'entraînait pas la perte de cette prérogative, ne peut répondre à ce dilemme ou le Roi en usera souvent, et alors le renouvellement partiel n'existera plus, la confusion la plus intolérable régnera dans les élections (nous en avons détaillé les conséquences dans notre premier rapport); ou le Roi n'usera que rarement, et dans les seuls cas d'un motif extraordinaire, de sa prérogative, et alors nous osons le prévoir, parce que l'effet en est inévitable, il la perdra, et la tentative d'en user, dans les circonstances difficiles, ne sera peut-être pas sans danger pour la nation, à laquelle, au reste, la conservation de cette prérogative royale est aussi nécessaire qu'elle peut l'être au Roi lui-même.

On a, dans la discussion, établi plusieurs sys

tèmes opposés sur des suppositions qui, étant toujours, ainsi que leurs conséquences, à la disposition des orateurs, n'offrent d'autre prise à la controverse que de nier le point de départ; ce qui entraîne la chute de tout le système.

Mais, Messieurs, s'agit-il donc de système et de supposition dans une question sur laquelle notre expérience et celle des nations voisines peuvent nous fournir des données aussi certaines? Le renouvellement partiel de vos Corps législatifs vous a fait assez connaître les conséquences inévitables de ce mode; plusieurs des orateurs qui m'ont précédé à cette tribune vous en ont rappelé tous les résultats; un d'eux vous a dit même qu'il serait un moyen certain de perpétuer dans les Chambres suivantes le bon esprit qui vous anime, et son éloquence persuasive eût sans doute produit un effet plus durable, si, votant plus bas pour la réduction de la Chambre, au nombre de deux cent soixante-deux députés, il ne nous eùl prouvé le peu d'importance qu'il ajoutait luimême à la première considération qu'il avait fait valoir, puisque votre Chambre ne peut être réduite à deux cent soixante-deux députés sans être dissoute, et, si elle est dissoute, le renouvellement par cinquième ne peut servir à perpétuer l'esprit qui l'anime. Ce qui le perpétuera, Messieurs, c'est la liberté des élections, c'est l'indépendance de la Chambre. La révolution ne s'est prolongée, pour nous, que par l'influence exercée par les révolutionnaires sur les élections et sur les assemblées délibérantes: le renouvellement partiel a joué le premier rôle dans cette longue oppression du Corps législatif, commencée le 13 vendémiaire et terminée si glorieusement par l'énergique patriotisme du plus distingué de nos collègues. On nous dit que le renouvellement par cinquième pourra perpétuer un bon esprit dans les Chambres; il pourra donc en perpétuer un mauvais, si jamais il s'y établit, et cette conséquence inévitable devrait seule vous empêcher de l'admettre dans votre constitution représentative.

Plus on réfléchit sur ce mode, et plus les objections se présentent pour le repousser les renouvellements partiels ont une tendance telle à établir la permanence des corps, que la Chambre que vous avez remplacée avait déjà laissé reposer pendant trois ans la sortie de ses séries, sansque la France s'en fût à peine aperçue, lorsque la Charte lui fournit l'occasion d'être encore deux ans sans en user; et ce vice radical est tellement inhérent au renouvellement par séries, que vous l'apercevrez déjà, se montrant à découvert dans l'article 18 du projet de loi des ministres, ainsi que je l'ai déjà montré plus haut.

Si, jetant un coup d'œil autour de nous, nous voulons examiner les institutions analogues aux nôtres, chez les nations voisines, nous verrons celle sur la constitution de laquelle notre Charte à été modelée, avoir une Chambre des pairs perpétuelle, mais une Chambre des communes, élue pour sept ans, renouvelée en totalité, et que le Roi dissout toujours avant le terme de sa durée constitutionnelle.

Nous trouverons, dans la loi fondamentale du royaume des Pays-Bas, la première Chambre composée de membres nommés à vie par le Roi; la seconde Chambre, nommée par les provinces pour trois ans, et renouvelée annuellement par tiers, mais sans que le Roi puisse jamais la dissoudre; car on a senti là, comme nous le sentons ici, que la prérogative de dissoudre la Chambre est incompatible avec son renouvellement partiel.

Les Etats-Unis d'Amérique ont un Sénat qui se

renouvelle aussi partiellement; mais aucun pouvoir ne peut le dissoudre, et les membres du Congrès sont élus pour deux ans en totalité, et renouvelés en totalité.

Ici finit, Messieurs, la tâche qui m'était imposée. Votre commission croit avoir rempli, avec la plus religieuse exactitude, celle que vous lui aviez confiée; elle a étudié, réfléchi et mûri les propositions qu'elle vous soumet; elle les croit essentiellement utiles à la bonne organisation du gouvernement représentatif qui nous a été donné; elle persiste à demander à la Chambre l'adoption de la résolution qu'elle lui a proposée.

Un grand nombre de voix. Appuyé, appuyé...
L'impression de ce discours est ordonnée.
On demande la clôture de la discussion.

M. le Vice-Président, MM. les ministres du Roi, présents à la séance, désirent-ils être entendus?

M. le ministre de l'intérieur exprime l'intention de ne pas prendre la parole en cet instant.

On demande de nouveau la clôture de la discussion.

La Chambre, consultée, vote unanimement que la discussion est fermée.

M. le Ministre de l'intérieur monte alors à la tribune et annonce à la Chambre que c'est au moment même où elle a décidé qu'elle fermait la discussion, qu'il a cru devoir faire une observation.

Messieurs, poursuit M. de Vaublanc, lorsqu'on s'est occupé du projet de loi sur les élections, que j'ai eu l'honneur de vous présenter, de trèshautes considérations ont empêché de discuter l'article constitutionnel qui détermine le mode de renouvellement de la Chambre des députés.

Vous avez reçu le projet de loi : une commission a été nommée pour l'examiner et vous en faire son rapport, et elle a cru devoir vous proposer de délibérer sur les modifications dont quelques-uns des articles indiqués sont susceptibles, particulièrement celui relatif au renouvellement.

Dans cette situation, les ministres de Sa Majesté ont dû garder le silence: ils n'ont pas dû prendre part à une discussion dont l'objet principal n'était pas émané du ministère, et qui n'avait pas précisément pour objet le projet présenté au nom du Roi.

Actuellement, Messieurs, que cette discussion est fermée, les ministres du Roi vous expriment le désir que la délibération que vous allez prendre soit par vous envoyée à la Chambre des pairs, dans la forme ordinaire d'une résolution. La

pas lui-même tenu le fil de l'analyse qu'il présente, et ne soumette pas à la Chambre, avec la clarté et la méthode qui lui est propre, l'ordre à suivre dans la délibération dont elle va s'occuper.

Après le résumé qui a duré près d'une heure, et qui a été écouté avec une attention soutenue, M. le Vice-Président annonce qu'il va poser les questions.

M. de Castelbajac et d'autres membres réclament à la fois la parole sur la position des questions.

D'autres membres. Laissez-les poser à M. le président.

M. le Vice-Président pose successivement les trois questions, et rappelle les amendements auxquels elles ont donné lieu.

On demande à aller aux voix.

M. le Vice-Président. Après avoir délibéré sur les questions proposées, il vous restera encore à délibérer si votre délibération sera seulement réunie à votre procès-verbal pour régler celle que vous aurez ensuite à prendre sur l'ensemble de la loi. Vous venez d'entendre le ministre du Roi vous exprimer le désir que votre délibération fût prise dans la forme d'une résolution, et envoyée à la Chambre des pairs. Mais ici il semble que le ministre du Roi à perdu un moment de vue les principes habituels de vos délibérations et les dispositions de votre règlement s'il s'agissait d'une proposition, elle aurait dû être déposée sur le bureau, développée et discutée en comité secret. Mais ici nous délibérons par suite d'un projet présenté au nom du Roi. Nous pouvons en modifier les articles, mais alors il faut que la résolution soit publique et adressée au Roi, pour que Sa Majesté l'adresse, si elle le juge convenable, à la Chambre des pairs. Les conséquences de votre décision à cet égard sont importantes. Il s'agit de changements à apporter à la Charte; or, aucun article ne peut être changé sans l'unanimité des pouvoirs qui constituent la législature. Un seul de ces pouvoirs refusant d'approuver ces changements, les articles se trouvent maintenus par le fait. Vous aurez donc, après avoir voté, à délibérer sur le résultat même de votre délibération et l'effet qui devra la suivre.

M. de Catelbajac. L'observation que j'ai à présenter est simple. Un projet a été proposé au nom du Roi; il a été renvoyé dans les bureaux, un rapport a été fait; le ministre de l'intérieur désire que votre délibération sur les articles séparés du projet soit envoyée à la Chambre des

Chambre des pairs émettra son vœu sur ces impairs. Cette marche demande une explication de

portantes questions, et ce n'est que lorsque le vœu des deux Chambres sera prononcé, que le ministère pourra voir quelle sorte de changement la résolution des deux Chambres pourra apporter dans le système et dans l'économie du projet qu'il vous a soumis. C'est alors seulement que le ministère pourra prendre les ordres du Roi.

M. le Vice-Président prend la parole et présente le résumé de la discussion. Il analyse les diverses opinions qui ont été émises sur le rapport de la commission, les reproches qui se sont élevés contre elle relativement à la marche qu'elle a fait prendre à la délibération, les motifs qu'elle a exposés pour sa justification; il rappelle enfin les trois dispositions sur lesquelles la Chambre a à délibérer, et les amendements proposés à chacunes d'elles.

Il termine en exprimant le plus vif regret que l'illustre collègue qui lui a cédé le fauteuil, n'ait

la part des ministres : nous devons désirer savoir si le ministre entend que notre délibération ira à la Chambre des pairs, comme émanée du trône ou de la Chambre seulement. Si la délibération n'est considérée que comme émanant de la Chambre, la forme proposée n'est point convenable.

M. Voysin de Gartempe. J'applaudis au respect religieux de la commission pour la Charte, et je partage l'esprit de réserve qui a dicté son opinion.

Mais je diffère avec elle sur le mode de délibération qu'elle vous propose.

Je ne vois pas quel serait le but d'une résolution qui n'aurait d'autre effet que d'insérer au procès-verbal de la Chambre l'avis de la majorité sur une question qui ne se trouverait pas encore décidée d'une manière absolue et impérative; car il n'y a qu'une loi qui pût imposer silence aux opinions qui s'élèveraient encore lors de la discussion des autres articles du projet de loi,

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