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sors de son inépuisable bienfaisance. Ce bel exemple est imité par les princes de son auguste famille, qui, à l'envi les uns des autres, soulagent les nombreuses victimes de nos longs désastres. Mais tant de vertus ne peuvent que ce qui est possible. Vainement cette sollicitude voudrait s'étendre jusqu'aux ecclésiastiques, sur lesquels toutefois elle ne cesse de veiller. C'est aux sujets à aider leur monarque. Il semble faire un appel à tous les Français restés fidèles à la religion, à ces autres Français reconciliés avec elle; il semble leur dire de suppléer à ce que ne peut faire sa royale bienfaisance, d'aider un clergé dont le règne n'est point de ce monde, mais qui ne peut s'occuper sans distraction des intérêts du ciel qu'autant que la charité chrétienne n'abandonnera pas ses intérêts personnels, qui n'ont pu souffrir pendant tant d'années sans que la société ait également souffert.

Si vous adoptez cette résolution, songez, Messieurs, à l'heureuse influence qu'elle aura sur toutes les idées. Plus elle se trouve en rapport avec des vœux si longtemps comprimés, avec les besoins de la société, qui s'indigne d'un joug toléré si patiemment, plus elle vous attirera de bénédictions. Ses heureux effets ne se bornent pas à la France. Elle donnera aux étrangers une juste idée de notre retour aux principes qui firent si longtemps le bonheur de cette antique monarchie; elle ne contribuera pas peu à les faire revenir de leurs préjugés défavorables. N'oublions pas ces mémorables paroles du président du conseil des ministres « Forçons les peuples à se fier à nous, « à nous bien connaître, à se réconcilier franche«ment et pour jamais avec nous (1). » S'il est un moyen certain de préparer l'accomplissement de ce vœu national, et j'ose dire prophétique, n'est-ce pas de réveiller dans tous les cœurs les idées religieuses, qui contribuent si puissamment au maintien de l'ordre, à la soumission des sujets, à la stabilité des trônes?

:

Empressez-vous donc, Messieurs, de seconder les vues paternelles du monarque; et, vous élevant au-dessus des craintes affectées d'un parti ennemi de la religion, parce qu'elle est l'ennemie de tous les genres de désordres, satisfaites au vou de la France, en accueillant celui de la Chambre des députés.

Je vote pour l'adoption pure et simple de la résolution.

L'heure étant avancée, la Chambre renvoie à demain la suite de la discussion.

La séance est levée.

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(4 mars 1816.]

387 La Chambre agrée ces deux hommages et ordonne le dépôt à la bibliothèque.

M. le comte Dumoncel fait à la Chambre une proposition tendant à supprimer la question préalable, ou du moins à en restreindre l'usage invoquée. aux seuls cas où elle peut être raisonnablement

Le développement de cette proposition est renvoyé à une des prochaines séances.

L'ordre du jour appelle à la tribune le rapporteur de la commission sur les élections

M. de Villèle. Messieurs, vous avez décidé qu'il y aurait deux degrés d'élection, et que le premier degré serait à l'arrondissement; ainsi le second degré ne peut plus être qu'au département, car le second doit être supérieur au premier, et dans notre hiérarchie administrative comme dans notre division territoriale, nous n'avons que le département au-dessus de l'arrondissement.

Tout notre système électoral se réduira donc à des coiléges de département et des colléges d'arrondissement.

Les colleges de département peuvent être élus par les collèges d'arrondissement; mais les colléges d'arrondissement ne pouvant être élus euxmêmes parce qu'ils sont votre premier degré, doivent être composés d'électeurs de droit, c'està-dire d'électeurs que votre loi doit choisir ellemême, et désigner de telle sorte qu'ils soient connus et appelés par le droit propre que vous aurez spécifié pour être membres des colléges électoraux d'arrondissement.

A moins d'admettre la division par section, il est impossible, avec ces bases, d'étendre à un grand nombre de citoyens le droit de prendre part aux élections, puisqu'il est reconnu qu'on ne pourrait, sans s'exposer à une confusion intolérable, porter à plus de trois cents votants le nombre des électeurs dans une même assemblée. Partant de cette donnée, et afin de rendre nos observations plus sensibles, prenant un départequi est, sous une infinité de rapports, dans le ment pour exemple, celui de la Haute-Garonne, terme moyen de tous les départements du royaume, nous trouverons qu'étant divisé en quatre arrondissements, douze cents personnes seulement seraient appelées à prendre part à la nomination des électeurs qui éliront les cinq députés de ce département, dont la population est de trois cent soixante-sept mille habitants et qui paye 3 millions en principal de contribution directe.

Le résultat du système que nous examinons
serait donc, sur ce département, qu'un seul ha-
bitant sur trois cents, un seul chef de famille sur
soixante, aurait le droit de concourir, non pas
même à l'élection des députés, mais seulement
à celle des électeurs qui nommeront les députés ;
et si, après avoir trouvé ce résultat sous le rap-
port de la population, nous considérons le sys-
tème sous celui du principal de la contribution
directe, nous trouverons que le moins imposé des
douze cents électeurs d'arrondissement ne payant
que 300 francs de contribution, exercera pour-
tant dans l'élection un droit correspondant
à une somme de 2,500 francs sur le total de
la contribution directe de ce département.

Nous avons établi plus haut que c'était la loi
que vous nous avez chargés de présenter qui de-
vait désigner ces électeurs de droit; mais sur
quelle base votre commission pourrait-elle se
hasarder à vous proposer le choix si délicat par
son importance de la classe qui doit jouir d'un tel

avantage, de la classe qui doit influer si fortement sur le sort de votre pays par les élections de vos députés?

Au défaut d'un avis de votre commission sur un pareil choix, et elle vous déclare qu'elle n'en a pas à vous présenter, parce qu'elle ne peut en avoir dont elle puisse calculer les résultats, même probables, deux opinions principales ont été émises pour des électeurs de droit celle du projet des ministres, et nous la préférerions à toute autre si nous en étions réduits à livrer notre pays à un système électoral qui détruit entièrement les avantages du gouvernement représentatif. Nos raisons pour le préférer sont que du moins le résultat de son adoption ne serait pas douteux, car il place les élections et conséquemment le levier politique de la Chambre des députés sous l'influence presque exclusive du gouvernement, et qu'ainsi nous serions dédommagés, du moins par la tranquillité dont nous jouirions, des droits politiques que nous aurions perdus. Mais ce système établit, comme celui de la commission, le premier degré de l'élection dans les cantons, et vous avez décidé qu'il serait placé à l'arrondissement.

La seconde opinion émise sur la question qui nous occupe est celle que nous nous sommes particulièrement appliqués à combattre dans notre dernier rapport, celle qui accorde le droit exclusif de concourir à l'élection des électeurs et des députés aux seuls contribuables payant 300 francs et au-dessus de contribution directe. Votre commission ne rappellera point les motifs qu'elle a si récemment fait valoir pour prouver que l'interprétation de la Charte sur laquelle on voulait fonder ce système n'était pas admissible, et pour faire sentir les dangers de son adoption, elle se bornera à deux réflexions nouvelles dont vous jugerez le mérite.

Avant d'établir une aristocratie politique telle que celle qu'on vous propose, avant de sacrifier à ce système la véritable base du gouvernement représentatif qui vous a été donné, avant de choisir sur trois cents habitants celui qui doit seul jouir des droits de tous les autres, ou qui, si l'on veut, doit seul porter la parole pour eux lorsqu'on les consultera sur le choix des électeurs, n'est-il pas sage, n'est-ils pas indispensable même que vous connaissiez avec plus de détails et de certitude que vous ne pouvez en avoir en ce moment, le nombre total des imposés à 300 francs et audessus; leur nombre par canton, par arrondissement, par département; les proportions des contributions relatives, et qu'ainsi vous puissiez juger en connaissance de cause à quelle partie de la population vous accordez la majorité de ces suffrages réduits, qu'on vous propose d'admettre seuls pour élire notre Chambre des députés; en un mot, avant de faire un tel choix, puisqu'on vous place dans la nécessité de le faire, faut-il du moins que vous sachiez à qui vous confiez le sort futur de votre pays.

Nous vous prierons également de porter vos réflexions sur la question de savoir si cet avantage si important, qu'on vous propose d'accorder à la cote contributive de 300 francs, ne tendrait pas à multiplier infiniment les fortunes correspondantes à celle-là, si les classes inférieures ne chercheraient pas toujours à l'atteindre comme le but de leur ambition, si les classes supérieures n'en faisaient pas la base des apanages de leurs enfants, et si la division des propriétés, vers laquelle nous entraînerait peut-être cette institution, ne serait pas essentiellement anti-monarchique.

Mais à toutes ces considérations d'intérêt général, qui ont arrêté votre commission sur la proposition que vous aviez renvoyée à son examen, se sont jointes des difficultés dans les détails d'exécution du système que vous avez adopté; nous allons essayer de les faire sentir.

Si nous faisons l'application au département que nous avons déjà pris pour exemple de la marche à suivre dans ce système, pour les opérations de l'élection, il en résultera la nécessité de faire nommer par chacun de ses quatre colléges d'arrondissement le quart des membres du collége électoral de département; le collége électoral de ce département étant composé de deux cent dix électeurs, d'après le projet de votre commission, chaque collégé d'arrondissement aura nécessairement cinquante-deux électeurs à nommer et vingtquatre candidats à présenter pour le conseil d'arrondissement. Or, comment faire faire en moins de quinze ou vingt jours, à la majorité absolue des suffrages et avec les ballottages nécessaires pour parvenir à un résultat régulier, soixanteseize nominations à une assemblée composée de trois cents personnes? Chacun de vous a suivi, en août dernier, la session des colléges électoraux, et peut se rappeler le temps qu'ils ont mis à faire leurs opérations, et le nombre de nominations qu'ils avaient à faire, et il s'assurera de la réalité de l'obstacle que vous signale votre commission. Si nos colléges électoraux ont à peine nommé deux députés par jour, combien de temps faudrait-il pour faire soixante-seize nominations à des assemblées composées de trois cents per

sonnes.

Observez encore, Messieurs, que les trois quarts à peu près de ces colléges d'arrondissement sont composés d'habitants de la campagne, obligés de faire plusieurs lieues et d'abandonner leurs affaires pour se rendre au chef-lieu; n'est-il pas évident qu'après un ou deux jours de session ils seront forcés d'abandonner le collége, et comme pour opérer, les colléges doivent être composés de la moitié plus un des membres, les nominations ne pourront jamais être terminées régulièrement.

Si, pour éviter les inconvénients que nous venons de vous signaler, vous voulez diviser le collége électoral d'arrondissement en sections, comment se fera cette division? Vous devez naturellement lui faire suivre la division territoriale, et alors, que seront vos sections d'arrondissement, si ce n'est les colléges électoraux de canton du projet des ministres, ou les assemblées cantonales du projet de la commission?

On a proposé que cette division par sections ne fût point basée sur la division territoriale, mais fût réglée uniquement par un nombre donné d'électeurs qui ne pourrait être surpassé, et que toutes les assemblées sectionnaires fussent réunies en même temps dans divers locaux au cheflieu de l'arrondissement. Ainsi, dans ce système, supposant le collége électoral composé de trois cents électeurs, il se diviserait en trois sections de cent chacune, qui auraient à nommer le tiers des électeurs à élire par l'arrondissement. Mais de deux choses l'une, ou vos assemblées sectionnaires seront composées d'après un tirage au sort entre la totalité des votants, pour connaître la section à laquelle chacun d'eux appartiendra, et alors plus d'intérêt de localité pour les élections, tout est confondu, et les sections, sans gage pour leurs choix, seront constamment obligées de réélire, parce qu'elles auront élu des électeurs choisis déjà par une des autres, ce qui prolongera inutilement les opérations et rejetterà dans l'embarras

que nous cherchons à éviter; ou la division des sections sera basée sur celle des cantons, et alors pourquoi tenir ces assemblées au chef-lieu de l'arrondissement, et ne pas se réunir de préférence dans leurs cantons où les votants se rendront avec plus de facilité et d'exactitude ? Ce mode, si vous l'adoptez, permettrait à votre commission de se rattacher aux principes qu'elle a professés dans toute cette discussion, et il n'y aurait aucun obstacle à appeler à ces assemblées sectionnaires un aussi grand nombre de votants qu'on le jugerait utile.

Il me reste à faire une observation. La Chambre n'ayant pas prononcé relativement à la cote contributive admise à voter dans les colléges électoraux d'arrondissement, la commission semblerait, pour remplir l'objet de votre délibération, pouvoir se borner à vous proposer de substituer partout dans son projet le mot arrondissement à celui de canton, et les mots de sections d'arrondissement à ceux de sections cantonales. Cependant, pour hâter votre délibération, elle a cru pouvoir appeler votre attention sur la série de questions suivantes, sur lesquelles votre décision devra se régler pour la rédaction définitive du projet de loi:

11l y aura un collége électoral par arrondis

sement.

2o Le collége d'arrondissement sera composé de tous les citoyens domiciliés, âgés de vingt-cinq ans et payant 50 francs de contribution.

3o Pour procéder à ses opérations, le collége d'arrondissement pourra être divisé en autant de sections qu'il y a de cantons.

4° Le Roi nomme les présidents du collège électoral d'arrondissement; le président du collége nomme les présidents des sections.

5o Le président de l'assemblée électorale d'arrondissement recueille les résultats des opérations des assemblées sectionnaires et les fait passer au préfet du département.

M. le comte de Germiny. Messieurs, vous avez décidé hier une grande question politique. Je ne crains pas de le dire après le rapporteur de votre commission, qui, sans doute, en a senti toute l'importance, et j'ajoute comme lui, qu'elle contrarie en même temps et les bases du projet du ministère et de celui de cette même commission.

Je prévoyais que des objections pourraient vous être faites sur le mode d'exécution. Je n'ai eu garde de m'arrêter à l'avance sur celles qu'il est impossible de vous reproduire sur le principe (1); qu'il me soit permis cependant de vous dire quelques mots sur ce sujet.

Il me semble, Messieurs, que ceux qui l'ont adopté ont tenu un juste milieu entre celui d'une influence trop prononcée et trop évidente, qui devait résulter nécessairement de l'adoption entière du projet présenté par les ministres de Sa Majesté (2), et celui d'une trop grande extension, non du pouvoir électif, mais de la faculté d'élire sur une masse trop difficile à maintenir, trop susceptible de se laisser entraîner par des impulsions étrangères à ses véritables intérêts, trop aisée enfin à abuser.

Il n'est pas possible, Messieurs, que ces réflexions n'aient pas saisi tous ceux qui se sont

(1) Qui vient d'être attaqué par le rapporteur de votre commission, quoiqu'il ait semblé le consentir.

(2) Influence dont ils n'ont pas senti en même temps toutes les circonstances.

décidés pour ce parti que je regarde comme le plus sage.

Il étend les véritables bases du système des élections, car c'est les étendre que de les bien fonder.

Il met ou peut mettre entre les mains de la propriété, la plus rapprochée de celle à laquelle la Charte a donné le droit de concourir à la nomination des députés, celui de la préparer.

Il restreint ce droit à une portion d'individus nécessairement propriétaires, toujours ou presque toujours estimés du peuple de leurs arrondissements, parce que le plus grand nombre est près de lui, participe à ses charges, veille sur les intérêts des familles qui composent ce même peuple, secourt le pauvre qui en fait partie et tient dans la dépendance une autre portion à laquelle il confie ses terres à cultiver, son champ à défricher, son commerce à vivifier et à entretenir.

De là, Messieurs, point de jalousie de la part de ce peuple, point d'intrigue pour le conduire, point d'opposition, point de séduction, et une véritable représentation, composée de tous ceux qui sont vraiment appelés à concourir à la nomination des députés, par ceux à qui leur fortune commande de s'intéresser au salut de la chose publique, par ceux dont les lumières les mettent à même de juger ce qui est propre aux besoins de tous, et, par conséquent, de connaître et de nommer ceux qui s'en sont le plus occupés.

De là, enfin, cette pensée et ce mot si précieux : Ce sont nos députés et les députés de notre choix, puisque nous aurions pu tous ou presque tous l'être.

Je ne me suis permis, Messieurs, de m'étendre sur le mérite du principe adopté hier, par la majorité de cette Assemblée, que pour vous faire sentir combien il est précieux de le maintenir.

Point de démocratie; il est temps et plus que temps que l'expérience nous convainque qu'elle n'est propre qu'à faire le malheur de ceux qui sont dupes de ses théories, dans lesquelles rentrent toutes celles qui tendent à une indépendance trop prononcée.

Point de despotisme de quelque espèce qu'il soit, parce que nous ne savons que trop qu'il conduit à tous les maux.

Reposons-nous dans le sein d'un gouvernement monarchique, qui nous promet d'être traités comme ses enfants, puisqu'il nous a déjà donné le meilleur des pères, et qui nous permet de l'aider dans sa marche, mais non de l'entraver.

Je reviens, Messieurs, aux objections qui peuvent être faites contre les moyens d'exécution de l'élection par les électeurs d'arrondissement, de ceux des colléges de département.

Toutes ces objections coulent sur la composition des colléges d'arrondissement, sur leur nombre, ou sur la tenue de ces colléges et sur leur durée.

Il n'est point de travail, quelque soigné qu'il soit, qui n'ait ses défauts, de loi qui n'ait ses imperfections, de moyen ses inconvénients.

Mais si le principe est bon ou le moins défectueux possible (et j'ai pour m'assurer qu'il est tel, la préférence qui lui a été accordée hier dans cette enceinte), je maintiens qu'il ne faut pas se laisser aller à la première impression que pourraient faire la vue des obstacles qui se rencontrent dans son exécution.

Et d'abord, s'il y a des colléges d'arrondissement, il faut les composer assez, mais pas trop nombreux, faciles à présider, surtout tels que

leurs opérations se terminent dans un temps donné et le plus court possible.

1° Ils doivent être assez, mais pas trop nombeux.

Si dans l'arrondissement il se trouve une suffisante quantité de domiciliés payant 300 francs d'impôts, il faut les y appeler, observant toujours de ne donner à ce collége que l'étendue déterminée, selon la localité, la population et la richesse du pays, depuis 100 jusqu'à 200 francs, par exemple, (et il est fort aisé au ministère d'avoir sur cela les notions utiles pour le fixer).

Si dans l'arrondissement il ne se trouve pas une suffisante quantité l'individus payant 300 francs, pour former le collége, il faut leur adjoindre, pour arriver à la quantité donnée, ceux qui payent l'imposition la plus rapprochée de 300 francs.

Pour soutenir et défendre ce mode de composition, nous avons pour nous, et l'expérience qui en a été faite, et son adoption dans les instructions sur les anciennes ordonnances, et l'usage qui n'en a pas démontré l'inconvénient, et plus que tout cela, la raison qui nous dit que dans le cas où l'on ne peut tout obtenir, il faut avoir le plus possible dans ce qui est le plus rapproché du système.

Voilà la réponse que j'ai cru pouvoir faire à l'objection qui s'est présentée à ma pensée sur la composition du collège d'arrondissement et le nombre de ses électeurs.

2o Ils doivent être faciles à présider, et surtout il faut que leurs opérations se terminent dans un temps donné et le plus court possible.

Le nombre considérable des électeurs à nommer pour former le collége électoral de département doit empêcher d'atteindre à ce double but.

Non, Messieurs, car les électeurs devant tous être pris dans les domiciliés de ce département, payant au moins 300 francs d'impositions, il n'est pas difficile d'en dresser une liste à l'avance qui soit connue par les membres du collège d'arrondissement.

Il n'est pas difficile de déterminer qu'il ne sera pas fait autant de tours de scrutin qu'il y a de d'électeurs à nommer, et que par voie de conséquence, on en peut nommer plusieurs à la fois.

Simplifier et abréger l'opération n'est pas la dénaturer; presque tout est possible quand on le veut, et l'essentiel pour les colléges est d'en éloigner l'intrigue et d'y appeler la vertu.

Je crois, Messieurs, avoir résolu une partie des objections qui puissent vous être présentées ou qui viennent de l'être par le rapporteur de votre commission.

On peut y en ajouter encore quelques autres, mais encore une fois elles ne sont pas de nature à vous faire abandonner le principe que vous avez consacré par votre suffrage.

Qu'il me soit permis de vous dire que ce maintien est des plus essentiels. Il est beau de réparer, mais ce n'est point en innovant.

Nous travaillons en sous-œuvre, et ce n'est pas sans dangers et sans nécessité de grandes précautions.

Si l'on peut faire des reproches au gouvernement représentatif, il faut lui en sauver le plus possible.

Ne revenons point aux assemblées dans lesquelles le peuple sent ses droits au moment même où il commence à les exercer.

Ne détruisons point ce qui existe, dans la crainte de nous rapprocher de ce qui a existé si malheureusement pendant quelques années.

Ne nous refusons point à voir le danger d'ébranler tout en masse. Quand l'ébranlement sera donné, peut-on prévoir tous les effets qu'il peut produire?

Rapprochons-nous des vieilles maximes et des vieilles coutumes; mais dans ce cas éloignonsnous des nouvelles qui tendent toutes à compter pour beaucoup le grand nombre. Les gouvernements ne doivent jamais l'oublier ce grand nombre, que l'orsqu'il s'agit de lui donner des armes pour les détruire ou les mettre en danger. Dans ce cas, les mains les plus pures, même celles qui ont le plus de titres à la reconnaissance des rois, peuvent, malgré elles, devenir des instruments, non de révolte, mais de discordes civiles.

Que le gouvernement actuel soit encore celui d'autrefois, c'est à dire sage, paternel, bienfaisant et fort; mais que sa force ne lui vienne pas par les moyens qui lui ont fait tant de mal.

S'il ne l'est pas assez, c'est par le temps et les bonnes habitudes qu'il peut acquérir ce qui lui manque, mais jamais en mettant en point de contact tous les éléments qui lui sont opposés.

Quand le choc de ceux qui composent l'ensemble des choses a lieu, il est rare qu'il ne s'ensuive pas quelque catastrophe.

C'est l'expérience de celle que j'ai eue sous les yeux, c'est la crainte d'une nouvelle qui ne nous laisserait plus d'espoir, qui m'a fait adopter let principe dont je soutiens le maintien et dont l'application peut avoir lieu comme je l'ai indiqué, sans que l'on puisse craindre la difficulté de l'exécution, qui doit être remise tout entière à la sagesse du Roi.

Je vote pour le maintien de la délibération prise hier, et pour que les colléges d'arrondissement soient composés d'abord de ceux qui payent 300 francs d'impôt et au-dessus, et, s'il n'y en a pas une suffisante quantité pour remplir le nombre déterminé, de ceux pris parmi les imposés au-dessous de 300 francs, en prenant toujours ceux qui en payent le plus.

M. Piet rappelle et développe l'avis de la commission.

M. Colomb établit que le meilleur moyen, pour une assemblée délibérante, de faire respecter ses décisions, est de les respecter elle-même. Les colléges d'arrondissement ont été délibérés en principe; il est de la dignité et de l'honneur de l'Assemblée de ne point s'écarter de ce principe déclaré par elle. L'opinant examine les difficultés qui ont frappé la coinmission au moment où elle a cherché le mode d'exécution: ces difficultés ne lui paraissent point insolubles. Son projet, bien considéré, ne tend qu'à reproduire, sous une forme nouvelle, des assemblées de canton, par le système assez séduisant de la nomination des présisents de section par le président nommé par le Roi. Mais la décision de la Chambre a été, pour rompre toutes les petites intrigues, et pour donner aux départements une représentation suffisante dans le véritable sens de cette expression, qu'il n'y eût qu'une assemblée d'arrondissement. Si la division est nécessaire, elle doit avoir lieu au chef-lieu d'arrondissement, et, pour que l'idée d'assemblées de canton soit tout à fait écartée, on peut statuer que les sections seront tirées au sort. (Des murmures s'élèvent.)

M. de Villèle. Cela est inexécutable.

M. Colomb. Pourquoi inexécutable? Parce que Vous craignez de doubles élections? Mais la même chose peut arriver dans les sections par canton.

L'orateur termine par citer l'exemple des jurés, dont les noms sont tirés au sort avant de prendre

séance, et qui ainsi ne peuvent être séduits ni circonvenus à l'avance.

M. Hyde de Neuville. Nous avons pris une décision sur une question très-importante, mais peutêtre n'en avons-nous pas assez senti les inconvéniens; je les regarde comme insurmontables. Je ne conçois pas comment une assemblée unique, composée dans quelque arrondissement de cent trente personnes, pourrait en si peu de temps en nommer soixante à quatre-vingts. Ce serait des hommes se réunissant pour se nommer eux-mêmes. Quinze jours seraient nécessaires pour l'opération, et les hommes appelés pour y concourir nè consentent pas facilement à se déplacer pour deux jours seulement. La commission se rapproche,dit-on,des assemblés de canton, j'en conviens mais si vous la rejetez, faites-nous donc connaître le mécanisme d'une assemblée unique. Au fond, ce ne sont point des électeurs de canton qu'on réunit, ce sont des électeurs d'arrondissement, pour lesquels il faut trouver un moyen de division.

M. Jollivet croit également qu'il se présente des difficultés insurmontables contre l'idée d'une assemblée unique, qui ne présenterait que désordre et confusion. Mais la commission, en proposant autant de sections que de cantons, est peut-être rentrée trop vivement dans son premier système. On pourrait dire que l'assemblée sera divisée en autant de sections que le nombre de personnes dont elle se composera le fera juger nécessaire.

M. de Barante observe que la Chambre, en se décidant pour les arrondissements, n'a pu être déterminée que par un principe fondamental auquel elle veut sans doute tenir. Sans donte on a cru que les citoyens payant 50 francs de contribution n'intervenaient pas tous aux élections d'une manière utile et nécessaire; on n'a pas voulu trop étendre ou trop restreindre le droit d'élection; on a pensé que la contribution de 300 francs et au-dessous, s'il en était besoin, nous rapprocherait du meilleur système d'élection possible. Si donc la Chambre a voulu aristocratiser les élections, elle doit maintenir sa délibération, et les difficultés sont d'autant moins grandes, que les petites cotes se trouvent exclues. Or, il faut désirer que l'influence d'une aristocratie légale et modérée se fasse sentir dans les élections. Ce serait une bonne position que celle où les hautes classes de la société représenteraient les intérêts de la société entière, sans exciter la haine, la jalousie ou l'animadversion des classes inférieures. Ainsi, vous devez tendre à ce que cette Chambre soit une aristocratie libre, résultat des élections, comme la Chambre des pairs est une aristocratie de droit et par la constitution. La commission paraît espérer que son système procurera les suffrages désirables aux grands propriétaires, par le patronage qu'ils exercent naturellement sur les petits, et c'est en ce sens qu'elle appelle le nombre le plus considérable de ces derniers mais ici, Messieurs, prenons garde le résultat n'est pas si sùr, si certain qu'on veut bien le dire; si on allait se tromper, on jouerait très-gros jeu, et on peut s'exposer à renverser ainsi les institutions elles-mêmes. Voilà ce qui a déterminé la Chambre : c'est une garantie pour la tranquillité de l'Etat qu'elle a cherché en délibérant c'est en ce sens que M. de Germiny a parlé, et j'appuie son amendement.

:

M. de Villele. Le problème est insoluble, si vous n'en venez pas à la division par sections.

On craint de mauvais choix. La série des questions proposées par la commission offrait des

garanties en se rapprochant des principes du gouvernement. C'est ainsi qu'on proposait de savoir s'il y aurait des adjonctions aux colléges de départements, s'il y aurait des électeurs de droit.. La Charte vous laissait maîtres de délibérer à cet égard; vous l'êtes encore d'examiner dans toute leur étendue les inconvénients de trop restreindre les élections. La commission vous propose, dans cette idée, de descendre aux cotes de 50 francs; à cet effet, les sections sont indispensables, et il semble qu'il n'y aurait aucun inconvénient à laisser au Roi le soin d'organiser ces sections par des ordonnances spéciales.

M. Benoist rappelle que la Chambre a terminé la première délibération en adoptant un ordre de questions: ce mode peut encore être suivi. Son intention n'est pas de réduire les électeurs à un trop petit nombre, car ce serait des électeurs de droit, et alors il vaudrait peut-être mieux les désigner. La Charte a particularisé et non généralisé ses dispositions; elle n'a exigé les 300 francs que pour l'élection directe à la Chambre des députés il ne faut pas étendre ses restrictions. Ainsi, dans le système de l'opinant, la première des questions à décider, c'est, si tous les citoyens auxquels la Charte n'ôte pas le droit de voter, seront admis à exercer ce droit.

M. de Trinquelague réduit l'objet de la délibération aux trois propositions suivantes :

1° 50 francs seront-ils suffisants pour avoir le droit de voter?

2° L'assemblée d'arrondissement sera-t-elle divisée?

3° Sera-t-elle divisée par canton, ou par un autre mode?

Cet avis est vivement appuyé.

On demande la clôture de la discussion. La discussion est fermée.

M. le Président met aux voix la question de la double condition de 50 francs de contribution et de vingt-cinq ans d'âge, pour avoir le droit de voter dans le collége d'arrondissement.

M. Corbière demande, par amendement, que la cote de contribution nécessaire soit réduite à 25 francs.

M. de Villėle. J'appuie l'amendement et je demande qu'il soit mis aux voix.

La Chambre, consultée, adopte à une forte majorité le principe de la double condition de 50 francs et de vingt-cinq ans.

M. Sirieys de Mayrinha. Une nouvelle question se présente ici. La patente est-elle un impôt direct? Aurons-nous une garantie suffisante si, au moyen d'une patente, comme cela a eu lieu dans les derniers colléges électoraux, on peut acquérir le droit de voter? Je ne le pense pas. Votre système d'élection repose sur les garanties que donne la propriété foncière; je demande que les patentes ne soient pas comprises dans la contribution exigée.

(Une vive agitation se répand dans l'Assemblée). M. Jollivet. On paraît douter que le droit de patente soit une contribution directe. Ce droit a pour base l'aisance personnelle et mobilière de l'individu qui l'acquitte : il est assis sur la population et sur les localités. Il n'y a rien de plus direct; vous ne pouvez vous dispenser de l'admettre comme une condition qui rend apte à

voter.

M. Davergier de Haurane. La question, Messieurs, est d'une haute importance. Il ne peut entrer dans l'idée d'aucun de vous de priver de l'exercice du droit le plus cher à tous les citoyens, une si grande partie de la nation, celle qui se

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