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blic; raniment un corps qui n'existait plus, pour le placer au-dessus du souverain; et sans aucun égard pour ces célèbres libertés que l'Eglise gallicane a toujours réclamées et défendues avec tant de courage, soumettent le clergé à la dépendance politique d'un chef étranger; et c'est ainsi que, par des idées irréfléchies, imprudentes même, on renverse tout à coup de respectables maximes, de sages institutions, dont tant d'augustes monuments nous avaient conservé jusqu'à nos jours l'heureuse habtiude et la salutaire jouis

sance.

Elle n'est pas moins dangereuse encore dans - ces dispositions où elle assimile à des donations les restitutions volontaires des biens de toute nature provenant du clergé, et où elle établit des espèces de primes d'encouragement pour activer et multiplier ces restitutions. C'est pour la première fois que l'on aura vu des législateurs, d'un côté, consacrer une extension de principe aussi exagérée que fausse et ridicule, et de l'autre autoriser légalement le bouleversement des consciences, le trouble dans les familles, la méfiance, la haine et la vengeance entre les pasteurs et leur troupeau.

Enfin cette loi est incomplète et impolitique sur un point très-important. Elle garde le silence le plus absolu sur les rapports que son objet peut avoir avec les autres cultes chrétiens. Ce silence est-il l'effet de l'inadvertance et de l'oubli ? Est-il l'effet d'une intention précise? C'est ce que nous ignorons; mais toujours est-il vrai, que si la résolution recevait le caractère de loi, ces autres cultes seraient autorisés à réclamer en leur faveur la protection que la Charte leur accorde à tous, et à demander la jouissance des avantages communs avec eux, que la loi pourrait renfermer. Ce silence ne peut-il pas inspirer des soupçons, des inquiétudes, des craintes? Et n'eût-il pas été plus prudent d'éviter même le danger de ces sentiments, toujours fâcheux dans leurs conséquences, en faisant parler la loi dès ce moment?

D'après ces réflexions, la première question que j'ai posée me parait résolue. Le projet de loi est loin d'avoir atteint le but qu'il devait se proposer, celui que la raison, la justice, la prudence, avaient marqué depuis des siècles: la loi n'est donc pas faite; la loi reste donc tout entière à faire.

Maintenant, doit-elle être faite? C'est la seconde question qui reste à examiner.

Point de morale sans religion, point de religion sans culte, point de culte sans ministres.

Ces vérités sont éternelles, bienfaisantes, nécessaires à la société, utiles au gouvernement : la religion inspire à l'homme l'amour de ses devoirs, elle l'appelle sans cesse à les pratiquer, elle le soumet sans contrainte au respect qu'il doit aux lois, au prince, à la patrie.

Il n'est point de législateur sage et éclairé qui ne soit pénétré de ces principes, et ne concoure avec empressement à les établir, à les étendre, à faire renaître enfin pour eux cet attachement, ce zèle qui animaient nos pères, et qui faisaient tout à la fois leur consolation et le bonheur public

Ainsi le rétablissement de la religion et de la morale,depuis trop longtemps méconues en France ne peut pas faire aujourd'hui une question; et, par une conséquence nécessaire, absolue, la situation actuelle du culte catholique exige de grands changements, de grandes améliorations.

Il n'y a pas de doute que les ministres de la religion, et principalement ceux qui, dans la hiérarchie ecclésiastique, occupent les rangs in

férieurs, jouissent à peine de leur nécessaire, et ne peuvent dès-lors secourir le pauvre comme ils le voudraient, et même en proportion de ses besoins.

Que cet état de médiocrité, au milieu de mœurs si éloignées de la pureté et de la simplicité primitives, doit plus que jamais nuire au respect dù à leurs fonctions et à l'influence de leur ministère.

Qu'il faut relever les temples, pour la plupart abattus, ou dans un état de délabrement et de dénùment aussi honteux qu'indécent;

Qu'il est enfin plus nécessaire que jamais d'environner nos actes religieux de cette pompe auguste et brillante qui appartient aux cérémonies du culte catholique, et qui sait si bien, en frappant les regards, attirer les cœurs.

Mais les circonstances où se trouve la France sont-elles heureusement choisies pour remplir tout un objet de si haute importance? Le choix du mode et des moyens proposés pour opérer tant d'avantages précieux est-il convenable? Ces moyens auront-ils toute l'efficacité que l'on en attend, et qu'on leur désire?

Qu'il soit permis d'élever au moins quelques doutes; car plus la religion a de droits à nos égards, à notre respect, à nos vœux, plus son influence est utile, et plus devons-nous à ses augustes intérêts l'hommage de nos soins les plus attentifs, de nos précautions les plus scrupuleuses, de la prudence la plus profonde, afin de rétablir solidement son salutaire empire.

Ne croyons pas que toutes les époques soient indifférentes au succès d'une loi nouvelle; le législateur habile doit encore choisir avec intelligence le moment favorable à sa promulgation. Sans doute la confiance et l'obéissance sont toujours dues aux lois; mais, si l'on croit obtenir ces deux effets par un assentiment unanime et général dans un temps plutôt que dans un autre, pourquoi ce législateur se refuserait-il à quelques retards, lorsque ces retards assureraient sans contrainte et sans défiance le succès de la loi? Les lois qui triomphent par persuasion, par conviction, sont mille fois préférables à celles qui combattent contre la crainte, et triomphent avec force.

Après les violentes tempêtes du sein desquelles nous sortons à peine; après les longs outrages faits aux autels et à leurs ministres, l'esprit public est-il encore en état de recevoir toutes les impressions que l'on veut lui donner? Le peuple, abreuvé des préjugés les plus insensés; le peuple, que l'on a plongé par tous les moyens et sous toutes les formes possibles, dans l'habitude du mépris des principes les plus sacrés et de toutes les convenances les plus respectables; le peuple, qui jouit depuis près de trente années de cette triste et honteuse habitude, ne commencera-t-il pas par jeter un regard inquiet et farouche sur des prétendus projets ultérieurs? N'envisagera-t-il pas les dispositions de cette loi comme les premiers pas vers le rétablissement d'objets qui, nous le disons à regret, lui importent bien plus que la morale, parce qu'ils touchent immédiatement à son aisance et à une jouissance déjà établie depuis longtemps.

Si nous ajoutons à cette disposition actuelle des esprits, malheureusement trop vraie, les intrigues des malveillants, toujours prêts à saisir les circonstances favorables à leurs criminels desseins, avec quelle adresse ne les verrons-nous pas s'emparer de la loi proposée pour accroître encore ces dispositions, animer encore les opinions contre

la religion et ses ministres, envenimer leurs démarches, leur conduite; et, loin d'avoir atteint son but, la loi n'aura servi qu'à reculer le terme du bienfait qu'elle avait l'intention de donner à la France.

Ah! Messieurs, laissons là le projet qui vous est adressé. Il n'est ni fait, ni à faire. Abandonnons un objet si délicat, si important, aux vertus du monarque qui nous gouverne; confions à sa prudence l'honorable soin de présenter un système général de législation sur le culte et ses ministres; laissons-le peser, dans le calme de ses méditations, de sa sagesse, de sa piété, les diverses questions que cette législation peut offrir dans l'ordre actuel, et les différentes espèces de ressources que l'on peut destiner à la restauration du culte; remettons enfin entre ses mains le choix du moment où il jugera à propos d'offrir à la nation ce nouveau gage de så sollicitude paternelle. Qui mieux que cet auguste législateur peut accomplir les voeux des gens de bien pour la prospérité générale?

Je demande la priorité pour la proposition faite par M. le marquis de Bonnay.

Je me permettrai cependant d'y faire quelques changements et additions, mais qui ne tiennent qu'à la forme.

Le Roi sera supplié de proposer une loi relativement au clergé.

Il paraît convenable que les dispositions de cette loi donnent aux archevéchés, évéchés, chapitres, séminaires, cures, fabriques, vicaires, hôpitaux et hospices, la faculté de recevoir par donations et legs testamentaires, et d'accepter tous biens immeubles et meubles aux conditions suivantes, lesquelles seront toutes de rigueur, et à peine de nullité :

1o Les actes de donation ou legs testamentaires seront, ainsi que ceux d'acceptation, faits et dressés par les donateurs et donataires suivant les formes établies par la loi.

2o A ces actes sera toujours annexé un état en due forme de la situation, étendue et valeur des biens de la donation.

3o Aucune donation, aucun legs ne pourra, sous quelque prétexte que ce soit, excéder la portion disponible fixée par la loi, quand le donateur ou le testateur laisse des successibles.

4° Aucune donation, aucun legs ne pourra avoir d'effet qu'en vertu de loi spéciale, faite sur la proposition du Roi. A cet effet, les parties intéressées à une donation ou legs seront tenues de présenter au Roi leur requête, et d'y joindre les actes et états de biens ou autres objets compris dans la donation.

5o Les actes de donation seront transcrits, avec l'état des objets donnés, sur les registres des hypothèques.

CHAMBRE DES DÉPUTÉS.

PRÉSIDENCE DE M. FAGET DE BAURE, VICEPRÉSIDENT.

Séance du 5 mars 1816.

Le procès-verbal du 4 mars est lu et adopté. Cinq pétitions sont renvoyées à la commission des pétitions, lecture faite des noms des pétitionnaires.

M. de Saint-Aldegonde fait un rapport, au nom de la commission des pétitions.

La Chambre adopte sur un grand nombre de pétitions l'ordre du jour proposé par la commission.

Un militaire à demi-solde réclame la propriété d'un droit de bac dont il a été privé, et dont le gouvernement a été mis en possession,

La commission propose l'ordre du jour, motivé sur les lois existantes.

M. de Marcellus appuie la pétition. Je connais, dit-il, le pétitionnaire; c'est un homme très-estimé dans le pays qu'il habite. Sa réclamation mérite d'être examinée; j'en demande le renvoi au ministre de l'intérieur.

M. Pasquier. Le renvoi aurait des conséquences facheuses: la loi a prononcé; elle a déterminé les indemnités auxquelles auraient droit les personnes dépossédées de l'espèce de propriété dont il s'agit. Le pétitionnaire doit les avoir reçues, ou peut les réclamer s'il est encore en temps utile. Il ne pourrait y avoir d'exception que pour les émigrés qui n'auraient pu suivre leur liquidation.

M. de Marcellus. Le pétitionnaire n'a point émigré.

M. Pasquier. A bien plus forte raison.
L'ordre du jour est adopté.

M. Larrieux, négociant de Bordeaux, se plaint d'une interruption dans sa correspondance, qui n'est point de son fait, et qui lui a occasionné une perte considérable. La commission, dit M. de Saint-Aldegonde, a pris des informations sur l'objet de cette pétition. Le fait est constant la correspondance du pétitionnaire n'a repris librement son cours que depuis le 15 février. Votre commission vous propose de renvoyer la pétition à M. le directeur général des postes, qui peut seul rechercher les causes de cette négligence ou de cette soustraction.

M. de Marcellus. La pétition a en effet un objet important. Aussi je crois qu'elle doit être renvoyée non au directeur général des postes, mais au ministre des finances, qui est l'autorité supérieure. De plus, comme la pétition paraît avoir un rapport direct avec le ministre de la police générale, je demande qu'elle soit également renvoyée au ministre de ce département. Le double renvoi est adopté.

Vingt pétitions concernant les finances sont renvoyées à la commission du budget.

M. Delamarre obtient la parole pour présenter le développement de la proposition qu'il avait déposée sur le bureau, relativement au mode d'inscription pour l'ordre de la parole. Il en rappelle les termes principaux et les motifs sommaires par lesquels il l'a appuyée. Nous avons tous, dit-il, un droit égal de nous présenter à la tribune, il faut aussi que les moyens soient égaux, il faut empêcher que le droit de parler soit le prix de la célérité. Vous avez vu des membres de cette Assemblée, et presque toujours les mêmes orateurs, se précipiter au bureau des secrétaires pour se faire inscrire, même avant la lecture des projets présentés. Vous les avez vus retenir à l'avance les places les plus voisines du bureau. Beaucoup d'autres membres, au contraire, par respect pour la Chambre, se refusent à témoigner un égal empressement; les places qu'ils occupent se trouvant éloignées de la tribune, ils y arrivent pour n'être inscrits que dans un ordre de parole qui les en prive presque toujours. Aussi plusieurs d'entre eux ont-ils eu recours à la voie de l'impression, à leurs frais, pour faire connaître leurs opinions. C'est ainsi que MM. Coiffier, Tournemine et beaucoup d'autres, ont fait imprimer leurs discours en énonçant l'impossibilité où ils se sont trouvés d'être inscrits à temps. M. Tournemine particulièrement a im

primé que dans le mode actuel, il était impossible à un goutteux tel que lui d'obtenir un ordre de parole.

M. Delamarre termine en demandant qu'on admette un mode d'inscription générale, dont la priorité soit déterminée par le sort; que le droit d'inscription soit personnel, c'est-à-dire qu'un membre inscrit ne puisse céder son tour à un autre.

M. le vicomte de Castelbajac établit que l'inconvénient que l'auteur de la proposition veut prévenir serait à peu près le même dans son système, si le sort déterminait l'ordre de la parole. Le sort n'amènerait peut-être pas plus que la célérité les orateurs les plus propres aux sujets, et ceux que la Chambre désirerait le plus entendre. D'ailleurs, personne dans la Chambre n'a de place déterminée; celui qui veut se faire inscrire peut venir de meilleure heure qu'à l'ordinaire, et se placer près du bureau. Quant au droit de céder son tour de parole, j'ai eu l'avantage de le céder souvent à des orateurs que la Chambre n'a point regretté d'entendre à ma place. Je serai toujours disposé à faire ce sacrifice en faveur de celui que je croirai plus propre que moi à éclairer la díscussion, et je regretterais la perte de ce droit ! Tous les modes proposés à cet égard auront leurs inconvéients je demande que l'on s'en tienne à ce qui existe.

M. de La Chèze-Murel. Il n'y a aucun inconvénient à prendre la demande en considération.

M. de Trinquelague trouve les inconvénients à peu près égaux, soit qu'on s'en remette au sort, soit qu'on maintienne ce qui existe. Quant au droit de céder la parole, il le trouve très-utile, très-convenable et demande qu'il soit maintenu.

La Chambre ferme la discussion. Elle arrête qu'elle prend la proposition en consipération et la renvoie à l'examen des bureaux.

L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi sur les élections.

M. le Président. M. le rapporteur à la parole.

M. de Villèle. Je viens présenter à la Chambre la rédaction définitive des articles du projet de loi sur lesquels elle a en partie statue. La commission l'a fait cadrer avec les dispositions arrêtées par la Chambre. Mais il restait à chercher une garantie à donner au gouvernement pour prévenir autant que possible les choix qui pourraient être nuisibles. La commission a trouvé que trois moyens se présentaient le premier consisterait à faire une liste double ou triple des plus forts imposés, parmi lesquels seuls on pourrait choisir les électeurs de départements; le second, d'admettre seulement le choix dans un nombre donné des plus imposés; le troisième, de donner au Roi le droit de nommer des électeurs en certain nombre parmi les personnes ayant rendu des services à l'Etat. La commission s'est arrêtée au premier et au troisième de ces moyens. Le premier se rapproche de ce qui se fait depuis longtemps, et du système auquel vous devez votre propre élection. Le troisième est une juste récompense accordée à d'honorables services, qui a été réclamée auprès de la commission en faveur des chevaliers de Saint-Louis et de la Légion d'honneur et d'autres personnes également distinguées. Dans le système de la commission, le Roi ferait ces désignations avant le terme des assemblées électorales.

M. le rapporteur ajoute des développements en

faveur des deux propositions, et lit les articles qui en présentent la rédaction: ils forment les 7 et 8e du projet.

M. Voysin de Gartempe remarque dans la rédaction les mots le Roi peut cette expression lui paraît peu convenable, peu digne de la majesté royale. Il faut, dit-il, se servir de celle-ci : le Roi ordonnera, s'il le juge à propos.

M. le Président fait observer que le mot peut se trouve dans le texte même du projet présenté par les ministres de Sa Majesté.

M. de Villèle. Dire que le Roi ordonnera offre peut-être une égale inconvenance; l'expression est même plus positive; au reste, c'est la loi qui parle elle-même, et le Roi est l'auteur de la loi. C'est lui qui la propose, la donne, la sanctionne et la promulgue.

M. Benoist. Les formes sont ici beaucoup : le Roi ne tient pas son pouvoir de la loi que nous faisons. Ce pouvoir lui est antérieur, et c'est en vertu même de ce pouvoir que la loi est proposée. Ce n'est pas ici un pouvoir accordé ; la loi n'accorde pas au Roi Il faut se servir de l'expression positive et du temps présent: le Roi fait, le Roi ordonne.

M. Leroy. Dans les articles présentés, je vois que les Assemblées sectionnaires opèrent définitivement; elles sont donc indépendantes de l'assemblée électorale d'arrondissement; il n'y a donc pas de centre commun d'opérations, et vous retombez dans le système rejeté des assemblées de canton. Il me semble que le dépouillement des opérations sectionnaires doit se faire à l'assemblée d'arrondissement, par le président nommé par le Roi, ou il faut renoncer à l'idée d'une assemblée électorale d'arrondissement, et dire franchement que, contre le vœu de l'Assemblée, on en revient aux assemblées de canton.

M. de Villèle répond que la disposition dont il s'agit est facultative; qu'une loi ne peut embrasser tous les détails, et qu'il y sera statué par des ordonnances du Roi et un règlement sur les opérations électorales.

La Chambre, sans statuer spécialement sur les dispositions présentées, entend la lecture de l'ensemble du projet, et vote par assis et levé sur chaque article.

L'article 1er du projet est adopté.

A l'article 2, M. Favard propose de substituer à ces mots domicilié dans l'arrondissement, ceux-ci ayant son domicile politique. Si, pour être éligible, dit-il, il fallait être domicilié dans l'arrondissement, vous priveriez de ce droit un grand nombre de fonctionnaires absents de leur domicile, et ce ne peut être votre intention. Le rapporteur adopte l'amendement.

M. Jackowitz propose l'admission au droit de voter, comme étant censés payer 50 francs, tous fermiers, métayers d'une propriété payant 300 francs de contribution. L'industrie et la part de propriété que met l'agriculteur dans le fermage, peuvent être considérés comme une contribution égale à 50 francs, et offre les garanties que l'on a cherchées en fixant cette contribution.

(Cette proposition éprouve de l'opposition.)

M. Jollivet la combat en rappelant que la propriété est la base du système de la loi. Or, les fermiers ne sont pas propriétaires leur titre est précaire, éventuel.

On demande la question préalable. - Elle est adoptée, et la Chambre adope l'article 2.

Les articles 3, 4, 5, 6 passent sans ainendements.

Le titre II et les articles 7 et 8 ci-dessus indiqués, sont soumis à la discussion.

M. de Grisony (1) propose qu'au lieu d'une liste triple d'éligibles, cette liste soit seulement double.

M. Duvergier de Hauranne. Je viens attaquer franchement et formellement le système de la formation des listes d'éligibles doubles ou triples que vient de présenter la commission. Je ne parlerai pas des difficultés d'exécution qui en seraient inséparables. Je parlerai seulement de l'article 40 de la Charte; il est clair, précis, il admet aux fonctions d'électeur tout homme âgé de trente ans accomplis, et payant 300 francs de contribution directe. Vous ne pouvez exclure du droit d'être électeur un seul citoyen remplissant ces deux conditions, ou vous violez la Charte, et vous renversez le système représentatif par sa base. Remarquez qu'avec cette formation de listes d'éligibles, tel qui paye 300 francs, ne serait pas éligible aux fonctions d'électeur dans un département, et tel le serait dans un autre en ne payant que 150 francs. Cela est intolérable; cela ne soutient pas l'examen ; la commission ne peut persister dans une telle idée sans tomber en contradiction avec elle-même. Je la vois en effet montrer de la défiance pour les hommes qui payent 300 francs, et nous l'avons vue appeler à un premier degré d'élection les hommes ne payant que 50 francs. J'avoue que je ne me rends pas raison de cette disparate.

M. de Villèle répond que la commission n'est point tombée dans une contradiction. C'est la Chambre elle-même qui a manifesté des craintes, qui a demandé des garanties plus fortes : c'est pour lui obéir que l'article est présenté, c'est le premier projet de la commission qui était contraire à la Charte, et celui-ci ne l'est pas.

M. de Trinquelague appuie l'avis du rapporteur autre chose, dit-il, est d'être admis à une condition, ou d'être admis nécessairement si on remplit cette condition. Il faut payer 300 francs de contribution pour être admis à être électeur; mais il ne s'ensuit pas que tous ceux qui payent cette somme doivent être admis.

M. Favard. Je viens aussi combattre l'idée des listes d'éligibles. La Charte ne vous permet pas de l'adopter. Feriez-vous une pareille liste d'éligibles pour la Chambre des députés? Ne seraitce pas restreindre tous les droits, gêner tous les suffrages? Pourquoi le feriez-vous pour l'élection des électeurs? Il n'y a pas de listes à faire : la loi en a fait une pour vous: c'est celle de tous les individu payant 300 francs et âgés de trente ans. Ces individus sont aptes à être électeurs, et vous ne pouvez refuser ce droit à aucun d'eux. J'appuie vivement la proposition de M. Duvergier, et je demande la priorité pour le premier projet de la commission.

M. le rapporteur le relit en renouvelant son observation précédente.

M. Duvergier de Hauranne. Moi, Messieurs, je ne demande la priorité ni pour l'un ni pour l'autre projet de la commission: cette priorité n'est point mon objet; mon objet est que vous respectiez la Charte et les droits qu'elle accorde aux citoyens, aux conditions qu'elle établit. Ma proposition est bien simple, et elle exclut tout système de liste ou tout autre également exclusif. Je demande, par amendement au projet, qu'aux

(1) Voy. plus loin, à la date du 10 avril 1816, une opinion non prononcée de M. le comte de Grisony sur les élections.

termes de la Charte, tout citoyen, sans exception, payant 300 francs de contribution et ayant trente ans, soit éligible aux fonctions d'électeur de département.

Un cri général se fait entendre Appuyé, appuyé; aux voix!

On demande la question préalable.

Plusieurs voix Motivez-la, Messieurs....... à la tribune.....

La question préalable sur l'amendement de M. Duvergier est de nouveau demandée; elle est mise aux voix et rejetée à une très-forte majorité.

L'amendement de M. Duvergier est mis aux voix et adopté.

Le rapporteur rédige l'article 8 dans le sens que présente cet amendement.

A l'article 9, relatif aux difficultés qui pourraient s'élever sur les conditions d'admission, M. Colomb rappelle que M. Lainé avait proposé de faire statuer par les tribunaux.

On fait observer à l'opinant que M. Lainé a retiré cette proposition.

L'article 9 est adopté.

L'article 10 est mis à la discussion. La commission propose que le Roi puisse adjoindre un nombre d'électeurs de droit égal au dixième de celui du collége électoral de département.

M. Richard pense que la mesure est encore insuffisante: les adjonctions de droit ont eu cette année des résultats si favorables, qu'il ne faut pas priver le gouvernement de ce moyen salutaire d'influence. C'est le moyen de venger le mérite, le talent et la fidélité malheureuse des injustices de la fortune. Vous avez fait pour le peuple, dit-il, faites pour l'autorité royale. Les propriétés offrent la première des garanties; mais il en est d'autres que peuvent vous offrir des hommes qui ont tout perdu hors l'honneur, qui ont tout sacrifié à leur devoir, à leur conscience. La fortune, Messieurs, a été souvent aveugle dans la distribution des richesses nouvelles qui se sont si rapidement élevées : il y en a de légitimes sans doute; mais ne craignez-vous pas que parmi les hommes qui doivent leur fortune à la Révolution, il ne s'en trouve beaucoup qui conservent un sentiment de reconnaissance pour les hommes, les choses, les principes de la Révolution? Vous avez donné à la propriété; donnez au talent, et surtout, à l'usage du talent; donnez à l'infortune même si elle est le résultat d'un dévouement généreux. Les sentiments d'honneur sont aussi une garantie. Faudrat-il donc abandonner au rang de prolétaires ces hommes qui ont tout perdu parce qu'ils ont été fidèles à leur premier serment, ces ecclésiastiques si désintéressés dans l'exercice de leur pieux ministère? Je demande qu'une disposition de votre loi les admette à l'honneur du choix du Roi, et que les choix du Roi soient portés au huitième au lieu du dixième du nombre des électeurs de département.

M. le comte de Hautefeuille élève une réclamation spéciale en faveur des chevaliers de Saint-Louis. Il prononce une opinion écrite, dans laquelle il rend un hommage éclatant à ceux qui, par leurs services, leurs travaux glorieux et leurs nobles cicatrices, ont autrefois et récemment mérité du monarque de faire partie de cet ordre illustre. I demande que le Roi puisse appeler à chaque collège de département dix grand'croix, commandeurs ou chevaliers de Saint-Louis.

Plusieurs voix. Ce n'est pas appuyé.

Un membre, La proposition de M. de Nadaillac,

relative aux membres de la Légion d'honneur, n'a pas été admise... Ainsi...

M. Voysin de Gartempe. La disposition proposée est une faculté utile donnée au Roi; c'est un instrument dans la main du gouvernement. Désigner à l'égard de quelles personnes cette faculté sera exercée, c'est restreindre le choix du Roi. Que le Roi ait le droit de choisir, et il nommera les plus dignes.

La proposition n'a pas de suite.

On revient

à la discussion du principe des électeurs de droit.

M. Jobez (du Jura). Je viens, Messieurs, m'opposer de toutes mes forces à l'avis de votre commission; je repousse entièrement tout système d'élection de droit, et, dans son premier rapport, votre commission le repoussait comme moi. C'est, Messieurs, c'est une conséquence absolue du système représentatif que des élus seuls peuvent élire. On ne peut être le délégué de quelqu'un qui n'a point donné de délégation. Je m'oppose à toute adjonction d'électeur qui n'aurait eu que le choix du gouvernement, et qui n'aura point été élu par ses concitoyens. Je n'y oppose surtout parce qu'on est convenu à cette tribune, dans une foule de discours, que les adjonctions étaient un moyen d'influence assuré au gouvernement, et c'est pour cela que je le repousse, parce que, s'il y a des élections, je veux qu'elles soient libres. Personne n'a oublié ce qui a été dit à cette tribune sur la dépendance de la Chambre. Je désire, moi, que cette Chambre soit l'organe légitime de la volonté nationale, et elle ne le sera que si elle est légitimement, c'est-à-dire librement élue. Enfin, avez-vous ou n'avez-vous pas un gouvernement représentatif? Si vous en avez un, il faut admettre et pour les représentants et pour les représentés des élections libres de toute influence. Je demande la question préalable sur toute proposition d'élection de droit.

Plusieurs membres. Appuyé, appuyé.

Une assez vive agitation se répand dans l'Assemblée. Un grand nombre de membres demandent que l'article de la commission soit mis aux voix.

M. de Villèle. Les principes qui viennent d'être soutenus à cette tribune forcent la commission à entrer dans quelques explications. Elle veut, comme l'opinant, que la Chambre des députés soit indépendante; elle veut, comme lui, la liberté des élections, mais elle veut donner une garantie à l'autorité, garantie dont elle a un constant besoin. Que faisaient les colléges électoraux sous le dernier gouvernement? ils présentaient des candidats parmi lesquels le Sénat choisissait les membres du Corps législatif. C'est par des exemples, et non par des théories, qu'on s'instruit à faire des lois; or, Messieurs, en Angleterre la liste des influences de la couronne sur les élections est telle qu'en l'examinant on serait tenté de se demander où est la liberté des élections: deux cent trente-trois membres du parlement ont leur nomination influencée par quatre-vingt-quatorze pairs; dix-neuf membres sont influencés par les ministres, et cent-trente autres par quarante-six particuliers; cent quarante et un seulement sont sans influence et regardés comme indépendants. Ici, Messieurs, il n'y a et il n'y aura jamais rien de semblable; nous voulons la liberté, mais nous voulons l'ordre, le règne des lois, la stabilité; nous voulons la monarchie, nous voulons enfin le repos après de si longues agitations. Et à qui fera-t-on croire qu'un dixième donné au choix du Roi, et qui ne

pourra jamais porter que sur des hommes recommandables qui auraient peut-être obtenu les suffrages de leurs concitoyens, attentera à la liberté des élections et à l'indépendance de la Chambre?....

On demande à aller aux voix...

M. Colomb est à la tribune... Les crix aux voix! l'empêchent de parler. Il revendique avec véhémence le droit d'être entendu... Les cris à l'ordre! à l'ordre! s'élèvent. On demande la clôture de la discussion. La Chambre ferme la discussion.

L'amendement de M. Richard est rappelé ; il est rejeté. La Chambre adopte le principe de l'adjonction du dixième.

M. le Président annonce qu'il a été fait un amendement tendant à exempter les électeurs nommés par le Roi, du droit des conditions requises... Un murmure général s'élève... Une foule de voix : Non! non!

M. Hyde de Neuville. En demandant que le Roi puisse appeler un certain nombre de citoyens dignes de cette récompense aux fonctions d'électeurs de département, il est bien clair que personne de nous ne peut entendre qu'ils soient exempts des conditions requises...

Une foule de voix : Sans doute...

L'amendement est rejeté par la question préalable, et l'article de la commission est adopté.

Un léger débat s'élève sur la question de savoir à quelle époque le Roi fera le choix du dixième à sa nomination.

M. Doria fait observer que le choix du Roi pourrait tomber sur un homme auquel ses concitoyens auraient avec plaisir donné leurs suffrages. Dans ce cas, le Roi perdrait réellement pour cet individu son droit de nomination. Il serait à désirer que le Roi ne nommât qu'après avoir connu les opérations des colléges d'arrondissement.

M. de Villèle répond que la chose présente des difficultés d'exécution; qu'il ne faut pas statuer à cet égard dans la loi, et que le Roi statuera par des ordonnances sur l'exercice de son droit.

Les articles 11, 12, 13, 14, 15, 16, 17, 18 et 19 sont adoptés.

L'article 20 porte: « Les députés ne reçoivent aucun traitement....... >> Quelques membres demandent la parole.

M. Doria. Messieurs, un grand publiciste, dont le nom aura toujours une puissante autorité sur vos esprits, Montesquieu, a dit que l'honneur était le principal mobile dans une monarchie. Eh bien ! si vous voulez transporter ce mobile, et consacrer les principes de cet honneur dans le système représentatif sur lequel repose la monarchie actuelle, déclarez que les membres de la Chambre des députés ne reçoivent aucun traitement.... Ce peu de mots, prononcés avec énergie, produit la plus vive sensation.

Un cri général se fait entendre. Aux voix, aux voix. Une foule de membres se lèvent en signe d'adhésion.

L'article est mis aux voix et adopté à la presque unanimité.

Le titre des dispositions générales est adopté. On demande l'ajournement à demain.

La Chambre, à une forte majorité, décide que la discussion sera continuée.

M. Sirieys de Mayrinhae, à l'article relatif aux conditions d'éligibilité pour être député, rentre dans la discussion ouverte hier, relativement aux patentes. Il propose que les patentes ne soient admises qu'au taux principal, et non au taux pro

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