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portionnel; relativement à la contribution directe, il propose de statuer que les centimes additionnels, quelle que soit leur fixation, seront évalués au quart du franc. Il demande enfin que la patente ne soit admise que si elle est prise depuis une époque déterminée.

M. de Villèle. On a signalé à votre commission l'abus qu'on a fait et qu'on pourrait faire de la faculté de prendre une patente, qui serait un simulacre d'industrie et de propriété; la commission propose de n'admettre que la patente prise depuis un an.

Plusieurs voix : Deux ans.

M. Delamarre. Quand je me suis présenté hier à cette tribune pour demander que les patentes fussent admises, je n'ai entendu défendre que les véritables commerçants; je m'explique à cet égard catégoriquement, et ceux pour lesquels je parle seront les premiers à applaudir à la distinction que vous établirez, et qui sera toute en leur faveur. Je demande formellement que la patente ne soit admise que si elle a été prise depuis

un an....

Plusieurs voix. Depuis plus d'un an.....

L'article de la commission ainsi amendé est adopté.

On rappelle l'amendement de M. Sirieys relatif aux centimes additionnels.

M. de Villèle répond que le Roi statuera à cet égard par les ordonnances d'exécution. L'amendement est rejeté. Les articles 20 à 36 inclusivement sont adoptés.

A l'article 37, quelques débats s'établissent sur la cumulation des contributions des femmes non communes en biens, des enfants mineurs, etc., etc.

MM. Piet, Pardessus, Favard sont entendus sur la rédaction de cet article.

M. Pardessus fait observer qu'en accordant au père le droit de compter les contributions de ses enfants mineurs, il faut prévoir le cas où un père aurait été privé de la tutelle de ses enfants. Alors sans doute on ne voudrait pas le faire jouir des bienfaits de la loi. Les lois politiques doivent être en harmonie avec les lois civiles. M. Pardessus demande que la faculté ne soit accordée au père, dans le cas dont il s'agit, qu'autant qu'il jouit de l'administration des biens de ses enfants mineurs.

M. le rapporteur adopte l'amendement.

A l'article 38, relativement à la présentation d'actes notariés pour justifier des conditions requises, M. Figarol rappelle que beaucoup de titres ont été brûlés aux pieds de la statue dite de la Liberté, ou de la Raison, et que si on en exige la représentation, on exclura du droit de voter une foule de citoyens recommandables.

M. le Rapporteur répond qu'il ne s'agit pas ici de titres primitifs, mais de transactions et de cessions de droits actuels.

La Chambre ayant épuisé les articles sur lesquels elle avait à voter, en admet la rédaction définitive. Elle ajourne à demain les articles additionnels et la délibération par la voie du scrutin.

CHAMBRE DES DÉPUTÉS.

PRÉSIDENCE DE M. FAGET DE BAURE, VICEPRÉSIDENT.

Séance du 6 mars 1816.

Le procès-verbal de la séance du 5 mars est lu et adopté.

M. le Président. L'ordre du jour est la suite de la discussion du projet de loi sur les élections. La Chambre a déjà voté sur tous les articles proposés par sa commission. Il lui reste à décider sur les articles 19 et 20 du projet des ministres. Ces articles tendent à donner des suppléants à la Chambre des députés.

M. le Président fait lecture de ces deux articles.

On demande la question préalable. La question préalable est adoptée sur les deux articles.

M. le Président. Il ne s'agit plus actuellement que d'appeler à la tribune les membres qui auraient des articles additionnels à proposer.

M. Raduot émet une opinion développée, dans laquelle il établit la nécessité d'affaiblir l'intrigue et d'empêcher qu'elle ne s'exerçe à la fois, lors des élections, sur toute l'étendue du territoire. A cet effet, il propose que nul député ne puisse être élu que dans le département où il a son domicile politique. Il y trouve l'avantage d'attirer fréquemment dans leurs terres les propriétaires dont la présence y est si utile, leur éloignement si funeste à l'industrie et aux reproductions de toute nature. Il y trouve encore l'avantage d'appeler à la Chambre des députés des hommes qui connaissent plus particulièrement la position et les intérêts du département qu'ils auront à représenter. La disposition fera perdre peut-être quelques hommes à grands talents, qui pourraient fixer les suffrages de plusieurs départements; mais rien n'empêche leur propre département de les nommer; ainsi l'objection tombe d'elle-même. A cette première proposition, l'opinant en joint une tendant à décider que la somme contributive, nécessaire pour être élu, soit seulement le produit de la cote contributive que l'élu paye dans le département où il a son domicile politique.

Cette proposition est appuyée.

M. Murard de Saint-Romain. Je propose cette rédaction : « Tout Français peut être élu à la Chambre des députés, dans les départements où il paye 1,000 francs de contribution directe; cependant il peut cumuler les sommes qu'il payerait dans plusieurs départements, pour en former celle de 1,000 francs, et alors il peut être élu dans le département où il paye sa contribution personnelle.

M. le baron de Puymaurin. Je m'oppose à la proposition: elle ne tend qu'à accroître l'influence de Paris, l'influence qui a été tant de fois reconnue fatale, et dont les départements ont toujours eu tant de peine à se défendre. Il ne faut pas que Paris continue à se regarder comme la France, et que la France soit renfermée dans l'enceinte de Paris. Dans cette Chambre même, on compte plus de cent membres qui ont leur domicile à Paris. Les conseillers d'Etat, les membres de la cour de cassation, beaucoup d'autres fonctionnaires éminents, membres de la Chambre des députés, résident dans cette ville. Si vous ouvrez la porte aux élections illimitées dont il s'agit, vous n'aurez pas une véritable représentation nationale. Je rends justice aux conseillers d'Etat qui siégent dans cette enceinte; mais les y appeler en trop grand nombre, aurait des inconvénients, car ils ne peuvent être juges et parties dans la confection de la loi, et vos décisions finiraient par n'être que la confirmation des avis du conseil d'Etat. Je demande la question préalable.

M. Blanquart de Bailleul. Je m'opposerai constamment à des délibérations aussi précipitées

sur des propositions inattendues et qui n'ont point été soumises à un examen préalable. Que vous propose-t-on sans cet examen toujours si nécessaire? C'est de violer un article positif de la Charte, portant: « Que la moitié au moins des députés sera prise dans le département,» article qui donne ainsi bien clairement pour l'autre moitié un droit d'élection illimité. Cette disposition de la Charte doit être respectée, et ce n'est sûrement pas sous la forme d'un simple amendement que vous en consacrerez la violation. Je remarquerai ici en passant que dans une seule loi, celle qui vous occupe, voilà quatre articles de la Charte qui éprouvent des modifications. I me semble qu'il est bien temps que vous vous arrêticz; car si à chaque loi dont vous vous occuperez, vous modifiez quatre articles de la Charte... (On rit)... comme la Charte n'a que soixante-douze articles, il en résulterait qu'il suffirait de dix-huit discussions pour que la Charte soit complétement anéantie... (Des éclats de rire succèdent.) On demande de toutes parts l'ordre du jour.

M. Blanquart de Bailleul. J'ajoute qu'il n'est question dans votre loi que de domicile politique; ainsi vous n'atteindriez pas le but annoncé d'engager à la résidence. On dit que les départements cesseront d'être représentés. L'élection par plusieurs départements ne peut arriver que dans des circonstances fort rares et par des considérations importantes... (Une voix. Témoin Fouché, élu dans trois endroits.) En général, les départements sont très-sobres de ces sortes d'élections et ne demandent pas mieux que de les concentrer dans leur sein. Je ne vois aucun avantage dans la proposition, et je demande la question préalable.

La question préalable est mise aux voix et adoptée.

La proposition de M. Murard de Saint-Romain n'est pas appuyée et n'a pas de suite.

une

M. Clausel de Coussergues. Messieurs, loi sur les élections est l'oeuvre la plus importante et aussi la plus difficile de la législation politique. Il s'agit de diviser le peuple en de certaines classes, et c'est, dit un grand publiciste, « dans la manière de faire cette division que les « grands législateurs se sont signalés. >>

Mais à quelle époque, Messieurs, avons-nous été appelés à voter sur une loi qui demande de si profondes méditations? c'est lorsque nos esprits sont entièrement occupés et presque absorbés par un intérêt immense et présent, par le projet de loi sur les finances.

Aussi votre commission a-t-elle souvent pensé que la Chambre aurait dû se borner dans cette session à prononcer son vou sur les articles de la Charte relatifs aux élections, soumis par le Roi à la révision du pouvoir législatif, et à renvoyer à une autre session l'examen des articles réglementaires; mais elle a craint que la Chambre n'eût pas le droit d'ajourner ainsi une loi proposée au nom de Sa Majesté, et elle s'est crue forcée de vous soumettre un projet qui n'a pu qu'être très-imparfait.

Eclairés par une longue discussion, il est naturel qu'on ait aperçu les parties faibles et du projet des ministres et du projet de la commission, et qu'on cherche à y remédier par des articles additionnels.

La commission vous a proposé hier de statuer que les assemblées d'arrondissement ne pussent élire les électeurs que sur une liste triple du nombre de ceux qui doivent former le collége électoral. C'était rentrer, mais en le proportion

nant à la force de chaque département, dans le mode de prendre les électeurs parmi les six cents plus imposés; mais vous avez rejeté cette proposition d'après les observations d'un honorable membre, qui a cru que c'était aller contre les dispositions de la Charte que de ne pas considérer comme éligibles aux colléges électoraux tous les citoyens qui payent 300 francs d'impositions.

Il résulte d'un droit si étendu d'éligibilité, que la propriété serait moins bien représentée dans les nouveaux colléges qu'elle ne l'a été dans les assemblées électorales qui ont formé la Chambre actuelle. Pour y remédier, je vous proposerais de donner le droit d'élection directe à un certain nombre de grands propriétaires.

Remarquez, Messieurs, que la principale fonction de la Chambre est la loi de l'impôt, et qu'ainsi il paraît juste que ceux qui payent une part des contributions, très-supérieure à celle que supporte le commun des citoyens, aient une influence proportionnée dans la formation de la Chambre qui vote les contributions.

Remarquez de plus que les meilleurs défenscurs des petits propriétaires sont les grands propriétaires, lorsqu'ils ne sont et ne peuvent être distingués par aucun privilége: et l'on ne peut guère douter que les colléges électoraux, formés des trois cents plus grands propriétaires des départements, n'eussent une Chambre des députés plus propre à défendre à la fois la liberté du peuple et la stabilité du gouvernement, qu'une Chambre formée par deux degrés d'élection.

Il n'y a que deux objections contre cette manière simple de faire élire les députés par les deux cents ou les trois cents plus imposés des départements mais ces objections sont puissantes, et elles ont décidé votre commission. La première est que la classe des citoyens appelés à participer aux droits politiques établis par la Charte, ne serait pas assez étendue pour que la masse de la nation fût attachée à cette forme de gouvernement. La seconde est qu'il n'y aurait plus de liens de patronage entre les grands et les petits propriétaires liens nécessaires dans tous les pays, liens rompus en France par la Révolution, mais qu'il faut rétablir d'une manière conforme à nos moeurs et à nos lois actuelles.

Mais ces avantages subsistent en laissant au peuple le choix de la plus grande partie des colléges électoraux; et il n'y a plus qu'à fortifier le principe de la stabilité, en statuant qu'une partie des colleges, que le quart, par exemple, pour me rapprocher du projet du ministre, serait composé des plus forts imposés du département.

C'est l'objet de ma proposition, qui, si vous l'adoptiez, serait coordonnée avec les autres articles de la loi.

La proposition est vivement appuyée.

On crie aux voix; d'autres très-vivement: la question préalable.

M. le comte Humbert de Sesmaisons. Si je me suis rangé parmi ceux qui ont insisté fortement sur la nécessité d'appeler aux assemblées d'arrondissement des électeurs payant seulement 50 francs d'impôt, je vais rentrer dans une idée qui paraîtra en différer essentiellement, quoiqu'elle en soit la suite nécessaire; car si j'ai voulu que les assemblées puissent être plus populaires, ne croyez pas que j'aie voulu qu'elles fussent plus démocratiques. Ma conduite et mes opinions sont, j'ose le dire, assez connues pour que je ne puisse pas être accusé de rechercher la démocratie. Mais je ne crois pas qu'elle existe autant dans les petits imposés que l'on veut le faire entendre. Soyons

francs, et abordons la question simplement. Cette | démocratie dont on nous menace est un être de raison, car elle ne peut exister que dans les faits ou dans les principes. Les principes, il est vrai, vous ramènent aux faits: ce sont donc les principes qu'il faut éloigner. Or, vous êtes bien sûrs que les petits contribuables éliront de préférence les plus imposés, parce qu'on n'est jamais jaloux que de ce que l'on peut atteindre, et l'on ne peut atteindre que ce dont on est le plus rapproché. On ne choisit pas celui dont on est jaloux, parce que ce n'est pas lui qui vous influence, puisqu'il vous offusque, et l'on ne consent à donner une supériorité sur soi qu'à celui qui est assez éloigné pour ne jamais espérer l'atteindre. Les plus imposés seront donc nécessairement choisis, et c'est ce que nous voulons. Alors vous verrez entrer nécessairement dans les colléges électoraux de riches propriétaires qui seront les véritables représentans de la masse et de la propriété de l'arrondissement, car ils auront été élus par tous les petits propriétaires. Et s'il faut encore une fois jeter un regard douloureux sur le passé dont on nous accuse de vouloir ramener les excès, convenons que les petits imposés furent à la vérité les instruments de nos troubles, mais que leurs auteurs payaient plus de 50 francs d'impôts. La partie démocratique de la France s'est montrée partout dans la classe intermédiaire entre les grands propriétaires et ceux qui payent peu d'impot; mais si j'ai voulu que les assemblées d'arrondissement fussent ainsi composées, je suis loin d'admettre ce principe dans les assemblées qui doivent élire les députés.

Et puisque nous arrivons aux assemblées électorales de département, c'est là que je regarde important que la propriété trouve sa place.

C'est là que les plus forts contribuables doivent venir, au nom de la propriété, nommer les défenseurs de ses droits. Aussi je demande que le tiers du collége électoral de département soit composé de droit des plus forts imposés du département qui y viendraient sans être élus.

Balançons dans une loi sage les avantages et les dangers, et si nous avons été chercher pour élire aux assemblées d'arrondissement les représentants de la petite propriété, choisissons, ou plutôt plaçons sans les choisir, les grands propriétaires dans celle des départements. C'est avec différents matériaux que l'on compose l'édifice social; le premier degré d'élection est populaire; que le contre-poids se trouve dans le second, et que cette assemblée qui doit élire les députés soit composée des éléments les plus sûrs, de propriétaires dont la possession garantit l'amour de l'ordre, et de propriétaires dont le choix de leurs concitoyens garantit l'influence et presque toujours la sagesse. Car, Messieurs, le bon sens populaire vaut souvent mieux que des lumières plus élevées, et les choix que peuvent faire de bons fermiers seront souvent plus sages que ceux de quelques individus plus opulents.

La majorité de la France est royaliste; la majorité de la France veut le gouvernement de Louis XVIII: honorable témoignage rendu en faveur de la nation française par les deux principaux orateurs du parlement d'Angleterre.

Témoignage européen, si l'on peut le dire, et qui, rendu dans la Chambre des pairs et dans celle des communes par les deux illustres ministres qui ont vu de près nos maux, et dont les conseils ont eu tant d'influence sur nos destinées, est le plus glorieux que nous puissions recueillir. C'est au sein de la France qu'ils se sont pénétrés de

notre amour pour nos rois légitimes, et c'est après avoir été témoins de nos transports, que le conseil des rois de l'Europe a fait cet honorable traité dont ont parlé les deux ministres anglais, ce traité immortel qui garantit à la France son intégrité en faveur de la légitimité de ses princes, qui donne à la cause des rois une si noble garantie et à la France une telle certitude de repos; car nous voulons tous le gouvernement légitime.

Si donc l'immense majorité de la France est royaliste, et l'Europe le reconnait, Messieurs, cette majorité fera de bons choix; ceux qui sont placés de droit dans les colléges à cause de leurs propriétés contribueront aussi à les faire, car eux aussi sont royalistes.

Alors la majorité de ces membres sera toujours royaliste, et les députés à venir seront des garants que nous aurons donnés à la France de la pureté de nos opinions, de notre volonté du bien; et l'on pourra dire de nous : L'Assemblée de 1815 fit tout ce qu'elle devait faire: elle tâcha de préparer des remèdes aux maux de son pays.

Je vote pour que le tiers des colléges électoraux soit composé de droit des plus imposés du département.

On demande vivement la priorité pour cette dernière proposition.

M. le chevalier Dubouchage. Le Roi a fait proposer par ses ministres qu'il y aurait dans les colleges électoraux de département soixante-dix électeurs de droit, composés des plus imposés du département.

Sans doute, il faut laisser la plus grande latitude possible dans les élections; mais l'objet le plus important est de prévenir un bouleversement dans l'Etat.

Or, qui est essentiellement intéressé à la stabilité de nos institutions, et de nos institutions monarchiques? Ce sont les plus grands propriétaires de France.

Qu'ils soient donc toujours admis de droit dans les colléges électoraux, soit par une politique sage, prudente et prévoyante, soit pour honorer cette propriété foncière qui, en France, est la première et la plus belle ressource de l'Etat.

En Angleterre, la Chambre des communes est composée de sept cents députés. Cependant deux cents députés au plus sont laissés au choix du peuple; fa nomination des cinq cents autres appartient à la couronne ou à de grands tenanciers. C'est à ce mode prudent d'élection, à cette restriction, si l'on peut parler ainsi dans le droit d'élection, que l'Angleterre doit sa stabilité.

Si les sept cents députés de la Chambre des communes étaient tous à la nomination de la multitude, il y a longtemps que son gouvernement n'existerait plus.

Nous ne pouvons, en France, admettre le même mode d'élection; mais nous pouvons au moins admettre le principe de ne pas livrer les élections entièrement à la multitude. Il n'y aura pas ici de grands tenanciers qui nommeront plus de la moitié de la Chambre des députés; mais la prudence, la raison et la politique nous conseillent de confier ce droit, que j'appellerai de stabilité, à de grands propriétaires. Ces propriétaires étant admis de droit comme tiers, dans les colléges électoraux de département, y apporteront nécessairement une grande influence; et cette influence ne tendra qu'au maintien des institutions actuelles; tout changement leur serait funeste.

Je vote pour que le tiers des électeurs de département soit composé de droit des plus imposés.

M. Sirieys de Mayrinhac. Les motifs de l'amendement de notre honorable collègue sont puisés dans la garantie que nous demandons tous, et que nous désirons laisser à nos successeurs dans la formation de la Chambre des députés, dont le principal ouvrage est le vote de l'impôt. Oui, Messieurs, nous voulons tous l'indépendance de cette Chambre; et pour l'avoir, cette 'indépendance, il est nécessaire, dans ma pensée, que la propriété en devienne la première base, parce que c'est la non-propriété qui a causé tous nos malheurs. Là où est la plus grande nécessité et le plus grand intérêt de conserver les lois de son pays, là se trouve la garantie de notre tranquillité. Nos modernes législateurs n'eussent point changé les lois de leur patrie, s'ils avaient été intéressés à leur conservation. Si l'Angleterre conserve son esprit national, si les membres de son parlement maintiennent si religieusement les lois que leur ont transmises leurs ancêtres, tout incomplètes, tout injustes qu'elles puissent être sous certains rapports, c'est qu'ils sont tous intéressés à les soutenir.

Le rapporteur de la commission vous a fait un tableau fidèle de l'influence du Roi, du ministère et des grands propriétaires des Iles Britanniques sur les élections des membres de la Chambre des communes. C'est à cette influence nécessaire, qui ne blesse point les droits du peuple, puisque les Anglais sont les plus libres des hommes, qu'est due la durée, la force et la richesse de l'Angleterre. Méfions-nous de ces principes subversifs de tout ordre social, qui mallieureusement ont eu trop de partisans, en voulant autoriser les principes démocratiques dans toute leur étendue, craignons de chercher de nouvelles leçons en faisant de nouvelles expériences.

L'admission d'un certain nombre des principaux propriétaires de chaque département ne peut point nuire au gouvernement représentatif; elle augmente au contraire son indépendance, elle assure les trois principes de notre gouvernement, en les présentant à nos yeux dans cette institution; pouvoir royal dans le dixième choisi par le Roi aristocratie de fortune représentant la Chambre des pairs, dans l'admission de quelques plus forts propriétaires, ainsi que l'avaient proposé les ministres du Roi; démocratie dans le reste des électeurs choisis par le peuple: tous ces éléments sont libres et représentent tous les intérêts; ils n'ont d'autres mandats que ceux de faire le bien de leur pays et de veiller à son bonheur, et remplissent d'ailleurs les autres conditions d'éligibilité.

D'après ces motifs, j'appuie l'amendement proposé, et je le modifie en proposant qu'il soit réduit au huitième, ce qui fera, avec le dixième à la volonté du Roi, à peu près le quart d'électeurs de droit dans les collèges de département.

M. Janckowitz, député de la Meurthe. Les grands propriétaires ont d'autant plus le droit d'être appelés aux fonctions dont il s'agit, qu'ils représentent en effet, non-seulement leurs intérêts, mais même ceux de cette foule d'hommes qui ont avec eux les rapports les plus étendus et les plus nécessaires. Ils exercent un grand patronage et ils l'exercent d'une manière délicate, car il n'y a point de contact entre eux et les classes inférieures. Ils représentent à la fois les intérêts de beaucoup de personnes et de beaucoup de lieux. Les petits propriétaires peuvent être animés entre eux par des sentiments de rivalité que les grands propriétaires ne connaissent point à l'égard des classes inférieures. Le patronage qu'ils exercent

est noble, généreux, désintéressé; il ne peut avoir que des avantages.

On demande à grands cris à aller aux voix. M. Forbin des Issarts. Je demande qu'on mette d'abord aux voix le principe; on se déterminera ensuite sur la quotité.

La question préalable est demandée sur le principe. Elle est rejetée à une forte majorité. La Chambre est consultée sur la quotité.

Après quelque hésitation et une épreuve douteuse, elle adopte la proportion du tiers. En conséquence, « le tiers des électeurs de département sera choisi de droit parmi les plus imposés des citoyens ayant leur domicile politique dans le département.

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M. Barthe de la Bastide. Vous venez de consacrer un principe salutaire et conservateur : je viens vous proposer de compléter votre loi en mettant un frein à l'ambition des places, ambition qui ne rend pas les citoyens meilleurs ni moins dépendants. Je propose, par article additionnel, de statuer qu'aucun député, pendant la durée de ses fonctions, ne pourra accepter de places du gouvernement. J'en excepte toutefois l'avancement militaire, conformément à la durée du service.

Un grand nombre de membres. Aux voix, aux voix, appuyé.

La question préalable est vivement demandée. - Elle est mise aux voix et rejetée.

L'Assemblée reste longtemps dans une vive agitation.

M. de Villèle. Sans examiner le fond de la proposition, sans rechercher si elle trouve sa place naturellement dans la loi qui vous occupe, je me bornerai à dire que si elle était adoptée, comme les députés seraient forcés d'opter, il faudrait en revenir aux suppléants.

M. Blanquart de Bailleul. Je ne puis que reproduire, Messieurs, mes observations sur le danger de propositions ainsi improvisées, aussi peu liées aux projets présentés, et soumises dans un mode si peu conforme au règlement. Ce n'est point là un amendement : c'est une question isolée; c'est une question de la plus haute gravité, qui devrait faire la matière d'une loi spéciale: elle devrait être faite en comité secret et obtenir la solennité d'un rapport et d'une discussion approfondie. Voyez d'ailleurs que l'on propose une exception pour l'avancement militaire mais n'y a-t-il que dans le militaire un avancement naturel, légal, hiérarchique, récompense du talent et des services? Que l'auteur de la proposition la soumette dans les termes du règlement; quant à présent je demande l'ordre du jour.

M. le comte de Béthisy. Je demande que vous rejetiez à l'instant la proposition; l'adopter serait porter une atteinte formelle à la prérogative royale; ce serait manquer de respect au Roi. Vous l'empêcheriez de récompenser ses fidèles serviteurs, dans quelque poste où ils se trouvent placés; ce serait lui enlever un de ses plus beaux droits. Je demande que la Chambre se prononce fortement contre une semblable proposition.

M. Delbreil d'Escorbiac. Si la proposition pouvait être adoptée, il faudrait la faire suivre immédiatement d'une autre décision qui consisterait à dire qu'à l'instant même tous les membres qui occupent des places doivent les quitter.

On demande à aller aux voix.

M. le chevalier Dubouchage. La proposition est tout à fait étrangère au projet de loi qui vous occupe. Il n'est question dans le projet que

de la nature de l'éligibilité. J'applaudis à l'intention qui a dicté la proposition; mais il faut se tenir en garde contre ces mouvements d'une générosité et d'une libéralité irréfléchies. Rappelons-nous les sacrifices de la nuit du 4 août : rappelons-nous leur résultat, et gardons-nous de rien faire qui leur ressemble. Je demande l'ordre du jour.

M. Barthe de la Bastide. Je retire ma proposition, sauf à la reproduire dans les formes voulues par le règlement.

Un très-grand nombre de voix. Bien, bien, à merveille!

M. Colomb s'écrie: Si la proposition est retirée, je demande à la reproduíre.

Une vive opposition se manifeste. bre passe à l'ordre du jour.

La Cham

M. le chevalier Odoard. Messieurs, je viens appuyer les propositions faites par nos honorables collègues, MM. de Nadaillac et d'Hautefeuille.

Nous devons, Messieurs, chercher tous les moyens de remplir le vœu général des Français, en donnant au Roi toute garantie dans le choix des députés; trouver par conséquent dans les électeurs cette loyauté qui fera la véritable force du gouvernement.

D'après cette nécessité, j'ai l'honneur de vous soumettre un nouvel amendement qui me parait juste. Hier, nous avons reconnu qu'il fallait que le Roi ait le droit de désigner un dixième des électeurs pris dans toutes les classes où il plaira à Sa Majesté de les choisir. Aujourd'hui, sans rien changer à cette décision, je propose de donner une nouvelle garantie à la loi qui nous est soumise.

L'amendement que j'ai l'honneur de vous proposer a rapport aux chevaliers de Saint-Louis et chevaliers du Mérite militaire, et aux officiers et chevaliers de la Légion d'honneur. Avant de vous prononcer pour ou contre, permettez-moi de vous développer une seule idée. Messieurs, nous voulons dans les électeurs les véritables soutiens de la légitimité du trône. Eh bien, Messieurs, où les trouvez-vous ces soutiens? Pouvez-vous en chercher de plus dévoués que dans la classe de ceux qui ont consacré et qui consacrent leur existence à soutenir, à défendre des droits aussi sacrés; de ceux qui, par leurs services, par leurs actions, par leur conduite, ont mérité une distinction qui leur trace le devoir qu'ils ont à remplir dans tous les moments de leur vie?

Messieurs, ayant moi-même l'honneur d'être chevalier de Saint-Louis, je connais toute l'étendue de ces devoirs, et je sens combien celui qui qui a obtenu un tel honneur doit être dévoué pour son Roi et sa patrie; l'un et l'autre ne peuvent plus jamais ètre séparés, et un si grand nombre de Français ont obtenu de justes récompenses en défendant seulement leur patrie, combien ne seront-ils pas heureux et jaloux de prouver qu'ils étaient dignes aussi de soutenir les descendants de saint Louis, de soutenir cette race auguste qui, pendant nombre de siècles, a fait la véritable gloire et le bonheur des Français, et sans laquelle notre France ne peut plus exister.

Soyez persuadés, Messieurs, que les chevaliers de Saint-Louis et chevaliers du Mérite militaire, et les officiers et chevaliers de la Légion d'honneur, porteront pour le choix de francs et loyaux députés au moins le même intérêt que les autres électeurs.

Mais, Messieurs, en vous proposant un amendement, j'ai pensé aux inconvénients qui pourraient en résulter s'il était trop étendu; je l'ai restreint

autant que possible. J'ai seulement désiré qu'il soit accordé une marque de confiance et de distinction à une classe qui le mérite à tous égards, et qui toujours trouvera sa plus belle récompense quand on lui accordera de nouveaux moyens de servir le Roi.

Messieurs, voici l'amendement que j'ai l'honneur de vous proposer:

« Les chevaliers de Saint-Louis et chevaliers du Mérite militaire, les officiers et chevaliers de la Légion d'honneur, ayant un revenu montant au moins à 1,000 francs, compris leurs appointements, pensions et retraite du gouvernement, seront de droit membres du collège électoral du département où ils auront pris leur domicile politique. Cependant le nombre ne pourra excéder le vingtième des électeurs. S'il s'en trouvait dans le département un plus grand nombre, compris dans le présent amendement, ils seraient tirés au sort par le conseil préposé pour l'organisation des électeurs, et seront toujours admis en nombre égal de part et d'autre pour être électeurs. »

Une foule de membres. La question a été jugée hier.....

D'autres Elle est décidée par les électeurs au choix du Roi.

M. Odoard. C'est en outre du choix du Roi. On demande la question préalable. Elle est adoptée presque unànimement.

M. Albert. Je propose de décider que ceux des électeurs qui quitteront leur poste avant la fin des opérations, seront déchus de leur droit jusqu'à la prochaine session.

M. Pardessus. Il n'y a pas de prochaine session.

M. le Président. Ceci paraît être un objet réglementaire.

La proposition n'a pas de suite.

M. Pélissier de Féligonde. Lorsqu'on ne veut parler à cette tribune que le langage de la justice et de la reconnaissance, on y monte sans crainte, on l'aborde avec confiance. C'est aussi avec ce dernier sentiment que je viens, Messieurs, vous proposer un amendement dans l'esprit de l'article 39 de la Charte; cet article parle d'une exception à l'article 38, et permet de choisir, dans de certains départements, des députés parmi les propriétaires qui ne payent pas 1,000 francs d'impôt.

Eh bien! Messieurs, ce que la sagesse prévoyante de notre auguste législateur accorde aux habitants de ces départements, nonobstant, et même à cause de la stérilité du sol, vous, Messieurs, vous étendrez cette exception à ces braves Français, dont les cœurs si féconds en généreux sentiments, ont prodigué leur sang et ont sacrifié toute leur fortune pour leur patrie! Oui, pour leur patrie, ils voulaient lui conserver le gouvernement paternel des Bourbons. Et quel bonheur si leurs efforts eussent été couronnés du succès! Le ciel, vous ne le savez que trop, Messieurs, avait étendu son bras vengeur sur la France rebelle; mais aujourd'hui qu'il est apaisé, que les vœux de tous sont accomplis, les défenseurs de l'autel et du trône ne pourraient-ils pas paraitre au milieu de nous et nous aider à relever l'un, à consolider l'autre ? ne seraient-ils privés de ce bienfait, que pour avoir des premiers tout sacrifié à de si nobles travaux? Non, Messieurs, cet amendement ne sera point rejeté par vous, et moins encore par celui qui, après avoir tout pardonné, sait tout apprécier, et voudrait tout récompenser. Montrons à toute l'Europe que le feu sacré, que l'amour de la patrie sont dans tous les cœurs; que

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