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l'ordre de la présentation et la régularité des titres. Vous ne verrez plus, Messieurs, de décrets de déchéance, d'actes de proscription; ces temps sont loin de nous la politique des ministres est celle du Roi; elle est celle de la morale, de la justice, de la religion du monarque.

Toutefois les ministres n'ont pas eu la prétention de présenter un projet de loi parfait. Ils ont fréquemment et assidument communiqué avec votre commission; ils ont entendu toutes les observations, discuté les amendements; plusieurs pourront être adoptés, et les ministres sont prêts à donner leur consentement à ceux qui paraîtront utiles, pourvu qu'ils ne remettent pas en question l'existence de la loi du 23 septembre 1814.

Votre dévouement au Roi, Messieurs, votre honorable zèle pour sa cause, vos sacrifices pour celle de la restauration et de la légitimité sont assez connus; rendez justice, à votre tour, à la pureté d'intentions, au zèle, au dévouement de ceux que le Roi a investis de sa confiance. Dans tous les temps vous les trouverez disposés à ouvrir ces communications officieuses dont les résultats peuvent avoir tant d'avantages; mais ils n'abandonneront jamais, au détriment de l'autorité royale, ce droit d'initiative que, dans son esprit monarchique et conservateur, la Charte a réservé au Roi seul. C'est un principe irréfragable, constitutif de notre gouvernement, et sans lequel le pouvoir royal n'a plus la garantie qui lui est nécessaire et que la Charte lui a si sagement donnée.

J'insiste pour l'adoption du projet présenté par les ministres du Roi.

M. le Président. M. le rapporteur de la commission demande la parole.

M. de Corbière. M. le commissaire du Roi a parlé du compte rendu par les ministres de l'exécution de la loi 23 septembre; il serait à desirer que les ministres donnassent connaissance à la commission des états dont le compte se compose......

M. Dudon, du banc des ministres. Il est dans le budget; il était de notre devoir de le mettre sous vos yeux. Il forme l'état no XI..... Le voilà.....

Plusieurs membres. A la tribune.....

Sur la proposition de M. le Président, la Chambre se forme en comité secret.

CHAMBRE DES DÉPUTÉS.
PRÉSIDENCE DE M. LAINÉ.

Comité secret du 16 mars 1816.

M. le Président. Je vais faire donner lecture de la Chambre d'une lettre de M. Laffitte. Elle est relative aux développements donnés par M. le marquis de Blosseville à sa proposition concernant la spoliation de la caisse d'amortissement.

Paris, le 16 mars 1816.

Monsieur le Président,

J'ai lu dans les journaux de ce matin les développements donnés par M. de Blosseville, à une proposition relative à l'enlèvement et à la dilapidation d'une somme de 3,600,000 francs de rentes.

Je ne m'attendais pas à figurer, comme complice, dans une affaire que l'on qualifie de dilapidation et d'enlèvement des deniers publics, et dont la dénonciation solennelle tendrait à me faire traduire devant un tribunal criminel. J'aurais dû espérer qu'un représentant de la nation

française respecterait assez son caractère pour chercher à connaître les faits avant de se livrer, en interprétant les intentions, à une accusation grave, et aussi absurde qu'elle est odieuse.

Je dois à mon honneur, à la réputation de ma maison, de la repousser avec fermeté, avec indignation. L'intérêt du commerce l'exige, sa sûreté me le commande.

J'ai rendu un grand service; peut-être ai-je concouru à sauver la capitale. Je l'affirmerais, si ce service avait été rendu par un autre que par moi. Je l'ai rendu généreusement, sans aucune chance de bénéfice, exposé à tous les risques, à une grande perte j'en suis récompensé par une calomnien

L'opération de M. Ouvrard m'est étrangère ; elle n'a rien de commun avec la mienne. L'époq ue l'origine, le but, tout en est différent; et d'un coup d'œil M. de Blosseville pouvait s'en assurer. Pourquoi, par quel motif a-t-il cherché à les confondre?

Le 3 juillet (les époques doivent être remarquées), M. le comte Mollien vint chez moi m'annoncer la capitulation de Paris; la nécessité d'éloigner l'arméef rançaise; l'impossibilité, faute de fonds, de la mettre en mouvement vers la Loire. La sûreté de la capitale était menacée; de nouveaux combats étaient moins redoutables que les désordres qui pouvaient en être la suite.

Dans ce péril, un emprunt volontaire, ou force, allait être fait à la Banque; M. Mollien en sentait tous les inconvénients. Je n'en dissimulai aucun. La Banque était la seule ressource pour les nouvelles circonstances qui allaient nous environner. Y toucher, c'était tout perdre. J'appuyai les sages observations de M. Mollien; je m'opposai à la mesure comme régent: en ma qualité de gouverneur, j'aurais refusé de convoquer le conseil.

Autant je me serais montré le défenseur courageux de la propriété des particuliers, autant je me montrai généreux, dévoué, pour disposer de ma propre fortune.

J'offris 2 millions de ma caisse pour que la banque fût respectée. Je les versai le jour même au Trésor.

La somme était considérable, les circonstances alarmantes. M. Mollień me donna la seule garantie qu'il pût m'offrir. Il me fut transféré 200,000 francs de rentes.

On dit, dans le rapport, que je les ai reçues le 19 mai; elles ne m'ont été livrées que le 4 juillet. On avance que je les ai vendues du 4 au 7 de ce dernier mois; la vente n'a eu lieu qu'à la fin de septembre. On établit un prix obligatoire de 58 francs, pour me rendre passible de la différence. Je n'étais obligé à aucun prix, et j'ai vendu à 62 fr. 20 cent.

Il est évident, Monsieur le président, d'après les assertions de M. de Blosseville, et en admettant ses conclusions, que, si le prix de 58 francs était obligatoire, loin d'avoir à restituer, j'aurais une somme de 168,000 francs à prétendre.

Quelle foule d'erreurs et dans les faits et dans les principes! Comment ne s'est-il pas élevé une seule voix dans la commission pour les rétablir!..... Comment n'a-t-on pas senti qu'en attaquant aussi légèrement la réputation d'un citoyen recommandable, et le crédit d'une maison justement respectée, on jetait l'épouvante dans le commerce, et qu'on agissait en ennemi du bien public.

Je n'ai point fait de spéculation, j'ai rendu un service.

Je ne suis pas un des capitalistes qui ont été s'offrir; on est venu m'emprunter mes capitaux.

Je n'ai point prêté le 19 mai; j'ai prêté le 3 juillet.

Je n'ai pas eu affaire aux compagnons de Buonaparte Buonaparte n'était plus le chef du gouvernement, et les vœux et les combinaisons ne se dirigeaient plus vers une puissance abattue.

Je ne me suis point rendu maître d'une propriété particuliere; j'ai livré ma propre fortune.

Je n'ai pas agi au mépris de toutes les lois; j'ai cédé à la plus impérieuse de toutes, celle du salut public: j'ai traité successivement avec trois ministres.

Je me suis privé pendant trois mois de la sommie de 2 millions, qui m'aurait été profitable dans mes affaires; je n'ai voulu ni bénéfice ni commission.

Il ne m'appartient point de juger l'opération de M. Ouvrard; il la justifiera lui-même il me suffit d'établir que la mienne avait une date, un but et un résultat également différents.

J'en appelle à vous-même, Monsieur le Président; la Chambre et la France me rendront justice. J'ai l'honneur de vous remettre les copies: 1o De mon traité avec M. le comte Mollien; 2o De la lettre de M. le comte Corvetto; 3o Le bordereau de l'opération.

La réputation de ma maison, son crédit, mon caractère, le repos de mes correspondants, se trouvent compromis par une dénonciation de la nature la plus grave. Je n'en poursuivrai point l'auteur; mais vous trouverez juste, Monsieur le Président, que je donne à ma défense la plus prompte et la plus grande publicité.

Daignez agréer l'hommage de mon respect.
Signé LAFFITTE.

Après la lecture de cette lettre, M. le marquis de Blossevile a pris la parole, et a dit :

Messieurs, j'ai usé du droit qu'a chacun des membres de cette Chambre de faire une proposition qui soit utile.

Dans l'examen des pièces qui ont été remises sous les yeux de la commission du budget, il a été reconnu qu'une rente de 3,600,000 francs, appartenant à la caisse d'amortissement, et qui, d'après les lois, ne pouvait être vendue ni achetée, avait été mise dans le commerce : j'ai proposé des informations contre les auteurs et complices de cette action.

Ce n'est pas à celui qui use du droit qu'a tout citoyen de dénoncer une action mauvaise en ellemême, qu'il appartient de faire une instruction pour découvrir qui a été de bonne ou de mauvaise foi dans les personnes qu'il désigne pour y avoir concouru.

Ce qui a dû me suffire, c'est qu'il n'est pas permis de remettre dans le commerce des rentes acquises pour l'amortissement; c'est que nul ne doit acheter ce qui n'est pas dans le commerce; c'est que la vente du bien d'autrui est nulle.

J'ai dit que 3,300,000 francs avaient été acquis dans l'intervalle du 19 mai au 4 juillet, 200,000 francs postérieurement au 4, et que 100,000 francs restant ne faisaient pas partie des recettes du Trésor.

Mais souvent le vendeur d'une chose volée est coupable quand l'acheteur est innocent à cause de sa bonne foi. J'ignore qu'elle a été celle de M. Laffitte, parce que je ne suis pas juge instructeur. J'ai su qu'il avait acheté ce qui ne pouvait et ne devait pas être vendu; et voilà ce que j'ai dit et dù dire.

Je désire qu'il puisse se justifier, comme tout magistrat, tout fonctionnaire désire que ceux

qu'ildésigne dans une plainte, s'en justifient Je vote donc pour le renvoi de la lettre de M. Laffitte dans vos bureaux.

La Chambre ordonne l'envoi de la lettre de M. Laffitte dans les bureaux, comme renseignement pour le rapport à faire sur la proposition de M. le marquis de Blosseville; La séance est levée.

ANNEXE

Au comité secret de la Chambre des députés du 16 mars 1816.

NOTA. La proposition de M. le marquis de Blosseville donna lieu à deux nouvelles réclamations que nous insérons ci-dessous.

ECLAIRCISSEMENTS

Sur la proposition de M. DE BLOSSEVILLE, par M. LE DUC DE GAETE, membre de la Chambre des députés.

Tandis que je me livrais, avec sécurité, aux travaux dont le devoir nous est imposé, j'étais loin de prévoir qu'il se préparait, dans le silence, une sorte d'acte d'accusation contre moi, sans que j'eusse même été entendu. Si le moindre éclaircissement m'eût été demandé par la commission des finances, deux mots auraient pu suffire pour prévenir un éclat que l'auteur de la proposition regrettera sûrement d'avoir provoqué, sans profit pour la chose publique, dont le seul intérêt a sans doute excité sa sollicitude.

L'affaire dont on a cru devoir occuper la Chambre n'appartient à mon ancienne administration, ni par l'initiative, ni par l'exécution.

Il s'agit d'une négociation faite pour le service, au taux de 10 p. 0/0 à une époque voisine de celle à laquelle la loi du 23 septembre 1814 avait accordé 8 p. 0/0, dans des circonstances certainement moins difficiles, et dont le résultat immédiat a été d'épargner aux contribuables une nouvelle surcharge d'impôts.

Une lettre du capitaliste avec lequel celui qui exerçait alors l'autorité avait traité directement, prouve évidemment qu'aucun ministre n'avait pris de part à la conclusion de cette affaire, dont celui du Trésor, que les négociations relatives au service concernaient particulièrement, avait au contraire combattu, mais inutilement, le projet, dès qu'il en avait eu connaissance. Ce fait résulte d'un rapport authentique qui a fait partie des pièces mises, dans le temps, sous les yeux de la commission extraordinaire formée en vertu d'une ordonnance du Roi, pour l'examen de l'opération dont il s'agit.

Si une mesure tout à fait personnelle à son auteur, et qui ne peut être attribuée ni au ministre des finances, qu'elle ne concernait pas, ni à celui du Trésor, qui s'y était opposé, pouvait avoir besoin, de ma part, d'explications plus particulières, je dirais 1° que la transmission que j'ai été chargé de faire au ministre du Trésor, de le copie d'une décision qui, comme M. de Blosseville l'observe lui-même, n'avait pas le caractère d'un décret, puisqu'il n'était pas contre-signé, est une simple communication intérieure d'un acte de la volonté personnelle de celui qui gouvernait alors, et qui avait jugé utile au crédit que l'opération put n'être connue que lorsqu'elle aurait été conduite à son terme; car, suivant sa décision, le produit de cette négociation devait être porté au chapitre des ressources extraordinaires du budge

dès qu'il n'y aurait plus d'inconvénient à le faire, ce qui exclut entièrement l'idée défavorable de clandestinité.

2o Que la caisse d'amortissement n'existait plus que de nom; ce qui résulte clairement des développements donnés en 1814 par le ministre des finances, dans son discours à la Chambre des députés; qu'elle était devenue un simple bureau du Trésor, depuis qu'en vertu de la loi du 23 septembre 1814, la valeur des propriétés foncières qui lui restaient encore avait été comprise parmi les ressources du budget de l'Etat; qu'ainsi, les 3,600,000 francs de rentes qui ont été la base de l'opération, se confondaient naturellement avec l'actif général du Trésor, puisque l'Etat en était bien certainement propriétaire; qu'il ne s'agissait point, par conséquent, comme quelques personnes l'avaient pensé, de rentes créées sans le concours de la loi, mais bien de rentes anciennes, dont l'Etat avait acquis la propriété par l'intermé– diaire de la caisse d'amortissement;

3o Que la substitution d'une nouvelle dotation, en bois et forêts, d'un revenu de 5 millions, compensait, et bien au delà, les 3,600,000 francs de rentes au grand-livre qu'elle avait antérieurement possédés; qu'elle la dédommageait même, trèsavantageusement pour elle, des propriétés dont le produit avait été affecté au service, en vertu de la loi du 23 septembre 1814; que l'on ne peut, par conséquent, pas dire que cette opération dùt lui causer aucune lésion, au moment de sa reconstitution, puisqu'elle y trouvait, au contraire, un avantage évident, par la nature et le produit de la nouvelle dotation qu'elle obtenait;

4° Que l'emploi qui a été fait d'une valeur ap: partenant à l'Etat, et qui se trouvait remplacée, au profit de la caisse d'amortissement, par une valeur supérieure, ne paraît pas plus susceptible de blâme, que celui de tous les autres moyens qui ont été nécessaires pour assurer le service à la même époque;

5° Qu'enfin le ministre des finances avait fait son devoir, en réclamant, pour un établissement qu'il s'agissait de recréer et de reconstituer, une contre-valeur avantageuse de tout ce qui composait son actif, antérieurement à la loi du 23 septembre 1814.

Ces diverses considérations ont dû déterminer l'opinion émise par la commission chargée par le Roi d'examiner cette affaire, sur laquelle il appartenait à Sa Majesté de prononcer. Il était impossible que la commission ne reconnut pas que l'opération dont il s'agit ne pouvait être considérée que comme l'un des actes personnels de la dictature qui a conduit celui qui s'en était emparé au lieu où la Providence avait marqué le terme de ses destinées; qu'ainsi nulle responsabilité ne pouvait en résulter pour aucun de ceux qui avaient été dans la nécessité de concourir à l'exécution, quand bien même les règles de la responsabilité des agents du gouvernement auraient été déjà fixées par une loi qui eût véritablement, aujourd'hui, tous les caractères d'une loi de l'Etat, Elle l'aurait, à plus forte raison, reconnu depuis l'oubli de tous les faits relatifs aux événements désastreux du 20 mars 1815, qui a été prononcé par une loi solennelle, qui ne pourrait laisser subsister de matière pour une action quelconque, que dans le cas où l'on serait autorisé à supposer, de la part d'un agent du gouvernement, une spéculation personnelle, dont on ne craint pas de dire que tout, ici, repousse l'idée.

OBSERVATIONS

Sur le rapport de la commission nommée, en 1815, par le Roi, pour l'examen de l'affaire concernant la négociation de 3,600,000 francs de rentes provenant de la caisse d'amortissement, par M. LE DUC DE GAETE, membre de la Chambre des députés.

Le rapport de la commission nommée, en 1815, par le Roi, pour examiner l'affaire concernant la négociation de 3,600,000 francs de rentes provenant de la caisse d'amortissement, ne m'était pas connu, lors de la rédaction des premiers éclaircissements que j'ai publiés sur la proposition de M. de Blosseville je suis ainsi forcé d'y revenir pour fixer les idées sur quelques inexactitudes dans lesquelles la commission est involontaire tombéement.

Elle établit (pages 25, 26, 27 et 28 de son rapport) les considérations d'après lesquelles elle pense que les ministres des finances et du Trésor sont affranchis des suites de la responsabilité qui dérive de l'illégalité et de l'irrégularité de l'ope ration en elle-même arrétée directement, sans le concours des ministres, par celui qui avait envahi le pouvoir.

Mais, dans la discussion qui précède, la commission recherche les divers reproches que l'on aurait pu faire aux ministres, dans des circon stances différentes, et, là, on remarque diverses erreurs qui exigent des explications.

La commission suppose que les 3,600.000 fr. de rente, restant de celles qui avaient appartenu à la caisse d'amortissement, par le résultat de ses opérations de toute nature, pendant près de quinze années, étaient destinées, par des lois, non à rentrer dans la circulation, mais à amortir successivement la dette publique, à l'aide des intérêts.

Or, ici, une distinction est nécessaire.

Il avait été créé, par deux lois des 24 avril 1806, et 15 janvier 1810, au profit de la caisse d'amortissement, pour 5 millions de rentes, en échange desquelles elle devait, aux termes de ces mêmes lois, remettre au Trésor, pour être employés aur besoins du service, des bons à échéance et à intéréts, remboursables par elle, en numéraire, sur l'ensemble de ses moyens. L'intérêt de ces rentes devait naturellement servir à payer celui des bons qu'elle avait émis, et n'était, par conséquent, pas destiné à amortir la dette publique. Les rentes elles-mêmes étaient dans le cas d'être vendues, si la caisse n'avait pas eu d'autres moyens d'acquitter la totalité ou partie de ses bons à l'échéance.

Et à l'égard de celles qui étaient provenues de ses rachats, elles avaient pu, dès que le système d'amortissement avait été notoirement suspendu, en 1814, par le gouvernement, être considéres comme un fonds d'accumulation disponible pour l'Etat, qui en avait payé le prix, et dont il avait l'avantage de se servir sans augmenter la somme d'intérêts qui entrait dans les dépenses annuelles du budget. Il devenait, en effet, indifférent, pour le Trésor, de payer ces intérêts à la caisse d'amortissement ou à de nouveaux propriétaires: le montant de la dette publique n'en éprouvait aucune augmentation. Une telle opération ne peut donc être considérée comme équivalente à une nouvelle création de rentes, puisque le grand-livre n'était point augmenté elle ne peut l'être uniquement que comme l'emploi d'une valeur disponible pour le Trésor, parce qu'elle était repré

sentée par les intérêts alloués par la loi, au budget de l'Etat. C'est ainsi que, dans tous les temps, le Trésor a eu le droit de réaliser le capital des inscriptions qui rentraient dans ses caisses, par l'effet des payements autorisés en cetie valeur, tels que ceux de débets de comptables, par exemple. Ce droit résultait du crédit ouvert par la loi de finances, pour le payement des intérêts de la dette publique.

Ainsi, dans l'espèce, le Trésor a pu régulièrement négocier les rentes dont il a disposé, parce que, d'une part, les intérêts avaient cessé d'être affectés à l'amortissement, par l'effet des nouvelles dispositions faites, en 1814, par le gouvernement; et que, de l'autre, elles se trouvaient comprises dans le crédit général ouvert par le budget. Il était seulement tenu de rendre compte de cette recette extraordinaire comme de toutes les autres; et l'on voit que cette obligation avait été rappelée dans la décision du 16 mai, qui prescrivait de porter le produit de l'opération au budget, au chapitre des recettes extraordiniaires; ce qui aurait pu avoir lieu, dans la session même du Corps législatif assemblé après cette époque, aussitôt que le produit effectif qui demeurait incertain jusqu'à ce que l'opération eût été poussée à son terme, aurait été définitivement

connu.

La commission paraît douter que la loi du 23 septembre 1814 eût détruit la caisse d'amortissement; mais indépendamment des explications contenues dans le discours du ministre à la Chambre des députés, d'après lesquelles il déclarait les intérêts de ces rentes désormais affectés au payement des charges de la caisse, devenues celles du Trésor, et rendait par conséquent, ainsi, ces intérêts disponibles pour tout autre objet que l'amortissement; on voit que les biens-fonds et les décomptes d'acquéreurs de domaines qui composaient l'autre partie de l'ancienne propriété de la caisse d'amortissement, avaient été compris dans les ressources du budget annexé à la loi du 23 septembre. Ainsi, et la valeur de ces propriétés, et les rentes elles-mêmes, avaient reçu une destination toute nouvelle. Comment pourrait-on donc prétendre qu'il subsistât encore quelque chose de l'ancienne dotation, qui pût être considéré comme destiné à amortissement? La deuxième partie de la citation du discours du ministre, rapportée par la commission (page 19), vient elle-même à l'appui du fait incontestable de l'entière destruction de la caisse d'amortissement, par l'effet de la loi du 23 septembre, puisque le ministre annonce qu'il faudra un prélèvement sur la masse des revenus de l'Etat, pour établir un système d'amortissement qui, dit-il, dans son discours, demande à être mùri et médité. Donc, l'ancienne institution n'existait plus, et aucun moyen ne demeurait provisoirement réservé pour des opérations relatives à l'extinction graduelle de la dette publique.

La commission a fondé une opinion contraire sur ce que le ministre avait dit dans son discours à la Chambre, que la rente de 3,600,000 francs n'offrait aucun moyen de payement de l'arriéré : que seulement les intérêts serviraient au payement d'une partie des charges de la caisse.

On ne comprend pas sur quoi pouvait être fondée cette opinion du ministre qui, par son projet de loi, ouvrait aux créanciers la voie de la consolidation. Dès qu'il n'avait pas vu de difficulté à ce que le revenu annuel des 3,600,000 francs de rentes fût appliqué au payement des charges de la caisse, dont l'actif et le passif se trouvaient confondus avec ceux du Trésor, il n'y avait pas de

raison pour que le capital de ces mêmes rentes ne pût pas être employé à la consolidation des créances de l'arriére. Il devenait en effet indifférent pour les finances de créer cette masse de rentes, de moins pour le payement de l'arriéré, ou bien de créer, pour ce même arriéré, de nouvelles renles pour le même capital, en conservant les premières pour concourir à l'acquittement des charges de la caisse. Dans le premier système, les créanciers auraient été satisfaits sans que le grand-livre fût augmenté, et quant à la dépense de l'Etat, elle fùt restée la même eu fournissant d'une autre manière les 3,600,000 francs pour le payement des charges de l'ancienne caisse d'amortissement, qui se confondaient avec les divers engagements du Trésor.

On voit ainsi que tout ce que la commission a dit pour prouver que les 3,600,000 francs de rentes n'avaient pas pu étre aliénés, repose sur des bases entièrement fautives.

Les rentes de Louis et de Pauline B... provenaient de celles que la caisse d'amortissement avait antérieurement cédées en échange des dotations en biens-fonds situés dans l'étranger: ces dotations ayant été perdues par les événements de la guerre, les anciens titulaires n'avaient plus de droit à la propriété de ces rentes, qui se trouvaient aussi disponibles que les 3,600,000 francs: et il doit m'être permis de faire remarquer ici l'application faite, dans l'intérêt public, à une famille alors toute-puissante, des principes de la plus rigoureuse justice.

A ces observations sur le rapport de la commission, je crois devoir en ajouter deux autres sur la nature des griefs sur lesquels M. de Blosseville a fondé les conclusions de son rapport. Il s'agit, dit-il, d'une atteinte à la foi et au crédit public, au droit des propriétaires de dépôts, à la propriété de la caisse d'amortissement. Il convient donc de supplier le Roi d'ordonner la poursuite des divers prévenus devant leurs juges, afin d'opérer la réparation d'un délit commis envers des particuliers ; cas prévu par la loi d'amnistie.

Premièrement, je pense que, d'après les détails dans lesquels je viens d'entrer, il ne peut restor de doute à personne que la caisse d'amortissement n'ait été complétement détruite par l'effet de la loi du 23 septembre 1814, et que son actif comme son passif ne se soient confondus avec ceux du trésor royal.

Prétendrait-on que le décret du 9 mai avait rendu de nouveau les 3,600,000 francs de rentes indisponibles? Mais cet acte n'était-il pas émané de la même autorité qui a jugé à propos de le rapporter, comme on ne pouvait iui en contester le droit, en donnant, en remplacement des rentes dont elle disposait, un revenu provenant de bois et forêts?

On ne peut donc pas dire que la propriété de la caisse d'amortissement ait été violée par la décision du 16 mai, puisque tout avait été consommé à cet égard par la loi du 23 septembre 1811.

Secondement. On ne voit pas comment des intérêts de particuliers auraient pu être plus spécialement blessés par la décision dictatoriale, qu'ils ne l'auraient été par la loi du 23 septembre 1814; la vérité est qu'ils ne l'ont été ni par l'un ni par l'autre. Ces intérêts avaient leur garantie spéciale dans les fonds provenant des dépôts et consignations, pour lesquels la caisse d'amortissement avait eu, de tout temps, son compte courant à la caisse de service du Trésor, et cette garantie n'a pas un moment cessé d'exister.

Il n'y a donc, là, rien de semblable au cas prévu

par la loi d'amnistie, et l'on n'aperçoit pas ce qui pourrait faire ici la matière d'une poursuite devant les tribunaux, auxquels la discussion d'une affaire purement administrative est tout à fait étrangère.

Et s'il est vrai, ainsi que la commission l'a ellemême reconnu, qu'il ne se soit jamais élevé aucune incertitude sur l'application faite au service public de la totalité des fonds provenant de la négociation dont il s'agit; que l'empire des circonstances exigeait que ces fonds fussent fournis sans délai; que sans ce secours, les désordres publics et particuliers qui seraient résultés de l'interruption du payement des dépenses de l'armée, fussent devenus la cause d'une foule de violences contre les propriétaires ou contre les contribuables n'est-il pas démontré que tout prétexte de reproche et de blâme disparaît à l'égard des ministres, sous le rapport de l'intérêt public, comme sous celui des intérêts particuliers, auxquels la décision du 16 mai n'a porté ni pu porter la moindre atteinte.

CHAMBRE DES DÉPUTÉS. PRÉSIDENCE DE M. LAINÉ.

Séance du 18 mars 1816.

Le procès-verbal de la séance du 16 mars est lu et adopté.

Quatre pétitions sont renvoyées à la commission des pétitions, lecture faite des noms des pétitionnaires.

M. de Sainte-Aldegonde fait divers rapports au nom de la commission des pétitions.

La Chambre reprend ensuite la discussion du projet de budget de 1816.

M. de Serre (1), député du Haut-Rhin. Messieurs, je ne vous parlerai que de l'arriéré et je n'en parlerai que dans ses rapports les plus intimes avec la loi fondamentale du pays.

Ce qui a été dit sur cette matière me permet d'être plus court, et me donne l'avantage de partir de points démontrés jusqu'à la plus haute évidence.

Je distingue l'arriéré antérieur à la restauration, de l'arriéré postérieur; non qu'ils ne soient également sacrés, mais parce qu'il a été fait des fonds pour le payement du premier, et qu'il reste à en faire pour le payement du second.

Sur le premier arriéré s'élève cette question : Pouvons-nous renverser la loi de 1814 qui en a réglé le sort, retirer au gouvernement les valeurs mises à sa disposition pour l'acquit des dépenses légalement reconnues, retirer aux créanciers de cet arriéré le gage qui leur a été solennellement affecté ? Le pouvons-nous sans la proposition du Roi, contre la prohibition formelle du Roi ?

On répond que nous le pouvons et à plusieurs titres, savoir par voie d'amendement; par le texte même de cette loi de finances de 1814; enfin par la nature des choses.

1° Par voie d'amendement; mais c'est sans doute un amendement à la proposition actuelle du Roi car l'on ne conteste point encore que pour agir législativement, il est indispensable qu'une proposition royale nous mette en mouvement, et que notre action ne peut s'exercer que sur l'objet de cette proposition. Or, je demande de quoi nous sommes saisis dans les termes de

(1) Le discours de M. de Serres est incomplet au Moniteur.

la proposition actuelle du Roi. Uniquement de la loi de finances de 1816, uniquement du droit de régler les dépenses, de déterminer les recettes pour 1816. Et soutiendra-t-on que le renversement de la loi sur l'arriéré, portée en septembre 1814, de cette loi sur laquelle le gouvernement ne nous propose_rien, qu'il se réserve au contraire d'exécuter fidèlement, est un simple amendement? à quoi? au règlement du service courant du budget de 1816? Mais alors il faut soutenir, ou bien que l'arriéré antérieur au 1er avril 1814, et le service courant de cette année, sont une seule et même matière, une matière indivisible; ou bien, qu'à l'occasion de toute proposition de loi, nous pouvons sortir du cercle de son objet, et, par forme d'amendement, nous élancer sur toute la législation, et démolir de fond en comble les parties mêmes qui sont réputées inébranlables; mais alors aussi que devient, je ne dirai plus l'initiative royale, mais la monarchie elle-même ?

2o Nous sommes saisis, dit-on, par le texte même de la loi de septembre 1814. Il serait étrange, sans doute, qu'une loi quelconque, qu'une loi définitive eût, à l'avance, préparé sa propre destruction; que la législature de 1814, si consciencieuse à remplir ses engagements, eut réservé à l'une des branches de la législature de 1816 le droit de trahir ces mêmes engagements. Mais vous avez entendu les deux textes de cette loi de 1814. Que vous dit le premier? Qu'il vous sera rendu compte en recette et dépense de l'exécution de la loi; c'est-à-dire que cette loi vous constitue ses gardiens, et si elle a été enfreinte, ses vengeurs. Est-ce là vous autoriser à l'enfreindre vous-mêmes? Que vous dit le second texte? Que si le gage est insuffisant, vous y ajouterez. Est-ce là vous autoriser à attenter aŭ gage, à le ravir aux créanciers? Et par quel déplorable abus du raisonnement a-t-on tenté de transformer un mandat de surveillance et de fidélité en un mandat de spoliation?

3o Nous tirons, ajoute-t-on, de la nature méme des choses le droit d'abroger la loi de 1814, et au besoin, sans notre intervention, la force même des choses l'a déjà abrogée.

Tel est, Messieurs, le dernier retranchement d'un système désespéré. Convaincu de la puissance de la loi, l'on s'efforce de nier son existence.

Pour moi, je l'avoue, lorsque, pour échapper à la nécessité de l'initiative royale, pour arriver à la subversion d'une loi positive, j'entends évoquer cette puissance vague et mystérieuse que l'on nomme la nature des choses, je me rappelle, avec terreur, qu'au bruit de semblables arguments se sont écroulées des institutions séculaires, comme au son des trompettes tombèrent jadis les murs antiques de cette ville réprouvée du Seigneur.

Mais y a-t-on bien pensé ? Qu'est-ce ici que la nature des choses? Que sont les choses ellesmémes, si ce n'est l'arriéré que protége la loi de 1814, si ce n'est cette loi elle-même qui nous charge de veiller à son exécution, si ce n'est la volonté connue du Roi qui défend cette loi de toute atteinte et veut l'exécuter? Volonté royale conforme à la loi; loi conforme à la Charte. Voilà quelles sont les choses. Qu'y a-t-il dans leur nature qui abroge la loi de 1814, qui autorise à l'abroger?

Les orateurs de la commission atteste atque la loi de 1814 est inexécutable. Je pourrais leur répondre que le ministère du Roi, que le conseil du

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