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je crois fausse, que lorsqu'il y aurait dans un département un grand nombre de mendiants, il suffirait d'en enfermer un certain nombre pour empêcher les autres de mendier encore; l'expérience a prouvé le contraire.

Plusieurs départements ont demandé que les bâtiments réservés à cette destination fussent consacrés à d'autres usages. Ils appartenaient presque tous au clergé, et, sur ma proposition, le Roi a permis qu'on en formât des séminaires. Je me propose d'ailleurs de consulter les conseils généraux, de leur demander des mémoires exacts et précis sur les résultats que produisent ces établissements, et sur leurs dépenses effectives. Alors on pourra prendre un parti positif sur ces institutions. Je dois ajouter qu'en réglant leurs dépenses cette année, je les ai réduites considérablement.

Il est une dépense, modique en elle-même, mais dont l'objet a paru extraordinaire à votre commission; c'est une somme de 36,000 francs consacrée à des écoles de musique dans les départements. Vous auriez tous appuyé une telle dépense, Messieurs, si vous aviez su qu'elle était consacréé uniquement à encourager l'étude de la musique sacrée dans les cathédrales. Ces sortes d'écoles ont existé de tout temps auprès des chapitres qui les entretenaient; elles remontent à une haute antiquité. Quand Charlemagne revint de Rome, il s'aperçut que le chant religieux avait conservé quelque chose de l'antique barbarie, que les oreilles des Francs n'étaient pas aussi délicates que celles des ultramontains. Il ordonna, par des édits successifs, que le chant grégorien fut introduit dans les cathédrales, et y prescrivit des dépenses nécessaires; cet usage s'est perpétué jusqu'à nos jours; et certainement une dépense de 36,000 francs est bien modique pour le but qu'on s'est proposé. Je suis certain que tous les évêques de France se réuniraient à moi pour demander la conservation d'un aussi faible encouragement.

On a trouvé inutile la somme de 40,000 francs pour les professeurs des écoles de droit; on a pensé qu'il suffisait de laisser aux professeurs les rétributions qui proviennent des réceptions des élèves. Telle était d'abord la disposition adoptée; mais on a reconnu qu'il en résultait pour des professeurs d'un mérite égal une inégalité choquante; qu'à Paris un professeur

avait

18,000 francs, tandis que dans les départements, non-seulement les professeurs ne pouvaient avoir d'appointements convenables, mais encore que les dépenses les plus indispensables ne pouvaient être payées. Il a fallu prélever sur les écoles qui recevaient davantage en faveur de celles dont la recette était insuffisante. Le gouvernement donnait cependant encore 250,000 francs. Cette dépense est aujourd'hui réduite à 40,000 francs seulement. Sans doute l'économie ne peut être portée plus loin. Les mêmes raisons et les mêmes dispositions s'appliquent aux écoles de médecine.

M. de Vaublanc passe à la discussion de l'article 21 du projet de la commission. Il établit que si toute faculté de s'imposer est interdite aux communes dans les formes légales, on verra souvent en souffrance les dépenses nécessaires pour des objets utiles, tels que les frais du culte, les indemnités des vicaires, les salaires des gardes champêtres et forestiers, les bâtiments communaux et chambres de commerce, les réparations d'églises et de presbytères, les chemins vici

naux.

Ainsi, sous ce rapport, l'article 24 du projet du ministre des finances devrait être adopté.

L'orateur qui a discuté l'article 19 du projet de la commission veut que, sur les 12 centimes destinés aux dépenses variables, 10 soient remis à la disposition des préfets. J'adopte cet article, il remplit le but qu'on se propose.

Mais ici il est un point essentiel à considérer relativement aux intérêts du Trésor. Il faut savoir si les 10 centimes resteront dans les caisses des départements, comme cela se pratiquait avant la Révolution pour les dépenses des provinces, ou si ces fonds seront à la disposition du Trésor, et pourront augmenter ainsi ce mouvement de fonds qui est un des moyens de satisfaire à tous les engagements. Cette question est de la compétence du ministre des finances, peut-être parviendrat-il à vous démontrer qu'il doit avoir la libre disposition de ces fonds particuliers, afin d'étendre la circulation des sommes dont il a besoin pour assurer ses payements sur tous les points sans déplacement de fonds, et par ces simples revirements de la caisse de service.

Quant à moi, Messieurs, poursuit M. le comte de Vaublanc, je n'ai pas attendu le vœu de la Chambre, j'ai renvoyé aux départements quantité d'affaires sur lesquelles ils peuvent statuer, mais sous la surveillance immédiate du ministre, surveillance qui ne doit être ni contestée ni affaiblie. Telles sont les primes accordées pour la destruction des loups, les secours aux voyageurs indigents, les frais occasionnés pour les niendiants, les vagabonds, les nominations des employés des hospices et l'administration des haras.

Le Roi s'est occupé de statuer sur les budgets des communes. Sa Majesté, sur ma proposition, a ordonné que les budgets des communes, ayant 30,000 francs de revenu et au-dessus, seraient seuls arrêtés par le ministre de l'intérieur. Les autres le seront par les préfets sur l'avis motivé des conseils municipaux. Sa Majesté a également ordonné que les comptes des hospices seraient réglés par les préfets. Le dernier gouvernement avait centralisé cet examen, mais cela était illusoire. Ces comptes n'étaient jamais examinés. On pourra, si on le juge nécessaire, les renvoyer ensuite à la cour des comptes.

Votre commission, Messieurs, dit en terminant M. de Vaublanc, n'ayant pas pris de conclusion sur les objets dont je viens de parler, je dois me borner aux simples observations que je viens de vous présenter je ne conclurais moi-même que si on présentait comme une chose à faire ce que M. le rapporteur n'a lui-même présenté que comme un sujet d'observation.

M. Becquey annonce que le ministre ayant pris la parole, il se dispensera d'entrer dans de longs développements. Il demande seulement à la commission pourquoi elle n'a pas donné de motifs à la fixation des centimes variables : pourquoi 12 et non pas 15? Il y avait des proportions à établir, et à savoir si ce qui était excédant dans un département n'était pas insuffisant dans un autre. En examinant là question sous tous ses points de vue, l'orateur pense qu'une moyenne proportionnelle de 8 centimes paraîtrait convenable, et que les 4 autres pourraient former un fonds commun à la disposition du gouvernement, pour subvenir aux dépenses des départements auxquels leurs 8 centimes ne suffiraient pas. L'orateur ajoute que le projet parle d'administrations départementales qui n'existent pas, et qui ne pourraient exister que par une loi nouvelle il demande qu'on y substitue les mots

conseils généraux de départements, expression conforme aux institutions actuelles.

Cet avis est vivement appuyé.

M. de Saint-Aulaire développe méthodiquement les principes de la législation qui a successivement réglé la matière en discussion. On est d'accord, dit-il, sur l'amélioration désirée ; les administrés et les administrateurs le demandent. On a trop longtemps souffet de la centralisation et des formes dérisoires auxquelles elles assujettissaient les départements.

Un administrateur, écrivain très-distingué, en a signalé les abus d'une manière très-piquante; mais ces abus n'étaient pas le système lui-même; il faut parler du système sans exagération, et au risque de n'être pas aussi divertissant que l'écrivain qui l'a si vivement critiqué.

La loi de messidor an IV établit en quatre classe les dépenses du gouvernement et les dépenses locales dans le système; il n'y avait pas de fonds communs à la disposition des ministres; mais la loi du 15 frimaire an VI établit 10 centimes par franc des contributions foncière, personnelle et mobilière, pour être employés aux dépenses d'administration. Bientôt on reconnut une inégalité entre les départements: on établit 5 centimes de plus.

La loi fut modifiée sous le gouvernement impérial; on établit 11 centimes de dépenses variables; elles étaient votées par les conseils généraux, mises à la disposition des préfets; l'excédant pouvait être applicable à des améliorations.

Ainsi un préfet pouvait attacher son nom à un établissement utile, et laisser dans un département des souvenirs bien différents de ceux qu'il a laissés depuis dans des circonstances moins heureuses.

Au surplus, cet âge d'or des préfets a été de courte durée. Les lois dont je parle ont été modifiées; l'influence des administrations locales a été en diminuant, et bientôt elles n'ont eu que 4 centimes à leur disposition.

Il faut d'abord en attribuer la cause première au chef du gouvernement, dont le système était de rapporter tout à lui, et de tout centraliser; mais d'un autre coté, il faut convenir que la spécialité présente des difficultés réelles.

Sans doute il serait à désirer qu'une réunion des communes, formant en quelque sorte la famille départementale, pût l'administrer elle-même, suffire à ses besoins par des additions à ses propres contributions. Le riche déploierait de la magnificence, le pauvre garderait une économie sévère; cela est dans la nature des choses. Le gouvernement ne peut remplacer où elles n'existent pas, la richesse, l'industrie, la prospérité; mais ce raisonnement, bon si on l'applique à un département isolément, ne l'est plus s'il s'agit de dépenses qui, bien que locales, ne concernent cependant pas un département seul, mais plusieurs, mais souvent l'Etat entier. Les enfants trouvés, exemple, sont une dépense énorme; elle est Pocale, mais appartient-elle réellement au département isolé qui la supporte? Les routes qui commencent dans un département, s'y bornent-elles, et souvent les passages les plus dispendieux à entretenir n'appartiennent-ils pas au département le plus pauvre, et qui en profite le moins? J'ai cité ces exemples comme les plus sensibles.

Ainsi, ce qui devrait naturellement précéder la fixation du taux des centimes serait une détermination méthodique, une classification exacte des différentes natures de dépenses, de celles du Trésor, de celles des départements et de celles des

communes.

Cependant l'orateur pense que les vœux reconnaissants du peuple accueilleront les vues proposées pour cette année; mais il ajoute que le fonds commun proposé n'est pas suffisant; que la différence des ressources et des besoins des départements exige qu'au moyen d'un fonds commun plus considérable, le gouvernement puisse réparer les inégalités, et il vote pour le projet de la commission avec les amendements de M. Becquey.

M. de Saint-Géry, l'un des membres de la commission. Messieurs, chargé spécialement, par votre commission, du travail qui a fixé son opinion et a déterminé la rédaction qu'elle a eu l'honneur de vous proposer pour les articles 18 et 19, maintenant soumis à votre discussion, je viens vous donner quelques éclaircissements qui répondront, ce me semble, à la plupart des objections qu'on a faites contre ces articles.

Votre commission avait, ainsi que vous, Messieurs, la ferme résolution de ne rien proposer qui pût entraver la marche du gouvernement, et de sacrifier des réformes ou des améliorations utiles à la crainte du danger d'embarrasser les opérations générales du ministère des finances. Elle se sentait cependant pressée du besoin de satisfaire le plus promptement et le plus efficacement possible aux justes réclamations qui s'élevaient de toutes parts, et qui ont plusieurs fois retenti à cette tribune contre la centralisation des fonds destinés à subvenir aux dépenses départementales.

Elle a cru avoir trouvé le moyen de concilier ces deux intérêts dans les articles 18 et 19; elle laisse au Trésor le recouvrement et la jouissance de la totalité du produit des 50 centimes additionnels, qui n'avaient été originairement imposés que pour les besoins locaux des départements; mais elle vous propose d'établir en principe, qu'un nombre de centimes, dont le produit égale les sommes que le ministre de l'intérieur destine, dans son budget, à faire face aux dépenses variables et aux réparations des routes départementales, sera distrait de ces 50 centimes, pour être exclusivement consacré à cet objet, de sorte que les économies qui pourraient être faites par les conseils généraux retournent à leur décharge et ne puissent, dans aucun cas, profiter au Trésor, qui n'est plus que dépositaire de ces fonds.

Les dépenses départementales se sont toujours divisées en dépenses fixes et en dépenses variables.

Les dépenses fixes des quatre-vingt-six départements se montaient, depuis plusieurs années, à la somme de 16,580,740 francs, à peu près égale au produit de 8 centimes 32 centièmes (1), sur laquelle la suppression des sous-préfectures des chefs-lieux a produit une économie de 278,000 fr. Il y aurait peut-être quelque avantage pour les départements à spécialiser les fonds destinés à acquitter ce genre de dépenses; mais comme ces dépenses consistent seulement dans les traitements fixes des préfets, sous-préfets, secrétaires généraux, conseillers de préfecture, receveurs généraux et particuliers, et des divers officiers de l'ordre judiciaire, et ne sont par conséquent susceptibles ni d'augmentation ni de diminution, votre commission a unanimement pensé que la nécessité de venir au secours des départements, dont les besoins excèdent les ressources, réduirait à très-peu de chose l'avantage de la spécialité pour les dépenses fixes, et elle ne vous propose à leur

(1) Le produit s'élève à 16,489,223 fr. 04 c.

égard aucun changement dans le système actuel. Il n'en est pas de même des dépenses variables. Lorsque l'économie sera profitable pour les départements, les conseils généraux ne seront plus aussi faciles pour allouer des dépenses qui ne présentent point un avantage proportionné à la Surcharge qu'elles nécessitent. Dans le système de fonds communs, les conseils généraux sont intéressés à absorber le plus possible du produit des centimes imposés à leurs départements. Il n'y a pour eux que de la perte à diminuer leurs dépenses; aussi se sont-ils toujours prêtés à voter toutes celles que les préfets leur proposaient, quelque inutiles qu'elles leur parussent d'ailleurs, par cette seule raison qu'elles se faisaient dans leurs départements; la même réflexion peut s'appliquer aux conseils municipaux. De là une lutte continuelle entre le ministère et les administrations locales, dont il doit résulter un très-grand détriment pour la chose publique.

Votre commission a été cependant frappée de l'objection que les partisans de la centralisation font ordinairement valoir contre la spécialité avec plus de force qu'elle n'en a réellement; c'est que les dépenses de deux départements comparés l'un à l'autre, ne sont presque jamais en raison directe du principal, de leurs contributions foncière, personnelle et mobilière; d'où il résulte qu'il existe la plus grande disproportion entre le nombre de centimes que le département des Hautes-Alpes, par exemple, serait obligé de s'imposer pour fournir à ses dépenses variables, et celui qui suffirait au département de l'Aisne, pour le même objet, dans un système de spécialité pur et simple.

Quoiqu'il y ait de fortes considérations politiques à opposer à cette objection, votre commission a préféré ne pas laisser même un prétexte au murmure, et établir son système de spécialité de manière qu'aucun département ne se trouvât chargé d'un plus grand nombre de centimes que dans le système actuel, pour fournir aux dépenses qui lui ont été allouées jusqu'à présent.

D'après un tableau qui lui a été remis, les dépenses variables des départements s'élevaient jusqu'à présent à un total de 30,960,491 francs, somme à peu près égale au produit de 15 centimes 53 centièmes du principal des contributions foncière, personnelle et mobilière de toute la France (1). On peut donc dire que, dans le système de fonds communs, il en coùtait à chaque département, pour les dépenses variables, 15 centimes 53 centièmes du principal des trois contributions réunies.

Votre commission a comparé pour chaque département la somme de ses dépenses variables avec le produit de 15 centimes 53 centièmes de son principal; et elle a reconnu qu'en séparant tous les départements dont les dépenses excédaient le produit de ces centimes, la somme de ces divers excédants de dépenses s'élevait à 4,091,237 francs 14 centimes, somme à peu près égale à 2 centimes du principal des trois contributions réunies de toute la France (2). Elle a donc pensé que si on faisait un fonds commun du produit de deux centimes, on donnerait au ministre de l'intérieur une somme suffisante pour

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[26 mars 1816.]

705
venir au secours des départements trop faibles. .
Et remarquez, Messieurs, que cet arrangement
est pour cette année-ci tout à fait à leur avan-
tage; car leurs excédants de dépenses sont éva-
lues dans la supposition que la totalité des dé-
penses variables s'élèverait à 30,960,491 francs,
et le ministre, d'après son budget, ne pouvait
allouer que 20 millions à cet article de sa dé-
pense. Ils eussent donc été obligés de suppléer
à ce qui leur aurait manqué par un plus grand
nombre de centimes facultatifs.

Une autre considération qui rend ce fonds com-
mun tout à fait suffisant, c'est que, parmi les dé-
partements dont les dépenses excèdent le produit
de 15 centimes 53 centièmes, on trouve celui de
la Seine pour une somme de 338,696 francs
28 centimes; celui du Rhône pour 201,286 fr.
30 centimes, celui des Bouches-du-Rhône pour
133,636 francs 13 centimes. Certes, il paraîtrait
ridicule de traiter les villes de Paris, Lyon et
Marseille comme des départements pauvres, au
secours desquels il serait nécessaire de venir; et
cependant leurs excédants de dépenses entrent
pour un sixième dans la somme des excédants de
dépenses qui a servi de base à votre commission
pour évaluer le nombre de centimes nécessaires
pour un fonds commun de secours.

Par l'article 19 du projet de votre commission, 10 centimes seulement sur les 50 que paye toute la France, sont mis à disposition des départements; et par l'article 30, les conseils généraux sont autorisés à suppléer à l'insuffisance de ces 10 centimes par des centimes facultatifs, qui ne pourront excéder le nombre de 5. Ils pourront donc avoir la produit de 15 centimes qui leur suffit dans le système de fonds commun; et ce produit doit suffire à tout dans le système de la commission, puisque le ministre aura, d'après l'article 19, à sa disposition, pour venir au secours des départements qui ne peuvent pas suffire à leurs dépenses, une somme égale à la somme des excédants de dépenses de ces mêmes départements sur le produit de leurs 15 centimes au moyen d'un prélèvement de 2 centimes sur toute la France.

Maintenant, Messieurs, je n'entreprendrai pas de vous démontrer quels immenses avantages résulteront de ce nouveau système, qui intéressera tous les conseils généraux à ne proposer que les dépenses nécessaires, et à préférer les plus urgentes, parce qu'ils payeront d'autant moins qu'ils dépenseront moins, tandis que, dans le système actuel, ils sont intéressés à dépenser le plus possible, puisqu'ils payent toujours de même. Ils ne craindront point de surcharger les contribuables par 1 ou 2 centimes de plus, quand ils seront assurés que leur produit ne sortira pas de leur département, mais sera employé à une dépense qui augmentera les revenus de ces mêmes contribuables, ou en préviendra la diminution dans une proportion de 5 à 6 p. 0/0

(La Chambre ordonne l'impression de ce discours.)

M. le baron Pasquier partage avec les préopinants l'idée de l'importance de la matière. Il s'agit, sans nuire à l'Etat, de laisser aux départements la disponibilité des fonds qui leur sont nécessaires. Mais en fixant ce qu'il faut donner au Trésor comme fonds commun, il faut prendre garde de se tromper l'erreur en serait fatale. Il vaudrait mieux se tromper cependant en faisant le fonds commun trop fort qu'en le faisant trop faible, car trop fort, les fonds existent et ne sont point détournés de leur application légale; trop

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faible, la loi manque son but, et le service manque dans quelques départements auxquels les 10 centimes ne peuvent suflire. Que les conseils généraux arrêtent les budgets; que ces budgets avec l'avis du préfet soient envoyés au ministre de l'intérieur; que les budgets une fois adoptés, les préfets puissent ordonnancer sans avoir besoin d'autorisation ultérieure. Voilà tout ce qui est désirable.

M. Pasquier, adoptant les amendements de M. Becquey, présente la rédaction de deux articles dans le sens énoncé.

M. de Villèle répond que les calculs présentés par M. de Saint-Géry ont servi de base à la commission. On a cru qu'en général 10 centimes suffiraient pour les départements; qu'en cas d'insuffisance, le fonds commun de 2 centimes ferait disparaître les inégalités; si on donne 4 centimes au fonds commun, les besoins locaux se feront sentir partout. On réclamera; on attendra vainement le fonds commun, on sera obligé d'imposer 2 centimes de plus, et pourquoi? Pour que le ministre en ait 4 à sa disposition: c'est ce que nous voulons éviter.

M. de Barante s'étonne que l'on puisse parler de calculs certains, positifs, quand il ne s'agit en effet que de dépenses variables.....

Plusieurs voix. C'est d'après les tableaux du ministre.....

L'opinant regarde comme impossible d'avoir une base fixe et des calculs certains si avant tout on n'a pas déterminé les dépenses des départements et les dépenses locales; quoi qu'il en soit, il voit de l'inconvénient à resserrer la fixation, et n'en voit aucun à étendre la marge, puisque les fonds placés sous la surveillance et la responsabilité des ministres ne peuvent être divertis.

M. Pardessus répond que les calculs de la commission ont eu pour base les tableaux fournis par le ministre de l'intérieur. On se méprend, ajouta-t-il, sur le mot variable; le mot variable ne s'étend ici que d'une année à une autre : pour une seule et même année, les dépenses ne sont pas variables et on peut les établir sauf les cas imprévus. Le ministre lui-même ne peut pas avoir à cet égard des calculs rigoureux; il calcule au plus fort: si un supplément de crédit est nécessaire, il sera accordé. En thèse générale, le Trésor semble devoir être désintéressé à la fixation. Cependant la commission a fait tout ce qui était en elle pour lui faciliter des ressources sans compromettre les besoins des départements. Les départements voudraient être plus généreux envers le Trésor; mais on ne peut l'être quand on est réduit à l'état où ils se trou

vent.

L'opinant appuie le projet de la commission.

M. Benoist observe que le système des dépenses locales, tel que la commission propose de l'établir, a subsisté pendant quinze ans, et que c'est à cause de ses nombreux inconvénients qu'on s'était déterminé en 1814 à le changer. Il entre à ce sujet dans plusieurs détails; il fait remarquer que les dépenses d'administration n'appartiennent point réellement aux localités dans lequelles elles se font, qu'elles sont pour la plupart des dépenses de l'Etat destinées à des services publics, réglées par des lois ou autres dispositions générales, et que les administrations locales ne peuvent ni supprimer ni modifier. Ces dépenses d'ailleurs concernant des institutions, qui sont les mêmes pour tous les départements, sont, à peu de chose près, partout les mêmes, quoique les ressources provenant d'un nombre égal de

centimes additionnels soient dans les divers départements extrêmement différentes. Il en nomme quelques-uns où le produit d'un centime est de 40.000 francs, tandis que dans d'autres, il n'est que de 7 ou 8,000. Leurs dépenses, au contraire, ne different peut-être que dans la proportion d'un quart ou d'un cinquième; d'où il résulterait que si l'on réduisait chacun à ses propres ressources, il faudrait dans l'un, pour ses dépenses administratives, imposer 25 ou 30 centimes, tandis que dans un autre on les ferait avec 5 ou 6. Cette considération, aperçue dès l'origine, avait donné lieu de créer un fonds commun auquel concourraient tous les départements. C'est ce qu'avait opéré le gouvernement consulaire par l'arrêté du 25 vendémaire an X, et c'est encore ce que la commission propose; mais cette mesure elle-même est contradictoire avec l'idée de la localisation; elle suppose que les dépenses administratives sont communes à tous les départements, puisque tous doivent concourir à celles de quelques-uns, et l'on ne voit pas pourquoi il y aurait plus de difficulté à mettre en commun la totalité des fonds. Ce procédé serait d'ailleurs incomparablement plus économique.

On paraît compter beaucoup sur l'attention que mettront les conseils généraux à diminuer les dépenses qui doivent être payées avec les fonds propres au pays. Mais d'un côté ils tireront peu de fruit de cette attention, puisque la plupart de ces dépenses sont d'avance ordonnées et inévitables; de l'autre, on doit remarquer que les conseils de département auxquels ne suffiront pas les centimes locaux, loin d'avoir des motifs pour diminuer leurs dépenses, en auront pour les augmenter, puisqu'ils en tireront les fonds des autres départements et en recueilleront pour le leur les résultats et si l'on dit que le ministère, interposant son autorité, n'allouera pas ces propositions, on peut répondre que ces départements, privés alors des choses que les autres peuvent faire, seront doublement malheureux d'être pauvres et de ne pouvoir rien opérer pour augmen ter leur richesse ou encourager leur industrie.

On croit éloigner les objections en disant que la loi permet d'imposer des centimes nommés à cause de cela facultatifs; mais d'abord il faut dire aussi que ces centimes facultatifs s'appliquent, suivant des lois expresses, à des dépenses qui ne sont nullement facultatives, et qui presque partout en absorbent le produit; et en outre, il s'ensuivrait seulement de là que les départements les plus pauvres ont par cette ressource la faculté de s'appauvrir de plus en plus.

M. Benoist prend de là occasion de faire voir que le système des budgets départementaux ajoute à l'inconvénient de la localisation, parce qu'il impose la nécessité de calculer d'avance au maximum toutes les dépenses, quoique la plupart d'entre elles ne doivent jamais se réaliser dans cette proportion.

Il vote contre le projet de la commission, et demande que les centimes destinés aux dépenses départementales continuent à faire en totalité un fonds commun, jusqu'à ce que des dispositions légales aient déterminé les dépenses vraiment locales dont l'administration peut être laissée aux conseils généraux de départements.

M. le comte de Vaublanc reparaît à la tribune, en annonçant qu'il n'a que peu de mots à dire. Il est vrai que les tableaux proviennent du ministère de l'intérieur, et que les calculs ont été établis dans les bureaux; mais les bureaux, à l'exemple du ministre, étaient pénétrés de la pen

sée que de grandes économies étaient indispensables. Cependant on ne pourrait garantir quelques erreurs dans des choses de leur nature si variables. Or, s'il y a un avantage évident à avoir un fonds commun même supérieur aux besoins: il y aurait un danger non moins évident à ce qu'il ne fût pas suffisant. Le ministre croit donc, ainsi que M. le baron Pasquier, devoir se ranger à l'opinion de M. Becquey.

M. Corbière, rapporteur de la commission, résume la discussion et repousse les amendements présentés. Il s'attache à la réfutation particulière de l'opinion de M. Benoist sur la spécialité. L'opinion publique dans les départements, celle manifestée au sein de la Chambre, repoussaient la centralisation, et la commission aurait cru manquer à son devoir que de ne pas la combattre. C'est sur les états du ministre que la commission a opéré ses calculs, états qui ne présentent point d'économies remarquables, mais qui sont conformes à ceux des années précédentes. Le ministre consacrait 30 millions aux dépenses dont il s'agit; la commission en a abandonné 6 pour faciliter les opérations du Trésor public: si on devait en abandonner davantage, autant vaudrait en revenir à l'état de la législation de 1814.

Si le fonds commun est trop fort, l'avantage de la spécialité disparaît entièrement. On n'a opposé à des calculs positifs que des calculs vagues. Il n'y a point de parité. Chaque département n'ayant que 8 centimes ne suffiraient point à leurs dépenses. Il faudrait sans cesse réclamer, et les conseils généraux finiraient par dire: Administrez vous-même, autant vaut la consolidation. La distribution de centimes proposée anéantit tout le système de la commission.

Quant à l'expression d'administrations départementales, il est clair qu'elle ne s'entendrait que de l'ensemble de l'administration qu'il faut caractériser en termes génériques, et c'est à tort qu'on l'a attaquée; elle paraît admissible et convenable.

M. le rapporteur termine les développements étendus qu'il donne à ces considérations, en disant que M. Benoist a attaqué franchement le principe de la spécialité, mais qu'on l'attaque également par la fixation des 4 centimes, et que même le cliangement de rédaction proposé tend à altérer l'unité de vues qui a dirigé la commission.

M. le baron Pasquier réplique qu'il est loin de convenir qu'augmenter le fonds commun soit attaquer la spécialité. La spécialité existe, quelle que soit la quotité des centimes affectés au fonds commun. Il y a spécialité pour les 10 et les 2 centimes de la commission, comme pour les 8 et les 4 qui résulteraient de l'amendement. L'orateur reproduit l'objection prise de l'impossibilité d'établir des calculs positifs sur la spécialité qui doit être affectée; on ne peut prendre que ceux qui paraissent les plus convenables. Le ministre n'agira pas plus en aveugle qu'il ait à sa disposition-un fonds commun de 8 ou de 4 centimes; sa responsabilité n'en est pas moins engagée.

Quant à l'expression d'administrations départementales, l'orateur s'élève avec force contre son emploi. Pour une chose qui n'existe pas, dit-il, il ne faut pas dans une loi employer le mot qui l'exprime. Si les administrations départementales doivent être un jour rétablies, elles le seront par une loi formelle; jusque-là je ne connais que l'administration du Roi confiée à des préfets, qui ont des conseils généraux réunis autour d'eux à des époques déterminées, corps qui ne présentent

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d'autre caractère que celui de conseillers de celu qui administre au nom du Roi. Je ne refuse poin à ces conseils la part d'action qui leur est altribuée par la loi existante; mais le titre d'administration départementale ne peut leur être donné, c'est une chose trop importante que l'application des mots en matière de gouvernement, pour les laisser ainsi dénaturer.

M. Pasquier insiste pour l'adoption des amendements présentés.

M. Dudon, commissaire du Roi, réclame la parole, et fait remarquer que, dans son résumé, M. le rapporteur n'a pas répondu à une question fort importante élevée dans la discussion, de savoir si le Trésor, pour faciliter ses payecelle ments et ses opérations par revirement, aurait à sa disposition les fonds provenant des centimes dont il s'agit. Autre chose, dit l'orateur, est la centralisation, et autre chose, la comptabilité. Plus les capitaux se resserrent, plus vous devez donner au Trésor des moyens de circulation, en le laissant maître de disposer des fonds libres demeurés dans les caisses. Ce n'est point une centralisation que ce moyen de disponibilité laissé au Trésor; il lui est de la plus grande utilité, et tout abus est impossible; les fonds dont le ministre aurait disposé sont toujours prêts, sur l'ordonnance des préfets au moment de leur réquisition. Quant à l'expression d'administration départementale, un ordre est établi, une loi seule peut le changer. Il y a des réformes à faire, sans doute, et l'intérêt de l'Etat les réclame; il n'y en a pas seulement sur les dispositions de fonds, il y en a de vivement réclamées sur la séparation du pouvoir administratif et du pouvoir judiciaire, et ce pouvoir plus particulièrement conservateur des intérêts et des droits des citoyens. Mais, Messieurs, vous suspendrez vos délibérations à cet égard; ne voyez ici que les rapports financiers, et ne pénétrez pas dans une route dans laquelle il n'est pas temps de s'engager.

L'orateur se résume en demandant formellement le maintien de la loi existante relativement à la mise des fonds en caisse à la disposition du ministre du Trésor. La circulation est entravée, dit-il, et tous les moyens du Trésor rendus plus difficiles, si cette disposition n'est pas mainte

nue.

La Chambre ferme la discussion.

M. le Président rappelle les amendements. Il rappelle que sur l'article 17 on a demandé d'ajouter les mots conformément à l'état annexé à la loi du 23 septembre 1814.

L'article 17 est adopté avec l'amendement. M. le Président rappelle qu'à l'article 18 on a désiré déterminer les dépenses variables.

M. de Villèle. C'est désirable, mais impossible

en ce moment.

L'amendement est rejeté par la question préalable, et l'article 18 adopté.

M. le Président rappelle les trois principaux amendements faits à l'article 19, et d'abord celui relatif à la fixation des 8 et 4 centimes au lieu de 10 et de 12.

On demande la question préalable. La question préalable est admise à une forte majorité.

L'article proposé par la commission est adopté, sauf le changement de rédaction relatif aux mots administrations départementales

M. le Président consulte l'Assemblée sur ce
changement de rédaction.

M. de Villèle. Mettez conseils généraux...
Nous ne tenons point à ce mot... Il n'y a point là

d'arrière-pensée.

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