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sée que de grandes économies étaient indispensables. Cependant on ne pourrait garantir quelques erreurs dans des choses de leur nature si variables. Or, s'il y a un avantage évident à avoir un fonds commun même supérieur aux besoins: il y aurait un danger non moins évident à ce qu'il ne fût pas suffisant. Le ministre croit donc, ainsi que M. le baron Pasquier, devoir se ranger à l'opinion de M. Becquey.

M. Corbière, rapporteur de la commission, résume la discussion et repousse les amendements présentés. Il s'attache à la réfutation particulière de l'opinion de M. Benoist sur la spécialité. L'opinion publique dans les départements, celle manifestée au sein de la Chambre, repoussaient la centralisation, et la commission aurait cru manquer à son devoir que de ne pas la combattre. C'est sur les états du ministre que la commission a opéré ses calculs, états qui ne présentent point d'économies remarquables, mais qui sont conformes à ceux des années précédentes. Le ministre consacrait 30 millions aux dépenses dont il s'agit; la commission en a abandonné 6 pour faciliter les opérations du Trésor public: si on devait en abandonner davantage, autant vaudrait en revenir à l'état de la législation de 1814.

Si le fonds commun est trop fort, l'avantage de la spécialité disparaît entièrement. On n'a opposé à des calculs positifs que des calculs vagues. Il n'y a point de parité. Chaque département n'ayant que 8 centimes ne suffiraient point leurs dépenses. Il faudrait sans cesse réclamer, et les conseils généraux finiraient par dire: Administrez vous-même, autant vaut la consolidation. La distribution de centimes proposée anéantit tout le système de la commission.

Quant à l'expression d'administrations départementales, il est clair qu'elle ne s'entendrait que de l'ensemble de l'administration qu'il faut caractériser en termes génériques, et c'est à tort qu'on l'a attaquée; elle paraît admissible et convenable.

M. le rapporteur termine les développements étendus qu'il donne à ces considérations, en disant que M. Benoist a attaqué franchement le principe de la spécialité, mais qu'on l'attaque également par la fixation des 4 centimes, et que même le changement de rédaction proposé tend à altérer l'unité de vues qui a dirigé la commission.

M. le baron Pasquier réplique qu'il est loin de convenir qu'augmenter le fonds commun soit attaquer la spécialité. La spécialité existe, quelle que soit la quotité des centimes affectés au fonds commun. Il y a spécialité pour les 10 et les 2 centimes de la commission, comme pour les 8 et les 4 qui résulteraient de l'amendement. L'orateur reproduit l'objection prise de l'impossibilité d'établir des calculs positifs sur la spécialité qui doit être affectée; on ne peut prendre que ceux qui paraissent les plus convenables. Le ministre n'agira pas plus en aveugle qu'il ait à sa disposition-un fonds commun de 8 ou de 4 centimes; sa responsabilité n'en est pas moins engagée.

Quant à l'expression d'administrations départementales, l'orateur s'élève avec force contre son emploi. Pour une chose qui n'existe pas, dit-il, il ne faut pas dans une loi employer le mot qui l'exprime. Si les administrations départementales doivent être un jour rétablies, elles le seront par une loi formelle; jusque-là je ne connais que l'administration du Roi confiée à des préfets, qui ont des conseils généraux réunis autour d'eux à des époques déterminées, corps qui ne présentent

d'autre caractère que celui de conseillers de celu qui administre au nom du Roi. Je ne refuse poin à ces conseils la part d'action qui leur est attribuée par la loi existante; mais le titre d'administration départementale ne peut leur être donné, c'est une chose trop importante que l'application des mots en matière de gouvernement, pour les laisser ainsi dénaturer.

M. Pasquier insiste pour l'adoption des amendements présentés.

M. Dudon, commissaire du Roi, réclame la parole, et fait remarquer que, dans son résumé, M. le rapporteur n'a pas répondu à une question fort importante élevée dans la discussion, celle de savoir si le Trésor, pour faciliter ses payements et ses opérations par revirement, aurait à sa disposition les fonds provenant des centimes dont il s'agit. Autre chose, dit l'orateur, est la centralisation, et autre chose, la comptabilité. Plus les capitaux se resserrent, plus vous devez donner au Trésor des moyens de circulation, en le laissant maître de disposer des fonds libres demeurés dans les caisses. Ce n'est point une centralisation que ce moyen de disponibilité laissé au Trésor; il lui est de la plus grande utilité, et tout abus est impossible; les fonds dont le ministre aurait disposé sont toujours prêts, sur l'ordonnance des préfets au moment de leur réquisition. Quant à l'expression d'administration départementale, un ordre est établi, une loi seule peut le changer. Il y a des réformes à faire, sans doute, et l'intérêt de l'Etat les réclame; il n'y en a pas seulement sur les dispositions de fonds, il y en a de vivement réclamées sur la séparation du pouvoir administratif et du pouvoir judiciaire, et ce pouvoir plus particulièrement conservateur des intérêts et des droits des citoyens. Mais, Messieurs, vous suspendrez vos délibérations à cet égard; ne voyez ici que les rapports financiers, el ne pénétrez pas dans une route dans laquelle il n'est pas temps de s'engager.

L'orateur se résume en demandant formellement le maintien de la loi existante relativement à la mise des fonds en caisse à la disposition du ministre du Trésor. La circulation est entravée, dit-il, et tous les moyens du Trésor rendus plus difficiles, si cette disposition n'est pas mainte

nue.

La Chambre ferme la discussion.

M. le Président rappelle les amendements. Il rappelle que sur l'article 17 on a demandé d'ajouter les mots conformément à l'état annexé à la loi du 23 septembre 1814.

L'article 17 est adopté avec l'amendement. M. le Président rappelle qu'à l'article 18 on a désiré déterminer les dépenses variables.

M. de Villèle. C'est désirable, mais impossible

en ce moment.

L'amendement est rejeté par la question préalable, et l'article 18 adopté.

M. le Président rappelle les trois principaux amendements faits à l'article 19, et d'abord celui relatif à la fixation des 8 et 4 centimes au lieu de 10 et de 12.

On demande la question préalable. La question préalable est admise à une forte majorité.

L'article proposé par la commission est adopté, sauf le changement de rédaction relatif aux mots administrations départementales

M. le Président consulte l'Assemblée sur ce changement de rédaction.

M. de Villèle. Mettez conseils généraux... Nous ne tenons point à ce mot... Il n'y a point là d'arrière-pensée.

M. le Président. Pour trancher toute difficulté, on pourrait se servir de l'expression générale : les départements.

Get avis réunit tous les suffrages, et l'article avec cette rectification est adopté.

M. le Président rappelle la demande de M. le ministre de l'intérieur, reproduite et développée par M. le commissaire du Roi, Dudon, relative au mouvement des fonds.

M. Corbière la combat. Il faut, dit-il, être conséquent; il faut que la spécialité soit positive, ou qu'elle n'existe pas; si, au moment du besoin, les fonds ont été déplacés et qu'il faille les redemander, vous n'avez rien obtenu et vous n'avez ried fait.

M. le baron Pasquier insiste de nouveau. Il représente que rien ici ne détruit la spécialité, mais qu'il y aurait de l'inconvénient à ôter au Trésor une liberté de mouvements, une disponibilité dont l'expérience a prouvé l'extrême utilité depuis l'organisation des caisses de service. Une fois que le fonds est spécialisé, le ministre ne peut s'en emparer et l'appliquer à d'autres usages; mais il doit pouvoir en disposer quand il est disponible, pourvu qu'il tienne le remplacement prêt, et cela sous sa responsabilité. Si vous n'adoptez pas la disposition, vous portez un coup très-sensible aux opération du Trésor.

M. de Barante donne des explications sur la nature de ces mouvements, qu'il regarde comme indispensables et qui ne compromettent en rien la sûreté de l'application des fonds spécialisés. Il insiste également sur l'admission de la disposition.

M. le Président fait remarquer que le mouvement réclamé ne peut plus s'exercer que sur les 10 centimes, et qu'ainsi la difficulté n'est peutêtre pas si grande qu'on pourrait le penser.

M. de Villèle ajoute que le crédit est ouvert aux préfets au lieu de l'ètre au ministre : c'est ce que nous voulons, dit-il, afin que les fonds soient toujours disponibles pour les dépenses auxquelles ils sont affectés, et qu'on ne puisse point les détourner de cette affectation ni la retarder; c'est le retard ici que nous craignons; l'ordonnance du préfet doit suffire pour obtenir les fonds affectés. Sans cela, il n'y a point de spécialité. J'ajoute que les centimes se payent par douzième, et qu'il n'est pas présumable qu'il y ait souvent des fonds restés en caisse. Ainsi l'on ne peut dire que les mouvements du Trésor soient gênés, puisqu'il ne s'agit que de très-petites valeurs.

On demande la question préalable. Elle est adoptée.

M. Josse-Beauvoir obtient la parole, et, après avoir rappelé les malheurs dont l'usurpation a couvert la France, malheurs que la France n'a dû qu'à la perfidie de quelques hommes et à l'entraînement ou à la faiblesse d'un trop grand nombre, il énumère les charges pesantes que doit supporter la nation. Il est utile, ajoute l'orateur, que chaque contribuable ait constamment cette idée présente que ce n'est pas le gouvernement paternel de Louis XVIII qui lui fait supporter ce fardeau, mais qu'il le supporte parce qu'il a un moment perdu le bienfait de son gouvernement légitime. Il faut enfin, dit-il, que le peuple sache ce qu'il en coûte pour se livrer à un usurpateur et pour abandonner la cause de ses rois. L'orateur demande que dans les quittances de contribution on spécifie les contributions ordinaires et celles extraordinaires que l'usurpation a nécessitées.

Cet avis est vivement appuyé. L'Assemblée
reste longtemps agitée.

M. Dudon. Il faudrait faire réimprimer toutes
les quittances de contributions existantes.
M. Josse. Les rôles ne sont pas faits.

M. Hyde de Neuville. Cetic proposition ne semble pas de nature à faire partie de la loi du budget; ce serait au plus le sujet d'un règlement d'administration.

M. le Président demande à M. Josse-Beauvoir s'il retire se proposition.

M. Josse-Beauvoir. Je reconnais qu'il n'est peut-être pas convenable de faire de ma proposition le sujet d'un article de la loi qui vous occupe, mais il importe que cela soit fait.

M. le Président. L'auteur de la proposition rentrant dans l'idée qu'elle est un simple objet d'administration, nous passerons aux articles

suivants.

Les articles 20, 21 et 22 sont adoptés.

Art. 20. La répartition et la sous-répartition de la contribution foncière et de la contribution personnelle et mobilière seront faites par les conseils gnéraux et par les conseils d'arrondissement.

Art. 21. La répartition et la sous-répartition de la contribution des portes et fenêtres seront faites, comme précédemment, par les préfets et souspréfets.

Art. 22. Les traitements fixes et remises des receveurs généraux et des receveurs particuliers, ainsi que les remises des percepteurs à vie, seront imposés en sus dans les rôles des quatre contributions.

Ladiscussion s'établit sur l'article 23 ainsi conçu: Art. 23. Il sera aussi, comme précédemment, imposé en sus 5 centimes au principal de la contribution foncière et de la contribution personnelle et mobilière de 1815, pour subvenir aux dépenses des communes. Il ne pourra, sous aucun prétexte, être fait de prélèvement sur ces 5 centimes.

M. le Président rappelle qu'il a été proposé d'ajouter par addition à cet article du projet de la commission, l'article 14 de la loi du 23 septembre 1815, dont la teneur suit :

Art. 14. « Dans le cas où ces 5 centimes épuisés, la commune aurait à pourvoir à une dépense véritablement urgente, le conseil municipal est autorisé à convoquer les propriétaires et les habitants. La délibération prise par eux à la majorité des voix, sera adressée au préfet qui la transmettra au ministre et secrétaire d'Etat des finances, pour y être statué. »

M. le baron de Talleyrand insiste pour que les communes aient la faculté de s'imposer dans les cas reconnus nécessaires par les conseils municipaux, avec l'avis du préfet approuvé du ministre de l'intérieur.

proposition.
M. Corbière trouve des inconvénients à la

M. de Talleyrand insiste. On ne dit pas aux communes, dit-il, imposez-vous; on demande qu'elles en aient la faculté, et cette faculté leur est assurée par l'article de la loi du 23 septembre, qu'il faut ajouter à la présente loi.

M. Corbière demande au moins qu'il soit rappelé positivement que les conseils municipaux ne peuvent être convoqués que du consentement du préfet.

Ce seul amendement est adopté.

M. Chilaud de la Rigaudie demande que la convocation des quatre plus imposés soit nécessaire.

Cet avis n'a pas de suite.

La Chambre décide que l'article 14 de la loi du 23 septembre fera partie de la loi, et elle adopte l'article 23.

La discussion est continuée à demain.

CHAMBRE DES DÉPUTÉS. PRÉSIDENCE DE M. LAINÉ.

Séance du 27 mars 1816.

Le procès-verbal de la séance du 26 mars est lu et adopté.

M. le duc de Richelieu est introduit et prend place au banc des ministres.

M. le Président annonce que l'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi relatif à la dotation de Mgr le duc de Berri.

Plusieurs voix s'élèvent: Point de discussion. Aux voix, aux voix !

Aucun orateur ne demande la parole. La Chambre demande à aller aux voix.

M. le Président donne lecture de l'article 1er, ainsi conçu:

« Il serà payé annuellement par le Trésor royal une somme de 1 million de francs pour être ajoutée à celle qui, en vertu de l'article 23 du titre III de la loi du 8 novembre 1814, est destinée à tenir lieu d'apanage aux princes et princesses de la famille royale. »

L'article est mis aux voix et adopté à l'unanimité.

M. le Président lit l'article 2 ainsi conçu : « La somme mentionnée dans l'article précédent sera réduite à 500,000 francs par an pendant cinq années. »>

On demande de toutes parts la question préalable. La question préalable est mise aux voix el adoptée à l'unanimité.

M. le Président lit l'article 3 ainsi conçu : « Le budget du ministre des affaires étrangères sera augmenté pour la présente année de la somme de 1 million, qui doit être affecté tant aux dépenses du mariage et de l'établissement de notre cher neveu le duc de Berri qu'à celles des présents qui seront faits dans cette circonstance, et au prix des joyaux et diamants qui ont été stipulés dans le contrat. »>

M. le Président rappelle que la commission, dont M. Castelbajac a été l'organe, indépendamment de la suppression de l'article 2, a proposé de porter à 1,500,000 francs la somme stipulée dans le premier article.

On demande à aller aux voix.

L'article est adopté unanimement avec l'amendement de la commission. Des cris de Vive le Roi! s'élèvent.

M. le duc de Richelieu. Messieurs, les sentiments que la Chambre vient de manifester ne peuvent que causer au Roi la plus douce satisfaction. Sa Majesté en était d'avance convaincue, et en m'ordonnant d'en témoigner sa sensibilité, elle m'a prescrit de vous faire connaître qu'elle acceptait l'offre que le vœu unanime de la Chambre ne lui permet pas de refuser plus longtemps. Mais, en même temps, le Roi, fermement résolu à maintenir la plus sévère économie et à écarter même, dans l'événement heureux qui va consoler la France, tout faste inutile, toute ostentation superflue, destine les 500,000 francs que vous venez de voter, au soulagement immédiat des départements qui ont le plus souffert dans les deux invasions.... (A ces mots, un mouvement général

éclate dans l'Assemblée; les cris de Vive le Roi! retentissent de toutes parts...........)

Mgr le duc de Berri partage tous les sentiments du Roi, et m'a ordonné d'en être, auprès de la Chambre, l'interprète fidèle. Son Altesse Royale, vivement émue des maux qu'ont éprouvés diverses parties de la France, s'estime heureuse de trouver dans la libéralité de la Chambre à son égard le moyen de les adoucir. C'est à ce noble usage que Mgr le duc de Berri se propose de consacrer annuellement, pendant cinq ans, les 500,000 francs dont vous venez d'augmenter l'établissement que j'avais eu l'honneur de vous proposer pour la princesse son épouse..... (Les plus vives acclamations se renouvellent; on entend-de toutes parts les cris de Vive le Roi! vivent les Bourbons! vive la famille royale !)

Bénissons, Messieurs, la Providence qui nous a rendu de tels princes. (Une foule de voix : Oui, oui! vivent les Bourbons! vive la famille royale!) En réparant sans cesse des maux qu'ils n'ont pas causés, les princes de l'auguste maison de Bourbon, tout à la fois enfants et pères de la France, acquièrent chaque jour de nouveaux droits à notre reconnaissance et à notre amour.

Les acclamations se renouvellent au moment où M. le duc de Richelieu descend de la tribune. On demande à aller au scrutin.

Le projet de loi est adopté à l'unanimité par 261 votants.

L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de budget de 1816.

La discussion s'établit sur l'article 24 du projet de la commission relatif au cadastre; il est ainsi ainsi conçu

Art. 24. « Les lois et règlements sur le cadastre continueront d'être exécutés; néanmoins la nouvelle répartition entre les cantons cadastrés, ordonnés par l'article 15 de la loi du 20 mars 1813, sera suspendue pour 1816, de manière que tous les cantons cadastrés auront, en principal, les mêmes contingents qu'en 1813. »

M. le comte de La Pasture. Messieurs, si l'article 24 qui vous est soumis en ce moment, est le résumé des développements sur le cadastre, donnés par la commission à l'article du ministre des finances, et s'il est destiné à confirmer les conclusions du rapporteur, nous devons l'examiner avec soin et ne pas nous prononcer légèrement sur une question neuve et qui me paraît d'une haute importance, comme toutes celles qui concernent la propriété, car la propriété, sous le régime représentatif, est devenue la base de la considération ou la mesure de l'exercice des droits politiques; elle doit donc être régularisée et nivelée pour toute la France.

Vous ne voudrez pas non plus juger avec précipitation une entreprise sur laquelle des hommes d'Etat et des savants distingués ont longtemps médité, et qui intéresse les sciences et les arts; enfin, vous ne déciderez pas, sans un mûr examen, le sort de près de deux mille géomètres et dessinateurs employés aux travaux du cadastre. Toutes ces considérations m'engagent, Messieurs, à vous soumenttre quelques observations très-succinctes sur cet objet important; et d'abord, je dirai point d'impôt supportable, tel léger qu'il soit, s'il n'est réparti proportionnellement à la fortune de chacun, et point de bonne répartition sans un cadastre.

Ce principe, Messieurs, ne demande aucune démonstration devant une assemblée de propriétaires et d'hommes d'Etat. Le cadastre n'est pas d'ailleurs une de ces conceptions hasardées, dues

à la manie de tout innover. Il a été entrepris il y a plusieurs siècles, et l'histoire nous offre des essais tentés à diverses reprises, soit par l'ordre de nos rois, soit par des assemblées provinciales et toujours à la satisfaction des peuples. Sous Louis XV, il fut encore repris avec succès; enfin l'Assemblée constituante décréta qu'il serait général et parcellaire, imitant en cela l'exemple donné par l'Angleterre, la Savoie et le Piémont. Au surplus, peu importe que cette conception soit nouvelle ou fournie par les temps anciens; nous conserverons ou reprendrons sans acception de personnes ou d'époques, ce qui est bon, ce qui est utile, ce qui est moral surtout, comme nous rejetterons tout ce qui fut, tout ce qui est encore erroné, abusif, immoral et contraire au gouvernement monarchique, régi par la Charte constitutionnelle.

Mais si le résultat de nos erreurs a été une augmentation effrayante dans les charges publiques, tout doit nous engager à régulariser au moins, à répartir proportionnellement, ce lourd fardeau sous lequel toutes les fortunes semblent écrasées. C'est donc encore une plus grande nécessité de recourir au cadastre. Et si son utilité se faisait sentir à des époques où, d'une part, la contribution des vingtièmes était peu de chose, et lorsqu'elle était facilement régularisée par les aveux, les dimes, les terriers, son urgence doit être reconnue actuellement que l'impôt foneier s'est grossi de tous ceux qui ont été abolis, que le nombre des propriétaires a augmenté de telle manière, par des causes faciles à expliquer, qu'il était supposé, il y a trente ans, égal à peine au huitième de la population, tandis qu'à présent on le porte à un cinquième; qu'en outre une partie des documents qui existaient alors ont été altérés ou détruits par le temps et plus encore par la folie des révolutionnaires. Non contents de la spoliation des fortunes et de la proscription des possesseurs, ils auraient voulu anéantir jusqu'à la tradition de la propriété et de toutes nos institutions sociales. Sous un gouvernement essentiellement réparateur, on doit donc revenir à la pensée d'un cadastre parcellaire, seul moyen de remédier à tant de destruction, et pour débrouiller le cahos où sont maintenant les anciennes matrices de rôles. Et comme, pendant le cours de plusieurs siècles, la contenance d'un grand nombre de propriétés n'a pas été vérifiée, il est certain qu'il en est peu qui contiennent encore leur étendue primitive; il est donc juste d'opérer aussi cette rectificatiou; car nul ne doit payer pour ce qu'il ne possède pas. Enfin, ces mêmes causes d'altération ou de destruction ont anéanti un grand nombre de titres primitifs et de contrats; il en résulte que beaucoup de propriétaires en France n'ont d'autre acte de propriété que celui de la jouissance. On sent combien la mauvaise foi pourrait tirer avantage de cette circonstance pour usurper sur les vrais possesseurs, ou au moins les tourmenter, et combien, par conséquent, il est urgent qu'un cadastre répare la perte des terriers, et consacre les droits de la propriété.

Je n'ai pas besoin, Messieurs, d'entrer dans de plus longs détails pour prouver que le cadastre est conforme à l'intérêt des propriétaires, et par cela seul, je devrais dire qu'il est aussi dans l'intérêt du gouvernement; car les idées de justice distributive, tout ce qui tend à alléger le fardeau des charges publiques, par une répartition proportionnelle, ne peut qu'être favorable à un gouvernement éclairé et paternel. J'ajouterai

cependant que, par suite apparemment d'oublis, d'insouciance, on trouve dans l'arpentage de presque toutes les communes une plus grande étendue de surface territoriale qu'il n'en fut déclaré dans les états de sections, et je citerai comme exemple, que sur quatre cantons qui ont été cadastrés dans le département où j'habite, l'arpentage a donné en plus 4,000 hectares, qui jusqu'alors n'avaient payé aucun impôt. Certes, je ne ferai pas l'injustice à ceux qui s'opposent au cadastre, de penser que c'est parce qu'ils possèdent des biens non connus, non déclarés; si cela était, il n'y aurait, en vérité, d'autre réponse à leur faire, que d'envoyer les arpenteurs chez eux.

Je ne répondrai pas davantage à ceux qui craignent de voir tous les détails, les ressources de leurs propriétés sous les yeux du gouvernement. Une longue souffrance peut nous avoir rendus méfiants, et nous avons été si fortement pressurés par un système d'une fiscalité révoltante, qu'alors il était permis de craindre les avanies, surtout lorsqu'on sait qu'un des grands moyens employé par les ambitieux, pour parvenir aux dignités, était d'indiquer des ressources oubliées, ou des impôts susceptibles d'une augmentation. Heureusement nous sommes déjà loin de ces temps désastreux; un Roi, père de son peuple, ne veut connaître les fortunes particulières que pour les ménager.

Je sais qu'il existe de fortes préventions contre le cadastre. Quelques défauts dans le mode d'exécution ont pu les augmenter; mais il serait facile d'y remédier, en songeant que le reproche porte particulièrement sur les évaluations, comme en général on convient que la partie géométrale est nécessaire, bien conçue et exécutée d'une manière très-satisfaisante, quoique peut-être un peu dispendieuse par trop de détails. Mais dans une opération aussi grande, aussi compliquée, on n'a pas dù se flatter de pouvoir, du premier jet, arriver à la perfection; il faut même s'étonner que de plus grandes erreurs n'aient été commises. J'avoue que le mode d'évaluation, de classement demande des ratifications; peut-être même une méthode différente; qu'enfin l'ensemble est susceptible d'économie; et cependant en théorie le plan en fut bien conçu; on était fondé à penser que le résultat répondrait aux vues qu'on se proposait. Il est certain qu'il en est autrement. Les experts étrangers ne peuvent bien juger, bien classer ce qu'ils n'ont pas assez étudié. En agriculcure tout est local; la terre ne peut s'estimer comme des étoffes manufacturées, et le droit de la bien apprécier semble n'appartenir qu'à ceux qui la fécondent en la sillonnant péniblement. Je pense donc que les communes elles-mêmes et les communes voisines doivent seules opérer leur classement. Il serait hors de la question que je traite d'indiquer ici des méthodes d'évaluation; mais je ne crains pas d'assurer qu'il en existe de plus simples, de plus exactes, de moins dispendieuses que celles adoptées par l'administration. Une réunion faite par ordre du ministre, des principaux agents du cadastre, éclairés en outre par l'expérience acquise, trouvera facilement le moyen de remédier à la défectuosité de cette partie essentielle de l'opération. J'observe néanmoins qu'en général, le défaut principal attribué au mode d'évaluation est de trop élever la valeur de la matière imposable, et par conséquent celle de l'impôt. Si ce reproche est bien fondé, ne seraitil pas juste, alors, de continuer les estimations sur les mêmes bases adoptées? Car il est clair que toutes les évaluations étant graduées sur une

ou, comme elle l'observe, il faudrait alors compter par siècles. Et cependant, la perfection de l'opération tient aussi à la célérité. Comme tous les avantages ne peuvent se faire bien sentir qu'après que toute la France sera cadastrée, c'est-à

même échelle, il sera facile, après l'achèvement de l'opération, de baisser l'impôt général et d'établir ainsi un même niveau parmi les contribuabies. Au surplus, aucun inconvénient ne peut résulter d'ajourner le travail des estimations jusqu'à ce qu'un nouveau mode soit adopté. Mais de puis-dire, les cantons, les arrondissements, et enfin les

sants motifs nous engagent à ne point arrêter tout à fait la marche de l'opération géométrale.

On a exagéré, Messieurs, la durée de temps et la dépense qu'entrainera l'achèvement du cadastre. Nous sommes entourés de tant de bruits absurdes et mensongers, que je ne réfuterai pas tout ce qui s'est dit et publié contre le cadastre. Mais je crois devoir relever une exactitude commise par là commission, parce que, partant d'une source aussi pure, elle doit avoir devant vous un haut degré d'importance. Notre honorable collègue nous dit, dans son rapport, que le cadastre est commencé depuis treize ans ; il fallait ajouter que, d'abord, on s'était arrêté au projet d'exécuter un cadastre de masse; que ce système a été suivi jusqu'en 1808, mais que le gouvernement, convaincu de l'imperfection de cette méthode, sé décida à adopter le cadastre parcellaire; et comme on n'a rien fait pendant les années 1814 et 1815, il résulte que cinq années seulement ont été employées aux travaux adoptés. Or, en admettant que le quart environ de la France soit cadastré, il résulterait que quinze années seraient nécessaires pour terminer ce grand ouvrage. Par une conséquence de la première erreur, le calcul de la dépense a dù s'élever aussi bien plus haut.

Il est de fait que 32 millions au plus ont été employés à la confection du cadastre parcellaire; ainsi il faudrait encore 96 millions environ pour le terminer.

Nous ne pouvons non plus nous ranger à l'avis de la commission, qui pense que les conseils généraux de départements doivent être consultés sur la suite à donner à cette entreprise. C'est chose jugée depuis longtemps; son utilité ne peut être. contestée, surtout après y avoir opéré quelques changements. D'ailleurs leur réponse peut se deviner facilement. L'inégalité de la répartition entre diverses portions du sol de la France est aussi bizarre qu'injuste, puisque, dans quelques départements, l'impôt foncier enlève le quart du reyenu, tandis que dans d'autres, et surtout dans les anciens pays d'Etats, on paye à peine le dixième. La même bigarrure existe de commune à commune. Que doivent donc répondre ces conseils généraux que l'on veut consulter? Ceux des départements très-surchargés diront que le cadastre est un ouvrage nécessaire, urgent, tandis que ceux qui sont plus favorisés, assureront que leur répartition est très-bonne, et qu'il est inutile de grever encore les peuples pour une opération dispendieuse et inquisitoriale.

Le souverain qui ne calcule que les intérêts de la famille, doit, par cette seule considération d'inégalité, ordonner la continuation du meilleur mode connu pour régulariser et répartir, selon les forces de chacun, le lourd fardeau que nous soutenons depuis si longtemps, et que le désastreux interrègne de cent jours va nous obliger encore à supporter pendant de longues années.

Lorsque j'ai dit, Messieurs, que la durée des travaux relatifs au cadastre ne devaient plus durer que quinze années, j'ai dû entendre avec l'aide des moyens pécuniaires alloués jusqu'à présent par les exercices, c'est-à-dire, environ 5 millions. La commission réduit cette somme à 1 million 500 mille francs, et il devient inutile de calculer la durée des travaux avec cette faible ressource,

départements mis en rapport les uns avec les au tres, ici, Messieurs, nous sommes sans doute arrêtés comme pour tant d'autres projets utiles et pressants, par le fàcheux état de nos finances et la nécessité des réformes. J'observerai d'abord qu'une aussi forte somme n'est pas rigoureusement nécessaire pendant quelques années, et ensuite, remarquez que la rétribution mise sur les contribuables,. qui pourrait n'être que de deux centimes par franc, sera toujours payée avec empressement par le nombre infini d'individus qui, lésés par une répartition irrégulière, appellent dé tous leurs vœux le redressement de cette trop longue injustice. Une foule de grands propriétaires ont même sollicité vivement la faveur de faire cadastrer les communes où leurs terres sont situées. La commisson juge en outre avec raison, que 1,500,000 francs ne peuvent que soutenir l'administration sans pouvoir donner au travail la marche nécessaire. Mais il n'en est pas d'une institution savante comme d'une création ordinaire; lui ôter le mouvement, c'est de fait l'anéantir. Cette foule d'employés (et je le répète, le nombre en est d'environ deux mille), qu'il a fallu former, instruire, qui ont acquis une grande pratique des opérations géodésiques, sans ouvrage depuis deux ans, sans espoir peut-être pour l'avenir, vont, sans doute, chercher d'autres occupations et d'autres moyens d'existence; et cependant, combien de soins, de dépenses n'a-t-on pas prodigués pour préparer les éléments de cette grande entreprise! Trois ans à l'avance on a ouvert des cours publics pour former les géomètres; on a perfectionné, inventé des instruments propres à abréger le travail ; les grands triangles de Cassini ont été vérifiés pour servir de base; des commissions ont été établies pour diriger toutes les opérations; et comment parviendra-t-on à réunir ensuite tous ces éléments divers lorsqu'ils auront été dispersés, détruits par une longuejinterruption dans les travaux? Certainement si le cadastre n'était encore qu'en projet, il serait convenable dans notre situation financière de l'ajourner à une époque plus heureuse; mais la machine est montée, de grandes dépenses ont été faites, toute la France y a contribué, tandis que le quart seulement jouit des avantages qui en résultent; le cadastre doit donc être continué. Vous ne l'abandonnerez pas, Messieurs, lorsque toutes les nations qui nous entourent s'empressent de l'adopter chez elles. La Hollande, la Belgique, le continuent d'après le système adopté par la France et avec les mêmes agents qu'elle y employait. Il s'achève de même en Toscane, à Milan, à Gênes; et la Russie, l'Autriche, la Prusse font rassembler avec soin tous les documents qui existent chez nous sur le cadastre.

C'est à présent surtout que notre industrie agricole a besoin d'être régularisée et encouragée; sur elle reposent nos ressources présentes et nos plus solides espérances; supérieure à l'industrie manufacturière, l'agriculture n'est pas seulement l'appui de nos finances, elle favorise encore lapopulation et entretient les bonnes mœurs. La France, riche de ses produits territoriaux, peut souffrir quelques instants de stagnation dans son commerce; le commerce se ranimera par l'influence qu'exerce sur lui l'abondance de nos pro

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