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bien franc et quitte, comme les membres d'une association commerciale lorsqu'elle se dissout. Avec la loi proposée, le fonds mis en commun ne se retrouverait pas, et la loi atteindrait une propriété qui n'a réellement pas passé d'une main à une autre avec bénéfice, ce qui est la condition nécessaire pour que la mutation puisse être atteinte par le droit.

M. de Villele insiste. Vos lois, dit-il, atteignent bien les ventes.....

Une foule de voix. Il y a mutation, bénéfice... M. Piet ajoute des développements à l'opinion de M. Corbière.

M. Dandigné demande que le droit, au lieu d'atteindre les contrats à leur formation, ne les atteigne, au contraire, qu'au moment de leur dissolution.

La discussion est fermée.

La Chambre, à une forte majorité, rejette l'avis de la commission tendant à établir un droit proportionnel sur les déclaratious d'apport entre époux et de la part des sociétés de commerce.

M. Pardessus. La Chambre ayant rejeté le droit proportionnel, il faut statuer sur un droit

fixe.

Une foule de voix. Celui qui existe.

M. Delamarre, distinguant entre les déclarations entre époux et les sociétés de commerce, propose 60 francs de droit fixe peur les sociétés, et 5 francs de droit également fixe pour les déclarations entre époux.

On demande le maintien de la législation existante à cet égard.

L'article 45, après de nouveaux débats, est adopté comme il suit :

Art. 45. Seront sujets au droit de 25 centimes par 100 francs :

1o Les cautionnements de se représenter ou de représenter un tiers, en cas de mise en liberté provisoire, soit en vertu d'un sauf-conduit dans les cas prévus par le Code de procedure et par le Code de commerce, soit en matière civile, soit en matière correctionnelle;

2o Les lettres de change, tirées de place en place, et celles venant de l'étranger ou des colonies françaises, lorsqu'elles sont protestées faute de payement.

Elles ne pourront être présentées à l'enregistrement qu'avec l'assignation à payer.

Dans le cas de protèt faute d'acceptation, les lettres de change devront être enregistrées seulement avant que la demande en remboursement ou cautionnement puisse être formée contre les endosseurs ou le tireur.

Divers amendements à l'article 46, sont présentés par MM. Bourdeau, Berkhim, Delamarre, Duvergier; ils sont rejetés ou retirés sur les observations de M. le rapporteur.

L'article est adopté en ces termes :

Art. 46. Seront sujets au droit de 1 franc par 100 francs: 1o Les abonnements pour fait d'assurance ou grosse aventure;

Le droit sera perçu sur la valeur des objets abandonnés.

En temps de guerre il ne sera dû qu'un demi-droit. 2o Les actes et contrats d'assurance.

Le droit sera perçu sur la valeur de la prime. En temps de guerre il n'y aura lieu qu'au demi-droit. 3o Les adjudications au rabais et marchés pour constructions, réparations, entretiens, approvisionnements et fournitures dont le prix doit être payé par le Trésor royal ou par les administrations locales, ou par des établissements publics.

A l'article 47, M. Roy, observant qu'il n'est pas d'avis de l'augmentation des droits, indique que puisqu'on impose les ventes, on doit imposer les échanges.

M. de Villele répond qu'on a voulu les traiter plus favorablement.

L'article 47 est adopté en ces termes :

Art. 47. Le droit d'enregistrement des ventes d'immeubles est fixé à 5 1/2 p. 0/0; mais la formalité de la transcription au bureau de la conservation des hypothèques ne donnera plus lieu à aucun droit porportionnel.

L'article 48 ayant passé, on revient à l'article 49 et suivants adoptés en ces termes :

Art. 49. Il sera perçu, au profit du Trésor royal, un droit d'enregistrement suivant le tableau annexé. (Voyez le tableau annexé, au no 73, feuilles suplémentaires; première ligne de ce tableau, au lieu de 10 francs, lisez 20 francs.)

Aucune expédition desdites lettres patentes ne pourra être délivrée par le conseil du sceau des titres, que le droit d'enregistrement n'ait préablement été payé.

Art. 50. L'article 24 de la loi du 22 frimaire an VII continuera d'être exécuté; néanmoins, à l'égard des actes que le même officier aurait reçu, et dont le délai d'enregistrement ne serait pas encore expiré, il pourra en énoncer la date avec la mention que ledit acte sera présenté à l'enregistrement en même temps que celui qui contient ladite mention; mais dans aucun cas l'enregistrement du second acte ne pourra être requis avant celui du premier, sous les peines de droit.

Art. 51. Lorsque après une sommation extra-judiciaire ou une demande tendante à obtenir un payement, une livraison ou l'exécution de toute autre convention, dont le titre n'aurait point été indiqué dans lesdits exploits, ou qu'on aura simplement énoncé comme verbal, on produira au cours de l'instance des écrits, billets, marchés, factures acceptées, lettres ou tout autre titre émané du défendeur, qui n'auraient pas été enregistrés avec ladite demande ou sommation, le double droit sera dû et pourra être exigé ou perçu lors de l'enregistrement du jugement intervenu.

Art. 52. Il ne pourra être fait usage, en justice, d'aucun acte passé en pays étranger ou dans les colonies, qu'il n'ait acquitté les mêmes droits que s'il avait été souscrit en France; il en sera de même pour les mentions desdits actes dans des actes publics.

Art. 52 bis. Les droits de mutation établis par la présente loi ne seront perçus que sur les mutations qui surviendront après sa publication; les lois antérieures s'appliqueront aux mutations effectuées jusqu'à ladite publication.

Quant aux actes, l'article 1er de la loi du 27 ventôse an IX continuera d'être exécuté.

& II. Des hypothèques.

Art. 53. Le droit d'inscription des créances hypothécaires sera d'un pour mille, sans distinction des créances antérieures ou postérieures à la loi du 11 brumaire an VII. La perception de ces droits suivra les sommes et valeurs de 20 francs inclusivement et sans fraction.

Art. 54. Des actes de transaction d'immeubles et droits immobiliers susceptibles de transcription, ne seront assujettis à cette formalité que pour un droit fixe d'un franc, outre le droit de conservation, lorsque les droits en auront été acquittés de la manière prescrite par les articles 47 et 48 de la présente loi.

La discussion s'établit sur le droit de timbre.

A l'article 56, M. Duplessis-Grenedan, appuyé par Domingon, demande que tout effet de commerce non timbré soit déclaré nul... (Des murmures unanimes s'élèvent.)

La Chambre adopte la question préalable.

M. Dudon demande que les journaux soient nominativement compris dans l'article concernant les avis, prospectus, catalogues, parce que, indépendamment de leur partie politique et littéraire, il en est, et surtout dans les départements, qui contiennent des annonces rétribuées.

M. Pardessus observe que la commission pro-. pose de statuer sur les journaux par l'article 63; que les nommer deux fois serait les exposer, contre l'intention de M. le commissaire du Roi, à acquitter un double droit; nous n'avons pas trop

à nous louer, dit-il, de leur exactitude et de leur esprit, mais ce n'est pas une raison pour entraver leur circulation; l'entraver d'ailleurs serait nuire aux droits qu'ils produisent sous d'autres rapports.

M. le comte de Marcellus. Messieurs, quel que soit mon désir d'augmenter les ressources financières de l'Etat, ou plutôt par une suite de ce désir même, je ne crains pas de vous proposer de laisser tel qu'il est le taux du timbre des avis, prospectus, catalogues, etc. N'oublions pas qu'en forçant un impôt, ou en diminue le produit. C'est le cas d'appliquer le maxime d'un ancien poëte (Hésione): « Quelquefois la motié vaut mieux que le tout. »

La librairie française est en stagnation. Les ouvrages par lesquels notre littérature se signale, ne peuvent guère être promptement connus en pays étranger que par les prospectus, les catalogues. Si ces prospectus sont assujettis à un trop fort droit de timbre, on fera beaucoup moins. Notre littérature sera moins connue, et les lumières de nos savants répandront bien moins d'éclat. Messieurs, des législateurs français doivent encourager les lettres. Un gouvernement fondé sur la religion et la légitimité, loin de redouter les progrès des lumières, ne peut qu'y gagner, car plus on est éclairé, plus on trouve de raisons de s'attacher à ces dogmes salutaires qui émanent de Dieu même, et sur lesquels reposent la stabilité des empires et la paix de l'ordre social. Encourageons la littérature, Messieurs, elle a fait la gloire de nos plus grands rois. Elle fait les délices de celui dont nous chérissons le sceptre paternel, et rehausse la splendeur de son diadème. Sans doute, nous devons nous armer de toute l'autorité qui nous est confiée, et de la dignité de nos augustes fonctions, pour flétrir et foudroyer tous ces livres exécrables, productions fatales d'écrivains impies, séditieux et corrompus, qui,déchainant les passions contre la foi, out livré leur patrie à tous les malheurs et à tous les fléaux, et ont fait tomber sous leurs coups sacriléges l'autel et le trône. Eh! plùt à Dieu qu'en favorisant le commerce de la librairie et de la littérature saine et vraiment utile, nous puissions empêcher la circulation de ces pernicieux ouvrages dont la doctrine perfide et les images dangereuses vont au loin corrompre les cœurs et les esprits! Plùt à Dieu qu'une surveillance exacte les éloignât des mains de la jeunesse et les empêchât de se répandre, ces livres coupables auxquels nous devons peut-être tous nos malheurs, comme on surveille la circulation des substances empoisonnées, bien moins funestes, bien moins redoutables pour la société!

Mais nous devons protéger et encourager la bonne littérature, celle dont la vérité et la vertu font le charme, celle qui apprend à préférer les douces lumières du bon sens au faux, brillant de l'esprit. Nous devons. protéger et encourager les sciences; car le vrai savant sait mieux qu'un autre combien il est beau d'ètre fidèle à son Dieu et à son Roi. Je crois, Messieurs, que la littérature et les sciences pourraient être gênées par le taux du timbre, tel qu'il est porté dans l'article 59 du projet de loi de votre commission. D'ailJeurs cet article me parait manquer son but en élevant ce droit hors de proportion. Il en résultera nécessairement, ou qu'on ne fera plus de prospectus et de catalogues, ou qu'on en ferà beaucoup moins, et le Trésor y perdra; tandis que si l'on maintient ces divers objets à un taux modéré ou en favorisera, au profit de la littérature, l'é

mission et la circulation dans les pays étrangers, où notre librairie jouit d'une estime et d'une considération qui la font rechercher avec empressement des amateurs.

J'ai donc l'honneur de proposer de laisser le taux du timbre de ces objets tel qu'il est aujourd'hui.

L'avis de M. de Marcellus est vivement appuyé. La Chambre arrête que les mots de Catalogues de la librairie et Prospectus seront rayés de l'article qui le contient, et elle adopte les articles dont la rédaction suit :

Du timbre et autres droits.

Art. 55. A compter de la promulgation de la présente loi, les droits du timbre ordinaire et extraordinaire pour les actes, sera fixé ainsi qu'il suit : Demi-feuilles de petit papier.. Feuilles, idem............. Feuilles de moyen papier.. Feuilles de grand papier..

Feuilles de dimensions supérieures....

0 fr. 35 c.

0

70

1

25

1

50

2

00

Art. 56. Aucune expédition, copie ou extrait d'actes reçus par des notaires, greffiers ou autres dépositaires publics, ne pourra être délivrée que sur papier de 1 fr. 25 c.

Il n'est point dérogé à ce qui a lieu pour les certificats de vie des rentiers et des pensionnaires de l'Etat ou des administrations et établissements publics.

Art. 57. Les droits du timbre proportionnel sur les effets de commerce seront augmentés des deux cinquièmes du montant fixé par l'article 10 de la loi du 13 brumaire an VII.

Art. 58.Toutes les affiches de biens meubles ou immeubles à vendre ou à louer, soit volontairement, soit par ordre de justice, seront sur papier timbré, qui sera fourni par la régie, et dont le débit sera soumis aux mêmes règles que celui du papier timbré destiné aux

actes.

Conformément à la loi du 5 juillet 1791, ce papier ne pourra être de couleur blanche; il portera le mème filigrane que les autres papiers timbrés.

Le prix de la feuille, portant 25 décimètres carrés de superficie, sera de 10 centimes; celui de la demi-feuille de 5 centimes.

Art. 59. Les avis et autres annonces, de quelque nature et espèce qu'ils soient, assujettis au timbre par la loi du 6 prairial an Vil, qui ne sont pas destinés à être affichés, pourront être imprimés sur papier blanc.

Le prix de la feuille sera de 10 centimes, celui de la demi-feuille de 5 centimes, celui du quart de feuille de 2 centimes 1/2, celui du demi- quart, cartes et autres de plus petite dimension, sera de 1 centime.

Le papier sera fourni par la régie; les cartes seront fournies par les particuliers, mais timbrées avant tout emploi.

Art. 60. La subvention du dixième ne sera point ajoutée aux droits de timbre énoncés aux cinq articles précedents.

Art. 61. Il est défendu aux imprimeurs de tirer aucun exemplaire desdites annonces, affiches ou avis, catalogues, etc., sur papier non timbré, sous prétexte de les faire frapper d'un timbre extraordinaire. Une ordonnance déterminera l'époque à laquelle l'approvisionnement de la régie permettra de faire exécuter le présent article.

Art. 62. La contravention d'un imprimeur à ces dispositions, sera punie d'une amende de 500 francs sans préjudice du droit de Sa Majesté de lui retirer sa commission.

Ceux qui seront convaincus d'avoir ainsi fait imprimer, afficher et distribuer des imprimés non timbrés, seront condamnés à une amende de 100 francs.

Les afficheurs et distributeurs seront, en outre, condamnés aux peines de simple police déterminées par l'article 474 du Code pénal.

L'amende sera solidaire et emportera la contrainte par corps.

Art. 63. Les autres dispositions des lois sur le timbre, relatives aux prospectus, catalogues de livres, tableaux et objets de sciences, ainsi qu'aux journaux, continuent d'être exécutées. Celles qui concernent le timbre des

journaux s'appliqueront à tous ouvrages de quelque elendue qu'ils soient, qui paraîtront soit régulièrement par mois, par semaine, soit par numéros, quand même le service n'en serait pas régulier.

La Chambre interrompt la discussion à l'article 64 et le renvoie à demain.

CHAMBRE DES DÉPUTÉS

PRÉSIDENCE DE M. LAINÉ

Séance du 29 mars 1816.

Après la lecture du procès-verbal, la discussion est rétablie sur le budget et sur la partie relative à l'enregistrement.

Sur l'article 64, M. Duvergier demande qu'on n'impose les registres du commerce que ceux qui sont définis tels aux termes de la loi.

M. Pardessus adopte l'amendement.

A l'article 66, M. Bourdeau regarde comme une fiscalité irritante le paragraphe 2, qui soumet au droit l'estimation des créances et l'acte d'union des créanciers. La disposition atteindrait les créanciers, toujours intéressants, et non le failli, si souvent de mauvaise foi.

M. Pardessus adopte la radiation des mots indiqués, et les articles en délibération sont ad optés comme il suit:

Art. 64. Les registres du commerce qui, aux termes du Code de commerce, doivent être paraphés, seront timbrés à tous les feuillets d'un timbre spécial, et dont le prix sera, indépendamment du papier que les parties fourniront:

Pour les registres de papier petit ou moyen, par chaque feuillet, recto et verso... 20 centimes.

Pour les registres du grand papier. Pour les registres de toutes autres dimensions supérieures...

30

50

Tous individus assujettis à tenir des livres, par les lois et règlements, seront tenus de les faire timbrer, sous peine d'une amende de 500 francs pour chaque contravention. Ils seront néanmoins admis à présenter au visa pour timbre leurs livres actuels dans les trois mois de la promulgation de la présente loi, sans qu'il puisse être exigé d'amende pour contravention aux lois antérieures. Ils ne seront tenus que de faire timbrer la partie qui se trouvera alors en blanc de leursdits livres ou regis

tres.

Art. 65. Le paraphe qui doit précéder l'usage d'un registre, sera enregistré moyennant un simple droit de 1 franc.

Art. 66. Aucun livre assujetti au timbre par les lois ne pourra être produit en justice ou devant des arbitres, déposé à un greffe en cas de faillite, ni énoncé dans aucun acte, s'il n'est timbré, ou si l'amende na été acquittée.

Aucun concordat ne pourra être rédigé sans énoncer si les livres du failli sont revêtus des formalités ci-dessus, ni recevoir d'exécution avant que les amendes aient été payées.

A. 67. Seront solidaires pour le payement des droits de timbre et des amendes:

« Tous les signataires pour les actes synallagmatiqnes;

Les prêteurs et les emprunteurs pour les obligations; Les créanciers et les débiteurs pour les quittances; Les officiers ministériels qui auront reçu ou rédigé des actes énonçant des actes ou des livres non timbres. Art. 68. Le recouvrement des droits de timbre et des amendes de contravention y relatives, sera poursuivi par voie de contrainte; et en cas d'opposition, les instances seront instruites et jugées selon les formes prescrites par les lois des 22 frimaire an VII et 37 ventôse an IX sur l'enregistrement.

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L'article 69 est ainsi congu:

Art. 69. Les autres dispositions des lois, décrets et ordonnances auxquels il n'est pas dérogé par la présente loi, et qui régissent actuellement la perception des droits d'enregistrement, hypothèques, timbres, greffes, passe-ports, ports d'armes, et décimes pour franc sur ceux de ces droits qui n'en sont pas affranchis, sont et demeurent maintenues; néanmoins le droit sur les permis des ports d'armes est réduit à 15 francs.

M. Leroux du Châtelet. Si vous accordez le droit du port d'armes au moyen de 15 francs de droit, vous allez armer sur-le-champ les braconniers et les répandre sur toutes les terres. On exigeait 30 francs, et cela était déjà trop peu. La sûreté publique, le respect des propriétés tiennent à cette disposition; il faut la maintenir, à moins qu'on ne consulte les conseils généraux sur son application aux diverses localités.

M. Pardessus. Je n'ai qu'une réponse à faire; c'est que le gouvernement lui-même a proposé le taux de 15 francs.

:

M. Jankovics. Si vous établissez le droit à 30 francs, il arrivera ce qui arrive aujourd'hui, c'est qu'on n'acquerra pas le droit ne perdons pas de vue d'ailleurs que le préfet du département est toujours maître de ne pas accorder le droit du port d'armes à tous ceux qui le réclament.

L'article est mis aux voix et adopté.

La discussion s'établit sur le titre VIII des traitements. Il est ainsi conçu :

Art. 70. Nul ne pourra cumuler en entier les traitements de plusieurs places, emplois ou commissions, dans quelque partie que ce soit; en cas de cumul de deux traitements, le moindre sera réduit à moitié; en cas de cumul de trois traitements, le troisième sera en outre réduit au quart, et ainsi en suivant cette proportion.

n'est toutefois dérogé à aucune disposition des lois sur l'incompatibilité de certaines fonctions dans la même personne.

Art. 71. A compter du 1er janvier de la présente année, et jusqu'à en qu'il en soit autrement ordonné, tous traitements et salaires accordés à des fonctionnaires ou employés payés soit par des fonds fournis par le Trésor royal, soit par les recettes provenant de contributions publiques, directes ou indirectes dont ils sont agents; toutes remises accordées à des receveurs, percepteurs, payeurs, sur les sommes qu'ils reçoivent ou qu'ils payent pour l'Etat ou ses régies, seront assujettis à une retenue proportionnelle, conforme au tarif.

Ladite retenue sera faite sur les traitements et portions de traitements cumulés.

Sont seuls exceptés de la retenue prescrite par l'article précédent les employés et salariés dont le traitement est au-dessous de 500 francs.

Un grand nombre de membres réclament la parole.

M. Leroux du Châtelet, Messieurs, depuis six mois vos discussions n'ont qu'un seul objet, la restauration de la France; celle qui concerné votre budget porte même l'empreinte de ce but réparateur. En fermant les adjudications des domaines, vous avez fermé l'abime de la révolution. La cupidité avait fourni ce mode de payement à nos premières assemblées législatives, bien plus que le désir de liquider nos dettes. La cupidité a, depuis ce temps, traîné à sa suite tout les maux; mais ne nous y trompons pas, Messieurs, d'autres abus, qui produisent les mêmes effets, existent encore, et subsisteront longtemps par la facilité qu'on trouve à les dissimuler, si vous n'apportez le même courage à les combattre, la même fermeté à les détruire; je parle de la multiplicité des emplois, de leur cumulation et de leurs énormes traitements. Tout est lié, tout s'enchaîne dans l'or

ganisation sociale: le mal comme le bien; c'était un moyen pour le despotisme de se créer des partisans; il faut qu'ils deviennent, par leur réforme, pour l'autorité légitime un moyen de restauration et d'économie. Il est temps d'opposer une digue au torrent des intrigues de l'intérêt personnel qu'excite la perspective de cette foule d'emplois parasites qui inondent la France et la dévorent. Permettez que j'en parcoure le cercle, et que je vous propose les suppressions que je crois nécessaires; avant de régler nos impôts, nous devons régler nos dépenses; nos recettes doivent être réduites à ce qui est nécessaire; il faut prouver aux Français qu'en exigeant des sacrifices, nous cherchons à les alléger le plus possible; il faut hâter ce travail que les sollicitations, la faveur entrave; c'est nous qui devons obtenir la gloire et supporter la haine que produiront ces réductions.

Les besoins publics ont formé nos emplois, nos dignités publiques; l'autorité ne doit être un joug pénible que pour ceux qui l'exercent et qui en sont revêtus, et non pour ceux qui l'implorent et viennent y chercher un asile. Si les charges doivent être payées par l'Etat, elles ne doivent être créées que pour le bien de l'Etat; tout autre objet, toute autre destination est une concussion; il faut nous rappeler sans cesse que les emplois inutiles sont toujours odieux, que le moindre salaire d'un commis absorbe l'impôt d'une commune entière, qu'il est le fruit du travail, des sueurs de cent pères de famille.

La multiplicité des emplois détruit l'activité, l'industrie, le commerce; il répugne de travailler à sa fortune quand on trouve sous la main un moyen plus facile de remplir ses vœux; le Trésor paye ce que l'industrie seule doit donner; de la le dégoût du commerce, du travail, l'avidité des places, des honneurs avant de les avoir mérités, voilà la source de l'inertie, de l'engourdissement; voilà ce qui produit l'insolence des parvenus, la bassesse des solliciteurs; voilà ce qui éloigne le fils d'un artisan utile de la profession de son père; cet espoir d'obtenir des emplois forme ces demiéducations qui jettent dans la société ces avortons beaux esprits, singes philosophiques de nos esprits forts, qui, rougissant de l'étude de leurs ancêtres, deviennent niveleurs, intrigants, parasites et hommes à bonne fortune.

Les énormes traitements de ces emplois étaient une vraie loi agraire mise à exécution, puisque leur solde absorbait les revenus de la moitié de nos propriétés par la surcharge des impôts; voilà ce qui rend la bureaucratie si forte, si dominante; les sollicitations la corrompent; l'appui des commis, réclamé par cette foule de demandeurs, les met au niveau du pouvoir même, et les rend les maîtres du sort d'un quart de la France; un seul département contient plus d'emplois soldés à leur nomination que les trois royaumes de la Grande-Bretagne ensemble.

L'usurpateur avait besoin d'entourer son trône de l'éclat des richesses, qui devaient éblouir et empêcher d'en fixer la base; la confiscation avait englouti les fortunes légitimes; il fallait les remplacer par le colosse des fortunes usurpées, leur illégitimité assurait la sienne, excitait l'attachement à son sort, forgeait les chaînes dont il chargeait tout ce qui avait le malheur (c'en était un pour les âmes bien nees) de l'approcher; il fallait attirer par l'intérêt, par la reconnaissance, ce qu'il ne pouvait obtenir par principe et par probité. C'est là, oui, c'est là la source de la juste défiance que nous éprouvons quand nous voyons

ses adorateurs si bien dotés, chercher encore à maintenir les emplois qui ont été créés pour eux, sans d'autre utilité que leur dotation où celle de leurs clients; c'est là ce qui irrite ce peuple, qui, dans son simple bon sens, ne peut concevoir l'amalgame de tant de bassesse et de tant d'élévation, de tant de bienfaits et de tant d'ingratitude apparente; c'est ce qui le porte à ne pas croire à cette fidélité éphémère et nouvelle, trahie par tant de serments opposés, qu'on cherche à faire valoir par tant d'intrigue; c'est la source de ses plaintes, de son mécontentement, de ses craintes, à la vue de tant d'hommes si bien soldés qui se montraient encore naguère les plus déhontés partisans l'usurpateur; l'interrègne les a démasqués. On ne peut pas compter sur une conversion si subite; c'est là ce qui empêche de croire à leur bonne foi quand ils combattent, sous des prétextes politiques, des vues de morale et de restauration.

La légitimité, au contraire, ne réclame que l'honneur. Il faut le faire renaître en détruisant la cupidité. Pardonnez-moi ces digressions; elles sont essentielles pour vous prémunir contre ce qu'on pourrait alléguer pour entraver notre but politique de réforme et d'économie.

C'est ici, Messieurs, que tout est de rigueur, de stricte obligation. C'est ici où l'obole superflue est enlevée sur l'obole nécessaire de la veuve; ce n'est pas dans le retranchement, la suspension des travaux ou entreprises publiques, qui ne sont que des avances qui aident à la circulation, vivifient l'Etat, encouragent l'industrie; là, on donne d'une main pour recevoir de l'autre il n'en est pas de même des emplois inutiles ou trop payés; le superflu de ces versements crée souvent le capitaliste, et vous le savez, Messieurs, le capitaliste ne devient ce qu'il est que par l'égoïsme, le resserrement des fonds qu'il possède, ou par l'usure, le plus terrible fléau des Etats, précurseur infaillible de leur décadence. Mais d'autres motifs d'un plus haut intérêt doivent vous porter à la plus grande sévérité dans les réformes et la diminution des traitements. Autrefois l'honneur en France était l'unique mobile qui nous dirigeait, tout ou presque tout se faisait gratuitement; l'honneur était encore, dit Montesquieu, au-dessus de la volonté souveraine; c'est le seul despotisme que la France ait constamment et volontairement souffert; la considération publique payait les plus grands services; les veilles du magistrat n'augmentaient pas ses revenus.

Les dangers, l'intrépidité, les fatigues du soldat, ne lui donnaient pas des trésors; l'honneur, l'honneur seul, dirigeait nos pères vers le bien, leur faisait sacrifier leur temps, leur vie, leur fortune; heureux temps qu'on n'a pu détruire que par les secousses les plus affreuses; siècles heureux qu'il dépend de nous de faire revivre; l'honneur est encore dans le cœur des Français! il est inné chez eux! c'est une étincelle que le moindre souffle peut ranimer!

La cupidité a pu l'empêcher de paraître, mais n'a pu l'éteindre; c'est le moment, l'unique moment, si vous ne voulez pas le perdre pour toujours. Les municipalités, les bureaux de bienfaisance sont gratuits; ce sont, quoi qu'on en dise, nos meilleures administrations; ce sont les mieux composées; l'honneur seul y conduit, l'honneur seul les dirige, l'honneur seul les dédommage de leurs soins, de leur peine, de leurs travaux rebutants! Les tribunaux de commerce, les jurés sont également gratuits; jamais on n'a refusé d'en remplir les emplois.

Otez donc de nos yeux ces traitements monstrueux qui nous dévorent et rappellent sans cesse les moments de notre servitude!

La considération vouée au désintéressement fera bientôt reparaître un sentiment plus noble, remplacera ce vil intérêt que nous avons toujours méprisé bien au-dessus de ce peuple trop préconisé dans ce siècle, qui ne sait honorer, estimer l'homme que par le nombre des guinées qu'il possède, qui croit payer l'honneur par des dotations énormes. Non, l'honneur ne se paye que par l'honneur! Voilà la devise, les mœurs de nos ancêtres! Ce sont les nôtres encore, il ne faut que les faire revivre!

L'économie, la morale, la politique commandent donc les réformes; mais avant de les proposer je poserai d'abord deux principes généraux: les premier, de n'allouer aucun traitement, sauf ceux des ministres, du président de la Chambre, des ambassadeurs, des maréchaux de France, au-dessus de trente mille francs. Cette manière est plus simple, plus durable; elle atteint plus sûrement son but économique et moral, et ne laisse plus l'espoir de revenir à ces traitements énormes qui ne peuvent qu'exciter les regrets, réveiller les souvenirs de ceux qui en étaient revêtus; il ne faut pas, d'ailleurs, laisser au ministre le poids des réformes; c'est nous qui devons encourir leur désagrément.

Le second, de ne permettre la cumulation d'aucun emploi, sauf celui de membre de l'Institut et de professeur. Nous devons cet hommage aux savants, qui, pour suivre l'élan du génie, sont souvent obligés de faire des expériences très-dispendieuses; ces articles doivent être le texte du titre des dépenses portées au budget; ainsi, en exigeant les sacrifices nécessaires au bien de l'Etat, Yous montrez au peuple votre surveillance pour les adoucir. Mais plus la cupidité est active, plus le frein qui doit la contenir doit être fort; je demande donc que le maximum des traitements des gratifications soit observé, sous peine de concussion; que, pour surveiller plus aisément l'observation de cette loi, le budget particulier de chaque ministère soit imprimé avec le tableau des pensions, traitements, gratifications; que cet ordre fasse un article exprès de notre loi sur les finances; nous ne saurions être trop sévères sur les dispositions des fonds publics, nous en devons le compte au Roi, à la France entière.

Les ministres savent (ce sont leurs propres termes employés dans le budget) que leur premier devoir est de porter l'économie dans toutes les branches de l'administration confiées à leurs soins, qu'on ne doit recourir à de nouvelles impositions qu'après avoir épuisé les réformes: voyons si cette théorie a été suivie dans ce qui nous est proposé.

Je commence par le ministère de la justice; c'est dans ce ministère surtout où l'honneur doit suppléer à tout; le travail y commande une vie retirée, rien ne peut nécessiter l'ostentation, le faste. La simplicité est au nombre des vertus qui doivent caractériser le magistrat, la gravité lui interdit même la frivolité, l'inconstance de nos modes.

Ce n'est pas sur le trône, c'est sous un chêne que saint Louis rendait justice.

Je crois donc devoir vous proposer d'abord de réduire d'un dixième le traitement de la cour de cassation; ils doivent l'exemple aux autres magistrats.

Je vous proposerai également la réduction du traitement des premiers présidents et procureurs généraux, au double de celui des conseillers; c'est une indemnité assez forte pour les faire paraître

avec un peu plus d'éclat, dans les circonstances de représentation; je vous observerai, Messieurs, que les cours royales sont établies dans des chefslieux de préfecture ou de sous-préfecture, que les plus grands frais retombent sur ces administrateurs. Je crois qu'aucun magistrat n'oserait réclamer contre cette réforme; ils saveut trop bien qu'en pareil cas ils doivent se récuser. L'honneur de la magistrature exige de leur part le silence le plus absolu; je demanderais velontiers, d'avance, la question préalable, s'ils osaient paraître à la tribune pour défendre leurs honoraires.

Buonaparte n'a porté si haut, proportionnellement à leurs collègues, leurs honoraires, que parce qu'il voulait s'assurer de leur servile dévouement; c'était son unique but. Je me tais sur le résultat, il n'est pas de inon sujet. L'économie sur la Chambre des comptes est la seconde réforme nécessaire à opérer dès cette année.

Il existe encore une rentrée au Trésor dépendante du même ministère que je ne vois portée ni dans le budget ni dans le rapport de votre commission.

L'imprimerie royale, sous Buonaparte, a produit jusqu'à 700,000 francs; je sais que les imprimeurs de Paris ont offert de s'en charger en rendant à l'Etat 300,000 francs.

Je demande que cette somme figure au budget. La réforme des tribunaux n'ayant pu avoir lieu cette année, on doit au moins en faire supporter les frais par ceux qui paraissent désirer la prolongation de cet abus, par les plaideurs.

Est-il juste que l'homme paisible, intègre, paye les folies d'un voisin turbulent, d'un homme de mauvaise foi? Non, Messieurs; il me semble que de dernier seul doit concourir directement aux frais, à la décharge de l'homme tranquille, que sa conduite met à l'abri de toute attaque, qui sait d'ailleurs les détourner par la conciliation. Je crois donc devoir vous proposer un mode de parvenir à ce but d'une perception facile et peu dispendieuse. Il consiste en un droit sur Tinscription dans deux registres de l'original et de la copie des actes introductifs d'instance; un autre sur les défauts faute de cette inscription, et sur les défauts pris à l'audience sur l'inscription des causes sur le rôle, dont on ne pourrait jamais s'é

carter.

Enfin une légère augmentation sur l'expédition des jugements et le papier timbré, dont là forme pour les matières judiciaires exigerait qu'il ne soit bon qu'à cette destination.

Tout ce qui appartiendrait à la conciliation serait exempi des droits.

Ces taxes produiront au delà même de la somme qu'elles doivent remplacer, pour cette année, celle que procurerait la réduction des tribunaux de première instance, si nécessaire et si désirée. Je dois donc les porter en compte; elles seraient remboursées par la partie perdante.

Avant de passer à une autre ministère, je me permettrai encore une observation. Rien ne doit être négligé dans des moments de détresse et de pénurie; on exigeait autrefois un droit de marc d'or sur chaque candidat nommé, qui portait même au delà d'une année de revenu. Je proposerai de le faire revivre, payable en cinq ans par tous les fonctionnaires publics actuellement en place, outre la retenue déjà proposée; désormais cette mesure aurait lieu dans la première année pour ceux qu'on nommerait. Presque tous ceux à qui vous imposericz cette nouvelle obligation jouissent depuis longtemps des emplois dont ils sont revêtus; peuvent-ils se refuser à ce sacrifice,

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