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trouver sûreté et protection; nos efforts doivent donc être communs pour concourir à sa restauration et à sa conservation. L'intérêt privé n'est ici que secondaire, ou plutôt en opposition avec l'intérêt de tous.

L'immodération des désirs est incompatible avec les mœurs et les institutions monarchiques; elle survit à la Révolution qu'elle a entretenue si longtemps, et malheureusement elle est encore aujourd'hui portée à un tel excès, que l'on doit la regarder comme un des plus grands obstacles à la stabilité, à la durée de notre gouvernement. Il est donc de notre devoir de l'attaquer de toutes nos forces, et de lui enlever tous les moyens qui contribuent à l'alimenter.

En conséquence, je demande que personne ne puisse cumuler les traitements de plusieurs places, commissions ou emplois, lorque ces traitements s'élèveront au delà d'une somme dont le maximum sera déterminé par l'Assemblée.

M. le chevalier Dubouchage. J'ai demandé la parole pour soutenir l'amendement en faveur des hauts enseignements proposés par MM. Maine de Biran et Michaud, et du reste, j'appuie le projet de la commission contre toutes les propositions nouvelles; elle a proposé toutes les réductions possibles; aller au delà en ce moment, ce serait manquer le but proposé. Assurément je partage les vœux de notre collègue M. Roux-Duchàtelet, pour qu'on puisse opérer beaucoup d'économies; mais elles ne peuvent en quelque sorte s'improviser; il faut un examen sérieux, il faut de l'expérience pour reconnaître jusqu'à quel point tel ou tel rouage est nécessaire à l'action de la machine administrative, pour savoir quels emplois sont indispensables où superflus, quels traitements leur sont dus pour y maintenir des hommes capables de les occuper utilement.

Il faut bien permettre aux professeurs de hauts enseignements de cumuler plusieurs chaires; car après les pertes que nous avons éprouvées, il y a plus de chaires que d'hommes capables de les bien remplir; il y a donc nécessité de cumulation. Et remarquez, Messieurs,. qu'avec cette cumulation, les professeurs célèbres dont je parle ne réunissent pas le traitement d'un chef de division d'administration. Attaquez dans l'administration l'intrigue et la cupidité, attaquez la cumulation des emplois si elle existe. Vous ne trouverez rien de semblable dans les hommes qui professent le haut enseignement des lettres et des sciences. Leurs longs travaux méritent des récompenses et non le découragement.

Get avis est appuyé. On demande à aller aux voix.

M. de Puymaurin. Je ne connaissais pas le sujet que l'on devait traiter aujourd'hui, je ne vous apporte point un discours écrit, je vous prierai d'excuser mes idées... (On rit.) Messieurs, je n'ai point été préfet, j'ai refusé de l'être; je n'exerce aucun emploi public; ainsi, je suis bien désintéressé dans la question, et je ne puis être suspect de partialité; je sais que nous sommes dans un moment qui exige de sévères économies; mais il faut que les fonctionnaires publics d'un ordre élevé puissent faire respecter l'autorité du Roi qui leur est confiée. Songez, Messieurs, que vous avez actuellement de bons préfets, de fidèles serviteurs du Roi; il ne faut pas les mettre dans l'alternative, ou de quitter leurs places, ou de ne pas les occuper avec la dignité convenable. Je demande donc que toute proposition relative aux préfets soit ajournée à l'année prochaine.

Mais je me joins à l'un des préopinants pour si

gnaler l'abus des gratifications; il y en a eu de scandaleux; je n'en citerai qu'un exemple, je ne dirai pas que je l'ai vu, car si je l'avais vu, je ne le croirais pas..... (on rit aux éclats), mais on me l'a certifié.

Dans cette année si fatale, où les meilleurs serviteurs du Roi n'ont pas même touché leurs appointements, une administration de sept membres, qui ont chacun 18,000 francs de traitement, me fournit l'exemple que je cite; voici l'état des gratifications que ces messieurs ont reçues..... (Une foule de voix: Ecoutez! écoutez !) Pour les trois premiers mois de 1815,12,000 francs; juin 1815, 9,000 francs; novembre 1815, pour indemnité de bois et de bougie, 2,000 francs; 2 janvier 1816, 9,000 francs: total, les appointements fixes compris, 50,000 francs, et par conséquent, pour les sept administrateurs, 350,000 francs.

MM. Becquey, d'Estourmel, et plusieurs autres de toutes les parties de la salle : Nommez l'admi

nistration.

M. de Puymaurin. C'est celle des impositions indirectes..... (Après un moment d'agitation assez vive, l'orateur poursuit):

On a parlé de l'imprimerie royale. L'opinant a demandé qu'on rendit compte de ses produits; il a insinué qu'elle pourrait être supprimée. Mais oublie-t-il que ce bel établissement est dû à la munificence de François Ier, de ce monarque nommé à juste titre le restaurateur des lettres ? C'est un magnifique établissement qui a été admiré des étrangers, et toute économie en ce genre serait une lésinerie funeste aux sciences et aux lettres; ainsi il n'y a rien à faire à cet égard.

Quant aux receveurs généraux, que parle-t-on de leur ôter leurs remises, quand on leur demande des cautionnements; on ne peut demander et prendre à la fois..... (On rit.)

Relativement aux savants, il est possible qu'à Toulouse, ma patrie, ce que je vais dire me fasse traiter de Goth et de Vandale, mais je n'en combattrai pas moins la proposition de M. Maine de Biran. Je ne crois pas en général qu'il soit nécessaire de trop enrichir les savants et les hommes de lettres. Vous connaissez l'histoire de ce roi qui avait un poëte très-fécond; il lui donna une abbaye; dès ce moment, plus d'odes, plus de poésie..... (On rit.) On demanda au roi la raison du silence que gardait le poëte. Que voulez-vous, répondit le monarque, la poule est trop grasse, elle ne pond plus..... (On rit aux éclats.)

Je suis loin de ne pas rendre hommage aux talents des membres de l'Institut; mais ils n'ont pas rendu plus de services que l'ancienne Académie des sciences, qui ne coûtait rien. Macquer, Darcet, dont les noms ne craignent de nos jours aucune rivalité, n'avaient qu'une chaire. Le Bureau des longitudes a manqué l'objet de l'institution. C'est à la marine seule qu'il devait être utile et se consacrer. Or, voulez-vous savoir ce qui s'est passé? Rochon, qui avait fait d'utiles Voyages aux terres australes dans l'Océan indien, le savant qui était le plus capable d'occuper une place dans ce bureau, n'a jamais pu y être admis, parce qu'il avait un grand défaut, celui d'avoir été astronome particulier du Roi. Ce bureau coûte aujourd'hui 30,000 francs, et autrefois un membre de l'Académie des sciences, auquel on donnait 3,000 francs, suffisait pour faire la Connaissance des temps; aujourd'hui des savants occupent à la fois plusieurs chaires; il en résulte qu'il est difficile qu'ils les remplissent bien toutes, et même qu'ils les remplissent; aussi sont-ils

remplacés par des élèves. Je demande que la cumulation ne puisse produire un traitement com. plet au-dessus de 12,000 francs.

Plusieurs voix. Cela regarde le gouvernement. M. Corbière, rapporteur. La commission a établi deux propositions distinctes: l'une est la réduction des traitements; cette mesure est utile, indispensable dans la circonstance où nous sommes, c'est à l'article 70 que vous vous en occuperez. Elle s'est occupée aussi de la cumulation des emplois, par conséquent de celle des traitements. Elle n'a pas cru devoir vous proposer d'empêcher toute cumulation, ce qui aurait des inconvénients de plus d'une nature, mais d'établir une réduction en proportion de la cumulation; cela doit paraître fort raisonnable.

Et d'abord il se présente ici une observation générale, tout à fait différente de celles qui ont été faites. Les places sont à la nomination du Roi; si vous pouviez déclarer qu'aucun traitement ne sera cumulé, vous empêcheriez le Roi de confier leur emploi précisément à l'homme que le Roi en croirait le plus digne ou le seul digne. Vous attenteriez à la prérogative royale, et vous vous immisceriez dans la haute administration de l'Etat.

J'ajoute qu'en ne permettant aucune cumulation, vous feriez ce qu'assurément vous ne désirez pas, c'est-à-dire que vous ne feriez aucune économie. En effet, quel que soit le désintéressement que l'on peut espérer, le sentiment d'honneur et de considération qui sera attaché à l'exercice de certaines fonctions, assurément si un homme propre à deux fonctions n'en peut conserver une que gratuitement, il finira par se lasser de la dernière, et demandera à y être remplacé; alors il faudra donner le traitement entier à celui qui sera nommé, au lieu que vous ne donnez qu'un traitement proportionnel à celui qui le conserve. Le projet de la commission est dans ce sens véritablement économique; il est d'ailleurs des mesures tranchantes d'économie qui ne sont pas toujours les meilleures; elles déplaisent, elles aigrissent des hommes recommandables, et finissent par ne pas atteindre leur but, parce qu'on trouve les moyens de les éluder.

Actuellement, ferez-vous à la règle proportionnelle très-sage et très-mesurée de votre commission, une exception en faveur du haut enseignement? Je ne pense pas que cela soit utile. Il y a toujours des inconvénients à présenter de ces sortes d'exceptions, qui, par des raisons valables d'analogie, élèvent bientôt une foule de prétentions et de réclamations qui ont leur côté juste. Vous voulez une exception pour les savants et les hommes de lettres; mais sont-ils les seuls pour lesquels la cumulation soit utile et même indispensable à certains égards? N'y a-t-il pas des cumulations dans l'armée, dans la marine, dans l'ordre judiciaire, où des magistrats exercent l'enseignement? Tous pourraient réclamer également l'exception, et comme leurs fonctions sont également utiles, qu'il en est même du premier ordre, puisqu'elles tiennent à la défense de l'Etat et au maintien de nos institutions, on ne voit pas comment on pourrait se refuser à leur accorder cette exception; ainsi d'heure en heure, et d'exception en exception, vous verriez votre système détruit et Votre économie nulle.

Il n'y a qu'un moyen raisonnable à l'égard des hommes très-distingués, dont le nom a un éclat qui rejaillit sur la patrie honorée par leurs talents, c'est de leur appliquer le principe général, sauf au ministère, par une élévation de traitement

ou par tout autre moyen à sa disposition, de les indemniser de manière que votre loi ne puisse leur ôter cette honnête aisance qui doit être leur partage. Ils n'ont pas besoin d'éclat, et de ce qu'on appelle représentation; leur éclat est dans leur nom et dans la considération qui y est attachée: mais ils ont besoin d'une existence honorable qu'il est toujours au pouvoir du gouvernement de leur

assurer.

Je demande qu'on se borne à l'adoption des articles de la commission.

Cet avis est généralement appuyé.

M. le comte de Vaublanc reparaît à la tribune et rend hommage à la sagesse des réflexions qui viennent d'être présentées par M. le rapporteur de la commission, lorsqu'en parlant des traitements, il a soigneusement distingué ce qui appartenait à l'autorité royale, et ce dont on ne pouvait s'occuper sans porter atteinte à la prérogative du monarque. Je ne répète ni n'appuie, dit l'orateur, les observations que vous venez d'entendre; il n'en est pas besoin; je connais vos intentions, Messieurs, et je sais que si jamais la prérogative royale pouvait être attaquée, ce serait dans cette enceinte, au milieu de vous qu'elle trouverait ses plus zèlés défenseurs, ses plus solides appuis.

Mais à cet égard le Roi a usé de prévoyance. Une ordonnance de Sa Majesté a réglé ce qui concerne la cumulation sous le rapport de l'administration. La chose est faite : il ne semble pas nécessaire de s'en occuper. On s'est élevé avec force contre l'abus monstrueux qui, dit-on, en a été fait dans l'ordre administratif. Voilà, Messieurs, un abus hautement signalé, et qui de cette tribune va retentir dans toute la France, et bientôt dans toute l'Europe. Eh bien! Messieurs, je déclare que je ne connais pas dans l'ordre administratif un seul exemple de cet abus. S'il est quelqu'un dans cette Assemblée qui connaisse quelque administrateur qui réunisse de doubles appointements, je le prie de vouloir bien le désigner...

Après un moment de suspension, M. le comte de Vaublanc poursuit et parle des membres de l'ordre judiciaire qui peuvent être appelés à des fonctions de conseillers d'Etat. Le Roi, dit-il, a pourvu à cet objet. Or, Messieurs, trouveriez-vous conforme aux bienséances, sans connaître les termes de l'ordonnance du Roi qui n'est pas en ce moment sous vos yeux, de vous occuper de l'objet sur lequel elle a statué? Je ne le pense pas la Chambre, me semble ne pas devoir délibérer sur une disposition que le Roi a déjà prévue dans sa sagesse.

M. le Président résume la discussion et rappelle les diverses propositions faites.

La Chambre accordé la priorité au projet de sa commission et adopte l'article 70 tel qu'elle l'a proposé.

M. le Président rappelle l'amendement de M. Cornet d'incourt.

M. Cornet le reproduit et le développe.

M. Boin. Il me semble qu'on perd trop de vue ce qu'a dit M. le ministre de l'intérieur. M. le ministre a rappelé l'existence d'une ordonnance du Roi. Sa Majesté a pris des dispositions.

· Plusieurs voix : C'est en attendant la loi... M. le Président. L'ordonnance de Sa Majesté était une disposition particulière, et non générale...

M. de Villèle. Et législative...

M. Cornet insiste pour que, dans la fixation de la décroissance de la cumulation, on établisse un minimum qui ne puisse être dépassé.

Cet avis est adopté.

On débat sur la somme entre 2 et 3,000 francs. La Chambre établit le minimum à 3,000 francs. M. le Président rappelle la proposition tendante à une exception en faveur du haut enseignement.

N.... D'après les observations de M. de Corbière et la faculté que conserve le gouvernement, je demande la question préalable sur toute exception. M. Duchâtelet. Pour l'honneur des sciences, je demande une exception en leur faveur.

Une foule de voix : C'est l'affaire des ministres. La question préalable est mise aux voix et adoptée à une forte majorité.

Sur l'article 71, M. le Président rappelle les propositions tendantes à ramener les traitements au taux fixé par la loi de pluviose an VIII, pour les fonctions alors existantes ou analogues.

On demande de toutes parts la question préalable. Elle est unanimement adoptée.

On rappelle l'amendement de M. Duchâtelet tendant à fixer, avec les exceptions qu'il a déterminées, le maximum des traitements à 30,000 francs. On demande la question préalable. Elle est adoptée à une forte majorité.

M. le Président rappelle la proposition sur les suppressions des primes des receveurs géné

raux.

La proposition n'est pas appuyée, et par conséquent n'est pas mise aux voix.

M. le Président rappelle l'amendement relatif aux gratifications il fait observer qu'il en est d'inhérentes au traitement fixe, d'autres qui en sont indépendantes.

M. de Villèle. C'est aux ministres à déterminer ces objets on ne peut leur fixer une loi à cet égard.

On demande la question préalable.

La question préalable est mise aux voix et adoptée....... (D'assez vives réclamations s'élèvent.)

M. le Président rappelle que la Chambre a prononcé, et que le débat ne peut se rouvrir.

L'article 71 est adopté.

M. Dudon, commissaire du Roi, présente des observations relatives à la fixation de la somme nécessaire aux dépenses de la Chambre des pairs.

M. le Président fait observer que cet objet trouvera sa place lorsqu'il s'agira de statuer sur les dépenses.

M. Dudon remarque que la Chambre vient de prononcer sur les retenues, et qu'il a cru devoir saisir cette occasion pour appeler l'attention de la Chambre sur l'objet indiqué.

M. de Villèle. Cet objet trouvera sa place lorsqu'il sera question des dépenses. Je demande au surplus que les communications officielles de M. le commissaire du Roi soient présentées par écrit et communiquées à la commission.

M. le commissaire du Roi adopte.

La discussion s'établit sur le titre relatif aux cautionnements.

On demande à aller aux voix. Les articles de ce titre sont adoptés en ces termes :

1er. Supplément des cautionnements à fournir par les comptables du Trésor.

Art. 72. A partir du 1er janvier 1816, les cautionnements que les receveurs généraux ont fournis d'après la loi du 2 ventose an XIII, pour les recettes qu'ils font sur le produit de l'enregistrement, des domaines et des douanes, s'étendront aux recettes provenant des contributions indirectes, des tabacs, des sels, de la loterie, et généralement de tous les produits indirects.

Ce supplément sera fixé conformément à l'état annexé à la presente loi, sous le no 1er, ainsi que le cautionnement primitif l'avait été par l'article 16 de la loi du 2 ventôse an XIII (1).

Art. 73. Les receveurs des arrondissements, autres que celui du chef-lieu du département, fourniront pour les mêmes produits, ainsi que pour l'enregistrement, les domaines et les douanes, un cautionnement qui est fixé par le tarif annexé sous le no 2.

Art. 74. Les cautionnements des percepteurs sont fixés au douzième du montant total, en principal et centimes additionnels, des recettes qu'ils font sur les quatre contributions directes pour le compte du Trésor, des départements et des communes.

Dans les villes de Paris, Bordeaux, Marseille, Lyon, Montpellier, Nantes, Rouen, Lille, Strasbourg, Orléans, Toulouse, Amiens, Metz, Dijon, Caen, Rennes, Nimes et Versailles, le cautionnement des percepteurs ne sera que du quart en sus de celui auquel ils sont assujettis.

Art. 75, Les cautionnements des receveurs des communes sont fixés au dixième de toutes les recettes qu'ils font pour le compte des communes.

Art. 76. Les cautionnements des payeurs divisionnaires et des payeurs des départements sont fixés d'après l'état annexé à la présente loi, sous le no 3.

Art. 77. Les inspecteurs, contrôleurs principaux, contrôleurs de ville, pour les contributions indirectes, employés des manufactures de tabacs, contrôleurs de salines, ou vérificateurs, seront tenus de fournir un cautionnement en numéraire d'après le tarif annexé à la présente loi sous le no 4.

Art. 78. Les cautionnements des conservateurs des hypothèques seront augmentés et fixés conformément au tarif ci-joint, no 5.

Art. 79. Les divers agents de l'administration des douanes fourniront des cautionnements ou des suppléments de cautionnement conformément à l'état ci-joint, no 6.

§ 2. Cautionnements et suppléments de cautionnement à fournir par les officiers ministériels, agents de change, courtiers de commerce et autres non comptables du Trésor.

Art. 80. Les cautionnements des avocats à la cour de cassation, notaires, avoués, greffiers et huissiers à notre cour de cassation et dans les cours royales et tribunaux de première instance, tribunaux de commerce et justices de paix, sont fixés en raison de la population et du ressort des tribunaux de la résidence de ces fonctionnaires, conformément au tarif annexé à la présente loi sous les numéros 7, 8 et 9.

Art. 81. Il pourra être établi dans toutes les villes et lieux où Sa Majesté le jugera convenable, des commissaires priseurs dont les attributions seront les mêmes que celles des commissaires priseurs établis à Paris, par la loi du 27 ventôse an IX.

Ces commissaires n'auront, conformément à l'article 1er de ladite loi, de droit exclusif que dans le cheflieu de leur établissement. Ils auront, dans tout le reste de l'arrondissement, la concurrence avec les autres officiers ministériels d'après les lois existantes.

En attendant qu'il ait été statué par une loi générale sur les vacations et frais desdits officiers, ils ne pourront percevoir autres et plus forts droits que ceux qu'a fixés la loi du 17 septembre 1793.

Art. 82. Il sera fait, par le gouvernement, une nouvelle fixation des cautionnements des agents de change et courtiers de commerce: cet état sera réglé sur la population et le commerce des lieux où résident lesdits agents de change et courtiers, et portera les cautionnements au minimum de 4,000 francs et au maximum de 125,000 francs.

Art. 83. Les avocats à la cour de cassation, notaires, avoués, greffiers, huissiers, agents de change, courtiers, commissaires priseurs, pourront présenter à l'agrément de Sa Majesté, des successeurs, pourvu qu'ils réunissent les qualités exigées par les lois. Cette faculté n'aura pas lieu pour les titulaires destitués.

(1) Ces tableaux sont les mêmes qu'ont proposés les ministres et annexés à leur projet inséré au Moniteur du 24 décembre 1815, feuilles supplémentaires.

Il sera statué par une loi particulière sur l'exécution de cette disposition, et sur les moyens d'en faire jouir Jes héritiers ou ayants cause desdits officiers.

Cette faculté de présenter des saccesseurs ne déroge point, au surplus, au droit de Sa Majesté de réduire le nombre desdits fonctionnaires, notamment celui des notaires, dans les cas prévus par la loi du 27 ventôse an XI, sur le notariat.

§3. Dispositions générales.

Art. 84. Les cautionnements et suppléments de cautionnement demandés par la présente loi, seront versés au Trésor, savoir un quart en numéraire, un mois après la promulgation de la loi, et les trois autres quarts en obligations, payables à la fin des mois de juín, de septembre et de décembre 1816.

A l'égard des cautionnements intégraux à fournir pour des créations de places nouvelles, ou pour des mutations, ils seront versés en numéraire avant l'installation des fonctionnaires.

Art. 85. L'intérêt des cautionnements et des suppléments de cautionnement continuera d'être payé, comme pour le cautionnement primitif, au taux et aux époques usités pour le passé.

Art. 86. Les fonds de tous les cautionnements fournis jusqu'à ce jour, ayant été remis au Trésor, il demeure chargé d'en rembourser le capital lorsqu'il y aura lieu, et d'en payer les intérêts, ainsi que ceux des suppléments et des cautionnements nouveaux qu'il recevra, en exécution de la présente loi.

Art. 87. Il sera pourvu au remplacement des fonctionnaires qui ne fourniraient pas les cautionnements et suppléments de cautionnement dans le délai ci-dessus fixé, ou qui manqueraient de s'acquitter aux époques déterminées ci-dessus.

Art. 88. Nul ne sera admis à prêter serment et à être installé dans les fonctions auxquelles il aura été nommé, s'il ne justifie préalablement de la quittance de son cautionnement.

Art. 89. La faculté conservée à des fonctionnaires de l'ordre judiciaire, employés des administrations civiles, receveurs des communes et comptables de deniers publics, de fournir tout ou partie de leurs cautionnements en immeubles ou en rentes sur l'Etat, ne sera pas ac cordée à ceux qui seront nommés à partir de la publication de la présente loi. Ces cautionnements devront en conséquence être fournis à l'avenir en numéraire pour. la totalité.

M. Dudon, commissaire du Roi, demande que la Chambre fixe le taux de l'intérêt des cautionnements nouveaux, et il indique celui de 4 p. 0/0. La Chambre adopte cette disposition.

Elle remet à demain la discussion du titre sur la caisse d'amortissement, et se forme en comité secret.

CHAMBRE DES DÉPUTÉS.

PRÉSIDENCE DE M. LAINÉ.

Comité secret du 29 mars 1816.

La Chambre [accorde un congé à M. Peyrusset. Un membre lit une proposition relative au remplacement des biens et rentes d'émigrés qui ont été cédés aux hospices et à la restitution de ces mêmes biens et rentes aux émigrés.

Cette proposition sera développée dans un des prochains comités secrets.

L'ordre du jour appelle le développement de la proposition ayant pour but d'interdire aux journaux la publication des délibérations prises en comité secret.

M. le duc de Mouchy. Messieurs, je crois devoir appeler l'attention de la Chambre sur une sorte de délit, dont les conséquences peuvent être assez graves, pour qu'il convienne de les prévenir, au lieu d'avoir à les réprimer. Je veux

parler de l'insertion dans les journaux des articles relatifs à nos comités secrets. Quand la Chambre juge à propos de délibérer ainsi, elle indique clairement que l'objet dont elle veut s'occuper ne lui paraît pas devoir être livré au public, qu'après avoir passé au creuset d'un examen privé, et pour ainsi dire de famille. Les journaux cependant, au mépris d'une intention si manifeste, se permettent, je ne dirai pas de publier, mais de dénaturer les propositions qui sont faites, ou les opinions qui sont émises dans ces réunions intimes. Parmi les nombreux exemples qui pourraient appuyer ce que j'avance, je choisirai le langage que plusieurs d'entre eux ont fait tenir à notre honorable collègue, M. de Salaberry. Paris

retenti, sur l'autorité de certains journaux, d'une proposition qui nous aurait été faite de supplier le Roi d'exclure des emplois publics, pour dix, vingt, trente années, certaines classifications de Français. Cette proposition n'a pas été faite, et quand elle l'eût été, elle n'eût pas dû être répétée. Notre honorable collègue a fait sentir une fois de plus la nécessité de compléter l'épuration annoncée à cette Chambre par un ministre dont elle honore la loyauté. Quoique cette vérité soit aujourd'hui assez généralement sentie pour que ses apôtres n'aient pas besoin d'apologie, je demande la permission d'ajouter un mot à toutes les considérations sur lesquelles elle a déjà été appuyée. Qu'on interroge la correspondance de tous les officiers dont se compose la police militaire du royaume, généraux, chefs de légion, prévôts, commandants de gendarmerie, et l'on verra si cette opération n'est pas unanimement sollicitée par eux, comme indispensable au maintien du bon ordre dans le pays qu'ils surveillent.

Les journaux travestissent donc des opinions qu'ils n'ont pas le droit de publier, même comme elles ont été émises. Et si, sans supposer même une mauvaise intention à leurs rédacteurs, les discours prononcés dans nos séances publiques sont souvent rendus avec une inexactitude que tant d'auditeurs pourraient attester, que doit-il arriver de ceux qu'on ne connaît que par une indiscrétion rarement à l'avantage de celui qui en est l'objet?

Le silence des journaux est donc indispensable pendant l'intervalle qui sépare un comité secret de la publication avouée des discours qui y ont été tenus.

J'établis ici une question d'intérêt public où je pourrais n'invoquer qu'un droit; car l'Angleterre, souvent citée, et suffisamment ombrageuse sur la liberté de la presse, n'a jamais laissé aux papiers publics une faculté qu'on ne peut envisager que comme un abus de confiance; elle a senti de plus, qu'en ce genre, le mal est fait avant que la fausseté soit reconnue. Ici, Messieurs, l'usage d'un droit est un devoir. Je propose donc à la Chambre de prendre les moyens qu'elle jugera les plus prompts et les plus efficaces pour qu'il soit interdit aux rédacteurs de journaux de publier aucun article relatif à nos comités secrets, avant que les opinions qui y ont été émises soient rendues publiques par la voie de l'impression.

Un membre dit que la proposition est conforme à l'esprit de la Charte et qu'elle doit être prise en considération; il fait observer cependant que les impressions ordonnées par la Chambre, autorisent en quelque sorte l'indiscrétion, ou du moins la rendent inévitable. Il pense que l'on ne peut imposer silence aux journaux que sur ce qui n'est point livré à l'impression.

La proposition est prise en considération et elle sera imprimée avec les développements. La séance est levée.

CHAMBRE DES DÉPUTES.

PRÉSIDENCE DE M. LAINÉ.

Séance du 30 mars 1816.

Le procès-verbal de la séance d'hier est lu et adopté.

L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du budget de 1816.

La délibération porte sur le titre X, relatif à l'organisation et à la dotation de la caisse d'amortissement.

M. Richard (1). Messieurs, jaloux d'acquitter, comme membre de la commission du budget, mon contingent au travail commun, je me charge d'examiner l'organisation de la caisse d'amortissement, dans ses rapports avec la restauration du crédit public. En présentant mes pensées nues, sans ornements et réduites à la plus simple expression, j'acquiers, par cette concision obligée, des droits à votre attention comme à votre indulgence.

Les citoyens sages proportionnent leurs dépenses à leurs revenus les gouvernements règlent leurs revenus sur leurs dépenses. Mais l'Etat, comme le simple citoyen, est exposé à des dépenses, imprévues qui dépassent ses revenus; et comme ces circonstances extraordinaires, telles que l'état de guerre, sont de nature calamiteuse, elles sont un obstacle à l'augmentation des impôts, en même temps qu'elles la nécessitent.

Pour remédier à cet inconvénient, l'Etat comme le particulier n'a que deux moyens : ou de se ménager des fonds d'économie en thésaurisant, ou d'emprunter. En thésaurisant on fait concourir le passé au secours du présent; en empruntant on y appelle l'avenir. De là une double système, qui a régi les finances de tous les gouvernements anciens et modernes : le système de thésaurisation, et le système de crédit public.

Chez les Grecs et les Romains, où l'intérêt de l'argent était à 12 p. 0/0, et où le système de crédit était inconnu, on thésaurisait. Les gouvernements despotiques de l'Asie, qui n'ont et ne peuvent avoir de crédit, thésaurisent. Les gouvernements modernes ont trouvé plus commode d'emprunter. Cependant Henri IV et Sully avaient thésaurisé. Frédéric, roi de Prusse, avait thésaurisé; et ce sont bien là aussi des autorités.

La thésaurisation a l'avantage d'inspirer le goût de l'économie, tandis que l'usage du crédit dispose à la prodigalité; et cela est vrai des gouvernements comme des particuliers. Mais la thésaurisation a le double inconvénient: 1o de soustraire à la circulation des capitaux nécessaires pour vivifier l'industrie, à moins que, comme Frédéric, on ne prête aux particuliers à un intérêt modéré les fonds en réserve dans le Trésor; 2o d'exposer ces économies à servir à un usage tout opposé à celui qu'on se proposait. Ainsi le trésor du temple de Delphes, provenant des dons de la Grèce entière, fut la proie des Gaulois. Ainsi le fameux Erarium populi à Rome, fruit des rapines exercées sur les nations asservies, devint entre les mains de César un puissant moyen de renverser le gouvernement de sa patrie. Ainsi, les économies du bon Henri

(1) Le discours de M. Richard est incomplet au Moniteur.

furent dissipées en vaines prodigalités sous la régence de Marie de Médicis.

Le système d'emprunt ou de crédit public vivifie l'industrie en accélérant la circulation des anciens capitaux et en créant en quelque sorte des capitaux nouveaux. Il est aujourd'hui tellement général en Europe, qu'il n'est donné à aucune nation de s'en passer.

Pour emprunter, il faut du crédit ou de la confiance; car crédit veut dire confiance. Mais la confiance repose sur deux bases principales, la possibilité de payer ou la solvabilité connue du débiteur, et sa volonté présumée. Celui qui a les moyens de payer, et qui ne le veut pas, peut encore y être contraint par des motifs qui modifient sa volonté. Mais celui qui est dénué des moyens de payer ne peut s'acquitter dans aucun cas, quelle que soit sa bonne volonté.

A la vérité, la loi qui contraint la volonté des particuliers, n'a point d'action sur la volonté des gouvernements. Mais à leur égard la loi est suppléée par leur intérêt bien entendu, par le besoin de ménager l'opinion, par le sentiment de l'honneur et de la probité; car les gouvernements ont aussi leur honneur et leur probité, qui résultent des sentiments particuliers du chef du gouvernement et des hommes qu'il honore de sa confiance.

Remarquez, Messieurs, que j'ai employé les expressions de solvabilité connue et de volonté présumée du débiteur comme bases du crédit. En effet, cette solvabilité résulte de ses biens et de ses capitaux objets physiques, palpables, susceptibles d'être connus et appréciés, et de fournir une donnée positive pour les calculs du prêteur. Mais la volonté de payer est une chose morale, changeante, recélée dans le secret du cœur, qu'il n'est pas facile de pénétrer et de connaître, ou de fixer par un calcul positif, mais qu'on peut présumer seulement ou soumettre à un calcul de probabilités.

Remarquez encore que ce n'est ni de la solvabilité ni de la fidélité passées du débiteur, dont le prêteur doit s'inquiéter le plus, mais de la solvabilité et de la bonne volonté présentes et futures. Il ne s'agit pas de savoir si le premier a précédemment fait honneur à ses affaires, mais s'il pourra y faire honneur dans la suite. Voilà pourquoi le plus honnête homme ruiné ne trouve pas un écu, tandis que le fripon enrichi jouit souvent d'un grand crédit.

Vous voyez que, des deux bases du crédit, la solvabilité est la plus positive, la plus étendue, la plus influente; et que la bonne volonté n'est qu'accessoire, plus incertaine et subordonnée à la première. Au lieu de prétendre, comme on l'a fait, qu'on a toujours les moyens de payer quand on en a la volonté, c'est la proposition suivante qu'il faut poser en principe: les gouvernements ont l'intérêt et la volonté de payer quand ils en ont les moyens.

Mais avant qu'on puisse se confier dans la solvabilité et la bonne volonté du gouvernement, il faut qu'on soit assuré de sa stabilité. Voilà pourquoi les révolutions et les inquiétudes sur le maintien du gouvernement sont, de toutes les causes, celles qui affectent le plus le crédit public, et les moyens les plus propres à le fonder sont ceux qui consolident le gouvernement. Si c'était le temps et le lieu, il serait facile de faire voir, par l'histoire des variations du crédit, dans les différents Etats de l'Europe depuis ving-cinq ans, qu'elles sont dans un rapport constant avec les circonstances, qui ont compromis leur existence

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