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suite moins considérable, une garde plus nom- 1." Ep. breuse entourait le trône. Les trois ordres, après de longs débats, semblent étonnés de se trouver ensemble. Le roi s'expliqua en peu de mots, et Pièces jà remit à son chancelier, le soin de développer le plan: c'était des parties incohérentes d'un tout tronqué, mutilé, réparé; quelques phrases de clémence, de bienveillance, d'amour; le discours se terminait par dire que si les ordres ne s'accordaient pas, le roi se chargerait seul du bonheur du peuple; ce qui était une menace de dissoudre les états; il finissait par leur enjoindre de se séparer et de se réunir immédiatement par ordre, pour délibérer sur le plan proposé. Les deux premiers ordres sortirent, le tiers resta en séance; cette attitude effraya; on essaya de le séparer, Le maître des cérémonies se présenta de la part du roi, et ordonna la levée de la séance. Après un silence assez long, sans se déplacer, Mirabeau dit, reportez à ceux qui vous envoient, ces paroles: On ne nous sortira d'ici que par la puissances des baionnettes. La délibération continua. Il est presque puéril de rapporter les petits moyens qui furent ensuite employés pour l'interrompre d'abord, on fit entrer dans la salle des ouvriers avec des outils, comme pour y faire des réparations; ensuite des détachements de gardes armés, traversèrent brusquement la salle. La délibération se prolongea dans quel

те

1. Ep. ques discussions sur la séance qui venait d'avoir 1789. lieu, et finit par un arrêté où les communes, persistant dans leurs arrêtés précédents, déclaraient qu'elles demeuraient dans l'état où elles étaient depuis leur constitution, c'est-à-dire, assemblée nationale : c'était à la fois refuser le plan proposé, et, par la persistance, proclamer, de fait, leur indépendance. Dès-lors il fut décidé que toute voie de conciliation était devenue impossible, l'assemblée connaissait sa force; la cour voulut faire l'essai des siennes. Necker était resté le seul qui eût pu encore rapprocher les esprits; son absence de la séance royale, lui avait rattaché les communes ; il avait cru devoir offrir au roi sa démission, et le peuple l'avait ramené, du château à son logement, en triomphe; il devint, dès ce moment, étranger à toutes les mesures qui furent prises; un conseil secret les dirigea, et le conseil du roi ne fut plus qu'une formalité.. On fit une armée; on appela le maréchal de Broglie; on forma un état-major de cour; on fit approcher des troupes dans les environs de Paris; on fit trop de démonstrations, si l'on voulait agir; et trop peu, si l'on ne voulait qu'en imposer. Le même esprit continuait à diriger la cour; une confiance aveuglée, une assurance extérieure, et une faiblesse d'exécution, qui montrait assez que le roi laissait aller les préparatifs, et se refusait constamment à en faire usage.

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Les moyens de défense n'étaient pas négligés. 1." Pp: De nombreux écrits échauffaient, exaltaient les esprits. Paris était devenu le centre des relations avec tout le royaume ; une population immense, de grandes richesses, le foyer des lumières, en faisait la capitale de l'opinion publique ; ce qui y était décidé, était reçu partout; 'ce qui s'y faisait, était partout imité : ce rôle s'est soutenu dans tout le cours de la révolution, et les essais d'opposition ont été rares, et funestes à ceux qui ont osé les tenter. Un événement imprévu avait déterminé l'esprit public contre la

cour.

Soit que la cour eût le projet de mettre un intervalle forcé aux séances, soit que l'on voulût seulement essayer l'autorité sans la compromettre, les députés, en se rendant à la salle, 20 juin. avaient trouvé les portes occupées par des gardes qui leur en refusèrent le passage; plusieurs le forcèrent et se réunirent dans une des chambres de comité d'autres restèrent, en tumulte, aux portes, en protestant hautement contre la violence. La foule se grossit; il y eut plusieurs scènes vives entre des députés qui voulaient entrer dans la salle, et les officiers des gardes, dont la consigne était d'en interdire l'entrée. Dès la veille, une proclamation affichée et publiée par des hérauts d'armes, avait averti que les préparatifs nécessaires à la séance que le roi

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I. Ep. devait tenir, exigeaient que les séances fussent interrompues; mais cette proclamation, vue comme insuffisante par les uns, ignorée par d'autres, n'empêcha pas de prendre un parti, dont l'éclat parut une généreuse résistance à l'autorité arbitraire, et fut vraiment telle pour un grand nombre de députés à qui on exagérait, ou qui s'exagéraient eux-mêmes les dangers.

Des mesures violentes, des entreprises contre la vie ou la liberté des députés, pouvaient être conseillées par l'emportement de quelques hommes sans principes et sans vues politiques; mais le parti le plus courtisan, le plus opposé aux libertés publiques, ne songea jamais qu'à diriger, dominer, conduire l'assemblée, et s'en servir; la détruire eût été casser leur instrument ces hommes n'avaient, ne pouvaient même se faire l'idée d'une force sans armes, d'une résistance d'opinion capable de faire tête à des armées, de soutenir tout contre elle, et de les disperser. Aussitôt que la clôture de la salle fut connue, le premier avis ouvert prévalut; le petit nombre des députés, qui s'étaient réunis dans un des bureaux, se rendit au Jeu de Paume, la parole passa bientôt, et tous les députés des communes s'y trouvèrent rassemblés. Un premier avis avait été de tenir la séance en plein air, devant les fenêtres de l'appartement du roi, et de l'inviter de s'y réunir.

L'enthousiasme

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L'enthousiasme se propage et s'augmente par 1. Ep. le rapprochement; l'exaltation de l'assemblée 1789. du Jeu de Paume était au comble. Le peuple, réuni aux portes, conjurait les députés de ne pas l'abandonner. Des soldats quittèrent leur troupe et leur poste pour venir garder l'assemblée; un député malade s'y fit porter : l'ordre dans lequel elle délibérait, ou plutôt dans lequel elle yota, tenait de l'urgence du moment. Tous les visages étaient radieux, tout les cœurs étaient dans la joie; les députés debout se pressaient en foule autour d'une table qui servait de tribune, et d'où fut prononcé la formule du serment, de ne se point séparer, et de se réunir partout où l'assemblée serait indiquée, jusqu'à l'achèvement de la constitution du royaume. Chaque député prononça le serment, et le signa; un seul refusa, et ne fut ni recherché, ni inculpé; le mouvement fut si rapide et si uniforme, qu'il ne laissa aucun trait particulier à remarquer. Le vœu était général, l'expression commune à tous; ce qui était voulu et fait, l'était en même temps et par tous à la fois; l'idée de danger, loin de ralentir, ajoutait à la détermination; on eût regretté l'illusion des périls, même exagérés; on aimait à les prévoir pour les braver. Jamais l'élan du patriotisme le plus pur et le plus dévoué, ne fut aussi général que dans cette journée célèbre ; l'influence fut

Tome I.

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