Page images
PDF
EPUB

du centre: ce grand quart de conversion pouvait se terminer à Vienne, et en approcha; alors ces trois grandes armées eussent occupé l'Allemagne, et se trouvaient disposées en colonnes par échelons pour garder leur communication avec la France.

La faute que fit Jourdan de découdre sa droite de la gauche de l'armée de Moreau et de la dépasser, rompit la ligne ; et, se trouvant hors de mesure, il fut battu et replié sur le Rhin. Cet échec obligea la retraite du centre, et eût entraîné celle de l'aile droite, l'armée d'ltalie, si la Suisse, alors neutre, n'eût permis à cette armée d'isoler ses opérations; et encore il ne fallut rien moins que le génie et la fortune de son général : mais il n'eût point été obligé de transiger avec elle à Campo-Formio, si nos armées d'Allemagne eussent pu suivre leur première destination.

Les détails militaires devront marcher

de front avec les événements politiques de l'intérieur, car leur influence a toujours été réciproque.

Toutes les actions de guerre, importantes par leurs résultats, seront rendues par des plans particuliers; les marchesmanœuvres, par des cartes topographiques, et les opérations combinées des armées seront réduites, sur des cartes géographiques, de manière à en présenter l'ensemble.

Cette guerre mémorable, et dont les annales militaires ne donnent pas un autre exemple; où des nations, rivales de valeur et de talents, se sont levées en masse, et se sont heurtées de tout leur poids; où tous les calculs politiques de population et de finance ont été dépassés; où toutes les probabilités ont été démenties, toutes les combinaisons de la puissance humaine déjouées; où la vraisemblance présumée a toujours été du côté opposé aux succès ; où la volonté,

ferme et prononcée, a tout dompté et suppléé à tout; cette guerre attendra encore un écrivain qui, séparant tous les événements civils et politiques, et se bornant à l'histoire militaire de la révolution, trace tous les détails de chaque position partielle, de chaque ordre de marche, de chaque affaire de poste, et donne ainsi une suite de leçons et d'exemples utiles aux hommes de guerre; mais dont eux seuls peuvent profiter. Ainsi ont été écrites les campagnes de Condé, de Turenne, de Luxembourg.

Ces grands développements de tactique et de strategique excluent nécessairement tout autre intérêt; et tout événement, autre que ceux de la guerre, en détournerait l'attention.

Le récit d'une campagne savante est la leçon de l'homme de guerre; l'histoire est l'école de tous les hommes.

Il est un devoir plus spécial pour l'historien dans un temps de révolution.

Lorsque des opinions ont divisé un peuple en partis, et surtout lorsque des intérêts l'ont subdivisé en factions, il est toujours resté une grande masse qui, ne partageant, ni les opinions des partis, ni les intérêts des factions, a conservé le dépôt de l'esprit public et du véritable civisme, qui n'est que le sentiment réfléchi de l'intérêt actuel et général : cet intérêt n'est pas fixe et invariable; il se modifie d'après les temps et les circonstances. Tel homme a changé d'opinion depuis 1790, qui cependant n'a pas changé de parti. Les événements qui forment la destinée des nations changent aussi leurs intérêts actuels, et par conséquent l'opinion des hommes probes et éclairés. La raison d'état est la raison politique, et la raison d'état n'a qu'une loi suprême, le salut commun. Cette raison a une expression propre, un langage, un style qui lui est propre, et qui doit être celui de l'historien à chaque

époque différente: pour montrer à la postérité l'époque qu'il décrit, il doit s'y placer; et son expression, son style, doivent être le style et l'expression de l'opinion saine du moment dont il écrit l'histoire; il doit parler toujours sa langue pure, mais contemporaine des temps qu'il décrit. Cette observation est nécessaire pour que l'historien ne soit pas accusé de changer de systême, ou (ce qui serait plus grave) de s'être fait un systême pour y rapporter tous les événements, et y trouver toutes leurs causes.

HISTOIRE

« PreviousContinue »