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AVERTISSEMENT

SUR

LES PIÈCES JUSTIFICATIVES.

PLUSIEURS des Pièces justificatives ci-jointes sont manuscrites; quelques-unes ont déja été imprimées toutes sont moins remarquables par leur rareté, que par leur liaison aux fàits, et par leur rapprochement des événements cités dans le texte.

les

Le but de l'Histoire est de peindre; et, sans mettre à sa dignité une importance trop scrupuleuse, il est cependant des détails qui interrompraient trop le fil des récits, et qui, souvent, par leur vérité, peignent mieux que grands traits toujours un peu vagues : ceux-ci donnent l'attitude et le caractère ostensible des personnages et des événements; les autres peignent mieux la physionomie, et lui donnent plus son expression, Notre style historique est comme

notre langue, trop délicat et trop susceptible. Les Latins disaient tout et nommaient tout; ils n'avaient pas, comme nous, deux idiomes; l'un, élevé et théatral; l'autre, familier et usuel. Nous traitons trop l'Histoire comme l'Épopée : elle marcherait mieux avec le brodequin qu'avec le cothurne dont nous la rehaussons; peut-être même doit-elle, pour peindre, se servir toujours des couleurs contemporaines : le style de l'Histoire du siécle de Louis XIV, ne doit être pas le même que celui de l'Histoire d'un temps de révolution populaire; il faut parler la langue du pays où l'on se trouve, et le langage de chaque siécle est un des traits qui en caractérise le tableau.

On ne trouvera donc placé ici en pièces justificatives ou en notes historiques, que ce qu'on n'a pas osé faire entrer dans le texte de P'Histoire, soit par ménagement pour notre extrême délicatesse, soit comme détails trop minutieux, selon nous. Souvent ce sacrifice a coûté, et sûrement il a terni la couleur. Dans une épo que où la langue même a subi des altérations, où des expressions nouvelles ont été admises,

où la nécessité de tout dire, comme de tout faire à la fois et à la hâte, obligeait à négliger les formes, pour ne s'occuper que du fond des sujets, il était inévitable que le Dictionnaire s'augmentât de volume en perdant souvent de sa pureté : il a cependant fallu se servir du Dictionnaire courant, sous peine de parler une autre langue, et de manquer ainsi un trait de la ressemblance.

Les nuances même ont été tranchantes; la langue de la convention ne fut pas la même que celle de la première assemblée : on ne s'occupa plus de pureté de style ni de l'élégance d'expression; et de plus, les mêmes orateurs n'eurent pas le même idiome à la tribune législative et à la tribune des jacobins. Il y a telle période de la révolution où la langue devint aussi, dure, barbare et féroce, et l'historien est obligé d'y forcer son style, comme un compositeur adapte sa musique aux paroles.

Il arrivera quelquefois que plusieurs pièces seront jointes sous le même chiffre de renvoi,

quoique n'appartenant pas précisément au même événement; alors le rapprochement, l'à-propos, la convenance, sont dans le rapport de circonstances semblables.

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JUSTIFICATIVE S.

INTRODUCTION.

No. I. (Page 5.)

Fragments du discours de Calonne aux notables, en 1787.

En général, l'économie d'un ministre des finances peut exister sous deux formes si différentes, qu'on pourrait dire que ce sont deux sortes d'économie.

L'une qui frappe tous les yeux par des dehors sévères, qui s'annonce par des refus éclatants et durement prononcés, qui affiche la rigueur sur les moindres objets, afin de décourager la foule des demandeurs. C'est une apparence imposante qui ne prouve rien pour la réalité, mais qui fait beaucoup pour l'opinion: elle a le double avantage d'écarter l'importune cupidité, et de tranquilliser l'inquiète ignorance.

L'autre, qui tient au devoir plutôt qu'au caractère, peut faire plus en se montrant moins; stricte et réservée pour tout ce qui a quelque importance, elle n'affecte pas l'austérité pour ce qui n'en a aucune; elle laisse parler de ce qu'elle accorde, et ne parle pas de ce qu'elle épargne; parce qu'on la voit accessible aux demandes, on ne veut pas croire qu'elle en rejette la plus grande partie; parce qu'elle tâche d'adoucir l'amertume des

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