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arrivé, en chantant et poussant des cris de joie, suivant leur usage; ils furent rencontrés par le guet à cheval, rue St.-Nicaise, précisément celle où était leur gite. Le guet, voyant ce petit attroupement, leur ordonna de cesser leur bruit et de se séparer. Ces gens, la tête échauffée, répondirent des sottises: le guet avança sur eux pour les faire séparer; alors ils levèrent leurs bâtons, et en frappèrent quelques cavaliers, qui, se sentant frappés, tombèrent sur eux à coups de sabre, et en blessèrent quatre, dont un dangereusement, qui a été transporté à l'Hôtel-Dieu.

M. le chevalier Dubois a fait mettre le brigadier qui avoit donné ordre d'aller dessus, en prison, et il sera puni, exemplairement, s'il ne peut pas pleinement justifier sa conduite.

Les obstacles de tous les genres s'élevèrent contre les vues du ministère ils forcèrent enfin à annoncer d'une manière positive la convocation des états-généraux. La première déclaration sur ce sujet

est du 8 août.

N. V. (Page 12.)

Arrêt du conseil d'état du roi, du 8 août 1788, qui fixe au premier mai prochain la tenue des états-généraux du royaume, et suspend, jusqu'à cette époque, le rétablissement de la cour plénière; extrait des registres du conseil d'état du roi.

Le roi, en ordonnant par l'arrêt de son conseil, du 5 juillet dernier, que les résultats prescrits audit

arrêt lui fussent remis dans les deux premiers mois de l'année 1789, sa majesté a voulu se mettre à portée de convoquer les états-généraux de son royaume, immé diatement après qu'elle se serait fait rendre compte desdits résultats; et elle ne pouvait choisir une époque plus rapprochée, puisqu'avant, et pour cette convocation, il était nécessaire d'assembler les états provinciaux dans les provinces où ils existent, de les rétablir dans quelques provinces où ils étaient suspendus, et de déterminer les préliminaires des élections, surtout dans les provinces réunies à la France depuis 1614; enfin, de prendre une saison plus commode que l'hiver pour le transport et la réunion des députés de toutes les parties du royaume. Depuis que cet arrêt a été rendu, sa majesté a pris des éclaircissements, tant sur le lieu que sur le temps auquel lesdits états - généraux peuvent être assemblés. Elle n'a pas encore déterminé le lieu où ils se tiendront; mais elle peut annoncer à ses sujets que leur assemblée est fixée au 1. mai prochain, et c'est avec satisfaction que sa majesté envisage le moment où elle se trouvera environnée des représentants de la nation généreuse et fidelle qu'elle a le bonheur de gouverner. Assurée de recueillir les heureux effets de leur zèle et de leur amour, elle jouit d'avance du consolant espoir de voir des jours sereins et tranquilles succéder à des jours d'orage et d'inquiétude ; l'ordre renaître dans toutes les parties, la dette publique être entièrement consolidée, et la France jouir, sans altération, du poids et de la considération que lui assurent son étendue, sa population, ses richesses et le caractère de ses habitants. Sa majesté a en même temps considéré que les étatsgénéraux devant être assemblés au 1.er mai; cinq mois au plus s'écouleront entre cette époque et celle à laquelle est fixée l'assemblée de la cour plénière dont elle

a ordonné le rétablissement; que pendant ce court espace de temps, et à la veille des états-généraux, aucune loi commune à tout le royaume ne serait envoyée à cette cour; qu'ainsi elle serait, pendant ces cinq mois, sans exercice et sans fonctions; et comme sa majesté est en même temps informée que le rétablissement de cette cour a excité, parmi un grand nombre de ses sujets, des alarmes et des inquiétudes, que sa bonté la portera toujours à calmer, lors même qu'elles sont sans fondement, elle a résolu de suspendre ce rétablissement jusqu'à la tenue des états-généraux, et d'attendre sur l'existence de cette cour, ainsi que sur sa composition et son pouvoir, les représentations qu'ils pourront lui adresser. Après avoir ainsi avancé et déterminé l'époque des états-généraux; après avoir suspendu, jusqu'à cette époque, le rétablissement de la cour plénière, sa majesté a la confiance que si, avec fermeté et constance, quoique avec les restrictions et modifications nécessaires et que peuvent exiger les besoins de certains ressorts et les priviléges de certaines provinces, elle continue à poursuivre, comme elle se le propose, l'exécution de ce qu'elle a ordonné pour la réformation de la justice dans son royaume, il ne restera aucun doute à ses sujets qu'elle ne soit uniquement occupée de leurs intérêts; c'est à eux qu'il importe que les juges soient rapprochés des justiciables; que les degrés des juridictions et les tribunaux ne soient pas indiscrétement multipliés; enfin, que le pauvre ne soit pas dans l'impossibilité d'obtenir justice par l'impossibilité d'y avoir recours. Aussi sa majesté ne négligerat-elle rien pour procurer ces avantages à ses peuples; et, fidelle au système dont l'intérêt public, encore plus que celui de son autorité, ne lui permet pas de s'écartér, elle ne tolèrera pas qu'aucun corps particuliers transgressent les bornes qui leur sont prescrites, en même

temps qu'elle se plaít à remettre la nation dans l'entier exercice de tous les droits qui lui appartiennent. A quoi voulant pourvoir, ouï le rapport, le roi étant en son conseil, a déclaré et déclare que les états-généraux de son royaume seront assemblés au 1. mai prochain, dans le lieu qui sera à cet effet déterminé par sa majesté. Ordonne de nouveau, sa majesté, que les résultats qu'elle a demandés par l'arrêt du 5 juillet dernier, lui soient remis au plus tard au terme prescrit par ledit arrêt, pour être, aussitôt après ladite remise, expédiées les lettres de convocation nécessaires ; et jusqu'à ce que lesdits états soient assemblés, sa majesté a suspendu et suspend le rétablissement de la cour plénière, ordonnée par l'édit du mois de mai dernier.

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Signé, LAURENT DE VILLEDeuil.

PREMIÈRE ÉPOQUE.

No. I. (Page 38.)

Discours du roi à l'ouverture des états-généraux.

MESSIEURS,

Ce jour que mon cœur attendait depuis longtemps, est enfin arrivé, et je me vois entouré des représentants de la nation, à laquelle je me fais gloire de commander.

Un long intervalle s'était écoulé depuis les dernières tenues des états-généraux; et quoique la convocation

de ces assemblées parût être tombée en désuétude, je n'ai pas balancé à rétablir un usage dont le royaume peut tirer une nouvelle force, et qui peut ouvrir, à la nation, une nouvelle source de bonheur.

La dette de l'état, déja immense à mon avénement au trône, s'est encore acerue sous mon règne; une guerre dispendieuse, mais honorable, en a été la cause; l'augmentation des impôts en a été la suite nécessaire, et a rendu plus sensible leur inégale répartition.

Une inquiétude générale, un desir exagéré d'innovations, se sont emparés des esprits, et finiraient par égarer to talement les opinions, si on ne se hâtait de les fixer par une réunion d'avis sages et modérés.

C'est, dans cette confiance, messieurs, que je vous ai rassemblés ; et je vois avec sensibilité qu'elle a déja été justifiée, par les dispositions que les deux premiers ordres ont montrées à renoncer à leurs priviléges pécuniaires. L'espérance que j'ai conçue de voir tous les ordres réunis de sentiments, concourir avec moi, au bien général de l'état, ne sera point trompée.

J'ai déja ordonné, dans les dépenses, des retranchements considérables. Vous me présenterez encore, à cet égard, des idées que je recevrai avec empressement; mais, malgré la ressource que peut offrir l'économie la plus sévère, je crains, messieurs, de ne pouvoir pas soulager mes sujets aussi promptement que je le desirerais. Je ferai mettre sous vos yeux la situation exacte des finances; et quand vous l'aurez examinée, je suis assuré d'avance que vous me proposerez les moyens les plus efficaces pour y établir un ordre permanent, et affermir le crédit public. Ce grand et salutaire ouvrage, qui assurera le bonheur du

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