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ART. 8994

CHAMBÉRY, 13 mai 1902.

SAIRIE-ARRÊT: 1o Débiteur DU DÉBITEUR; 2o, 3o OFFICE, CESSION, PRIX, CONSERVATION DU PRIVILÈge, terme, déchéance.

1o Le créancier peut, en exerçant les droits et actions de son débiteur, ainsi que l'autorise, d'une manière générale, à le faire, l'art. 1166 du C. civ., pratiquer une saisie-arrêt au préjudice du débiteur de son débiteur.

Et il n'est pas nécessaire au dit créancier de se munir à cet effet d'une subrogation judiciaire dans les droits de son débiteur. 2o Le vendeur d'un office ministériel, qui a concédé à son acquéreur terme pour le paiement, a, en cas de revente de l'office, le droit de former immédiatement et sans attendre l'échéance du terme, une saisie-arrêt pour la conservation de son privilège, sur le prix dû par le nouvel acquéreur,

3. Le cessionnaire du prix d'un office, en revendant lui-même cet office, diminue les sûretés garantissant la créance de son cédant, non intégralement payé de son prix, et encourt ainsi la déchéance du bénéfice du terme que celui-ci lui avait concédé pour se libérer (motifs).

-

(Joubert c. Guillon et autres.)

ARRÊT.

LA COUR ; Attendu que, par acte sous seing-privé du 1er juill. 1895, Joubert, alors huissier à Saint-Julien, a cédé son office à Dépotex pour le prix de 12,000 fr. payables, savoir: 2.000 fr. dans un an à partir de la prestation de serment du cessionnaire, qui a eu lieu le 15 juil. 1895, 4,000 fr. dans 3 ans, et 6,000 fr. dans 5 ans, avec intérêts à 5 0/0 ; que Dépotex a, par acte sous seing privé du 20 avr. 1898, cédé le même office à Guillon au prix de 13,009 fr. payables, 4,000 fr. le lendemain de la prestation de serment, et 9,000 fr. dans le délai de 10 ans, avec intérêts à 5 0/0 ;

que Joubert ayant pratiqué une opposition entre les mains de Guillon, ce dernier, par une inexcusable imprudence, paya entre les mains de Dépotex les 4,000 fr. immédiatement exigibles; mais que, par jugement du 15 février 1889, il a été condamné à payer une seconde fois cette somme entre les mains de Joubert et qu'il a exécuté cette condamnation; que par suite de ce paiement et de

quelques acomptes payés par Dépotex, la créance de Joubert contre ce dernier s'élève actuellement au chiffre de 7,104 fr. 36 d'après un compte qui n'est l'objet que des deux critiques qui seront ci-après examinées ; Attendu que par acte sous seing privé du 22 juin 1900, Guillon a cédé le même office à Michaud au prix de 11,500 fr. payables, 4,000 fr. le jour de la prestation de serment; 2,500 fr. trois ans plus tard, et le solde de 5,000 fr. à une date ultérieure ; que Joubert, déclarant exercer les droits de son débiteur Dépotex, a pratiqué à la date du 4 avr. 1901, entre les mains de Michaud, une saisie-arrêt à l'effet de conserver le privilège de Dépotex et obtenir le privilège de sa créance; que dans l'instance en validité de la dite saisie, il a mis en cause Dépotex pour faire juger contre lui qu'il est en droit d'agir en son lieu et place en vertu de l'art. 1196 du C. civ.; Attendu que Dépotex s'en rapporte à la justice, mais que Guillon demande la nullité de la saisie pour les motifs suivants: - 10 en thèse générale un créancier ne pourrait pas pratiquer une saisiearrêt au préjudice du débiteur de son débiteur ; 2o Dépotex ne pourrait pas pratiquer une saisie-arrêt, parce que la somme, qui lui est due, n'est pas exigible, et, par suite, Joubert, qui exerce seulement les droits de Dépotex, ne le peut pas davantage ;

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Sur le premier moyen : Attendu que l'art. 1166 du C. civ. dispose d'une manière générale que le créancier peut exercer les droits et actions de son débiteur; que l'exercice de ce droit est sans doute soumis à la double condition que le créancier ait intérêt à s'en prévaloir et que le débiteur néglige de l'exercer, mais que dans l'espèce, ces deux conditions sont réalisées ; que, l'intérêt de Joubert est évident, puisque sa procédure a pour but d'assurer le paiement d'une créance légitime qui sera compromise si la saisie est annulée ; que, d'autre part, la négligence de Dépotex résulte des conclusions mèmes par lesquelles il se désintéresse de la demande de son créancier ;

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que

Attendu qu'il n'est pas permis de déroger à la règle générale de l'art. 1166 qu'en vertu d'une exception écrite dans la loi ; les premiers juges, à la vérité, n'ont pas méconnu ce principe, mais qu'ils ont cru trouver une exception dans les art. 557 et suiv. du C. civ., qui, suivant eux, ne permettent, dans la procédure de la saisie-arrêt, que la présence de trois personnes, le saisissant, le saisi e le tiers-saisi et excluent le créancier du saisissant; mais qu'aucun texte de procédure n'autorise une semblable interprétation; que si la loi exige pour que la saisie-arrêt produise ses effets, la mise en cause des trois personnes ci-dessus, on ne peut en conclure que l'intervention d'une quatrième personne est impossible, lorsque

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les circonstances rendent cette intervention nécessaire ou utile ; Attendu qu'il n'est pas nécessaire à Joubert, comme le prétend l'intimé, de se munir d'une subrogation judiciaire pour exercer les droits de son débiteur; qu'une telle subrogation n'ajouterait rien au droit que Joubert tient de la loi elle-même, et n'aurait d'autre effet que d'entraîner des complications de procédure et des frais inutiles;

Sur le deuxième moyen : Attendu que, si d'une manière générale, il n'est pas possible de pratiquer une saisie-arrêt en vertu d'une créance non exigible, il n'en est pas de même dans le cas où c'est le vendeur d'un office qui saisit le prix de revente entre les mains du nouveau titulaire; — qu'en effet, ce vendeur n'a pas d'autre moyen de conserver son privilège, et, qu'au surplus, son cessionnaire, ayant par le fait de la revente diminué les sûretés qui garantissaient la créance, est par là même déchu du bénéfice du terme ; Que Dépotex pourrait donc demander la condamnation immédiate de Guillon au paiement de tout ce qui reste dû sur son prix, soit 9.000 fr. avec intérêts du 13 juill. 1898; Que Joubert exerçant les droits de Dépotex pourrait demander le paiement de son entière créance, soit 7.104 fr. 36 c., avec les intérêts arréragés; mais que, dans ces conditions, il admet que le solde de 9.000 frs ne sera dû qu'en 1908 et ne demande condamnation immédiate que pour les intérêts de ce solde à partir du 13 juil. 1898; Que par suite, il n'y a pas lieu de prononcer à son profit une plus ample condamnation;

Attendu que Dépotex demande à être crédité contre Joubert d'une somme de 1.330 fr., qu'il prétend lui avoir versée en dehors du prix apparent de son office; mais qu'il n'apporte aucune preuve ni aucune présomption à l'appui de sa prétention, que les circonstances de la cause rendent d'ailleurs invraisemblable; Qu'il y a lieu de le débouter purement et simplement, sans recourir à aucune mesure préalable d'instruction; Que Dépotex prétend avoir payé sur son prix une autre somme de 850 fr., en sus des acomptes reconnus par Joubert, mais que non seulement il n'apporte aucune justification, mais qu'au cours des plaidoiries, il a renoncé à soutenir sa demande ; Que ces deux chefs de conclusions étant écartés, la créance de Joubert doit rester fixée à 7.104 fr. 36, dans lesquels ne sont pas compris les intérêts courus depuis le 13 juill. 1900 ;

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Par ces motifs; Réformant et faisant ce que les premiers juges auraient dû faire : Dit que Joubert est créancier de Dépotex pour solde du prix de son offre de la somme de 7.104 fr. 36, sans préjudice des intérêts courus depuis le 13 juill. 1900; Dit que Dé. potex a, sur le prix de la cession d'office dû par Michaux à Guillon,

un privilège pour le solde restant dû sur le prix de la dite cession en capital et accessoires; Dit que ce privilège a été, valablement exercé par l'opposition que Joubert a pratiquée le 4 avr. 1901, en exerçant les droits de son débiteur Dépotex ; fixe à 9.000 fr. le solde en capital dû par Guillon, le dit solde exigible le 13 juill. 1908; etc.

MM. de Labusquctte, 1er prés.; Orsat, av. gén.; geois, Baron,

avocats.

Rosset, Bour

REMARQUE. I. Sur le premier point: La question est toujours très vivement controversée. Voy. les autorités en sens divers citées en note sous un arrêt en sens contraire de la Cour de Paris du 7 fév. 1902 (J. Av., t. 127, p. 141)

II. Sur le second point: De nombreux arrêts se sont prononcés dans le même sens que l'arrêt ci-dessus reproduit. Voy., notamment : Bourges 1er mars 1844 (J. Av, t. 72, p. 420); Paris, 26 avr. 1850 (J. Av., t. 76, p. 393; Caen 11 août, 1865 (J. Av. t. 91, p. 131); Poitiers 4 avril 1881 (D. P. 81. 2. 156); Caen 20 déc. 1896 (S. 97.2.213). Adde dans le même sens : Deffaux et Harel. Encyclopédie des huissiers, vo Office n° 317; Garsonnet Trailé théorique et pratique de procédure, t. 3, n° 594, p. 687: Aubry et Rau, Cours de droit civil français, t. 3, § 261, note 65; Roger, Traite de la saisie arrêt, no 118; Dodo, Saisie arrêt, no 29.

III. Sur le troisième point: Voy. en sens contraire Bourges. 18 nov. 1890 (D. P. 92.2.21).

ART. 8995.

ALGER (2me Cн.), 30 Mai 1902,

Désistement, FAILLITE, SYNDIC, ACTION, MOBILIÈRE, VALEUR INDÉTERMINÉE, AUTORISATION DU JUGE-COMMISSAIRE, TRIBUNAL DE commerce, HOMOLOGATION.

Lu Syndic d'une failtite ne peut valablement se désister d'une action par lui introduite en cette qualité qu'en se conformant aux régles prescrites par les art. 535 et 487 du C. com. pour la transaction; le désistement est assimilable à une transaction. Par suite le syndic d'une faillite demandeur dans une instance ayant pour objet des droits mobiliers d'une valeur indéterminée,

ne peut régulièrement se désister de ladite instance avec la seule autorisation du juge-commissaire; cette autorisation ne vaut qu'aprés homolagation du tribunal de commerce.

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(Hunt c. fallite Waills)

ARRÊT

LA COUR; Sur le moyen de nullité : - Attendu qu'il importe, tout d'abord, de donner acte à Prescott et Waills de ce qu'ils offrent le désistement purement et simplement et sans réserves spéciales; Sur l'irrecevabilité du désistement: Attendu qu'aux termes de l'art. 535 du C. com., les syndics de faillite peuvent transiger sur toute espèce de droits mobiliers et immobiliers appartenant aux faillis, en se conformant toutefois aux règles prescrites de l'art 487 du même Code; Attendu qu'aux termes de cet art. 487, si l'objet de la transaction est, comme dans l'espèce, d'une valeur indéterminée et si la transaction est relative à des droits mobiliers, elle n'est obligatoire qu'après avoir été autorisée par le juge-commissaire et homologuée par le Tribunal de commerce; - Attendu que le désistement doit être assimilé à une transaction; qu'il constitue même un acte plus grave que la transaction, car il implique de la part de celui de qui il émane l'abandon de ses prétendus droits sans aucune compensation; qu'il doit donc être assujetti aux mêmes formes que la transaction; Attendu que Hunt n'a pas dénié à l'audience que le desistement a été autorisé par le juge-commissaire de la faillite Wails; - Mais attendu que l'homologation du Tribunal de commerce n'est pas intervenue; que le désistement est donc irrecevable ;

-

Par ces motifs; Donne acte aux appelants de ce qu'ils offrent purement et simplement et sans réserves spéciales le désistement du 9 mai 1902; Dit ce désistement irrecevable, le rejette et ordonne qu'il sera conclu et plaidé à l'audience du 12 juin après mise en état de la cause, toutes parties présentes ou dûment réassignées ; Condamne Wails et Chapuis, ès qualités, ainsi que Prescott, aux dépens de l'incident.

M. Wurtz, pr.

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REMARQUE. Voy. dans le même sens; Cass. 23 févr. 1885 (S. 86, 1. 150; D. P. 85. 1. 283); Bioche, Dictionnaire de procédure, vo Désistement, no 32; A dde Glasson et Col met Daâge, Précis historique et pratique de procédure civile t. 1, p, 696. Sans prévoir spécialement le cas du désistement par un syndic de faillite, de l'action qu'il avait intentée, ces derniers auteurs émettent, en effet, l'avis général que pour la validité d'un

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