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créancier saisissant et les époux Rolland, parties saisies, il est intervenu, le 6 novembre 1901, un jugement de cette chambre qui statuant par défaut, faute de comparaître contre tous les défendeurs, a admis la revendication de la Dlle Germain et condamné Lambert à lui payer une somme de 50 fr. à titre de dommages intérêts; Attendu, que Lambert a formé opposition à ce jugement par acte du 12 février 1902, demandant que la Dlle Germain soit déboutée de sa ⚫ demande en revendication et en dommages intérêts; Attendu que

la Dlle Germain conclut à l'irrecevabilité de ladite opposition, par le motif que Lambert n'a pas appelé en cause les parties saisies : Attendu, de droit qu'il est de principe certain, en doctrine comme en jurisprudence, que dans tout proces de revendication d'objets saisis, le revendiquant, le créancier saisissant et la partie saisie doivent constamment se trouver en présence à toutes les phases de la procédure, et tant que le litige n'a pas reçu une solution définitive au regard de toutes les parties;

Attendu que Lambert soutient vainement que son opposition ayant pour effet de remettre les parties et la cause en l'état où elles se trouvaient avant le jugement de défaut, c'est à la Dlle Germain qu'incombe l'obligation d'appeler en cause les parties saisies, en vertu de l'art. 688 du C. proc. civ.; que l'opposition ne remet les choses en l'état antérieur au jugement entrepris que si elle est régulière, et qu'elle n'a ce caractère qu'autant qu'elle lie le débat entre toutes les parties qui doivent nécessairement y figurer, de manière que le tribunal soit valablement saisi du litige; - Attendu que c'est par le fait de Lambert que le débat qui avait reçu une solution s'ouvre à nouveau ; qu'il appartient à celui qui rouvre une procédure de mettre en cause toutes les parties qui doivent nécessairement y figurer; Attendu que Lambert, en laissant en dehors de l'instance les saisis dont la présence est indispensable, n'a pas saisi valablement le tribunal, et que, par suite, il échet de le [déclarer non recevable dans son opposition;

Par ces motifs;

Déclare Lambert non recevable en son opposi

tion, l'en déboute et le condamne aux dépens.

MM. Rouyer, pr. ; X..., subst.; Moisson et Monteux, av.

REMARQUE.

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Voy. dans le même sens: Rennes, 28 mars

1901 (J. Av., t. 126, p. 374) et la note..

DOCUMENTS LÉGISLATIFS

ART. 8970

OFFICES MINISTÉRIELS, VÉNALITÉ, SUPPRESSION.

Proposition de loi ayant pour objet l'abolition de la vénalité des offices ministériels, présentée au Sénat par MM. G. CLÉMENCEAU, Delpech, BEAUPIN, BIDAULT, BÉRAUD, COCULA, BÉzine, Mèric, DESMONS, BONNEFOY-SIBOUR, PETITJEAN, séna

teurs.

EXPOSÉ DES MOTIFS (1).

Historique de la vénalité des offices en France.

I

Comme beaucoup de nos institutions, la vénalité des charges ne fut d'abord qu'un expédient. Établie officiellement au xvIe siècle, elle était, depuis longtemps, de fait. Elle avait naturellement germé du principe même de la féodalité, c'est-àdire de la confusion des idées de propriété et de souveraineté. Tout dérivant du droit de propriété, tout était nécessairement vénal.

"

La justice, elle-même, n'était qu'une source de revenus qui ne pouvait manquer d'être affermée comme les autres. C'est à tort que Loyseau, dans son Traité des Offices, invoque, pour expliquer l'origine de la vénalité, « l'avarice des ducs « et comtes qui, ayant rendu les offices de prévôts, vicomtes, châtelains, viguiers, patrimoniaux, et les ayant convertis en seigneuries, non seulement se déchargèrent d'exercer « eux-mêmes la justice, mais aussi convertirent cet exercice « et les émoluments d'iceluy en fermes patrimoniales. » D'autant que prévôts, vicomtes, châtelains et viguiers faisaient tout comme les ducs ou du moins y tâchaient. Il n'était pas besoin d'être avare. On faisait valoir son domaine, voilà tout.

Propriétaires eux aussi, les rois de France firent comme les autres propriétaires. Ils affermèrent leurs offices, ceux de justice comme le reste. Mais les rois n'étaient pas seulement propriétaires en même temps que propriétaires, ils étaient rois. A ce titre, ils incarnaient l'antique conception romaine de l'État. En eux, le souverain tendait à se dégager du propriétaire. Et ce que le propriétaire revendiquait comme un

(1) Le texte de la proposition de loi elle-même a déjà été publié suprà, art. 9600.

droit, le roi ne pouvait le considérer que comme une atteinte à sa puissance souveraine.

De là, dans l'histoire de la vénalité, le contraste frappant entre la pratique et la théorie. Chaque édit qui met en vente un office, s'ouvre par un préambule qui condamne la vénalité. Ce n'est jamais qu'à son très grand regret et déplaisir, comme on lit dans l'édit du 1er août 1546, que le roi se résigne à la vente de ses offices. Mais « l'urgente nécessité de ses affaires » l'y oblige. Elle l'y obligera jusqu'à la Révolution. De bonne heure, cependant, tous les vices du système étaient apparus. Un vieil auteur, cité par Loyseau, écrit en latin que, grâce à la vénalité, les pauvres étaient opprimés, << les riches maîtres de tout faire à leur bon plaisir, et les << voleurs impunis. » Saint-Louis avait dû supprimer la vénalité de la charge de prévôt de Paris, tant elle était mal administrée, « pour ce qu'elle était donnée en ferme à des marchands » disent les chroniques de Saint-Denis. Si peu avouable en doctrine était la vénalité, que Boniface VIII allait prendre prétexte de ce que Saint-Louis l'avait pratiquée pour s'opposer à la canonisation de l'aïeul de Philippe le Bel.

Saint Louis avait pourtant fini par interdire formellement la vénalité, du moins pour les offices de juge en 1256. « L'urgente nécessité » de leurs affaires ne tarda pas à amener ses successeurs à la rétablir. « Le xive et le xve siècles, « écrit << M. de Crozals dans son intéressante étude sur la vénalité des « offices, ont vu vingt fois la vénalité flétrie et remise en vigueur. »

Les premiers Etats Généraux n'avaient pas manqué de la dénoncer. La Grande Ordonnance rendue à la suite de la réunion des Etats en 1356, interdit expressément au titulaire d'un office de le transmettre moyennant finance. Mais, dix ans après, Charles V rétablit le régime des fermes. Dès lors, la vénalité tend de plus en plus à devenir la règle. Les Etats de 1484, en réclament bien la suppression, et l'ordonnance de Blois, de mars 1498, consacre, pour les charges de judicature, le principe de l'élection. Mais la vénalité est maîtresse des « mœurs. Condamnée par tous ceux qui pensent, dit M. de Crozals, pratiquée par tous ceux qui disposent des char«ges ou font effort pour y parvenir, la vénalité va devenir << la base du droit nouveau. »

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Louis XII en avait retiré « de grandes pécunes » selon le mot de Nicole Gilles. François 1er la consacre par l'établissement, en 1522, du Bureau des parties casuelles où les offices se vendirent au plus offrant Ce ne fut pas, à vrai dire, sans quelque scrupule encore. Théoriquement, il fut stipulé que ce n'était pas de vente qu'il s'agissait, mais d'emprunt

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seulement. « J'entends les choses avoir été faites comme si « c'eût été sans argent », disait François Ier. Ceux qui avaient payé ne pouvaient l'entendre de même. Bientôt, d'ailleurs, le roi lui-même ne prendra plus la peine de dissimuler. Sous Henri II, les ventes d'offices se multiplient.

Un suprême et vigoureux effort fut alors tenté pour enrayer le triomphe définitif de la vénalité. Aux Etats-Généraux de 1560, les trois ordres furent unanimes à en réclamer la suppression. Le Tiers surtout se montra véhément : « Le « Ministère des Juges, leur juridiction et distribution de jus<tice n'est autre chose qu'une boutique avait dit l'avocat Grimaudet, dans l'assemblée préparatoire du Tiers-Etat d'Angers.

Le Chancelier L'Hôpital proclama « les offices hors du commerce des hommes, choses saintes et sacrées ». En doctrine, comme en fait, L'Hôpital condamnait la vénalité, établissant qu'aliéner ce qui est l'attribut essentiel de la souveraineté, c'est abdiquer la souveraineté elle-même.

Il la condamnait en doctrine, parce que « la Justice est un < don du ciel », qu'elle est « l'œil du corps politique », parce qu'il faut tenir « pour maxime indubitable que le prince << souverain est débiteur de la justice à son peuple, que ju« ger et régner. c'est même chose », parce que « les Roys << ont été élus premièrement pour faire la justice et n'est acte <tant royal faire la guerre que faire justice.

En fait, parce que « quiconque achète, ne songe qu'à se <rembourser ». D'où le mauvais fonctionnement des offices acquis à prix d'argent. « On a faittant et tant de fois pratiqué « cette recette, disait encore l'Hôpital, que le nombre des « officiers, lequel, avant cette misérable vénalité, était tolé<rable, est énorme et insupportable, parce que l'ambition et « l'avarice de plusieurs, voyant la porte ouverte par argent << aux plus grandes charges et dignités, et même aux offices « de judicature, n'a rien épargné pour y parvenir. Et, y << étant entrés par cette maudite porte, Dieu sait ce qu'ils ont << fait et feront tous les les jours pour se rembourser, esti« mant qu'il n'en faut non plus faire conscience que l'on n'en « a fait de prendre leur argent ès-parties casuelles... On a <tant multiplié les offices par crues nouvelles tant en compagnies souveraines que subalternes, qu'il n'ya chambre, coin, << recoin au palais, grands ou petits qui ne soient employés pour « loger les Juges et autres officiers qui dépendent d'eux. Et « néanmoins on n'en peut tant créer, ni mettre en vente, qu'il << ne se trouve aussitôt des acheteurs qui vendent leur patri« moine, engagent le bien de leurs femmes, de leurs enfants, de « leurs amys, prennent argent à intérêt et ne font aucune dif

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« ficulté d'enlever cette marchandise, sur l'assurance qu'ils ont << de s'en rembourser bien vite aux dépens de ceux qui passeront par les mains de ces véritables marchands d'offi‹ ces » (1).

Et l'Hôpital concluait qu'une telle pratique était un opprobre suffisant pour ruiner la monarchie. L'effort des Etats, le courage et l'éloquence de L'Hôpital furent vains. L'ordonnance de Moulins, décembre 1560, rédigée par le Chancelier, avait tenté de restreindre la vénalité. Dès juin 1568, un nouvel édit détruisait l'œuvre de L'Hôpital et même aggravait le mal. Jusque là, les offices acquis par vénalité n'étaient que viagers. Les offices vont devenir héréditaires.

Les Etats de 1576 tenteront bien un suprême assaut contre la vénalité. L'ordonnance de Blois l'interdit sous des peines sévères. Elle enlève au vendeur et à l'acheteur l'office qui aura fait l'objet d'un marché. Elle les frappe d'une amende double de la valeur de l'office, Elle punit même, outre l'acheteur et le vendeur, tous ceux qui ont pris part à la transaction. L'énergie du remède permet de mesurer l'étendue de la contagion. L'ordonnance de Blois n'eut jamais d'autre utilité. Aussi bien la vénalité commence à trouver des théoriciens pour la défendre. Les critiques dirigées contre elle s'inspirent moins désormais de la considération du bien public que de l'égoïsme des compétitions de classe. Maintenant, c'est surtout la noblesse, et, avec la noblesse, le clergé qui font le procès de la vénalité. Aux Etats de Blois, le clergé réclame la gratuité des offices et la noblesse va jusqu'à demander qu'on inflige des châtiments corporels à ceux qui achètent des offices de judicature (2).

Le Tiers continue bien, lui aussi à protester contre la vénalité. Mais il ne proteste plus que mollement. C'est que le Tiers est, sinon le seul, du moins le mieux préparé à tirer parti de la vente des offices. « Le haut prix des charges, explique Augustin Thierry (3), en écartait la noblesse, dont << une partie était pauvre et dont l'autre était grevée de substitutions ». Ainsi, dans une certaine mesure, la vénalité rétablissait au profit du Tiers l'équilibre que la faveur faisait pencher au bénéfice des autres ordres. L'intérêt de toute la fraction opulente et ambitieuse de la bourgeoisie conspirait, avec les embarras financiers de la royauté, à maintenir et à développer la vénalité » (4).

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(1). L'Hôpital. Traité de la réformation de la justice et Harangue prononcée à l'ouverture des Etats de 1560.

(2) De Crozals: La vénalilé des offices de judicature.

(3) Augustin Thierry Histoire du Tiers Etat.

(4) De Crozals.

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