Page images
PDF
EPUB

LE

DROIT DES GENS,

OU

PRINCIPES

DE LA LOI NATURELLE,

APPLIQUÉE A LA CONDUITE ET AUX AFFAIRES DES NATIONS
ET DES SOUVERAINS,

PAR M. DE VATTEL.

Nouvelle Edition,

AUGMENTÉE, REVUE ET CORRIGÉE, AVEC QUELQUES REMARQUES
DE L'ÉDITEUR;

PRÉCÉDÉE D'UN DISCOURS

SUR L'ÉTUDE DU DROIT DE LA NATURE ET DES GENS, PAR SIR JAMES MACKINTOSU,
MEMBRE DU PARLEMENT D'ANGLETERRE,

TRADUIT DE L'ANGLAIS

PAR M. PAUL ROYER-COLLARD,

Avocat à la cour royale de Paris, et professeur de Droit des gens à la Faculté de droit

SUIVIE

D'UNE BIBLIOGRAPHIE SPÉCIALE

DU DROIT DE LA NATURE ET DES GENS, EXTRAITE DES OUVRAGES
DE CAMUS, KLUBEN, ETC.

TOME PREMIER,



A PARIS,

CHEZ J.-P. AILLAUD, LIBRAIRE, QUAI VOLTAIRE, No 11.

[ocr errors]

A RIO DE JANEIRO,

CHEZ SOUZA, LAEMMERT ET Cie.

[merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][ocr errors]

AVANT de commencer une série de leçons sur une science aussi vaste et aussi importante, je crois devoir faire connaître au public les raisons qui m'ont déterminé à entreprendre un semblable travail, et présenter un exposé rapide de la nature et des objets du cours que je me propose de faire. Les premières années de la profession que j'ai embrassée laissent ordinairement un loisir que des hommes laborieux, même avec des talents médiocres, pourraient souvent employer d'une manière qui ne fût ni dénuée d'intérêt pour eux, ni complètement inutile pour les autres; j'ai toujours été décidé à ne pas consumer lâchement ce loisir dans une infructueuse inaction. Dans ce but, j'ai cherché soigneusement à remplir un temps aussi précieux d'une manière utile à la société, autant que ma faible capacité pourrait me le permettre. J'étais convaincu depuis long-temps que le meilleur moyen d'enseigner les éléments d'une science quelconque consistait dans l'usage des leçons publiques, usage adopté dans presque tous les lieux et tous les âges; qu'un semblable exercice, plus que tout autre, a pour effet de réveiller l'attention du disciple, d'abréger ses travaux, de le guider dans

2080325

ses recherches, de lui sauver l'ennui des études solitaires, et de graver dans sa mémoire les principes de la science. Je ne voyais aucune raison de ne pas appliquer ce mode d'instruction au Droit anglais; je ne comprenais pas comment cette science, aussi bien que toute autre, ne pourrait pas profiter de ce genre d'enseignement. Mais déjà un de mes savants compatriotes avait entrepris cette tâche *, et il persévèrera, je n'en doute pas, dans ses utiles travaux. Loin de moi la pensée d'anticiper sur son domaine. J'ai jeté les yeux sur une autre science étroitement liée avec toutes les études judiciaires, et qui a été pour moi le sujet de beaucoup de lectures et de méditations; j'ai pensé qu'une série de leçons sur cette matière serait d'abord une excellente préparation à l'étude du Droit anglais, qu'on pourrait en outre les faire entrer dans le cadre de l'instruction commune, à raison de l'intérêt qu'elles offriraient même à ceux qui ne se destinent pas à la carrière des lois. J'ai été confirmé dans mon opinion par l'approbation de plusieurs personnes qu'il ne vaut pas la peine de nommer ici, mais dont l'assentiment ajouterait quelque poids à la vérité, et pourrait même jusqu'à un certain point justifier l'erreur. Soutenu par leurs encouragements, je me suis déterminé à commencer sans délai l'entreprise que je vais exposer. Je pourrais prévenir ou réfuter les observations de ceux qui me reprocheraient peut-être de m'écarter de la ligne commune de ma profession; mais je me bornerai à remarquer que ces mêmes hommes ne m'auraient demandé aucun compte de mon loisir, si je l'avais employé à des bagatelles, ou même si je l'avais perdu dans la dissipation: par conséquent je ne m'excuserai pas de l'avoir consacré à des travaux raisonnables et utiles.

*

La science qui fait connaître les droits et les devoirs

Voyez le Programme d'un cours sur le Droit anglais, ouvert à Lincoln's Inn, par M. Nolan. Londres, 796.

des hommes et des États, a été appelée dans les temps modernes le Droit de la nature et des gens. Sous ce titre sont compris tous les principes de la morale, en tant qu'ils règlent la conduite des individus entre eux dans les différentes relations de la vie; en tant qu'ils déterminent la soumission des citoyens aux lois, et l'autorité des magistrats, soit dans la législation, soit dans le gouvernement; en tant qu'ils fixent les rapports des Nations indépendantes dans la paix, et qu'ils mettent des bornes à leurs hostilités dans la guerre. Cette science importante n'embrasse que la partie de la morale privée qui est susceptible d'être réduite à des règles générales et invariables. Elle ne renferme que ces principes généraux de jurisprudence et de politique que la sagesse du législateur adapte à la position spéciale de son pays, et que l'habileté de l'homme d'État applique aux circonstances infiniment incertaines et variables qui intéressent immédiatement le bien-être et le salut de la société. « Il y a dans la nature des sources de justice << d'où toutes les lois civiles découlent comme des ruis«seaux, et de même que les eaux prennent la teinte et « le goût des différents terrains qu'elles traversent, << ainsi les lois civiles varient avec les régions et les gou<< vernements des diverses contrées, quoique provenant « des mêmes sources *. » BACON, Dign. and adv. of

learn.

Quant aux questions de morale, de politique et de droit civil, cette science se borne à exposer les vérités fondamentales dont l'application particulière est aussi variée que les détails de la vie publique et de la vie privée des hommes, d'indiquer les sources de la jus

*Cette pensée est si noble, que l'inexactitude de la métaphore ne m'a pas empêché de la citer. M. Hume l'avait sans doute présente à l'esprit, lorsqu'il écrivait un morceau remarquable de ses ouvrages. Voyez HUME's Essays, tome 2, pag. 352. Edition de Londres, 1788.

« PreviousContinue »