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« J'ai eu l'honneur d'être présenté à Sa Sainteté, par « M. le cardinal Fesch, écrit Alquier au lendemain de « son arrivée, et d'après la conversation très animée qui «<eut lieu entre le pape et le ministre de France, il me <«<fut aisé de voir qu'il serait au moins très difficile «d'amener la cour de Rome à consentir aux mesures « que l'empereur veut exiger d'elle.

« Je dois rendre compte d'une partie de l'entretien. « dont je fut témoin.

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Nous étions à peine entrés chez le pape, que «M. le cardinal prit la parole et lui dit : « Je pars pour « Paris, je prie Votre Sainteté de me donner ses com<<< missions.

« Je n'en ai point à vous donner, répondit le pape. «Je vous charge seulement de dire à l'empereur que,

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quoiqu'il me maltraite beaucoup, je lui suis toujours « très attaché, ainsi qu'à la nation française. Répétez « lui que je ne veux entrer dans aucune confédération, « que je veux être indépendant, parce que je suis souve<< rain; que s'il me fait violence, je protesterai à la face « de l'Europe et que je ferai usage des moyens temporels <«<et spirituels que Dieu a réunis entre mes mains.

<«< Votre Sainteté, répliqua M. le cardinal, devrait se « rappeler qu'elle n'a pas droit de faire usage de l'auto«rité spirituelle, dans les affaires présentes de la France « avec Rome.

Le pape demanda d'un ton très élevé à M. le cardi <<nal où il prenait cette opinion? Ce fut alors que je crus

dernière disposition, un nouveau témoignage de satisfaction « sur la manière dont Votre Éminence a suivi toutes les affaires « qui lui étaient confiées... »

20 mai 1806.

« devoir me retirer, afin de ne pas être plus longtemps «< témoin d'un entretien qui commençait sur un ton <<< aussi vif1. »

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Mais, si l'entretien manquait de courtoisie, il faut reconnaître que les instructions données tant au cardinal qu'à son successeur étaient plus que rigoureuses ou tout au moins conçues dans des termes difficiles à accepter.

« Les relations du Saint-Siège avec Sa Majesté, écrit-on « à Alquier, doivent être celles qu'il a eues avec les <«< empereurs français qui fondèrent l'empire d'Occi« dent.....

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« Pour le pape, je suis Charlemagne, parce que, comme Charlemagne, je réunis la couronne de France à « celle des Lombards et que mon empire confine avec « l'Orient. J'entends done que l'on règle avec moi sa «conduite sur ce point de vue. Je ne changerai rien « aux apparences, si l'on se conduit bien. Autrement. « je réduirai le pape à être évêque de Rome. Il n'y «a rien en vérité d'aussi déraisonnable que la cour de << Rome ..... >>

«Le Saint-Siège ne peut plus espérer que les souve«rains renoncent à faire usage de leurs droits par crainte « des foudres spirituelles. Ces armes étaient celles du « douxième siècle. Si Louis IX, prince rempli de piété ne s'est pas laissé imposer par ces sortes de menaces, dans « un temps où il y avait encore quelque courage à leur

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1. Alquier au ministre des affaires étrangères, Rome, le 17 mai 1806.

2. Lettre à Alquier, 20 mai 1806.

3. Correspondance de Napoléon Io, t. XI, p. 528.

« résister, elles n'auraient pas aujourd'hui plus d'effica«< cité et ne feraient qu'attirer de nouveaux dangers au «Saint-Siège..... »

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« L'empereur veut tout finir, mais ce sont surtout les affaires temporelles qui lui importent. Il attache fort peu d'importance aux tracasseries spirituelles. Elles << n'inquiètent que les princes faibles dont elles troublent <«la conscience, et l'empereur n'est pas un de ces << princes-là.

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Rappelez-vous qu'il ne peut pas être question des « affaires spirituelles de France. L'église gallicane a ses privilèges et aucun schisme ne la divise. Son clergé est tranquille; ses membres honorent et bénissent l'em«pereur. Ils sont comblés de ses bienfaits. L'empereur <<<est satisfait de leur zèle et de leur dévouement. Les évêques de France ne demandent rien au pape, n'at«tendent rien de lui et l'intervention du pape dans les << affaires ecclésiastiques de France, cette intervention «que personne ne désire et ne réclame, ne pourrait « avoir qu'une influence funeste.

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« L'empereur a été bien au delà des obligations que <«<lui imposait le concordat. En cela, il a obéi au « mouvement de sa conscience et à son vou de servir «la religion. Les desservants des succursales, les cha

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noines, les vicaires des paroisses sont soldés; des sémi«naires sont dotés. Plus de quarante millions sont annuellement employés par l'empereur pour l'entretien « du clergé et l'empereur n'avait rien promis. L'empe«reur est en France le protecteur, le bienfaiteur de l'Eglise, honore et fait honorer la religion.

1. Note à Alquier, 16 juin 1806.

<< Dans les affaires d'Italie, il y a trois points qui peu« vent être des sujets de contestation. Les moines sont les premiers. La volonté de l'empereur à cet égard est « tellement prononcée qu'il n'a rien à demander au pape. << Il détruira les moines partout où il étendra sa domina«<tion. Il les supprimera par la force de ses lois; et, sicela <«<< devient pour lui un sujet de tracasserie, il fera dispa«raître les moines de Rome même et de toute l'Espagne. « Ce n'est pas sur les moines qu'est fondée la reli<«<gion qui a existé et fleuri longtemps avant leur insti«tution.

« ... Si le pape se rend à ses voeux, l'empereur con«sentira à accepter de lui le titre de roi et d'empereur « des Romains, supposant que cela est agréable au pape « et à l'Église et ne voulant user de ce titre que pour le << bien-être de Sa Sainteté, la tranquillité de Rome et la « gloire de l'église.

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« Dans le cours de la discussion, si vous êtes dans le <«< cas d'en suivre une, vous devez passer le moins de << notes possible; elles ne doivent être relatives qu'aux « affaires temporelles; qu'elles soient écrites de manière << à pouvoir au besoin être publiées et à laisser au Saint« Père tout le tort de l'inflexibilité dans ses refus. Ne le «< considérez jamais alors que comme souverain tempo<< rel; répétez sans cesse que ce n'est pas avec le souve«rain pontife, avec le chef de l'Église que vous entrez «<en discussion. Saint Pierre et saint Paul n'étaient pas souverains et Jésus-Christ qui a dit que son royaume « n'était pas de ce monde, a dédaigné d'être roi de Jéru«salem. Enfin, lors de la proclamation de la république << romaine, les cardinaux assistèrent tous au Te Deum, chanté à cette occasion. preuve qu'ils ne considéraient

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«pas comme de droit divin la réunion d'un empire tem

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Mais autre chose était de rédiger de pareilles instructions et de les faire accepter. Alquier se heurtait contre une force d'inertie inébranlable.

«J'ai dit, écrit-il, tout ce qu'il fallait pour démontrer « combien la résolution de Sa Sainteté, de ne pas recon<«naître le roi de Naples, insoutenable et absurde en

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principe, était contraire au respect dû à Sa Majesté, et <<mal assortie à son caractère connu. Il m'a été impos«sible d'obtenir qu'on revînt sur cette folie. J'ai voulu « tenter un dernier effort et voir le pape, afin de juger « par moi-même de l'intensité de sa résistance et de la <«< vaincre s'il était possible. Je sors de chez lui. Aux <«< observations pressantes que j'ai faites à Sa Sainteté, << pour l'éclairer sur les résultats de la détermination qu'elle a prise, elle a répondu en ces termes :

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« J'ai fait jusqu'ici tout ce qu'a voulu l'empereur, et «Sa Majesté n'a pas cru devoir observer les promesses

qu'elle m'avait faites. Si je cédais aujourd'hui à ce que << vous me demandez en son nom, je n'échapperais pas <«<au danger dont je suis menacé. En effet, on déclare « dans les notes adressées à mon légat, que si je ne « reconnais pas le roi de Naples, l'empereur ne reconnaitra pas ma souveraineté, et je vois dans les lettres. particulières de Sa Majesté et dans plusieurs pièces officielles qu'on ne me regardera plus comme souve<«< rain, si je n'accède pas au système fédératif, et si je ne

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1. Note à Alquier, 1806.

2. Lettre d'Alquier, 11 juin 1806.

311.

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