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la maison. Le prince Achille 1 était parti pour prendre part au mouvement insurrectionnel qui venait d'éclater en Andalousie. Il resta quelques mois à Cadix, et n'eut que le temps de s'embarquer pour échapper à la vengeance de Ferdinand. Ce fut en Amérique qu'il chercha refuge et fortune... Au mois de décembre, son frère vint l'y rejoindre.

« C'est un grand bonheur pour la mère, à laquelle ce jeune homme avait aussi causé du chagrin, » conclut madame Maret.

A cette date, la sœur, la belle Paulette, la nymphe de Talleyrand, s'éteignait doucement dans son palais de Rome. Depuis la catastrophe, elle errait à l'aventure, courant après les plaisirs, le soleil et la santé, trois choses qui ne se rencontrent guère souvent ensemble ici-bas.

En 1818 et 1819, elle était aux bains de Lucques. Elle faillit même y mourir. A peine rétablie, elle se mit à réorganiser sa maison et à recevoir comme par le passé, surtout les étrangers. Elle chargea lord Gower de vendre ses diamants. Elle avait renvoyé son intendant, sorte de factotum, Saxon d'origine, le baron de Lindt, et l'avait remplacé par M. de Hautmesnil, l'ancien intendant d'Élisa et de Caroline. Mais cette accalmie fut de peu de durée. Dès l'année 1822, la maladie l'avait reprise et, cette fois, pour ne plus la quitter.

<< Je suis bien souffrante, écrit-elle à Lucien, le 17 dé«cembre 1823. Le froid me fait bien mal et les méde«cins me défendent de sortir le soir et même le jour, « excepté quand il fait bien beau3. »

((

1. Murat (Napoléon-Achille), né en 1801, mort aux États-Unis en 1841.

2. Murat (Napoléon-Lucien-Charles), né en 1803.

3. Pauline Bonaparte à Lucien. Rome, 17 décembre 1823.

Dix-huit mois plus tard elle s'éteignait à Rome.

«Pauline est morte, » écrit Jérôme, puis il ajoute : « Tout a été comme nous voulions relativement aux «restes de Pauline. Demain elle sera ensevelie dans <«< sa chapelle, où elle sera transportée à minuit d'une « manière toute privée... »

Elle venait d'entrer dans sa quarante-cinquième année. Au commencement de l'année 1830, des huit enfants de Charles Bonaparte trois étaient donc morts, Napoléon, Élisa et Pauline.

Joseph et les Murat habitaient les États-Unis, Lucien demeurait près de Bologne, Louis et Jérôme étaient à Rome, Caroline à Trieste.

L'impératrice Marie-Louise restait à Parme, pendant que l'héritier de tant de fausse gloire, l'ex-roi de Rome, le duc de Reichstadt, achevait sa triste existence dans le château solitaire de son royal parent.

CHAPITRE XIV

LUCIEN BONAPARTE EN EXIL

1830-1840.

1

La nouvelle de la Révolution de juillet surprend les membres de la famille Bonaparte. - Causes de leur inertie et de leur impuissance. Réclamations de Joseph. Ses lettres au maréchal Jourdan et au comte Belliard. Réunion des frères à Londres. Mort du roi de Rome, 20 juillet 1832. Projet de constitution de Lucien, juillet 1833. Exil des Bonapartes. Protestations de Joseph et de Lucien. Lettres au maréchal Soult et aux députés, mars 1834. Lucien publie ses Mémoires. - Premières atteintes de sa maladie.. Il quitte l'Angleterre. L'affaire de Strasbourg.. Mécontentement de Joseph et de Lucien. Lettres de Joseph à M. Lacoste, 16 novembre 1836. - Maladie de Lucien. Sa mort, le 29 juin 1840. - Opinion de la princesse de Canino sur son compte. - Quelle sera celle de l'histoire? - Conclusion.

L'annonce des journées de Juillet, des trois glorieuses, fut une véritable surprise pour les Bonapartes.

La crise était déjà terminée, et Louis-Philippe d'Orléans, installé sur le trône de son parent, que les frères de l'empereur n'avaient même pas eu le temps de se transmettre leurs impressions.

Le fait n'a rien de surprenant. En 1830, les Bonapartes, nous l'avons dit, étaient dispersés un peu partout et les communications d'ailleurs étaient loin d'être rapides; les chemins de fer et le télégraphe n'avaient pas encore fait leur apparition.

Et puis, il faut le reconnaître, les bonapartistes se trouvaient alors sans chef. Le roi de Rome, malade, était l'objet

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d'une surveillance toute spéciale de la part de ses gardiens. Joseph voulait la régence, Lucien rêvait quelque place de grand-électeur.

Or, n'est pas prétendant qui veut, ici-bas. Pour jouer ce rôle avec utilité, certaines conditions d'origine et de milieu sont nécessaires. Tout d'abord, il faut des clients à ce personnage spécial; un prétendant sans complices est, si nous osons nous exprimer ainsi, comme un fusil sans cartouches, il n'est bon à rien.

A ces vibrions d'ordre supérieur, il faut en outre un milieu convenable pour se développer. Si Louis XVIII et Charles X avaient éloigné prudemment leurs peu fidèles parents, si les républicains de 1848 avaient interdit le territoire français à l'homme de Strasbourg et de Boulogne, il y a quelque probabilité de penser que la France aurait passé par de graves épreuves de moins, et qu'elle et l'Europe auraient déjà réalisé une partie du programme social moderne.

La méfiance chez un peuple est le commencement de la

sagesse.

Contier les postes du pouvoir à des adversaires c'est commettre un acte de folie analogue à celui dont se rendrait coupable un geôlier remettant les clefs de la prison à ses détenus.

L'aventure de 1830 en est une preuve. Les moins étonnés et les moins mécontents ne furent pas les bonapartistes. Ils écrivirent aussitôt aux représentants autorisés de leur parti; mais comment s'entendre avec des gens aussi éloignés?

Joseph Bonaparte se borna à protester. En qualité d'oncle d'Amérique prévoyant, il adressa une longue lettre aux députés : il réclamait la couronne en faveur de son neveu et la régence pour lui-même.

Le 9 septembre, il écrivait au maréchal Jourdan :

((.....

Si je n'avais vu le nom du duc d'Orléans parmi « les nouvelles autorités, je serais arrivé en même temps « que ma lettre. Je sais ce que peuvent ici ceux qui « s'occupent de diplomatie; pour la paix de la France

« et de l'Europe, je pense comme eux que Napoléon II << aurait dû être proclamé, avec une régence provisoire «<et les restrictions proposées par la Charte de 1815. «Je le désire, non pour mon ambition particulière, << mais pour le bien de mon pays; vous connaissez mes opinions les nations ont des droits à exercer, les « individus des devoirs à remplir... >>

་་

Le lendemain, Joseph ajoutait au comte Belliard :

« ..... Je désire, pour le bien de notre pays et pour la << tranquillité de l'Europe, que Napoléon II soit appelé « au trône. J'ai écrit à sa mère pour cela; je serai à << Paris lorsque vous lirez cette lettre; si le nom du « duc d'Orléans ne se trouvait parmi ceux qui figurent << dans les nominations nouvelles, tous les autres m'au«<raient donné pleine et entière confiance, j'attendrai

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donc un nouveau packet: j'ai lieu de penser que mon << opinion est aussi celle des principales cours de l'Eu«rope. Le duc d'Orléans ou la république ouvriront «probablement une nouvelle carrière de révolutions.

Napoléon II, appelé déjà par le peuple, n'a besoin « d'aucune élection nouvelle, qu'il obtiendrait d'ailleurs «si le véritable souverain est consulté; son nom, une « bonne constitution, j'ose dire, mes conseils, auraient <«< donné à la France la paix, la liberté, et à l'Europe « pleine sécurité. »

L'année 1831 se passa en démarches et en intrigues de toute sorte, de la part des membres de la famille Bonaparte anxieuse de profiter du mouvement social qui agitait alors l'Europe entière.

En Italie particulièrement, les fils de la comtesse de Saint

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