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Leu prirent une part des plus actives au mouvement insurrectionnel qui éclata dans les provinces pontificales. Surpris par les Autrichiens, obligés de battre en retraite, ils n'eurent que le temps de se séparer des insurgés de Spoleto et de se retirer à Ancône, sur les instances du colonel Armandi. «Ils auraient pu mal finir, sans l'intervention de <«< notre ami le cardinal Bernetti » dit Lucien. Mais ce que le prince de Canino n'ajoute pas, c'est que son propre fils s'était évadé de chez lui pour aller rejoindre ses cousins, et qu'il avait été ramené au logis par la gendarmerie pontificale, grâce aux bons soins du même cardinal. Pour les enfants de la reine Hortense, l'aventure s'était terminée plus tragiquement. L'ainé, Louis-Napoléon avait été atteint de la rougeole et enlevé en quelques jours. La mère arriva trop tard pour le soigner. Elle ne put qu'emmener le second2, le 27 mars, sur un navire ionien à destination de Corfou, en compagnie de trente-neuf des italiens les plus compromis 3.

Tous ces agissements n'étaient pas faits pour engager le gouvernement français dans la voie des mesures bienveil

1. Napoléon-Louis, né en 1805, mort au mois de mars 1831. 2. Napoléon III (Charles-Louis-Napoléon Bonaparte), né à Paris le 20 avril 1808, mort à Chiselshurst, comté de Kent (Angleterre), le 9 janvier 1873, citoyen de Thurgovie en 1832, il publia à cette date, ses Réveries politiques suivies d'un Projet de constitution. L'échauffourée de Strasbourg est du 28 octobre 1836; celle de Boulogne du 6 août 1810.

3. D'après M. Élie Sorin (la France impériale, 1873, p. 28), Louis Bonaparte aurait écrit au pape Grégoire XVI, à propos de l'escapade de ceux qui portaient son nom:

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«Saint-Père, mon âme est accablée de tristesse et j'ai frémi d'indignation quand j'ai appris la tentative criminelle de mon fils (Napoléon-Louis) contre l'autorité de Votre Sainteté. Ma vie déjà si douloureuse devait encore être éprouvée par le plus cruel « des chagrins, celui d'apprendre qu'un des miens ait pu oublier << toutes les bontés dont vous avez comblé notre malheureuse « famille. Le malheureux enfant est mort, que Dieu lui fasse << miséricorde ! quant à l'autre qui usurpe mon nom, vous le savez Saint-Père, celui-là, grâce à Dieu, ne m'est rien. J'ai le malheur a d'avoir pour femme une messaline qui accouche... »

lantes. On s'agitait fort a Paris et dans les grands centres ouvriers. Or, la main des chefs bonapartistes apparaissait partout. Le ministere se crut des lors dans la nécessité d'ag. Le 19 avril 1832, il promulgua une nouvelle loi de bannissement contre les prétendants, tout en abrogeant ce que celle de 1×16 avait de particulièrement coercitif.

Les termes en étaient précis:

Article 1. Le territoire de la France et de ses colonies est interdit à perpétuité à Charles X, déchu de la royauté par la déclaration du 7 août 1830. à ses descendants, époux et épouses de ses descendants.

Art. 2. Les personnes désignées dans le précédent article ne pourront jouir en France d'aucun droit civil: elles ne pourront posséder aucuns biens, meubles ou immeubles; elles ne pourront en acquérir à titre gratuit ou onéreux.

Art. 3.

Les mêmes personnes sont tenues de vendre, d'une manière définitive, tous les biens, sans exception, qu'elles possèdent en France. .

Art. 6. Les dispositions des articles 1 et 2 de la présente loi sont applicables aux ascendants et descendants de Napoléon, à ses oncles et tantes, à ses neveux et nièces, à ses frères, leurs femmes et leurs descendants, à ses sœurs et à leurs maris.

Les frères de l'empereur s'émurent de ces dispositions. Ils résolurent de se rencontrer à Londres avec leurs partisans. Il s'agissait d'arrêter un programme définitif.

Joseph s'embarqua à Philadelphie, le 21 juillet 1832. Lucien était déjà parti de Rome depuis plus d'un mois. Il s'était arrêté à la cour de Munich, où, toujours aussi léger que par le passé,

il passait son temps à faire des vers en l'honneur du roi, en attendant qu'il fit une constitution :

Hommage au roi dont le puissant génie
D'un nouveau Parthenon enchante nos regards!
Hommage au roi que les amants des arts,
Le cœur brûlant de sympathie,

Ont proclamé de toutes parts.....
La gloire de la Germanie!

Au mois d'août, le poète Lucien arrivait à Londres. Il était porteur d'une grave nouvelle: son neveu, le duc de Reichstadt, venait de mourir à Schonbrünn1.

Pour les deux oncles, l'événement était capital. Le régent Joseph allait se trouver sans emploi; les droits, les fameux droits héréditaires se trouvaient en effet revenir au fils de Louis, au jeune écervelé compromis dans l'affaire des carbonari. Et de celui-là, personne n'avait entendu parler, ni Joseph, ni Jérôme, ni Lucien, pas même le père : ce Louis était si peu de la famille !

En désespoir de cause et à tout hasard, Joseph et Lucien résolurent de préparer une constitution, qui permettrait à l'un ou à l'autre d'atteindre ce pouvoir tant convoité. Ce fut

1. 16 août 1832.

Napoléon II (François - Charles - Joseph - Napoléon Bonaparte. duc de Reichstadt), né aux Tuileries le 20 mars 1811, mort à Schoenbrünn (Autriche) le 23 juillet 1832.

M. le marquis Maison écrivait à son sujet, le 23 juillet 1832, à M. le comte Sébastiani, ministre des affaires étrangères :

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« Monsieur le Comte,

« M. le duc de Reichstadt est mort ce matin à cinq heures au palais de Schoenbrunn. I parait que ce n'est point aux progrès naturels de la maladie, dont il était atteint, que le jeune prince a succombé, mais que les complications d'un accident intérieur sont venues hâter le triste dénouement, considéré d'ail«<leurs comme inévitable. »>

"

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Lucien qui rédigea et publia ce fameux projet de l'appel au peuple.

Le voici :

DE LA RÉPUBLIQUE CONSULAIRE OU IMPÉRIALE.

Londres, 7 juillet 1833.

Depuis la mort de Napoléon II, le parti royaliste et le parti républicain restent seuls debout sur la terre de France; ces deux grandes masses se sont déjà recrutées des débris épars du parti impérial. Le roi de Juillet, placé entre ces deux camps ennemis, ne peut offrir de terme moyen ni à l'un ni à l'autre; Henri V ou la République lui seraient également mortels. Quelque talent qu'il ait déployé jusqu'à ce jour, quelque chose qu'il fasse encore, Louis-Philippe ne pourra pas étouffer le géant de l'absolutisme ni le géant du mouvement... l'ordre des choses actuel en France ne peut donc être que transitoire.

En supposant un changement politique, que doit désirer un bon Français? Henri V ou la République.

Si l'on pouvait faire remonter le torrent du siècle, si nous pouvions revenir aux mœurs de nos pères, je concevrais que beaucoup de bons esprits et de cœurs honnêtes, redoutant un avenir gonflé de nuages, préférassent le passé avec une amélioration pacifique, lente et successive de l'ordre social et qu'ils appelassent de tous leurs vœux, comme l'illustre Chateaubriand, la monarchie de Henri V. Mais comment Henri V aurait-il la force d'arrêter le courant de l'opinion? Le bras de Napoléon put à peine opérer ce prodige, et c'est le plus merveilleux de ses exploits. Arcole et Austerlitz ne

sont auprès que des jeux d'enfants. Napoléon sut dompter le torrent révolutionnaire au moment de sa crise la plus menaçante; il construisit d'un bras plus qu'humain la digue consulaire, et ses glorieux faisceaux s'élevèrent sur les débris confondus de l'absolutisme et de l'anarchie.

Pourquoi, depuis, outrepassant le but et fatigué d'être le messie des peuples, voulut-il descendre au rang des rois?... mais avant sa dégradation despotique, funeste résultat de cette couronne qu'il eut la faiblesse d'ambitionner, le grand Consul, par le sublime déploiement de sa force morale, sauva la société, qui marchait vers une dissolution convulsive; le grand Consul ferma la liste des émigrés; le grand Consul, vainqueur, releva les autels. Si l'Angleterre alors eût cessé de le combattre, le monde rentrait dans une ère de paix universelle et d'amélioration progressive et tranquille! La Providence ne l'a pas voulu.

Qui pourrait aujourd'hui renouveler le plus grand des travaux de l'Hercule moderne? Malheur à l'individu assez audacieux pour le tenter! Il se briserait infailliblement là où le héros a triomphé: le torrent du siècle a rompu les digues de l'empire et de la monarchie il ne peut plus être dompté par les efforts d'un homme; tout marche à la République... Il ne nous reste pas d'autre ressource, royalistes, impériaux, doctrinaires, hommes de cœur, bons citoyens de tous les partis, il ne nous reste plus d'autre ressource que de nous réunir comme des frères et de nous mêler tous ensemble à ce mouvement social, afin qu'il ne nous entraîne pas du moins vers ce gouffre de ténèbres de

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