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Ne put point retenir le jeune paladin:
Carloman l'accueillit à la cour de Provence;
Le guerrier de Cirnos, cher à ce souverain,
Devint en peu de jours fameux par sa vaillance.

22.

Au roi son bienfaiteur il consacra sa vie;
Et quand Dieu de ce prince acheva les destins,
Isolier défendit ses nobles orphelins;
Il résista longtemps aux seigneurs d'Austrasie
Qui préférérent Charle au fils de Carloman;
A ce grand changement

L'insulaire à regret accoutuma son âme.
Charles conserve encor ce triste souvenir:

Il connait que le preux est exempt de tout blâme;
Mais il prit sa foi sans pouvoir la chérir.

NOTE 4.

Cirnos est l'ancien nom de l'ile de Corse. Strabon dit que ce nom lui fut donné par Cirnos, fils d'Hercule le Phenicien, qui s'y établit. Cette ile remarquable par ses mœurs à la fois pastorales et guerrières, fut souvent désolée par les Sarrasins qui, pendant le règne de Charles Martel et de son fils, s'y établirent dans la ville d'Aléria, et régnèrent sur les côtes et une partie considérable de l'intérieur : les insulaires resistèrent aux Sarrasins, comme ils avaient résisté aux Romains, aux Carthaginois, etc.... et ils se retirèrent dans leurs montagnes pour défendre leur liberté. Charles Martel, après sa victoire de Poitiers, passa lui-même en Corse et y battit les Sarrasins dans trois victoires consécutives. Après le départ du vainqueur, les Maures reparurent et reprirent leur ascendant. Ils ne furent entièrement chassés que pendant la vieillesse de Charlemagne, par les guerriers que cet empereur et le pape Adrien y envoyèrent ; et la Corse fut alors annexée au domaine de l'Eglise. Hugues Colonne, baron romain et l'un des chefs de l'expédition, fut nommé comte de Corse, sous la suzerainete du Saint-Siege.

La Corse, délivrée des Sarrasins, trente ans après la destruction des Lombards, m'a paru offrir un sujet propre à une seconde épopée, où, à l'exemple d'Homère dans l'Odyssée, on pourrait ramener les souvenirs du premier poème, et où l'on peindrait plus particulièrement les mœurs domestiques et insulaires. J'ai essayé de remplir cette tâche dans une épopée intitulée la Cirneide, dont le héros est Isolier. Cet ouvrage paraitra quelque temps après Charlemagne. La ville d'Ajace fut, dit-on, fondée par Ursine Eurisaccès, fils d'Ajax le Télamonien. Plusieurs colonies grecques en divers siècles. se sont réfugiées en Corse. Ces circonstances m'ont permis de mêler aux souvenirs de Charlemagne des souvenirs de l'ancienne Grèce, en célébrant une ile à laquelle il n'a manqué que des historiens et des poètes, et que son amour pour l'indépendance a distinguée parmi toutes les nations européennes.

31

Le paladin Isolier, après la destruction des Lombards, retourna dans sa patrie où il eut toujours à combattre les Maures qui, depuis leur défaite par Charles Martel, s'étaient de nouveau établis sur les côtes de Corse, d'où ils tâchaient de franchir les montagnes et de se répandre dans le midi de l'île qu'ils n'avaient jamais pu soumettre. Depuis cette époque, les Corses demandèrent plusieurs fois des secours aux Français et aux papes. Pépin, roi d'Italie et fils de Charlemagne, envoya Adhémard son parent avec une flotte: Adhémard défit les Maures, mais il fut tué à bord de la galère prétoriale près du port d'Aléria ; et ce secours insuffisant ne fit qu'accroître l'audace des Africains. Isolier reçut tous les chrétiens de l'île qui fuyaient leurs tyrans : il se fortifia dans sa province d'Ajace, et il envoya son fils demander de nouveaux secours à Charlemagne. L'épopée commence trois mois après le départ du jeune Isolier, et trente ans après la délivrance de Rome par Charlemagne. L'action dure vingt jours.

Le roi maure était Abdel, fils de Nugolone; Abdel fut le dernier tyran qui régna sur la Corse.

ARGUMENTS DES DOUZE CHANTS.

CHANT I. (Premier jour.) — Isolier marche au-devant des Sarrasins. Dénombrement des chefs cirnésiens. Le village d'Onane. Érène de Tissant ou la justice africaine.

CHANT II. (Du second jour à la nuit du troisième.) — La tour de Gallone délivrée. Le vieux pâtre. Les chefs réconciliés. Le martyr de Mosole.

CHANT III. (De la nuit du troisième jour au cinquième.) — L'apparition de Mosole. Le déguisement d'Isolier. Le foyer de Vivare.

CHANT IV. (Du cinquième au neuvième jour.) Le camp des captifs chrétiens. Athime dans les murs de Pozole. Flotte d'Abdel. Retour d'Isolier au village d'Onane.

CHANT V. (Neuvième jour.) — Lisimor à Aix-la-Chapelle. Éginard dans le palais. Accueil de Charlemagne. Thermes. Ambassade du calife Aaron. Trophées de la salle impériale. Départ de Lisimor.

CHANT VI. (Du dixième au douzième jour.) — L'avis céleste. L'ile des pêcheurs. La tour et le combat des Sanguinaires. La retraite d'Albufare. La fuite d'Abdel.

CHANT VII. (Fin du douzième jour.) Les Français abordent à Ajace. Rapsode grec. Ruines du temple d'Hercule. Fuite d'Urcine, fils d'Ajax. Son arrivée à Cirnos. Fondation d'Ajace.

CHANT VIII. (Du treizième jour à la fin du quatorzième.) — Fureur d'Abdel. Périls de Stellina. Harem d'Alérie. Incendie de Pozole.

CHANT IX. (De la nuit du quatorzième jour à la fin du quinzième.) Discorde des chefs. Séparation de Colonne et d'Isolier. La forêt d'Onane. Message de Paole.

Les chefs

CHANT X. (Du seizième au dix-septième jour.) sur le pic d'Erca. Combat de Pozole. Pompe funèbre. Prophétie des descendants d'Isolier.

CHANT XI. (Du dix-septième jour à la fin du dix-huitième.) - Réunion des Francs et des Cirnésiens. Retour de Paole auprès du Soudan. Cachots du sérail. Bataille d'Alérie. Vengence d'Érène.

CHANT XII. (Du dix-neuvième jour au milieu du vingtième.) — Incendie de la flotte dans le port. Supplice des messagers de paix. Abdel fugitif et repoussé. Mort d'Érène. Dernier crime d'Abdel.

Voici les deux premières et les deux dernières strophes de ce poème. Elles suffiront pour donner une idée exacte des aptitudes poétiques de Lucien Bonaparte.

CHANT PREMIER

PREMIER JOUR

1

Gloire à l'homme puissant, au monarque vainqueur

Qui, surmontant l'écueil d'une haute fortune,

Dompte ses passions, d'une âme peu commune,
Et devant l'Eternel abaisse sa grandeur!

Sur ma lyre jadis j'ai chanté cette gloire.
C'est une autre victoire

Que je prends aujourd'hui pour sujet de mes chants :
Dompter l'adversité ! Pour servir sa patrie,
Supporter le fardeau des maux les plus pesants!
Telles sont les vertus à qui je sacrifie.

2.

Reviens donc animer les cordes de ma lyre,
O Muse! d'Isolier redis-nous les malheurs.
Rappelle-nous comment des Maures destructeurs
S'écroula sur ses bords le sacrilège empire.
Douze lustres entiers, pour punir nos aïeux,
La colère des cieux

Le livre sans relâche aux hordes sarrasines;
Les revers d'Isolier surpassent ses exploits;
Mais le croissant pâlit; et du sein des ruines
Cirnos voit triompher l'étendard de la croir.

CHANT DOUZIÈME

90.

Il dit: le paladin touché de son langage,
Lui répond par des pleurs ; et tout à coup ses yeux
Voient près du Saint-Martyr un sillon lumineux :
Isolier de sa fille a reconnu l'image,

Non l'image terrestre, et vouée au trépas,

Telle que dans ses bras

Le triste paladin la retenait encore

Mais telle qu'une vierge épouse du Seigneur:

Sur son front plus brillant et plus pur que l'aurore Repose un doux sourire, une divine ardeur.

91.

« Mon père, dit la vierge, aux célestes séjours

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Qu'il est doux de pouvoir retrouver sa famille ! Sèche, sèche tes pleurs, et reconnais ta fille:

« C'est ici seulement que commencent les jours. A peine elle achevait sa parole dernière

Que son ombre légère

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Remonte, en souriant, aux parvis éternels.
Isolier tend les bras à sa fille chérie,

Et court se prosterner au pied des saints autels....
L'étendard de la croix flottait sur Alérie.

FIN DE LA CIRNÉIDE.

PIÈCE N° XXXV.

LA BATAILLE DE WATERLOO

(Version anglaise.)

Londres, le 29 juin 1815.

Nous venons de recevoir le rapport officiel des opérations de l'armée prussienne des 16, 17 et 18 juin, rédigé par l'ordre du jour du fel l-maréchal Blücher.

C'est le 15 de ce mois que Napoléon, après avoir réuni, le 14, cinq corps de son armée et plusieurs corps de sa garde, entre Maubeuge et Beaumont, a commencé les hostilités; les points de concentration des quatre corps prussiens étaient Fleurus, Namur, Ciney et Hannut, ce qui permettait d'unir l'armée sur l'un de ces points en vingt-quatre heures.

Le 15, Napoléon s'avança par Thuin, sur les deux rives de la Sambre, contre Charleroi; le général Zeithen avait réuni le premier corps près de Fleurus, et eut ce jour une action très vive avec l'ennemi, qui, après avoir pris Charleroi, marchait sur Fleurus. Le général Zeithen se maintint dans sa position près de cette ville.

Lefeld-maréchal Blücher ayant l'intention de donner une grande bataille à l'ennemi aussitôt qu'il lui serait possible, dirigea les trois autres corps de l'armée prussienne sur Sombref, à une lieue et demie de Fleurus. Les deuxième et troisième corps sont arrivés le 15; le quatrième corps n'y parvint que le 16.

Lord Wellington rassembla son armée entre Ath et

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