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certaines provinces de l'Italie, et j'allai longtemps persuadé que je ne combattais qu'un autre roi de Prusse, ou qu'un autre Empereur d'Allemagne.

» Je demandai premièrement, que les États Romains repoussassent les marchandises anglaises; que les Anglais ne pussent habiter Rome, et le patrimoine de saint Pierre; enfin, que sa Sainteté entrât dans la ligue Italique, et déclarât à son tour la guerre au cabinet de Saint-James. Tout cela me fut refusé, et aujourd'hui je comprends que ces choses ne devaient pas m'être accordées. On a tant reproché au Saint Siège de s'être trop mêlé des intérêts humains; on a voulu pendant trois siècles, l'amener à demeurer neutre

entre tous.

>> La cour romaine, où brille entre toutes la suprême sagesse, la haute raison, la politique pru¬ dente et chrétienne, a compris enfin quel noble rôle elle était appelée à jouer. Aussi, mettant bas les armes, depuis plus d'un siècle elle n'a voulu vainere que par sa modération, que par sa man, suétude: elle en a appelé à l'équité, et plus au droit de la guerre; elle a supporté les offenses, et n'a combattu ses ennemis que par ses prières et ses bienfaits.

» Et c'était moi, moi chef de l'Empire des philosophes, qui demandais à Pie VII de rentrer dans une voie sanglante, moi qui voulais qu'il ex

posât le salut de presque toute l'Irlande, demeurée catholique; et de tant de catholiques anglais et écossais, qui certes auraient été compromis, dans le cas où le Pape serait devenu l'allié belliqueux de Napoléon!

» Il me refusa, il le devait sans doute; mais alors nos ennemis communs m'assaillirent, et s'attachèrent à me montrer le Pape comme s'il eût été mon ennemi personnel. Je me laissai aveugler par eux, et dans ma colère, je m'emparai successivement des diverses provinces de ses États. Lui de son côté, persuadé de son droit et de la nécessité de se défendre avec les armes qu'il possédait, arrêta les institutions canoniques des divers sièges vacants, et sans m'en douter, je me vis presque schismatique dans mes représailles.

L'occupation de Rome, et du reste des États de l'Église, faite en mon nom par le général Miolis, amena de nouveaux incidents. Le Pape, poussé à bout, excommunia mes émissaires; je redoublai de colère et d'injustice; alors lui, ne gardant aucune mesure, m'excommunia.

» Ce coup, je l'avoue, me fut rude. Je ne suis pas de ceux qui ne croient à rien, et si égaré par les fausses maximes de ces temps derniers, j'ai paru plus philosophe que catholique, je ne suis pas moins, au fonds de l'âme, plus catholique cent fois que philosophe. En conséquence de mes principes secrets, j'aurais dû reconnaître ma faute

et me soumettre, je n'en fis rien : il est en nous une portion d'esprit superbe qui nous porte à la révolte, au lieu d'aller à la soumission. Je persistai donc dans ma mauvaise route.

>> Me croyant en pleine guerre avec le Pape, je donnai l'ordre de son enlèvement. Une nuit, le palais du Quirinal où habitait sa Sainteté, est envahi; on y pénètre par dessus des murailles, et en escaladant des fenêtres, afin que le cri des portes extérieures n'appelle pas le peuple romain à la colère et à la vengeance. On se dédommage sur celles de l'intérieur, qui sont forcées ou jetées bas vivement. C'est ainsi que l'on arrive jusqu'à l'antichambre du Saint Père.

» Le général de cavalerie et de gendarmerie, alors le colonel Radet, se présente avec son étatmajor devant Pie VII; il montre un papier que celui-ci doit signer : c'est son consentement à la réunion temporelle du patrimoine de saint Pierre à l'Empire français. A cette condition le pape demeurera à Rome, et y conservera toutes les attributions de la souveraineté ; s'il refuse, il doit partir.

» Le pape refusa, mon ordre dernier fut exécuté. On le conduisit seul vers une voiture, sans aucune suite, sans le moindre officier de sa maison, sans argent même, et avec le cardinal Pacue, son pro- secrétaire-d'état, qui fut peu après séparé de lui, et enfermé, pendant trois ans

ASTOR LE

TILAY

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