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que n'avait pas infectés l'ingratitude d'Yvan, de Constant et de Roustant.

L'impossibilité d'échapper à la croisière anglaise avec tout le monde, la nécessité de jour en jour, d'heure en heure plus flagrante, de sortir du royaume et d'un pays déjà rempli de satellites qui cherchaient par un crime à débarrasser les Bourbons de lui, et sans leur aveu, déterminérent Napoléon à se livrer lui-même à la puissance sa plus mortelle ennemie.

Le 14 juillet, et il était temps comme je le dirai ailleurs, Napoléon fit prévenir qu'il se rendrait à son bord. Déjà la veille il avait écrit au prince régent d'Angleterre, depuis roi sous le nom de Georges IV, la lettre que voici :

«

Rochefort, 3 juillet 1815.

« ALTESSE ROYALE,

» En butte aux factions qui divisent mon pays » et à l'inimitié des plus grandes puissances de >>> l'Europe, j'ai terminé ma carrière politique, et je viens, comme Thémistocle, m'asseoir au >> foyer du peuple Britannique. Je me mets sous » la protection de ses lois que je réclame de Votre » Altesse Royale comme le plus puissant, le plus » constant et le plus généreux de mes ennemis. Je » lui offre la plus belle page de mon histoire.

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Tant de grandeur ne fut point comprise, ni un tel appel entendu. La prison remplaca le foyer, et l'histoire dira la conduite de ce prince, d'ailleurs sans vertus, envers Napoléon Bonaparte.

L'Empereur s'embarqua le 15 juillet avec sa suite sur le brick l'Épervier, et se rendit à bord du Bellerophon. Le comte Becker, strict observateur de son mandat, qui lui enjoignait de ne pas quitter son prisonnier, et qui l'avait suivi sur le transport français, crut devoir l'accompagner sur le vaisseau étranger, et au moment où il allait monter l'escalier, Napoléon, l'arrêtant d'un geste rempli de majesté, lui dit avec une dignité simple et d'autant plus imposante:

« Général, ne venez pas plus loin, votre mis>>sion est sans doute finie. Retirez-vous, je ne » veux pas qu'on puisse croire qu'un membre de » l'armée française, et qu'un citoyen de ma pa>> trie, soit venu avec le mandat de me livrer à » l'ennemi. »

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SOIRÉE LXIII.

破财

Napoléon redevenu le général
Arrivée de l'Empereur et

Hospitalité refusée par les Anglais.
Bonaparte. Refuge à Sainte-Hélène.

de sa suite. Description de la retraite de Napoléon. Un ignoble geôlier. Hudson-Lowe. Maison de service. Dévouement de Nowerras. Marie-Louise et le comte de Neiperg. Napoléon. Lâches insultes de l'Europe. Hudson-Lowe. Testament.

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Maladie de Dernière scélératesse de

Mort d'un grand homme.

Ce livre n'est pas une histoire de France pendant l'Empire et jusqu'à la seconde restauration, aussi ne nous attachons-nous pas à raconter ce qui advint à notre malheureuse patrie quand elle eut été si lâchement trahie par ceux qui, après avoir perdu Napoléon, la livrèrent elle-même une autrefois aux Cosaques et à l'insatiable avidité de ceux que nous avions toujours vaincus tête à tête. Aucun genre de ruine, aucune sorte d'humi

liation ne furent épargnés au royaume ; on le suça, on le pressura, on le rongea jusqu'à la moëlle, on le contraignit à rester sans force armée, on demanda le licenciement de cette armée qui, depuis 1792, n'avait été vaincue que lorsque les éléments s'étaient unis à l'Europe toute entière; on spolia nos musées, nos bibliothèques, on viola les conventions, les traités, on tenta toutes les voies qui nous pousseraient au désespoir, afin d'obtenir à notre dépècement universel un prétexte.

Tant de pilleries, d'outrages, de vexations, ne sont pas encore vengées. La France cependant a, pareille aux Loredan de Venise, contre les Foscarini de la même ville, son compte de vengeance ouvert en doit et avoir, contre l'Angleterre, l'Autriche, la Prusse, la Russie, la Bavière, le Wurtemberg, le Hanôvre et la Suède; les gouvernements qui, depuis 1814 et 1815, nous ont régi, ont tous reculé devant ce règlement d'acquit. Mais l'époque est prochaine, où malgré des lâchetés d'égoïsme, la nation, réveillée et poussée à bout par de noires insultes, se lèvera, marchera, vaincra, combattra; et puissante et souveraine parce qu'elle sera juste, elle écrira sur la dernière page de ce registre de guerre et de sang, le semblable du terrible l'Ha Pagatta du Vénitien Loredan.

Dès son arrivée sur le Bellerophon, l'Empereur cessa, hors de la part des Français, d'être traité

en souverain. Il ne fut plus dans leur bouche que le général Bonaparte, misérable outrage, qui peignait trop bien la naineté de ses ennemis. Le vaisseau mit soudainement à la voile, après toutefois que l'Empereur eut été visiter, par curiosité, l'amiral Hostram, sur son vaisseau le Superbe. Le calme qui dura pendant plusieurs jours, rendit la route lente et pénible. Le 23,on vit Ouessant, et à la nuit tombante la vigie reconnut les côtes de la Grande-Bretagne. Le 24, on mouilla à Torbay. Là, le général Gourgaud le quitta pour aller à Londres ou à Windsor, remettre au prince régent la lettre impériale, mais on le vit revenir presque aussitôt après qu'il eut touché la terre ; on l'avait empêché de poursuivre sa route, et la missive était partie sans lui.

L'anxiété sur la réception qui serait faite à l'Empereur et touchant sa destinée future dura jusqu'au dimanche, 29 juillet. Le jour levé, il recut un message de lord Keith, qui lui apprenait le refus de le laisser habiter volontairement l'Angleterre ou tout autre lieu du globe, et que l'île Sainte-Hélène, située entre l'Afrique et l'Amérique, lui était donnée pour prison; qu'il y serait gardé par les Anglais et par la surveillance de commissaires russes, prussiens, autrichiens et français!!! Honte pour la patrie. L'Empereur dit alors:

« Je suis l'hôte de l'Angleterre. Je ne suis pas

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