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tablissement, en 1795, de la Constitution dițe de l'an III (celle du Directoire), chaque pas avait I( été un retour plus certain vers la forme du pouvoir absolu. Cinq directeurs d'abord avaient remplacé les trente comités révolutionnaires, puis l'autorité souveraine s'était vue renfermée dans la main seule du premier Consul. Enfin, l'érection de l'Empire en mars 1804, et le sacre solennel de Napoléon au 2 décembre de la même année, devinrent les compléments de ce tour de roue qui, en dernier, replaçait les choses au point où elles étaient en 1789.

Bientôt une nouvelle noblesse, créée ainsi que des titres rétablis avec d'autres ordres de chevalerie, avaient accompli entièrement l'œuvre, et les Français, par leur empressement à se rallier à leur jeune monarque, semblaient rendre son trône éternel. Mais ce n'est pas ainsi que marchent les choses humaines : il y a derrière elles un bras puissant et irrésistible qui entraîne, qui brise, qui change tout et qui renverse ce que la fortune heureuse, la victoire, la terreur, l'admiration et même l'amour paraissent avoir assis sur une base qui semble inébranlable au regard et au toucher du mortel.

Voilà ce qui arriva à l'Empire fondé par Bonaparte; voilà ce qui remit en jeu parmi nous, en si peu de temps, le rêve de Nabuchodonosor où un colosse composé des plus durs métaux,

mais dont les pieds étaient d'argile, fut renversé et brisé instantanément par le choc d'une faible pierre.

C'est donc la chute et l'anéantissement du trône impérial et du systême archiféodal mis en jeu par Bonaparte, que je vais présenter au lecteur dans ce dernier volume qui, pour accomplir ma promesse, sera terminé au moment où Napoléon, captif à Sainte-Hélène, rentrera une dernière fois dans la vie privée.

Avant toutefois d'entrer en matière, je vais tracer rapidement la position de la France et de l'Europe, aux approches de la fatale campagne de Russie.

L'Empire de Charlemagne était rétabli et presque avec ses mêmes limites, lorsque Napoléon, nouvel Empereur d'Occident, épousa, en secondes noces, l'archiduchesse d'Autriche MarieLouise.

La France d'alors, où pour mieux dire le nouvel Empire, comprenait, en outre des provinces soumises à Louis XVI, les provinces espagnoles en deçà de l'Ebre; car un décret impérial dont la date m'échappe, mais qui existe au Bulletin des Lois, y réunit en 1811 ou 1812, la Navarre, la Biscaye, la Galice, l'Aragon et la Catalogne, avec des portions de la vieille Castille, le comté de Nice, la Savoie, le Piémont, le duché de Gênes avec les fiefs impériaux, les en

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claves, le duché de Parme et de Plaisance, le duché de Modène, la Toscane et toutes les provinces de l'État Romain qui n'avaient pas déjà été attachées à la république Cisalpine, l'Illyrie, l'Istrie, la Dalmatie, la Carniole, la Styrie, la Carinthie, le Montenegro, Raguse, les îles Ionniennes, l'île d'Elbe, celle de Corse, le Valais, Sion, Genève et autres enclaves les électorats de Mayence, de Trèves, de Cologne, et les contrées sur les deux rives du Rhin; la Belgique, le pays de Liège, le Limbourg, le Luxembourg, le Brabant, la Hollande, la Gueldre, la Frise; enfin Hambourg, Berne, Lubeck et tout ce qui formait la grande Hanse. Ces pays et autres que je confonds avec eux, formaient l'Empire par excellence, mais la puissance du grand Empereur ne se bornait pas à cette masse d'environ cinquante-un millions de sujets.

Comme roi d'Italie, Napoléon régissait encore despotiquement l'ancien duché de Milan, le duché de Mantoue, tous les États Vénitiens de terre ferme, moins ceux au nord ou à l'est de la mer Adriatique; ceux-là réputés Français. Les trois légations romaines arrachées au Saint Siège, par le traité de Tolentino, savoir celles de Bologne, de Ferrare et de Rimini ou de Ravène; tous ces pays peuplés d'environ dix millions d'âmes.

De plus, et en sa qualité de médiateur suprême

de la Confédération Suisse, Napoléon comptait l'antique Helvétie au rang de ses provinces.

Enfin, la Confédération du Rhin dont il était be protecteur, et que remplissaient ses troupes, lui assuraient l'autorité sur près d'un tiers de l'Allemagne. Là et comme ses fondataires, il avait créé trois rois de Bavière, de Saxe et de Wurtemberg.

Le Portugal encore demeurait isolé, ses sou̟verains avaient fui dans le Nouveau Monde. Napoléon réunirait-il à l'Empire cette belle portion de la Péninsule Ibérique, ou bien en ferait-il une couronne qui lui servirait à parer un autre esclave- roi ?

Mais sa puissance colossale n'était pas bornée à cette immensité de royaumes, d'États et de provinces.

Au cœur de l'Allemagne du nord, il avait créé pour le puîné de ses frères, le beau royaume de Westphalie, formé aux dépens du Hanôvre, de la Hesse, de la Prusse, etc. Là encore, il possédait la Poméranie suédoise et l'île de Rugen, le duché d'Oldembourg enlevé au beau-frère de l'Empereur de Russie, et là tout proche, le roi de Danemarck et de Norwège tremblait en sa qualité de monarque lieutenant de Napoléon.

Un de ses beaux-frères, Joachim Murat, possédait le royaume de Naples.

Un autre de ses beaux-frères était prince souverain de l'ancienne république de Lucques.

Enfin, toute l'Espagne en delà de l'Ebre avait forcément pour roi le frère aîné de l'Empereur (Joseph Napoléon ).

La Prusse, réduite à la moitié de son étendue, n'avait plus de forces et devait suivre, en satellite secondaire, l'astre radieux qui entraînait l'Europe presque entière.

L'Empire d'Autriche, quatre fois vaincu et mutilé, semblait s'être attaché par un mariage, à la fortune de Napoléon Bonaparte.

Là bas, seule, et touchant aux plaines hyperborées soumises à son pouvoir, la Russie pouvait se croire encore indépendante, bien que trois fois, en 1799, en 1805 et en 1807 et 1808, les Français eussent écrasé ses bataillons.

Telle était, dis-je, la puissance gigantesque · de notre Empereur. Déjà enivré de tant de prospérité comme de tant de gloire, il se demandait si sur la terre connue devait exister un ennemi assez fort pour le combattre, car il ne se demandait pas si celui-là pourrait le vaincre...... Le vaincre! aucun ne se targuait de tant d'orgueil, et néanmoins, un faible vieillard l'entreprit et y parvint en peu d'années..... Quel a donc été ce conquérant, ce foudre de guerre... Un vieillard, je le répète, armé nón de fer, ni de feu, mais de clefs; celui en un mot, à qui il a été dit : « rouT

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