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moires, qui ne sont que le négligé de l'histoire, ne laissent pas que d'être entourés de beaucoup de difficultés, et qu'il n'en est pas de

ce genre d'écrits comme d'un ouvrage d'imagination, où l'auteur, dégagé de toute espèce d'entraves, se livre à ses idées, et est toujours assuré du succès quand il se renferme dans les limites que lui assignent le goût et une saine morale. Celui qui raconte des anecdotes historiques est sans cesse arrêté par la crainte de substituer ses idées aux faits, ses propres illusions à la vérité, et ses affections à la sévérité. Les recherches et les vérifications l'embarrassent et le refroidissent presque toujours; alors il n'y a plus d'inspiration.

Entraîné volontairement dans un mouvement rapide qui ne laissait à mon esprit ni le calme ni la suite nécessaires, j'ai dû employer les plus grands efforts de mémoire afin d'être d'une exactitude rigoureuse: si donc j'ai commis quelques erreurs, c'est bien sans le vouloir. L'empressement que j'ai mis à profiter des observations qui m'ont été faites doit me

faire trouver grâce, car je ne suis point de ces gens qui prétendent avoir toujours raison, et avoir jugé d'avance tous les événemens. Mes deux premiers volumes ont été écrits avec conscience et sans passion. Les mêmes sentimens se retrouveront dans ces dernières publications sur ce qui s'est passé au-delà du Rhin. Étranger à la langue du pays, jeté par les circonstances au milieu des rivalités européennes, sans autre mandat que mon dévouement à une auguste princesse, réduit à observer de loin, à connaître les effets sans pouvoir éclaircir les causes...., je n'ai pu présenter que des conjectures sur le grand épisode de 1815. Le lecteur jugera lui-même de leur mérite. J'ai pensé que dans ces crises violentes qui atteignent les empires comme les individus, il pouvait être permis de raisonner par supposition, et de chercher l'inconnu parmi toutes les combinaisons des faits les plus graves et les mieux connus. Ces recherches sur cette mystérieuse fatalité qui pèse sur le monde, ont souvent produit d'étranges découvertes; il est même

arrivé plus d'une fois que des esprits faux ont raisonné juste, parce que des circonstances imprévues amenaient des résultats contraires à toutes les probabilités. Certainement on aurait voué au ridicule celui qui, à l'ouverture de la campagne, au mois d'août 1812, aurait dit: Cinq cent mille braves, superbes, forts de santé, d'énergie et de courage, vont franchir le Niemen, et refouler l'ennemi jusqu'au centre de ses affreux climats....; et, avant la fin de la même année, 30 degrés de froid amenant avec eux la destruction et la mort, feront écrouler avec un fracas épouvantable cette vaste puissance à laquelle, dans les âges du monde, rien ne peut être comparé! Les misérables remparts du Kremlin étaient-ils donc si voisins du rocher de Sainte-Hélène ? quel homme raisonnable aurait pu l'imaginer ? et pourtant!!

Depuis la publication des deux premiers volumes de cet ouvrage, il m'a été fourni plusieurs anecdotes peu connues, et qui, par leur nature, rentrent naturellement dans le cercle

de la vie privée de Napoléon. J'en ai fait mon profit. Je dois surtout à l'amitié du plus habile et du plus honnéte de nos architectes, tout ce qui est relatif aux nombreuses et superbes constructions qui embellissent la capitale, et qui, presque toutes, appartiennent à l'époque dont j'ai parlé. Ceux pour qui la vérité n'a qu'un langage apprécieront tout ce que les entretiens, et même les causeries les plus familières d'un grand homme, discutant avec un architecte du plus grand talent, ont de curieux et de piquant. Les hésitations mêmes de Napoléon sur une infinité de projets de monumens, prouveront qu'il mettait sa gloire à méditer, à deviner, et à écarter tout ce qui pouvait augmenter ou compromettre la splendeur de l'empire. Cette gloire était pure et sans mélange elle ne s'achetait pas sur les champs de bataille, et ne fut point le prix du sang des hommes. Le conquérant renverse et détruit; mais l'ami du bien public, l'administrateur suprême et désintéressé, élève et fonde la prospérité nationale sur des bases solides.

J'espère au moins que les ennemis les plus ardens de Napoléon, s'il y en a encore, ne pourront s'empêcher d'être frappés de la sagesse et de l'esprit d'ordre qui présidèrent à de si magnifiques entreprises. Mon but alors sera rempli.

J'ai formé de ces précieux documens un livre à part qui deviendra le complément et la fin de ces Mémoires anecdotiques sur l'intérieur du palais.

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