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madame, ajouta-t-il, les princes qui compromettent la vie de leurs plus fidèles serviteurs, sans partager leurs périls.

Madame de Polignac, saisie de joie et de reconnaissance, alla raconter au milieu de l'émigration épouvantée cette scène de clémence, qui valut alors un instant de justice à Joséphine et à Napoléon. M. de Rivière restait en péril. Murat et sa femme pénétrèrent auprès de l'Empereur, pour le vaincre et lui arracher une seconde grâce. Celle de M. de Polignac entraînait celle de M. de Rivière. Elle fut immédiatement accordée. Le généreux Murat, onze ans plus tard, ne rencontra pas la même générosité.

Tel fut le terme de cette triste et odieuse échauffourée, qui avait pour but d'anéantir Napoléon, et qui le fit monter au trône, malheureusement moins pur qu'il n'était auparavant; qui valut une mort tragique à celui des princes français qui n'avait pas conspiré, l'impunité à ceux qui avaient tramé des complots, mais, il est vrai, avec une grande déconsidération pour châtiment de leurs fautes; enfin l'exil à Moreau, le seul des généraux de ce temps, dont on pût, en exagérant sa gloire et en rabaissant beaucoup celle de Napoléon, faire un rival pour ce dernier. Frappante leçon dont les partis devraient profiter! on grandit toujours le gouvernement, le parti ou l'homme, qu'on tente de détruire par des moyens criminels.

Toute résistance était désormais vaincue. En 1802, Napoléon avait surmonté les résistances civiles, en

Mai 1804.

Mai 1804

annulant le Tribunat; en 1804, il surmonta les résistances militaires, en déjouant la conspiration des émigrés avec les généraux républicains. Tandis qu'il franchissait les marches du trône, Moreau s'en allait en exil. Ils devaient se revoir, à portée de canon, sous les murs de Dresde, malheureux tous les deux, coupables tous les deux, l'un en revenant de l'étranger pour faire la guerre à sa patrie, l'autre en abusant de sa puissance jusqu'à provoquer une réaction universelle contre la grandeur de la France; l'un mourant d'un boulet français, l'autre remportant une dernière victoire, mais voyant déjà l'abîme où s'est engloutie sa prodigieuse destinée.

Toutefois, ces grands événements étaient bien éloignés encore. Napoléon semblait alors toutpuissant et pour jamais. Sans doute il avait éprouvé quelques ennuis dans ces derniers temps; car, indépendamment des grands malheurs, la Providence cache toujours quelques amertumes anticipées dans le bonheur même, comme pour avertir l'âme humaine, et la préparer aux infortunes éclatantes. Ces quinze jours lui avaient été pénibles, mais ils furent bientôt passés. La clémence dont il venait d'user jeta une douce lueur sur son règne naissant. La mort de Georges n'attrista personne, quoique son courage, digne d'un meilleur sort, inspirât quelques regrets. Bientôt on fut rendu à ce sentiment de curiosité émerveillée, qu'on éprouvait en présence d'un spectacle extraordinaire.

Ainsi finissait après douze années, non pas la Révolution française, toujours vivante et indestructible, mais cette République qualifiée d'impérissable. Elle finissait sous la main d'un soldat victorieux, comme finissent toujours les républiques qui ne vont pas s'endormir dans les bras de l'oligarchie.

Mai 1801.

FIN DU LIVRE DIX-NEUVIÈME.

LIVRE VINGTIÈME.

LE SACRE.

retard. financiers.

Retard apporté à l'expédition d'Angleterre. - Motifs et avantages de ce Redoublement de soins dans les préparatifs. - Moyens Budget des années XI, XII et xm. - Création des contributions indirectes. Ancienne théorie de l'impôt unique sur la

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1

Une

Pre

terre. · Napoléon la réfute, et fait adopter un impôt sur les consommations. Première organisation de la régie des droits réunis. L'Espagne paye son subside en obligations à terme. association de financiers se présente pour les escompter. mières opérations de la compagnie dite des négociants réunis. Toutes les ressources disponibles consacrées aux escadres de Brest, de Rochefort et de Toulon. Napoléon prépare l'arrivée d'une flotte française dans la Manche, afin de rendre certain le passage de la flottille. - Première combinaison à laquelle il s'arrête. L'amiral Latouche-Tréville chargé d'exécuter cette combinaison. - Cet amiral doit quitter Toulon, tromper les Anglais en faisant fausse route, et paraître dans la Manche, en ralliant dans le trajet l'escadre de Rochefort. La descente projetée pour juillet et août, avant la cérémonie du couronnement. Les ministres des cours en paix avec la France remettent à Napoléon leurs lettres de créance. L'ambassadeur d'Autriche seul en retard. Départ de Napoléon pour Boulogne. Inspection générale de la flottille, bâtiment par bâtiment. La flottille batave. Grande fète au bord de l'Océan, et distribution à l'armée des décorations de la Légion-d'Honneur. - Suite des événements en Angleterre. — Extrême agitation des esprits. Renversement du ministère Addington par la coalition de MM. Fox et Pitt. Rentrée de M. Pitt au ministère, et ses premières démarches pour renouer une coalition sur le continent. Soupçons de Napoléon.

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· Il force l'Autriche à s'expliquer, en exigeant que les lettres de créance de M. de Cobentzel lui soient remises à Aix-la-Chapelle. Il rompt les relations diplomatiques avec la Russie, en laissant partir M. d'Oubril. Mort de l'amiral Latouche-Tréville, et ajournement de la descente à l'hiver. · L'amiral Latouche-Tréville remplacé par l'amiral Villeneuve. - Caractère de ce dernier. Voyage de Napoléon sur les bords du Rhin. - Grande affluence à Aix-laChapelle. M. de Cobentzel y remet ses lettres de créance à Napoléon. La cour impériale se transporte à Mayence. - Retour à Paris. - Apprêts du sacre. Difficile négociation pour amener Pie VII à

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venir sacrer Napoléon.

Le cardinal Fesch ambassadeur. ractère et conduite de ce personnage.

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Terreurs qui saisissent

Pie VII à l'idée de se rendre en France. -II consulte une congréga-
tion de cardinaux. · Cinq se prononcent contre son voyage, quinze
pour, mais avec des conditions. — Long débat sur ces conditions.
Consentement définitif. - La question du cérémonial laissée en sus-
pens. L'évêque Bernier et l'archichancelier Cambacérès choisissent
dans le Pontifical romain et dans le Pontifical français les cérémonies
compatibles avec l'esprit du siècle. Napoléon refuse de se laisser
poser la couronne sur la tête. — Prétentions de famille. — Départ du
Pape pour la France. Son voyage.
- Son arrivée à Fontainebleau.

Sa joie et sa confiance en voyant l'accueil dont il est l'objet.
Mariage religieux de Joséphine et de Napoléon. - Cérémonie du sacre.

Retard forcé dans

contre

La conspiration de Georges, le procès qui s'en était suivi, le changement qu'elle avait amené dans l'expédition la forme du gouvernement, avaient rempli tout projetée l'hiver de 1803 à 1804, et suspendu la grande en- l'Angleterre. treprise de Napoléon contre l'Angleterre. Mais il n'avait cessé d'y penser, et, dans ce moment, il en préparait l'exécution pour le milieu de l'été de 1804, avec un redoublement de soin et d'activité. Du reste, ce délai n'était nullement regrettable, car, dans son impatience d'exécuter un si vaste projet, Napoléon s'était fort exagéré la possibilité d'être prêt à la fin de 1803. Les expériences continuelles qu'on faisait à Boulogne, révélaient chaque jour de nouvelles précautions à prendre, de nouveaux perfectionnements à introduire, et peu importait de frapper six mois plus tard, si on acquérait en différant le moyen de frapper un coup plus sûr. Ce n'était pas l'armée, bien entendu, qui entraînait ces pertes de temps; car, à cette époque, l'armée était toujours disponible; c'étaient la flottille et les escadres. La construction des bateaux plats, leur réunion dans les quatre ports du

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