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parurent un péril pour la paix. Il chargea donc M. d'Haugwitz de faire au ministre de France une déclaration solennelle de neutralité, neutralité absolue de la part de la Prusse, tant que les troupes françaises occupant le Hanovre ne seraient pas augmentées. En conséquence, M. d'Haugwitz, sortant tout à coup avec M. de Laforest d'un silence contraint, lui déclara que son roi engageait sa parole d'honneur de rester neutre, quoi qu'il arrivât, si le nombre de trente mille Français n'était pas dé

mes décidé à leur opposer les forces que la Providence a mises entre nos mains.

Nous en avons fait à la France la déclaration solennelle, et la France l'a acceptée; mais c'est surtout envers S. M. l'empereur de toutes les Russies que la confiance et l'amitié nous faisaient un devoir de nous en ouvrir, et nous avons eu la satisfaction de nous convaincre que nos résolutions étaient absolument dans les principes de notre auguste allié, et que lui-même élait décidé à les maintenir avec nous. En conséquence, nous sommes tombé d'accord avec S. M. Impériale des points suivants : 1o On s'opposera de concert à tout nouvel empiétement du gouvernement français sur les États du Nord étrangers à sa querelle avec l'Angleterre.

2o Pour cet effet, on commencera à donner une attention suivie ct sévère aux préparatifs de la République. On attachera un œil vigilant sur les corps de troupes qu'elle entretient en Allemagne; et, si le nombre en est augmenté, on se mettra, sans perte de temps, en posture de faire respecter la protection que l'on est intentionné d'accorder aux États faibles.

3° Si le cas d'une nouvelle usurpation existe en effet, nous sentons qu'avec un adversaire aussi dangereux les demi-moyens seraient funestes. Ce serait alors avec des forces proportionnées à la puissance immense de la République que nous marcherions contre elle. Ainsi, en acceptant avec reconnaissance l'offre de notre auguste allié, de faire joindre incessamment nos troupes par une armée de 40 ou de 50 mille hommes, nous n'en compterions pas moins sur les stipulations antérieures du traité d'alliance entre la Russie et la Prusse; stipulations qui lient tellement les destinées des deux empires, que, dès qu'il s'agit de l'existence de l'un, les devoirs de l'autre n'ont plus de bornes.

passé en Hanovre. Il ajouta que cela valait presque l'alliance manquée, car l'immobilité de la Prusse, certaine aux conditions qu'il y mettait, assurait l'immobilité du continent. L'emphase de cette déclaration, assez peu motivée dans le moment, surprit M. de Laforest, mais ne lui révéla rien. Néanmoins elle lui parut singulière. Frédéric-Guillaume avait cru, par là, se mettre en règle avec tout le monde. Il n'y a rien de plus triste à voir que la faiblesse malhabile, s'embarrassant dans le labyrinthe

4o Pour déterminer le moment où le casus fœderis existera, il faut voir les choses en grand et dans leur esprit. Les petits États d'empire situés au delà du Weser peuvent offrir passagèrement des scènes qui répugnent aux principes, soit parce qu'ils sont le théâtre continuel du passage des troupes françaises, soit parce que leurs souverains sont ou vendus par l'intérêt à la France, comme le comte de Bentheim, ou dépendants d'elle sous d'autres rapports, comme le comte d'Aremberg. Là les déviations minutieuses qu'une représentation redresse, comme à Meppen, ou qui ne compromettent la sûreté de personne, sont étrangères à un concert dont la sûreté fut le motif. C'est sur les bords du Weser que les intérêts deviennent essentiels, parce que de ce point-là il s'agit du Danemark, du Mecklembourg, des villes anséatiques, etc.; et le casus fœderis, par conséquent, aura lieu à la première entreprise des Français contre un État de l'empire situé sur la droite du Weser, et particulièrement contre les provinces danoises et le Mecklembourg, dans la juste attente où nous sommes que S. M. le roi de Danemark fera alors conjointement avec nous cause commune contre l'ennemi.

5o Les marches énormes que les troupes russes auraient à faire pour joindre les nôtres, et la difficulté d'arriver à temps pour prendre part aux coups décisifs, nous font juger qu'il serait convenable qu'on adoptât pour les différentes armes un mode de transport différent. Ainsi, tandis que la cavalerie russe et les chevaux d'artillerie défileront à travers nos provinces, il semblerait préférable que l'infanterie et le canon partissent par mer et fussent débarqués dans quelque port de la Poméranie, du Mecklembourg ou du Holstein, selon les opérations de l'ennemi.

6o Immédiatement après le commencement des hostilités, ou plus tôt si la convenance en est reconnue par les deux cours contractantes, le Danemark et la Saxe seront invités à adhérer à ce concert, et à y coo

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de la politique, et se compromettant à force de vouloir parer à tout, comme un faible oiseau qui se prend dans un filet, à force de s'agiter pour en sortir.

Ainsi furent jetés, par la politique ambiguë du roi de Prusse, et sous la vive impression de l'événement de Vincennes, les fondements de la troisième coalition. La Russie, charmée d'avoir engagé la Prusse, commença en même temps à tourner ses soins vers l'Autriche, et s'efforça de complaire à cette puis

pérer par des moyens proportionnés à leur puissance, ainsi que tous les autres princes et États du nord de l'Allemagne qui, par la proximité de leur pays, doivent participer aux bienfaits du présent arrangement.

7° Dès lors, nous nous obligeons à ne poser les armes et à n'entrer en accommodement avec l'ennemi que du consentement de S. M. Impériale, et après un accord préalable avec elle, plein de confiance dans notre auguste allié, qui a pris les mêmes engagements envers nous.

8° Après qu'on aura atteint le but qu'on s'y propose, nous nous réservons de nous entendre avec S. M. Impériale sur les mesures ultérieures à prendre, afin de purger entièrement le nord de l'Allemagne de la présence des troupes étrangères, et d'assurer d'une manière solide pour l'avenir cet heureux résultat, en avisant à un ordre de choses qui n'expose plus l'Allemagne aux inconvénients dont elle a dù souffrir depuis le commencement de la guerre actuelle.

Cette déclaration devant être échangée contre une autre signée par S. M. l'empereur de Russie et conçue dans le même sens, nous promettons sur notre foi et parole royale de remplir fidèlement les engagements que nous y avons pris.

En foi de quoi nous avons signé les présentes de notre main, et y avons fait apposer notre sceau royal.

Fait à Berlin, le 24 de mai, l'an de grâce 1804, et de notre règne le huitième.

Signé FRÉDÉRIC-GUILLAUME.

Contresigné, HARDENBERG.

Contre-déclaration de la part de la Russie.

La situation critique où se trouve le nord de l'Allemagne et la gêne

sance, un peu plus qu'elle n'avait fait jusqu'alors. Elle en avait le moyen facile dans les mains : c'était de ne plus dire comme la France à propos des questions pendantes encore en empire, et de dire exactement comme la cour de Vienne.

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Conduite de la cour de Vienne dans l'affaire

Il faut faire connaître maintenant de quelle manière avait été pris à Vienne l'événement qui venait de troubler si profondément les cours de Berlin et de Saint-Pétersbourg. S'il y avait une cour que l'en- d'Enghien. lèvement du duc d'Enghien sur le sol germanique

imposée à son commerce, de même qu'à celui de tout le Nord, par le séjour des troupes françaises dans l'électorat de Hanovre; de plus, les dangers imminents qui sont à prévoir pour la tranquillité des États qui, dans cette partie du continent, n'ont pas encore subi le joug des Français, ayant excité toute notre sollicitude, nous nous sommes appliqué à chercher les moyens propres à calmer nos appréhensions à cet égard.

L'invasion de l'électorat de Hanovre n'ayant pu être prévenue, et les circonstances ayant malheureusement empêché dans le temps de le délivrer de la présence des troupes françaises, nous avons jugé convenable de n'adopter pour le moment aucune mesure active, tant que le gouvernement français se bornera à l'occupation des possessions allemandes de S. M. Britannique; mais aussi de ne point permettre que les armées françaises dépassent en Allemagne la ligne derrière laquelle elles se trouvent maintenant.

S. M. le roi de Prusse, que nous avons prévenu en toute confiance de nos alarmes et des mesures qui nous paraissaient indispensables pour écarter le danger que nous prévoyons, ayant exprimé son assentiment à nos vues, ainsi que son désir de concourir à des soins aussi salutaires, et de s'opposer à de nouveaux empiétements du gouvernement français sur d'autres États de l'empire étrangers à sa querelle avec l'Angleterre, nous sommes tombé d'accord avec Sadite Majesté des points suivants :

1o L'audace et l'activité reconnues du gouvernement français lui faisant entreprendre et exécuter spontanément ses desseins, il est de nécessité absolue de surveiller les préparatifs qu'il peut employer pour la confection de ses projets sur le nord de l'Allemagne. On attachera donc un ail vigilant sur le corps de troupes qui séjourne dans ces contrées, et, en cas que leur nombre soit augmenté, on s'empressera cans perdre

du duc

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Cette cour

montre une

voisine de

dût toucher, c'était assurément celle d'Autriche. Cependant, les seuls ministres modérés en cette circonstance furent ceux de l'empereur. Il ne leur modération échappa aucune expression blessante pour le goul'indifférence. vernement français, aucune démarche dont il eût à se plaindre. Et pourtant le chef de l'empire, gardien naturel de la sûreté, de la dignité, du territoire de l'Allemagne, était chargé, ou personne ne l'était au monde, d'élever la voix contre l'acte commis dans le grand-duché de Baden. Il faut même

de temps à se mettre en posture propre à faire respecter la protection qu'on est intentionné d'accorder aux États qui, par leur faiblesse, ne sauraient se soustraire aux dangers dont ils sont menacés.

20 Pour prévenir toute incertitude sur l'époque de la mise en activité des moyens destinés de part et d'autre, et ci-dessus énoncés, à préserver le nord de l'Allemagne de toute invasion étrangère, il est convenu avant tout, entre nous et S. M. Prussienne, de déterminer le casus fœderis du présent arrangement. A cet effet, on s'est accordé à l'envisager comme échu au premier empiétement que les troupes françaises stationnées dans les États électoraux de S. M. Britannique se permettront sur les pays adjacents.

3 Le casus fœderis échéant, S. M. le roi de Prusse, se trouvant plus à portée du théâtre des événements, n'attendra pas pour agir la réunion des forces respectives qui seront ci-dessous spécifiées, et fera commencer les opérations aussitôt qu'elle aura la nouvelle que les troupes françaises ont franchi la ligne qu'elles occupent présentement dans le nord de l'Allemagne.

4o Tous les moyens que nous nous proposons d'employer à cette même fin se trouvant prêts pour être mis en activité, nous nous engageons de la manière la plus formelle à marcher au secours de S. M. Prussienne au premier signal qui nous en sera donné et avec toute la célérité possible.

5o Les forces qui seront employées de notre part à la défense du reste du nord de l'Allemagne s'élèveront à 40 mille hommes de troupes ré glées, et pourront être augmentées jusqu'à 50 mille hommes, suivant le besoin. S. M. le roi de Prusse s'oblige, de son côté, d'employer à ce même usage un nombre égal de troupes réglées. Une fois les opérations militaires commencées, nous nous obligeors de ne poser les armes, ni

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