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insuffisance professionnelle, se faire placer dans un centre plus important.

Sous la pression de l'opinion publique, le gouvernement de Louis-Philippe prépara un projet de loi beaucoup plus libéral sur l'instruction primaire (31 mars 1847).

Il débutait ainsi :

LOUIS-PHILIPPE, roi des Français,

A tous présents et à venir, salut.

Nous avons ordonné et ordonnons que le projet de loi dont la teneur suit sera présenté en Notre nom à la Chambre des députés par Notre ministre secrétaire d'État au Département de l'instruction publique, grand maître de l'Université de France, que Nous chargeons d'en exposer les motifs et d'en soutenir la discussion.

ART. 1. Les écoles primaires communales, soit du degré élémentaire, soit du degré supérieur, sont divisées en trois classes qui comprennent :

La première, les écoles des chefs-lieux de département et d'arrondissement; la deuxième, les écoles des chefs-lieux de canton et des communes ou sections de commune dont la population agglomérée excède 1,500 âmes; la troisième, les écoles des communes, des réunions de communes ou des sections de commune dont la population agglomérée ne s'élève pas au-dessus de 1,500 âmes.

Mais ce projet de loi, qui aurait permis d'établir des écoles partout où elles étaient nécessaires, fut emporté avec la monarchie, et la loi du 15 mars 1850 ne modifia pour la population rurale, l'état de choses consacré par loi de 1833.

Son article 36 était ainsi conçu :

pas, la

Toute commune doit entretenir une ou plusieurs écoles publiques primaires.

Le conseil académique du département peut autoriser une commune

à se réunir à une ou plusieurs communes voisines pour l'entretien d'une école.

Toute commune a la faculté d'entretenir une ou plusieurs écoles entièrement gratuites, à la condition d'y subvenir sur ses propres

ressources.

Le conseil académique peut dispenser une commune d'entretenir une école publique, à condition qu'elle pourvoira à l'enseignement primaire gratuit, dans une école libre, de tous les enfants dont les familles sont hors d'état d'y subvenir. Cette dispense peut toujours être retirée.

Sans doute le paragraphe 1 de cet article laissait aux communes le droit d'entretenir plusieurs écoles primaires, et par conséquent d'en créer dans les villages éloignés du centre de l'agglomération; mais les paragraphes suivants leur donnaient tant de moyens d'échapper à cette nécessité, qu'ils semblaient presque les inviter à se contenter d'une école. L'article 40 laissait d'ailleurs à la charge des communes et du département les dépenses scolaires; l'État n'intervenait qu'en cas d'insuffisance de ressources, et les municipalités sont très avares des deniers communaux quand il ne s'agit pas des intérêts immédiats de l'agglomération principale.

C'est pourquoi, dans les pays pauvres, ceux précisément où la population est le plus disséminée, non seulement on ne créa pas d'écoles dans les villages éloignés du centre, mais le plus souvent on se contenta d'une école mixte au chef-lieu, et l'on fut en règle avec la loi. Ainsi, dans le Morbihan, malgré les nombreux dédoublements faits pendant ces dernières années, il y a encore 99 écoles mixtes, dont 74 dans des communes qui ont plus de 500 habitants, et 20 au moins de ces écoles reçoivent 100 élèves !

plus de

La loi de 1850 n'aurait pas été conçue autrement si l'on

avait tenu à encourager l'indifférence des communes en matière d'instruction primaire, et, de fait, pendant les dix premières années de l'Empire, il se créa

la population rurale non agglomérée.

peu d'écoles pour

Ce fut seulement vers 1860 que les pouvoirs publics commencèrent à s'inquiéter de l'état d'infériorité où se trouvait la France vis-à-vis des nations voisines.

Sous le ministère Rouland, une grande enquête fut ordonnée et les résultats en furent publiés en 1866 par les soins de M. Duruy avec ce titre : État de l'instruction primaire en 1864, d'après les rapports officiels des inspecteurs d'académie. Complément de la statistique de 1863.

La plupart des inspecteurs d'académie y constatent que dans beaucoup de départements les communes n'avaient pas même rempli l'obligation stricte d'entretenir une école par commune.

Celui du Doubs se plaint que nombre de maisons d'écoles ne sont pas habitables : « Peut-on dire, ajoute-t-il, que la condition légale est remplie et que les communes les entretiennent sur leurs propres ressources alors que l'entretien se borne à mériter une interdiction ? »

Dans la Sarthe, l'inspecteur demande que les communes de 600 âmes et au-dessus soient tenues d'entretenir une école spéciale de filles; il n'ose pas encore parler en faveur des hameaux.

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Celui de la Savoie signale 26 hameaux pourvus d'écoles, mais elles sont, dit-il, mal installées, mal dirigées par des personnes qui n'ont pas de brevet de capacité et qui ne pourront jamais en obtenir un. Il s'agit de réorganiser celles qui existent et d'en créer dans des hameaux qui n'en ont pas. Pour plusieurs de ces hameaux, il a été fondé des rentes

qui permettent une organisation complète; mais lorsque les ressources manquent, l'on considère les classes comme les annexes des écoles des chefs-lieux, et la direction en est confiée à des adjoints ou à des adjointes recevant l'impulsion des instituteurs et des institutrices titulaires qui sont responsables, et envoyant aux écoles du chef-lieu les enfants assez forts pour faire le trajet sans danger. »

Dans la Corrèze, la situation est analogue: là aussi les écoles de hameau sont confiées à des maîtres adjoints et annexées à l'école du chef-lieu.

Dans la Haute-Loire, où il semblait que, grâce aux béates qui tenaient une école dans les coins reculés, l'instruction fût plus répandue et assez bien donnée, l'inspecteur réclame des créations d'écoles « afin de retirer des écoles irrégulières des béates un nombre considérable d'enfants qui n'apprennent rien que le catéchisme oralement, pas même le plus souvent à lire. »

Dans les Ardennes, on demande que des écoles soient établies dans toute section de 150 habitants éloignée de 2 kilomètres du chef-lieu, et le Pas-de-Calais réclame à son tour une école pour les hameaux comptant 400 habitants et situés à 4 kilomètres du centre communal.

Dans l'Ardèche, l'inspecteur veut organiser des écoles temporaires dans les hameaux dont les enfants ne peuvent pas fréquenter les écoles du chef-lieu et en faire des annexes de ces dernières.

Des vœux semblables sont émis pour l'Ain et l'Hérault. Dans les Vosges, «la dissémination des habitants, dit l'inspecteur d'académie, a rendu nécessaire la création d'écoles temporaires et publiques dans les hameaux. Sans ces écoles, que deviendraient les enfants qui habitent des

maisons, des fermes isolées, distantes du chef-lieu de 4, 5, 6 et 7 kilomètres, quelquefois même 10 kilomètres? Impossible de les obliger à franchir une distance aussi considérable pour venir à l'école; dans ce cas, on crée une école de hameau; on trouve un local; quelquefois les pères de famille, le plus souvent la caisse communale, établissent un traitement de 300 francs, de 400 francs et même de 500 francs."

Qu'aurait-on pu dire pour les départements bretons, où les communes sont en général si étendues, où les écoles étaient si rares? Mais, par comparaison avec le passé, n'était-ce pas beaucoup déjà que l'on pût avoir, dans chaque commune, deux écoles, l'une pour les garçons, l'autre pour les filles, ou même une simple école mixte? Les inspecteurs de cette région, qui comptaient encore bien des communes dépourvues de toute école, n'osaient pas émettre de souhaits trop ambitieux, et ils auraient été satisfaits si partout l'on se fût conformé aux prescriptions de la loi de 1850.

Cette enquête, dans laquelle les inspecteurs d'académie se montrèrent moins soucieux de plaire que de donner des indications exactes sur le service dont ils étaient chargés, et ne voilèrent pas les défectuosités de l'organisation scolaire, ne fut pas stérile.

Peu de temps après, M. Duruy, alors ministre de l'instruction publique, faisait voter la loi du 10 avril 1867, dont l'article 2 était ainsi conçu :

Le nombre des écoles publiques de garçons ou de filles à établir dans chaque commune est fixé par le conseil départemental, sur l'avis du conseil municipal.

Le conseil départemental détermine les écoles publiques de filles

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