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BULLETIN MENSUEL (1er janvier 1883.)

La question du développement de la colonisation en Algérie est celle qui, pour le moment, occupe le plus l'administration de la colonie; le gouvernement français y favorisera, par son appui financier, un courant d'immigration provenant des populations des départements de France qui ont le plus souffert du phylloxera. L'acquisition des terres nécessaires à cette extension de la colonisation procurera en outre un double avantage aux indigènes : celui d'une plus-value des terres qu'ils conserveront, et celui de l'amélioration des procédés de culture que leur vaudra l'exemple de leurs nouveaux voisins. En même temps le conseil supérieur de l'Algérie presse l'exécution des trois grandes lignes de chemins de fer qui doivent être prolongées vers l'intérieur : la première allant d'Alger à Laghouat et à Ghardaïa, avec embranchement ultérieur sur Ouargla, de manière à relier le Mzab, nouvellement annexé, au chef-lieu de la colonie; la seconde, d'Oran à Aïn Sefra, et la troisième, de Constantine à Biskra et à Touggourt. Ghardaïa, la principale ville du Mzab, aura un poste fortifié, et sera mise en communication par une ligne télégraphique avec Laghouat et Alger au nord, Metlili au sud, et Ouargla au S.-O. L'occupation du Mzab, combinée avec celle du sud-oranais, complète une ligne solide d'avant-postes, qui permettra de prévenir les insurrections dont le foyer se trouve d'ordinaire parmi les tribus dissidentes du Sahara. D'après les journaux français un mouvement de troupes se prépare pour le mois de janvier : une colonne partira de Géryville et se dirigera sur Laghouat, d'où elle s'avancera vers le sud, afin d'appuyer une demande de réparation aux Touaregs pour le massacre de la mission Flatters.

Le capitaine Bernard, ancien compagnon du colonel Flatters, a conçu le plan d'une nouvelie expédition scientifique vers le Soudan, pour laquelle il profiterait des renseignements fournis par les missions précédentes sur la route à suivre. Elle serait organisée militairement, et assez forte pour se passer de l'appui douteux des chefs de tribus et faire face à tout danger; elle compterait vingt membres français, 80 cavaliers spahis, 100 tirailleurs, et 950 chameaux de bât. Profitant de la carte fournie par les deux missions du colonel Flatters, l'expédition irait droit devant elle, en suivant un itinéraire déterminé; tout en avançant avec prudence, elle construirait à mesure un chemin de fer, et, par un fil télégraphique, demeurerait en rapport avec les postes du sud

de l'Algérie, de manière à en obtenir, le cas échéant, les secours nécessaires. Le chemin de fer ne serait qu'une voie de pénétration.

Il n'est pas facile d'apprendre avec certitude ce qui se passe dans le Soudan égyptien. L'annonce de l'expédition envoyée du Caire au secours de Khartoum paraît cependant avoir eu un bon effet. Le gouverneur Abd-el-Kader aurait, d'après une dépêche télégraphique adressée au gouvernement égyptien, battu les troupes de Mohamed Hamed; celles qui occupaient El-Obeïd auraient été repoussées, et l'arrivée d'un premier détachement égyptien, parti de Souakim, aurait assuré la sécurité de Khartoum.— Quand la révolte aura été complètement réprimée, le gouverneur reprendra sans doute le plan qu'il a exposé aux principaux négociants de cette ville, pour relever le commerce de cette partie de l'Égypte. D'après ce plan, le commerce sera désormais libre dans le bassin du Nil Blanc, à l'exclusion toutefois de l'ivoire qui demeurera le monopole du gouvernement. Pour maintenir des communications régulières avec le haut fleuve, il partira tous les deux mois un steamer pour le Bahr-el-Ghazal ; d'autres iront, tous les quinze jours, de Khartoum à Berber, à Sennaar et à Fachoda. — Pour l'extinction de la traite il sera créé un bureau spécial, avec un inspecteur général, deux secrétaires et des soldats à ses ordres; partout où le besoin s'en fera sentir, le chef du bureau installera des inspecteurs et un cordon militaire; il aura ainsi tous les moyens de surveiller les grandes routes et les che-mins détournés, pour arrêter la contrebande d'esclaves aux frontières.. Il y a déjà des inspecteurs à Nuba et à Chaka; il y en avait un à Fachoda, M. Berghoff, qui a été tué par les troupes du faux prophète, lors de l'attaque tentée contre elles au Gebel-Guebir par Youssoufpacha. Des postes seront établis au Darfour, au Fazogl et dans le Galabat; des mesures rigoureuses seront prises à l'égard des ports de la mer Rouge, ainsi que dans le Harar, et pour les stations intermédiaires de passage à l'intérieur, El-Obeïd, Messalamieh, Gadaref, réputées pour être les principaux dépôts d'esclaves.

Emin-bey, administrateur des provinces de l'Égypte équatoriale, au gouvernement duquel a été ajouté le district du Sobat, s'est. rendu chez les Chillouks, dans le territoire desquels il veut établir une station; ils l'ont bien reçu, et ont offert de lui fournir les matériaux de construction nécessaires. Il en créera aussi une chez les Toudjs, pour maintenir les communications postales entre celles de Sobat et de Bor, de manière à avoir un courrier tous les mois. A son retour à Lado, il a reçu de Kabréga un présent d'ivoire, de sel et de café, avec une invita

tion à venir chez lui, et l'offre de lui envoyer des gens pour l'escorter. Mbio et d'autres princes Niams-Niams et Mombouttous l'ont instamment prié de venir les délivrer des incursions des Danaglas du Bahr-elGhazal. Sa province étant tout à fait tranquille, il comptait se rendre, par une route inexplorée jusqu'ici, dans le Makaraka et dans le Mombouttou, où il a dû conduire M. Eraldo Dabbene, jeune Piémontais, entomologiste distingué, qui avait offert ses services au gouvernement égyptien pour une étude spéciale sur les insectes nuisibles à l'agriculture en Égypte, mais avait été empêché par la révolte d'Arabi-pacha d'exécuter son projet. Il s'était rendu alors au Soudan, où il entra en rapport avec Emin-bey, qui l'emmena à Lado, et l'a pris avec lui dans son voyage où il compte rencontrer le Dr Junker.

Avant de parler des explorations de ce dernier, nous devons communiquer à nos lecteurs un rapport fait à Lupton-bey, gouverneur de la province du Bahr-el-Ghazal, sur la découverte d'un lac dans l’Afrique centrale à l'ouest de l'Albert Nyanza, lac de la grandeur du Victoria. Depuis le premier voyage de sir Samuel Baker, l'existence d'un lac plus occidental avait été annoncée plusieurs fois, sans avoir jamais pu être constatée positivement. Tout récemment Rafaï-Aga, chef d'une des stations de Lupton-bey, dans le territoire des NiamsNiams, revenu d'un long voyage, a dit à son maître avoir vu, lui et quelques-uns des membres de l'expédition, un grand lac dans le pays des Barboas, tribu puissante, cuivrée, et vêtue d'étoffes singulières faites d'herbes. Il en a rapporté des spécimens dont Lupton-bey a envoyé des échantillons en Europe. Partie de Dem-Békir, par 6°,52' lat. N., et 24°,2′ long. E. de Paris, l'expédition marcha pendant 20 jours vers le S.-O., jusqu'au Bahr-el-Makouar, qu'elle traversa après avoir visité plusieurs fles très grandes, habitées par une tribu de nègres cuivrés appelés Basangos. Le Makouar se verse dans l'Ouellé; il est beaucoup plus grand que ce dernier; après leur réunion ils coulent dans une direction 0.-S.-O. Du Makouar, l'expédition atteignit en 10 jours de marche la résidence du sultan de Barboa, qui fit bon accueil aux voyageurs; un trajet de quatre jours encore les amena aux bords du lac, nommé par les indigènes Key-el-Aby. Quand le temps le permet les Barboas, qui habitent à l'est du lac, le traversent en trois jours, dans de grands bateaux qui portent parfois jusqu'à 60 hommes; ils reçoivent des indigènes de la région occidentale des perles de verre bleu, du fil de cuivre, des cauries, et disent que ces objets sont apportés de l'ouest par des trafiquants qui emmènent des esclaves et de l'ivoire. D'après les renseignements qu'il a

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